Je ne reviendrai pas sur le budget général de l'Afitf, que vous a déjà présenté notre collègue Gérard Cornu. Je commence directement par les crédits du programme 203 « Infrastructures et services de transport » et j'évoquerai à cette occasion les fonds de concours prévisionnels de l'Afitf, tout en vous rappelant qu'il ne s'agit à ce stade que d'estimations, son budget définitif devant être adopté en décembre.
Pour le développement de nouvelles infrastructures routières, toutes les dépenses sont prises en charge par l'Afitf et les collectivités territoriales. Les fonds de concours correspondants sont évalués à 589 millions d'euros, 389 millions provenant de l'Afitf et 200 millions des collectivités territoriales.
Pour l'entretien du réseau existant, 318 millions d'euros sont prévus, auxquels s'ajoutent 516 millions d'euros de fonds de concours, dont 496 millions de l'Afitf. En conséquence, la totalité des crédits affectés à l'exploitation et à l'entretien du réseau routier national, issus de l'État comme de fonds de concours, atteindrait 833 millions d'euros.
Ce montant confirme l'augmentation entamée l'année dernière, après plusieurs années de sous-investissement dans le réseau, ainsi que la priorité donnée par le Gouvernement à la modernisation des réseaux existants. Les sommes allouées à l'entretien et à la modernisation du réseau ont varié entre 610 et 670 millions d'euros entre 2011 et 2015, avant de passer à 743 millions en 2016, 680 millions en 2017, et 812 millions en 2018.
Ces années de sous-investissement se sont traduites par une détérioration de l'état de nos chaussées et ouvrages d'art. La proportion des chaussées en bon état structurel est passée de 85,4 % en 2011 à 82,2 % en 2016 et la note mesurant l'état général du réseau a diminué au cours de la même période, de 16,8 à 16,1.
Je n'aborde pas la question des ouvrages d'art, qui font l'objet d'une mission d'information conduite au sein de notre commission, ce dont je me félicite.
Notre commission avait donné l'alerte sur cette situation au cours d'une table ronde organisée en mars 2017. Depuis, le Conseil d'orientation des infrastructures s'est penché sur la question, et deux audits ont été menés, l'un par les services du ministère, l'autre par des cabinets d'étude suisses.
L'ensemble de ces travaux conclut qu'il faudrait un milliard d'euros par an pour enrayer la dégradation du réseau. Nous n'y sommes donc pas encore, et devrons être vigilants à ce sujet lors de l'examen du volet programmation du projet de loi d'orientation des mobilités. Nous pouvons néanmoins saluer l'accroissement de ce poste de dépenses depuis deux ans. Ce milliard pourrait être atteint si l'on mettait en place une taxation des poids-lourds, qui rapporterait 500 millions d'euros supplémentaires.
Les transports routiers seront également dotés de près de 3 millions d'euros pour la définition et l'application des réglementations dans ce domaine, notamment les actions de contrôle, et de près de 2 millions d'euros pour l'accompagnement économique et social des professions en difficulté.
Je termine cette présentation des crédits par le compte d'affectation spéciale qui finance les « aides à l'acquisition de véhicules propres ».
Ce compte est alimenté par les recettes du malus automobile. Il finance le bonus automobile, versé à l'achat d'un véhicule neuf peu émetteur de CO2, et la prime à la conversion, parfois aussi appelée « prime à la casse », versée lorsque l'achat d'un véhicule peu émetteur de CO2 s'accompagne de la mise au rebut d'un véhicule ancien polluant.
Le barème du malus est fixé dans la première partie de la loi de finances. Le projet de loi de finances initial proposait de le durcir, en abaissant le seuil d'application du malus à 117 grammes de CO2 par kilomètre, au lieu de 120 grammes de CO2 par kilomètre en 2018 et 127 grammes en 2017.
Ce barème a été modifié à l'Assemblée nationale, pour deux raisons.
La première résulte d'un changement de méthodologie de mesure des émissions de CO2. Depuis le 1er septembre 2018, un nouveau cycle d'essai, dit WLTP (Worldwide harmonised Light vehicle Test Procedure), a remplacé le cycle NEDC (New European Driving Cycle) lors des essais d'homologation des véhicules pour déterminer les émissions de CO2 de toutes les voitures neuves. Il est destiné à mesurer de façon plus réaliste les émissions des véhicules. Mais le système d'immatriculation des véhicules (SIV), en cours de modification, ne pourra indiquer qu'à partir de fin 2019 la valeur d'émission réellement mesurée selon la méthode WLTP sur le certificat d'immatriculation. En attendant, il a été décidé de recalculer a posteriori la valeur des émissions qu'aurait obtenu un véhicule selon la méthode NEDC, à partir de la valeur réellement mesurée par la méthode WLTP. La Commission européenne a développé un outil pour cela. Mais il est apparu que la méthode de corrélation entre les valeurs NEDC et WLTP surestime la valeur des émissions de 4%. Le nouveau barème adopté à l'Assemblée nationale vise donc à rectifier le barème pour ne pas augmenter artificiellement les recettes du malus.
Ensuite, le barème a été modifié pour obtenir 40 millions d'euros de recettes supplémentaires, en raison du succès de la prime à la conversion. Au total, les recettes du malus sont estimées à 610 millions d'euros en 2019.
Les barèmes du bonus et de la prime à la conversion seront quant à eux fixés par la voie réglementaire, mais nous en connaissons déjà les grandes lignes.
Depuis 2018, le bonus n'est applicable qu'à l'achat de voitures ou camionnettes électriques, dans la limite de 6 000 euros. Il peut également être perçu pour l'achat de 2 ou 3 roues électriques qui n'utilisent pas de batterie au plomb. La seule modification envisagée pour 2019 est de limiter l'octroi du bonus aux véhicules de moins de 60 000 euros. J'aimerais d'ailleurs que nous ayons un débat sur ce sujet, car je n'y suis pas favorable.
La prime à la conversion a été renforcée en 2018, par un élargissement du nombre de bénéficiaires potentiels : une prime peut désormais être touchée pour l'achat d'un deux ou trois roues en échange de la destruction d'une voiture ou d'une camionnette ancienne polluante, et la prime octroyée pour l'achat de véhicules électriques ou thermiques neufs ou d'occasion, auparavant réservée aux ménages non imposables, est accessible à l'ensemble des ménages. Elle a rencontré un certain succès, puisque 300 000 primes devraient être versées d'ici la fin de l'année. D'ailleurs, 346 millions d'euros sont prévus pour le financement de la prime à la conversion en 2019, pour 122 millions d'euros en 2018.
D'après l'exposé des motifs de l'amendement présenté à l'Assemblée nationale, le Gouvernement prévoit d'étendre la prime à la conversion bonifiée de 2 500 euros aux véhicules hybrides rechargeables neufs, ainsi que, pour les ménages non imposables, aux véhicules électriques et hybrides rechargeables d'occasion.
Ce matin, le Premier Ministre a par ailleurs annoncé qu'une « super prime » de 4 000 euros serait mise en place pour les ménages les plus modestes.
Au regard de l'effort important en faveur de l'entretien et la modernisation du réseau routier, ainsi que des nouvelles orientations du bonus-malus, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2019 consacrés aux transports routiers, en attendant des débats plus approfondis dans le cadre du projet de loi d'orientation des mobilités sur les années à venir.
Pour terminer, j'aimerais revenir brièvement sur le plafonnement à 60 000 euros du prix des véhicules pouvant bénéficier d'un bonus. Étant donné qu'il sera fixé par décret, il n'est pas possible de déposer un amendement pour en empêcher l'application. Le ministre de la transition écologique et solidaire justifie ce plafond, en expliquant que ceux qui ont les moyens d'acheter un véhicule de plus de 60 000 euros n'ont pas forcément besoin de percevoir un bonus de 6 000 euros. Cependant, parmi les véhicules peu polluants, on trouve, à côté des véhicules électriques, des véhicules à hydrogène, dont le coût dépasse 60 000 euros. L'hydrogène ne pose pas de problème de requalification des batteries, il permet de parcourir entre 600 et 700 kilomètres avec un plein, et le plein d'hydrogène se fait aussi rapidement qu'un plein d'essence. Avec un tel plafond, la société de taxi Hype, qui a acheté cette année 25 véhicules hydrogènes et qui prévoit d'en acheter 100 supplémentaires, ne pourrait pas bénéficier de ce bonus. J'aimerais avoir votre avis sur cette question.