Il me revient de vous présenter les crédits relatifs au transport aérien pour l'année 2019.
Contrairement à ceux dédiés aux transports ferroviaire, routier et maritime, les crédits alloués à la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) pour lui permettre d'effectuer ses missions de régulation et de contrôle du transport aérien ne sont pas retracés dans une mission budgétaire, mais dans un budget annexe.
Cela s'explique par le fait que ces missions sont financées par le seul biais des taxes et de redevances qui pèsent sur le transport aérien, en particulier les redevances de navigation aérienne et la taxe de l'aviation civile.
Je ne m'étendrai pas longtemps sur le budget de la DGAC, dont les recettes augmenteront légèrement l'année prochaine, de 0,7 %, une dynamique beaucoup moins rapide que celle du trafic aérien. Quant aux dépenses, hors charge de la dette, elles augmenteront de 0,4 %, principalement du fait de l'accroissement des dépenses de personnel consécutif à la poursuite de l'application du protocole social 2016-2019, qui prévoit des gains de productivité en contrepartie de revalorisations catégorielles.
La DGAC devrait dégager l'année prochaine un excédent d'exploitation de 364 millions d'euros, qui lui permettra de se désendetter à hauteur de 71 millions d'euros, et de financer près de 300 millions d'euros d'investissements dans le renouvellement des instruments de navigation aérienne. Le désendettement de la DGAC se poursuit, donc, sans entraver le maintien d'un haut niveau d'investissements, ce qui est positif.
J'aimerais surtout, ce matin, revenir sur trois sujets d'actualité pour le secteur aérien français : la situation d'Air France, la privatisation d'Aéroports de Paris et les Assises du transport aérien.
Je commence par la situation d'Air France et du pavillon français. Il y a quelques jours, le groupe Air France a publié ses résultats du troisième trimestre 2018, qui montrent une nette progression du chiffre d'affaires, de 4 %, mais une baisse du résultat d'exploitation de 66 millions d'euros en raison de la hausse du prix du carburant.
La compagnie Transavia poursuit pour sa part son développement, avec un déploiement prévu à Nantes et à Lyon l'année prochaine, et voit on chiffre d'affaires progresser de 25 %. Cependant, la croissance de cette compagnie se heurtera bientôt à l'obstacle que constitue l'accord signé entre la direction d'Air France et les pilotes, qui dispose que la flotte de Transavia ne peut dépasser un plafond de 40 avions - aujourd'hui, cette flotte est de 38 avions.
La nouvelle compagnie Joon poursuit également son développement, et vient remplacer Air France sur un certain nombre de lignes où la concurrence est très forte.
Quant à la filiale HOP !, elle rencontre plusieurs difficultés qui se traduisent par une dégradation de la qualité de service. La diversité de sa flotte, issue de la fusion de trois compagnies, pose des difficultés de gestion car elle implique des qualifications de pilotes et de techniciens différentes. Par ailleurs, la compagnie doit faire face à un départ de ses pilotes vers Air France, en raison d'un accord entre les deux compagnies qui prévoit qu'un tiers des pilotes recrutés par Air France puissent venir de HOP !.
Au total, le groupe Air France profite de la croissance du trafic aérien, qui était l'année dernière de 6,1 % en France et de 8,6 % en Europe, mais il en profite moins que ses concurrents. En conséquence, la part de marché du pavillon français sur les flux à l'arrivée et au départ de France métropolitaine a continué de décroître l'année dernière, de 0,8 point. 0,8 point, c'est d'ailleurs la perte moyenne de parts de marchés du pavillon français, chaque année, depuis 10 ans...
Surtout, Air France a dû affronter cette année un conflit social d'ampleur, autour des revendications salariales portées par les syndicats, qui s'est traduit par le départ du directeur général du groupe Jean-Marc Janaillac, et qui a coûté à la compagnie 335 millions d'euros.
Le changement de gouvernance, avec l'arrivée de Benjamin Smith a la tête du groupe, a permis de débloquer la situation, et un accord a finalement été conclu 19 octobre dernier, qui prévoit une revalorisation salariale de 2 % en 2018, pour un coût de 42 millions d'euros, et de 2 % en 2019. Tout n'est pas terminé, toutefois, puisque des négociations catégorielles se poursuivent avec les syndicats de pilotes, qui réclament une revalorisation supplémentaire.
EasyJet, pour sa part, poursuit sa croissance en France, fort de son modèle économique basé sur des vols court/moyen-courrier en Europe point à point, sans escales. La compagnie représente aujourd'hui 17 % du trafic aérien français, effectue 250 liaisons en France, et participe à la création de nouvelles lignes en province, comme les lignes Bordeaux-Milan, Toulouse-Berlin ou Lyon-Copenhague.
J'en viens maintenant à la privatisation du groupe Aéroports de Paris (ADP). Le projet de loi « PACTE » organise les conditions du transfert au secteur privé de la société ADP.
En contrepartie de la privatisation du groupe, il prévoit de limiter à 70 ans la durée d'exploitation par ADP des aéroports parisiens, période à l'issue de laquelle les actifs, aujourd'hui en pleine propriété d'ADP, devront être retournés à l'État, moyennant une indemnisation des actionnaires. L'État pourra, à cette date, confier la concession de ces aéroports à un nouvel exploitant.
En parallèle, le projet de loi prévoit de renforcer le contrôle de l'État sur la gestion des aéroports parisiens, en « musclant » le cahier des charges auquel est soumis ADP, afin que l'État puisse avoir son mot à dire sur les nominations des dirigeants d'ADP - qui seront agréés par lui -, sur les projets de cession de biens et de participations, ou sur les principaux projets d'investissement.
Il consacre également dans la loi la pratique de la « double caisse », en vertu de laquelle les activités commerciales et de service sont exclues du périmètre du calcul des redevances aéroportuaires. Ce point suscite beaucoup de mécontentement chez les compagnies aériennes, qui s'inquiètent de l'évolution des redevances aéroportuaires, à l'avenir.
Certes, le contrat de régulation économique signé entre ADP et l'État continuera de fixer un plafond annuel d'évolution de ces redevances. Cependant, le contrôle par le régulateur, l'autorité de supervision indépendante (ASI), qui homologue les tarifs annuels des redevances aéroportuaires que les exploitants d'aéroports souhaitent appliquer, est aujourd'hui insuffisant.
En effet, l'ASI n'a pas le pouvoir de réaliser des audits pour vérifier les informations relatives aux coûts pris en compte dans le calcul des redevances, et de sanctionner les aéroports en cas de non-communication de ces informations. Il est donc nécessaire de renforcer cette régulation, en renforçant les pouvoirs de contrôle de l'ASI, afin d'en faire une véritable « Arafer de l'aérien ». Lors de son audition hier devant notre commission, la Ministre Élisabeth Borne, que j'ai interpellée sur ce point, a indiqué qu'elle était favorable au renforcement des compétences de l'ASI.
Outre la privatisation, ADP fait face à d'autres enjeux, en particulier la poursuite de ses projets d'investissements, au premier rang desquels la construction du nouveau terminal T4 à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle, dont une première partie devrait être ouverte au public en 2024, et la construction d'une partie des infrastructures du CDG-Express, dont les travaux ont débuté.
Enfin, et c'est une bonne nouvelle, les temps d'attente aux contrôles frontière se sont améliorés cette année, grâce à une augmentation du nombre d'effectifs de la police aux frontières et à l'installation de sas de contrôle automatisé à reconnaissance faciale.
Pour terminer, j'aimerais évoquer en quelques mots les Assises du transport aérien.
Ces Assises, lancées en mars dernier, ont suscité beaucoup d'attentes chez les acteurs du transport aérien. Alors qu'elles devaient se terminer au mois de septembre, leur date de conclusion a finalement été repoussée au début de l'année prochaine, compte tenu des difficultés survenues chez Air France.
Deux mesures ont d'ores et déjà été annoncées par la Ministre des transports. Premièrement, une augmentation des crédits dédiés aux lignes d'aménagement du territoire. Après des années de baisse de ces crédits, il s'agit d'une bonne nouvelle, même si une grande partie de ces moyens supplémentaires serviront à financer la desserte aérienne de Saint-Pierre-et-Miquelon, et que les moyens restants ne devraient permettre d'ouvrir que deux ou trois lignes supplémentaires. Deuxièmement, une baisse du montant de la majoration de la taxe d'aéroport, qui représenterait pour les compagnies une économie de 50 millions d'euros.
Bien que positives, ces deux mesures sont loin d'être suffisantes pour permettre aux compagnies françaises de rattraper leur déficit de compétitivité par rapport à leurs concurrents.
Lors de mes auditions, j'ai cru comprendre que de nouvelles annonces pourraient intervenir d'ici la fin de l'année, en particulier sur la taxe de solidarité, dite « taxe Chirac », pour laquelle nous sommes nombreux à demander un élargissement de l'assiette, qui pèse aujourd'hui uniquement sur le transport aérien. Les compagnies réclament d'autres gestes, comme le partage des coûts de sûreté dans les aéroports, qui sont actuellement financés à 100 % par la taxe d'aéroport pesant sur les compagnies aériennes, ou des simplifications réglementaires.
J'attends donc avec impatience les mesures qui sortiront de ces Assises, en espérant qu'il ne s'agisse pas d'un énième rendez-vous raté.
Voilà, mes chers collègues, les principaux éléments que je voulais vous communiquer sur les transports aériens. Compte tenu de l'assainissement du budget de la DGAC, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du transport aériens du projet de loi de finances pour 2019.