Je tiens tout d'abord à vous remercier, madame la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly, auteure et rapporteure de ce texte pour votre investissement sur la question des enjeux liés au numérique. J'ai pris connaissance de votre rapport, publié en juin dernier, et vous avez raison : il est grand temps de se former et de prendre en main notre destin numérique.
L'un des axes de votre réflexion portait sur la nécessité d'apprendre à se servir des écrans et à s'en passer, en particulier pour les plus jeunes, même si vous en conviendrez, chacun peut se sentir concerné.
Cette proposition de loi reprend l'une de vos préoccupations, à savoir sensibiliser les citoyens aux bonnes pratiques et lutter contre la surexposition des jeunes enfants aux écrans, en obligeant les fabricants à inscrire sur les unités de conditionnement un message sanitaire d'avertissement.
Les potentiels effets d'une surexposition aux écrans de très jeunes enfants sont légitimement une source de questionnement et le Gouvernement partage l'objectif de mieux communiquer sur des repères dans l'usage des outils numériques. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel s'est saisi de cette question il y a près de dix ans et nous mesurons aujourd'hui combien cette alerte était nécessaire ; cet enjeu demeure plus que jamais d'actualité.
Néanmoins - c'est là où nos méthodes divergent -, les données manquent quant à l'ampleur de l'exposition des enfants de moins de trois ans aux écrans et surtout quant aux effets d'une surexposition des très jeunes enfants aux écrans. Les prises de position publiques de certains acteurs établissant un lien entre surexposition aux écrans et autisme virtuel ont récemment fait l'objet de vives contestations, et nous ne pouvons pas nous permettre d'éluder les faits scientifiques lorsque l'on impose à des acteurs extérieurs un message de santé publique. Saisi par la ministre des solidarités et de la santé le 1er août dernier, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) doit faire une analyse des risques pour l'enfant et son développement de l'usage des écrans, ainsi qu'une étude des effets pathologiques et addictifs des écrans. Nous attendons la synthèse de ses travaux et ses recommandations pour élaborer une nouvelle campagne nationale de prévention sur le sujet et diffuser de l'information basée sur des preuves. Cette étude concerne les 0-18 ans, mais nous avons insisté sur la nécessité de porter une attention particulière aux 0-6 ans.
Si notre méthode diffère, soyez assurés que le Gouvernement partage vos inquiétudes, comme en témoigne le plan « Priorité Prévention », présenté en mars dernier par le Premier ministre et Agnès Buzyn. Ce plan prévoit de créer des repères sur l'usage des écrans destinés aux proches de jeunes enfants et de réaliser une campagne d'information sur ces repères ainsi que sur les bonnes pratiques en matière de temps passé devant les écrans.
En outre, le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge va amorcer une réflexion sur le sujet au premier trimestre 2019. Par ailleurs, les états généraux des nouvelles régulations numériques sont un espace de discussions et d'échanges. Nous ne sommes pas seuls à réfléchir sur ces sujets. Le mouvement doit aussi être européen, voire international. Notre souhait commun est de renforcer les constats scientifiques, qui doivent nous guider. Or nous estimons que les études que vous mentionnez ne constituent que des données encore trop partielles pour imposer un message sanitaire indiscutable.
Enfin, le rôle des parents revêt une importance particulière. Nous avons souvent l'occasion de le souligner dans le cadre des actions de soutien à la parentalité, être parent est une mission difficile aujourd'hui peut-être plus qu'hier : du seul poste de télévision posé dans le salon hier, les écrans se sont démultipliés dans les foyers, avec les téléphones, les ordinateurs, les tablettes, les jeux vidéo. Limiter l'accès des enfants aux écrans ne se résume plus à une surveillance intransigeante de la télécommande. Nous avons donc besoin d'évaluer le poids de l'éducation ainsi que le rôle des adultes référents dans l'usage excessif des écrans et leur régulation.