L’amendement n° 561 vise à reporter d’une année la réforme défendue par le Gouvernement. Permettez-moi de rappeler le sens de cette réforme.
Il s’agit d’opérer, en outre-mer comme dans le reste du pays, le basculement du CICE vers des exonérations de charges sociales. Des spécificités des territoires d’outre-mer ont d’ailleurs déjà été prises en compte dans la LODEOM. Nous partons de beaucoup moins loin que dans le reste du pays.
Dès lors que le premier étage de la fusée de la réforme nationale s’impose aussi aux territoires d’outre-mer, nous avons essayé de travailler sur la manière de prendre en considération les spécificités de ceux-ci, de répondre à leurs besoins dans le cadre d’une enveloppe constante, puisque tel était l’exercice auquel nous devions nous livrer : faire des propositions de réforme à enveloppe constante.
L’enveloppe est bien constante. Nous n’avons pas aujourd’hui les mêmes chiffres que ceux qui sont fournis par un certain nombre d’études, mais nous travaillons depuis plusieurs mois pour rapprocher les chiffres et faire des exercices pratiques, entreprise par entreprise, secteur par secteur.
Voilà de nombreuses semaines que nous rencontrons le milieu économique, et je crois honnêtement que nous allons arriver à une issue la plus juste possible. Il serait dommage de ne pas pouvoir y parvenir.
On a parlé de secteurs importants, comme le BTP. Oui, le BTP est dans cette réforme, il en est même l’un des gagnants : pas sur la totalité des salaires, puisque des seuils sont prévus, mais il en sera tout de même un grand gagnant. De même, le tourisme, dont vous avez tous parlé, sera un grand gagnant de cette réforme, y compris la plaisance. Posons-nous donc les vraies questions !
J’entends bien que l’on nous demande de prendre plus de temps, mais je crois honnêtement que, en quinze jours, soit d’ici à la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, nous sommes en mesure, avec l’ensemble des entreprises, d’arriver à une proposition satisfaisante.
En première lecture à l’Assemblée nationale, nous avons apporté une première réponse à des secteurs qui n’avaient pas été, ou pas suffisamment, pris en compte, comme la presse, les transports maritimes, les transports aériens et la communication. Nous avançons aujourd’hui une proposition forte pour la Guyane, qui répond à une demande spécifique de ce territoire.
Nous savons que les cas de Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont un peu différents, puisqu’il n’y a pas de CICE dans ces territoires. Nous avons donc une réponse différente à apporter, et j’entends bien la proposition formulée par le sénateur Magras pour Saint-Barthélemy. Il est vrai qu’elle répond à une réalité de ce territoire, mais tous les territoires ont leurs réalités, et des secteurs qui méritent que nous échangions ensemble davantage encore. Nous allons le faire dans les quinze prochains jours.
Il faut se dire les choses clairement : si nous supprimons cette réforme pour l’année prochaine, ceux qui aujourd’hui ne parlent pas beaucoup, parce qu’ils en sont les gagnants – vous savez très bien que les gagnants s’expriment peu, mais que les quelques perdants s’expriment avec force, moyennant quoi il faut les écouter, ce que je fais en les voyant régulièrement –, il faudra leur expliquer que, de gagnants, ils deviendront perdants !
L’année prochaine, ils auront la possibilité de cumuler la réforme des exonérations et les 500 millions d’euros de CICE. Prenons bien en compte ces 500 millions d’euros de CICE pour les territoires d’outre-mer : cela n’est pas banal et n’arrivera pas deux fois.
Prenons en compte également le fait que, dans les territoires d’outre-mer, la vraie difficulté est le taux de chômage des jeunes ; à cet égard, madame Conconne, je ne suis pas d’accord avec vous. Dans certains territoires ultramarins, ce taux dépasse les 40 %, avec des jeunes très peu formés ! Si l’on avait su répondre à ce problème par le passé, on n’aurait pas ces taux-là. C’est donc que les réformes mises en œuvre jusqu’ici n’étaient pas au bon niveau.
L’attractivité des territoires, ce n’est pas seulement les salaires : ce sont aussi les écoles, les routes, l’eau et l’assainissement. Le Gouvernement propose aussi d’agir dans ces domaines, en accompagnement de la réforme des exonérations. Permettez-moi de passer en revue rapidement les différentes propositions.
Pour la Guyane, vous l’avez entendu, la réponse est là. Je pense honnêtement que, avec le travail complémentaire qui va être accompli sur les seuils, la Guyane sortira de cette réforme, au total, dans une situation identique à celle qu’elle connaît actuellement grâce aux aides. C’est d’ailleurs normal, compte tenu des conditions de ce territoire.
S’agissant plus spécifiquement de l’accueil et de l’hébergement des personnes âgées, Madame Jasmin, votre amendement est satisfait, puisque les exonérations accordées à ce secteur vont passer de 46 à 65 millions d’euros par an.
Madame Conconne, monsieur Magras, vous avez soulevé la question de l’économie bleue. La France possède le deuxième domaine maritime au monde et le premier en Europe. Vous savez que mon combat est celui-là depuis les années 2000. Ce secteur sera largement pris en compte à l’issue des négociations en cours. Nous y travaillons aussi en matière de défiscalisation ; vous le savez, des réponses seront apportées sous peu.
En ce qui concerne les services aéroportuaires, il s’agit en effet d’une activité peu délocalisable. On voit bien que l’on a fait des choix de secteurs, qui tiennent compte de la compétitivité, bien sûr, mais aussi du bassin dans lequel chaque territoire peut se développer avec ses entreprises. En l’occurrence, il n’y a pas de délocalisation possible.
Pour ce qui est des billets d’avion, une question à laquelle je vous sais sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs, nous menons une action résolue contre la vie chère. Comme ministre, M. Lurel avait d’ailleurs fait adopter une loi sur la régulation économique. Nous avons besoin aujourd’hui de l’évaluer, pour voir quelles en ont été les conséquences et comment l’on peut aller plus loin.
À propos des structures et des besoins en Guyane, monsieur Patient, plus particulièrement dans certains secteurs, je vous ai précédemment répondu sur le transport aérien. N’oublions pas que, dans ce secteur, une réglementation internationale et européenne s’applique, qui est indispensable et que nous devons surveiller de près. D’où la difficulté pour le Gouvernement d’émettre un avis favorable sur votre amendement.
J’ai déjà parlé du BTP et du tourisme ; je n’y reviens pas.
S’agissant des différents scénarii qui vous seront présentés d’ici à la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, ceux-ci devraient répondre à la préoccupation exprimée sur les seuils. Il nous faut lutter contre le chômage de masse des jeunes non formés. Au-delà du plan formation, nous devons leur donner leur première chance. C’est pourquoi nous allons jusqu’au « zéro charge », un dispositif particulier à l’outre- mer que je soutiens largement. Nous prendrons en compte certaines spécificités, à travers des changements dans les seuils.
On a affirmé qu’il n’y avait pas eu une concertation suffisante, ni suffisamment de chiffres fournis. Je ne suis pas d’accord. Les chiffres macroéconomiques ont été donnés en juin dernier, les chiffres microéconomiques en septembre dernier : c’est tard, mais ils ont été donnés. D’autres chiffres devaient être fournis, mais je fais face au secret statistique, qui m’empêche de fournir un certain nombre de données généralisées ou par secteur. En revanche, je puis répondre à des cas particuliers venant des différents territoires d’outre-mer et des différents secteurs ; c’est ce que nous faisons depuis quelques mois déjà et que nous allons continuer à faire dans les quinze jours qui viennent.
Je ne m’énerve pas plus que cela quand on me fait des remarques, monsieur Lurel ! Ainsi, l’outre-mer a vécu en 2013 un coup de rabot sur les exonérations de 90 millions d’euros ; j’étais parlementaire à l’époque et je me souviens qu’il n’y a pas eu plus d’échanges que cela. En 2015, quand l’outre-mer a subi un nouveau rabot sur les exonérations, de 80 millions d’euros, il n’y a pas eu de concertation non plus.
Les mauvais exemples ne sont pas obligatoirement à reprendre, mais je crois honnêtement que, dans les quinze jours qui sont devant nous, nous pouvons travailler tous ensemble pour aboutir à une réforme à la hauteur de ce que les territoires d’outre-mer attendent et, surtout, qui réponde aux objectifs du Gouvernement et assure la cohérence entre le cadre national et la prise en compte de la différenciation voulue par le Président de la République dans les territoires d’outre-mer.