M. le ministre a sans doute oublié que le Président de la République a été l’un des grands artisans de la mise en œuvre du CICE. Je défendais, pour ma part, une position contraire à la sienne, et nous avons eu à l’époque des débats assez houleux, et en tout cas sérieux.
Le CICE a été institué non pas pour créer de l’emploi, mais pour améliorer la compétitivité des entreprises. Un débat politique assez serré s’est tenu pour savoir comment mettre en application les préconisations du rapport Gallois, qui faisait effectivement la part belle à l’amélioration de la compétitivité coût. De fait, rien ou presque n’a été entrepris pour améliorer la compétitivité hors coût, et nous enregistrons encore un retard gravissime en matière de robotisation, d’investissement, de recherche, de développement de filières industrielles. Des choix dramatiques ont été faits – je pense notamment au cas d’Alstom. On peut toujours baratiner sur la compétitivité, mais, quand on n’a plus d’entreprises, la question ne se pose plus !
Il y avait eu un débat pour déterminer si le bénéfice du CICE devait être général ou ciblé et assujetti à des critères, afin que l’argent n’aille pas à des entreprises n’en ayant pas besoin, par exemple celles de la grande distribution. Pour s’opposer à un tel ciblage, on a prétendu qu’il serait inconstitutionnel. De mon point de vue, cet argument ne vaut pas, dès lors qu’il ne s’agit pas d’un allégement de cotisations sociales. Le CICE étant un crédit d’impôt, son octroi pouvait être conditionné, par exemple, à la conclusion d’un accord de branche ou de filière garantissant une amélioration de la compétitivité.
Le choix que vous faites aujourd’hui change encore la nature de cette affaire, car le CICE pourrait être requalifié en aide publique. Je le redis, le CICE étant un crédit d’impôt, et non un allégement général de cotisations, son octroi pourrait être subordonné à certains critères. Par exemple, un remboursement partiel pourrait être demandé en cas de délocalisation. Mais dès lors qu’on le transforme en allégement de cotisations, on se prive de toute possibilité de poser des conditions, de fixer des critères, d’exiger des contreparties ou de demander un remboursement en cas de délocalisation !