Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 14 novembre 2018 à 8h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Le 5 septembre dernier, la présidente de notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, Catherine Morin-Desailly, et plus de quatre-vingts de nos collègues ont déposé une proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans.

Lors de sa réunion du 17 octobre, la Conférence des présidents a décidé que cette proposition de loi serait intégralement examinée selon la procédure de législation en commission prévue aux articles 47 ter à 47 quinquies du règlement du Sénat, en vertu de laquelle le droit d'amendement s'exerce, sauf exception, uniquement en commission.

Elle a fixé à ce jour, mercredi 14 novembre, la date de réunion de la commission, au vendredi 9 novembre à midi le délai limite de dépôt des amendements et au mardi 20 novembre à seize heures la date et l'heure des explications de vote et du vote en séance publique sur le texte de la commission.

La réunion est ouverte à l'ensemble des sénateurs - seuls les membres de la commission de la culture prennent part aux votes - et au public. Elle fait l'objet d'une captation audiovisuelle diffusée en direct et en vidéo à la demande sur le site Internet du Sénat.

EXAMEN DU RAPPORT

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Dans le cadre de la mission que j'ai conduite sur la formation à l'heure du numérique, j'ai été très sensibilisée par plusieurs médecins, pédiatres, orthophonistes et experts de la santé sur les troubles du développement qu'ils observaient chez un nombre croissant de jeunes enfants et les liens de cause à effet qu'ils constataient entre ces fameux troubles et l'exposition précoce aux écrans de leurs jeunes patients.

D'abord, l'exposition aux écrans commence dès la petite enfance et tend à augmenter en raison de la multi-exposition des enfants aux écrans et de la possibilité d'utiliser ces derniers n'importe où n'importe quand. Même si la France dispose malheureusement de peu de statistiques, des enquêtes montrent toutefois l'ampleur du phénomène.

Selon les résultats d'une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), présentée en septembre 2018, les deux tiers des enfants de deux ans regardent la télévision tous les jours et un enfant sur deux commence à la regarder avant dix-huit mois. En outre, 8 % des enfants de moins de deux ans passent déjà plus de deux heures par jour devant la télévision. En ce qui concerne les autres écrans - tablette, smartphone, jeux vidéos -, 20 % à 30 % des moins de deux ans les utilisent au moins une fois par semaine.

Selon une enquête déclarative de l'Association française de pédiatrie ambulatoire, menée en 2016 par 144 pédiatres auprès de 197 enfants de moins de trois ans et 231 enfants de plus de trois ans scolarisés en école maternelle et primaire, l'usage des écrans débute avant trois ans, même à l'école maternelle, ne serait-ce que lorsque les intempéries ne permettent pas aux enfants de jouer dans la cour. La télévision reste le média le plus utilisé. Certains enfants la regardent seuls et sans distinction entre les programmes adaptés ou non à leur âge, comme le journal télévisé. Par ailleurs, 47 % des enfants de moins de trois ans avaient joué avec un écran interactif pendant une durée médiane de trente minutes par semaine ; 29 % d'entre eux étaient livrés à eux-mêmes pendant ces périodes de jeu. Enfin, 44 % des parents prêtent leur téléphone portable à leur enfant de moins de trois ans pour l'occuper ou le consoler.

Enfin, selon une enquête Ipsos réalisée en 2017, les enfants d'un à six ans passent 4 h 37 par semaine devant Internet, soit 55 minutes supplémentaires par rapport à 2015 et 2 h 27 supplémentaires par rapport à 2012 !

On le voit bien, les enfants sont devant les écrans dès leur plus tendre enfance. L'industrie a vu en eux des clients potentiels et a mis sur le marché une panoplie de produits s'adressant directement aux bébés. Il est question non pas seulement de chaînes de télévision spécialisées, mais également de téléphones intelligents pour bébés, de tablettes ou d'ordinateurs pour bébés, qui peuvent d'ailleurs parfois se fixer aux sièges auto. Ces produits ne dictent pas aux parents l'utilisation qu'ils en feront, mais ils sont des facilitateurs de nature à créer un environnement favorable à l'augmentation du temps passé devant les écrans. De plus, ils contribuent à créer l'illusion qu'il est normal pour l'enfant de passer plusieurs heures de sa journée devant un écran.

Pourtant, toutes les études scientifiques confirment que les interactions qu'un enfant a avec son entourage et son environnement sont la meilleure source de stimulation pour lui. Or, plus un enfant passe de temps devant un écran durant une journée, moins il lui en restera pour jouer et interagir avec les autres.

Toujours selon des données scientifiques, le temps passé devant un écran est corrélé à une forme physique moins bonne et à des problèmes de santé mentale et de développement social. Une pratique excessive des écrans peut avoir les conséquences suivantes :

- conséquences sur le développement du cerveau et de l'apprentissage des compétences fondamentales : les enfants surexposés aux écrans ont plus de risques de souffrir d'un retard de langage que les autres. Une étude récente menée par des chercheurs québécois et américains a mis en évidence l'impact à long terme d'une exposition importante aux écrans dans les premières années de vie d'un enfant. Elle a montré que chaque heure supplémentaire passée devant la télévision par un enfant en bas âge diminuait ses performances scolaires à l'âge de dix ans (moindre intérêt pour l'école, moindre habileté sur le plan des mathématiques). Cette surexposition précoce entraînait également une moindre autonomie, une moindre persévérance et une intégration sociale plus difficile avec, notamment, un risque accru de souffrir d'une mise à l'écart par ses camarades de classe ;

- conséquences sur les capacités d'attention et de concentration. Cela est vrai même si l'enfant se trouve dans une pièce avec la télévision allumée sans qu'il la regarde ;

- conséquences sur le bien-être et l'équilibre des enfants. D'après une enquête réalisée par le ministère de la santé britannique, les enfants qui passent trop de temps devant les écrans seraient moins heureux, plus anxieux et plus déprimés que les autres ;

- conséquences sur le comportement. La surexposition des plus petits risque d'entraîner une attitude passive face au monde qui les entoure.

Des recommandations nationales sont régulièrement énoncées concernant les comportements à adopter en matière d'utilisation des écrans pour prévenir les risques avérés. Elles sont unanimes pour proscrire les écrans avant trois ans et insistent sur la nécessaire présence d'un adulte pour accompagner l'enfant dans son apprentissage des écrans. C'est ainsi que le carnet de santé de l'enfant a été récemment complété par le message suivant : « Avant trois ans, éviter l'exposition aux écrans : télévision, ordinateur, tablette, smartphone. »

De surcroît, des campagnes de sensibilisation sont organisées afin d'informer les parents ainsi que toutes les personnes au contact des jeunes enfants. Plusieurs guides des bonnes pratiques ont été élaborés. On peut citer celui de Serge Tisseron, psychiatre, l'un des premiers médecins à s'être publiquement inquiétés des conséquences de l'exposition des jeunes enfants aux écrans ; il nous avait alertés dès 2013 lors d'une table ronde sur la nouvelle société numérique que nous avions organisée ici même. On peut également citer le guide réalisé par l'Union nationale des associations familiales et le groupe de pédiatrie générale ou encore celui qui a été élaboré par le Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (Clemi).

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) est particulièrement impliqué depuis dix ans dans la protection des enfants de moins de trois ans des effets de la télévision et, depuis l'avènement des outils numériques, des écrans en général. Chaque année, il organise sur les supports de communication à sa disposition (site Internet, « lettre du CSA », communiqués de presse, etc.) une campagne tendant à sensibiliser le public sur les dangers présentés par les écrans en ce qui concerne les enfants de moins de trois ans.

En outre, sous le contrôle du CSA, les chaînes de télévision lancent chaque année à leurs frais une campagne de sensibilisation pendant trois jours, le plus souvent avant les vacances de la Toussaint, pour rappeler les bonnes pratiques à adopter en matière d'exposition des enfants aux écrans. Celle-ci prend généralement la forme d'un film court réalisé par une chaîne ou un groupement de chaînes et diffusé à l'antenne.

Néanmoins, ces initiatives se heurtent à deux limites.

D'une part, ces campagnes de sensibilisation disposent de peu de moyens financiers, ce qui empêche une diffusion large de ces messages à caractère sanitaire et ne permet pas une prise de conscience générale de la gravité de la situation et des mesures à prendre pour y remédier. Ainsi, la brochure développée par le CSA à l'occasion de la dixième année de campagne d'information ne figure que sur son site Internet en l'absence d'accord avec le ministère chargé de la santé sur une prise en charge par ce dernier de l'impression des documents et de leur diffusion auprès des crèches, des écoles maternelles, des pédiatres, des hôpitaux, etc.

D'autre part, les actions actuellement conduites sont le fait d'initiatives isolées, qui se juxtaposent sans être coordonnées ; en témoigne la récente saisine par la direction générale de la santé du Haut Conseil de la santé publique.

Début août, le Haut Conseil de la santé publique a été saisi par le ministère pour établir une revue de la littérature scientifique sur la définition de la surexposition aux écrans et les risques induits ; une analyse critique des recommandations françaises et internationales existantes concernant les comportements à adopter en matière d'utilisation des écrans pour prévenir les risques avérés ; et proposer, le cas échéant, de nouvelles recommandations. Il dispose de seize mois pour remettre ses propositions. Or un comité tripartite rassemblant des membres de l'Académie des sciences, de l'Académie des technologies et de l'Académie de médecine travaille déjà sur ce sujet et devrait rendre ses conclusions d'ici au mois d'avril prochain.

Face à l'asymétrie d'informations sur les dangers liés à l'exposition précoce des jeunes enfants et compte tenu de l'efficacité limitée des campagnes de sensibilisation actuelles, j'ai souhaité donner du poids aux propositions figurant dans mon rapport d'information précité, que j'ai regroupées dans cette proposition de loi que nous examinons aujourd'hui et dont nombre d'entre vous sont cosignataires - et je les en remercie.

Ce texte, que j'ai enrichi et amélioré, avait deux objets : obliger les fabricants d'ordinateurs, de tablettes et de tout autre jeu ludopédagogique disposant d'un écran à assortir les emballages de ces produits d'un message à caractère sanitaire avertissant des dangers liés à leur utilisation par des enfants de moins de trois ans pour leur développement psychomoteur ; exhorter le ministère chargé de la santé à engager chaque année une campagne nationale de sensibilisation aux bonnes pratiques en matière d'exposition aux écrans.

Toutefois, la table ronde organisée par notre commission le 24 octobre dernier, les remarques que certains d'entre vous avaient faites à cette occasion, ainsi que l'audition très approfondie de membres du CSA et celle du cabinet de la ministre m'ont conduite à compléter ma proposition de loi en introduisant une nouvelle obligation : à l'instar de ce qui est imposé aux messages publicitaires portant sur les boissons sucrées et les produits alimentaires manufacturés, il est proposé que toute publicité pour des télévisions, smartphones, ordinateurs portables, tablettes et jeux numériques, quel que soit son support, soit assortie d'un message à caractère sanitaire.

Par ailleurs, compte tenu de la nécessité de multiplier les campagnes de sensibilisation pour faire passer les messages de santé publique, je suggère de ne pas se limiter à une seule campagne nationale annuelle de sensibilisation et de prôner des actions régulières d'information et d'éducation institutionnelles en partenariat avec le CSA, mission inscrite à l'article 14 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Enfin, il me paraît plus pertinent de faire figurer ces nouvelles dispositions dans la partie du code de la santé publique visant les actions de prévention concernant l'enfant.

Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, je n'ai pas hésité à compléter la présente proposition de loi afin de vous proposer une rédaction qui me paraît répondre à l'objectif que tous les cosignataires et moi-même avons à coeur : prendre nos responsabilités en tant que responsables politiques et apporter des solutions concrètes pour lutter contre un phénomène qui est en train de devenir un véritable problème de santé publique.

Cette proposition de loi s'inscrit dans le prolongement de la directive sur les services de médias audiovisuels, dite directive SMA, récemment renégociée et qui oblige les États à prendre toutes les mesures appropriées, afin que tous les fournisseurs de services de médias, y compris les réseaux sociaux et les plateformes de partage de vidéos, ne nuisent pas à « l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ».

En conclusion, cette proposition de loi est à dessein limitée à la problématique de la surexposition des très jeunes enfants aux écrans. J'ai conscience de ses limites, notamment parce qu'elle ne prévoit aucune obligation en direction des sites de vente en ligne ou des plateformes de partage de vidéos. Cette question est fondamentale, mais je ne sais pas si elle pourra être résolue aujourd'hui. Je compte bien me saisir du prochain projet de loi sur l'audiovisuel, qui sera l'occasion de transposer la directive SMA, pour trouver le moyen juridique approprié afin d'impliquer les hébergeurs de sites et les fournisseurs Internet de contenus dans la lutte contre l'exposition aux écrans. Cela va d'ailleurs dans le sens de la proposition de résolution européenne visant à responsabiliser les plateformes que j'ai déposée en septembre dernier et qui a été examinée par la commission des affaires européennes fin octobre.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Je tiens tout d'abord à vous remercier, madame la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly, auteure et rapporteure de ce texte pour votre investissement sur la question des enjeux liés au numérique. J'ai pris connaissance de votre rapport, publié en juin dernier, et vous avez raison : il est grand temps de se former et de prendre en main notre destin numérique.

L'un des axes de votre réflexion portait sur la nécessité d'apprendre à se servir des écrans et à s'en passer, en particulier pour les plus jeunes, même si vous en conviendrez, chacun peut se sentir concerné.

Cette proposition de loi reprend l'une de vos préoccupations, à savoir sensibiliser les citoyens aux bonnes pratiques et lutter contre la surexposition des jeunes enfants aux écrans, en obligeant les fabricants à inscrire sur les unités de conditionnement un message sanitaire d'avertissement.

Les potentiels effets d'une surexposition aux écrans de très jeunes enfants sont légitimement une source de questionnement et le Gouvernement partage l'objectif de mieux communiquer sur des repères dans l'usage des outils numériques. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel s'est saisi de cette question il y a près de dix ans et nous mesurons aujourd'hui combien cette alerte était nécessaire ; cet enjeu demeure plus que jamais d'actualité.

Néanmoins - c'est là où nos méthodes divergent -, les données manquent quant à l'ampleur de l'exposition des enfants de moins de trois ans aux écrans et surtout quant aux effets d'une surexposition des très jeunes enfants aux écrans. Les prises de position publiques de certains acteurs établissant un lien entre surexposition aux écrans et autisme virtuel ont récemment fait l'objet de vives contestations, et nous ne pouvons pas nous permettre d'éluder les faits scientifiques lorsque l'on impose à des acteurs extérieurs un message de santé publique. Saisi par la ministre des solidarités et de la santé le 1er août dernier, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) doit faire une analyse des risques pour l'enfant et son développement de l'usage des écrans, ainsi qu'une étude des effets pathologiques et addictifs des écrans. Nous attendons la synthèse de ses travaux et ses recommandations pour élaborer une nouvelle campagne nationale de prévention sur le sujet et diffuser de l'information basée sur des preuves. Cette étude concerne les 0-18 ans, mais nous avons insisté sur la nécessité de porter une attention particulière aux 0-6 ans.

Si notre méthode diffère, soyez assurés que le Gouvernement partage vos inquiétudes, comme en témoigne le plan « Priorité Prévention », présenté en mars dernier par le Premier ministre et Agnès Buzyn. Ce plan prévoit de créer des repères sur l'usage des écrans destinés aux proches de jeunes enfants et de réaliser une campagne d'information sur ces repères ainsi que sur les bonnes pratiques en matière de temps passé devant les écrans.

En outre, le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge va amorcer une réflexion sur le sujet au premier trimestre 2019. Par ailleurs, les états généraux des nouvelles régulations numériques sont un espace de discussions et d'échanges. Nous ne sommes pas seuls à réfléchir sur ces sujets. Le mouvement doit aussi être européen, voire international. Notre souhait commun est de renforcer les constats scientifiques, qui doivent nous guider. Or nous estimons que les études que vous mentionnez ne constituent que des données encore trop partielles pour imposer un message sanitaire indiscutable.

Enfin, le rôle des parents revêt une importance particulière. Nous avons souvent l'occasion de le souligner dans le cadre des actions de soutien à la parentalité, être parent est une mission difficile aujourd'hui peut-être plus qu'hier : du seul poste de télévision posé dans le salon hier, les écrans se sont démultipliés dans les foyers, avec les téléphones, les ordinateurs, les tablettes, les jeux vidéo. Limiter l'accès des enfants aux écrans ne se résume plus à une surveillance intransigeante de la télécommande. Nous avons donc besoin d'évaluer le poids de l'éducation ainsi que le rôle des adultes référents dans l'usage excessif des écrans et leur régulation.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Madame la secrétaire d'État, je réagis à vos propos. Cela fait des années et des années que les pédiatres nous alertent sur ce problème. J'ai vu les vidéos. Mme Ducanda, médecin au sein du service de protection maternelle et infantile (PMI) de l'Essonne, s'est certes fait rabrouer pour avoir fait un amalgame entre les troubles autistiques et les troubles cognitifs - j'en suis consciente. Mais, souvent, les parents pensent que les écrans vont faire évoluer les enfants plus vite. Des expériences l'attestent, privé d'écran pendant plusieurs mois, l'enfant se remet à parler et reprend un développement normal. Vous attendez des preuves supplémentaires, mais tous les responsables de la petite enfance ont pointé ce problème. Vos déclarations sont donc un petit peu abruptes.

Permettez-moi de revenir sur la responsabilité des parents. Le terme de « parents » est rarement cité. Or, sans vouloir les culpabiliser, leur responsabilité est fondamentale. Quelle que soit la classe sociale, tous les parents donnent à un moment donné un téléphone ou une tablette à leur enfant pour être tranquilles. Le nouveau carnet de santé recommande d'éviter les écrans avant trois ans, mais cette mention n'est pas assez forte : il faut écrire que les enfants « ne doivent pas être exposés aux écrans ». Les parents n'ont pas forcément conscience des conséquences très importantes sur l'évolution de leur enfant.

En outre, je note une contradiction entre la fabrication de tablettes pour les tout-petits par un certain nombre d'industriels et le message d'avertissement qui serait apposé sur le produit. On a inventé une tablette incorporée au pot ! Or, pour devenir propre, l'enfant doit avoir conscience de son corps et apprendre à contrôler ses sphincters. À un moment donné, il faut dire aux industriels que ces outils ne sont pas adaptés.

Enfin, je propose d'instituer au niveau national une journée, voire deux, sans écran. Cela nous ferait aussi beaucoup de bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Permettez-moi de vous lire l'accroche du dossier publié dans Télérama le 29 novembre 2017 : « Noël approche... Les fabricants de tablettes, smartphones et ordinateurs ciblent désormais les enfants dès leur plus jeune âge. Mais l'exposition aux écrans avant trois ans n'est-elle pas nocive pour un cerveau en construction ? Et ne parasite-t-elle pas le développement du lien à l'autre ? ». Vous le voyez, il était temps de prendre ce sujet à bras-le-corps. Madame la secrétaire d'État, je m'associe aux propos de ma collègue : ce que vous avez dit ne nous convient pas, pour ne pas dire plus... Attendre, toujours attendre, je ne suis pas du tout d'accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Nous partageons bien sûr les objectifs poursuivis. L'amendement de notre rapporteure, que nous approuvons, témoigne de l'importance à prévoir dans le code de la santé publique un chapitre sur la prévention de l'exposition précoce des enfants aux écrans. La campagne de sensibilisation est particulièrement essentielle. Ces dispositions permettent de préciser la proposition de loi.

Je suis moi aussi extrêmement étonnée des propos de Mme la secrétaire d'État. Je rejoins mes collègues, nous avons ce débat depuis des années. D'ailleurs, nous avons débattu de l'utilisation du téléphone portable à l'école. Vous vous souvenez de la position de notre groupe - j'aurais alors aimé que le Gouvernement soit plus prompt à nous fournir des données chiffrées, des analyses. Il y a là une forme d'incohérence, voire de contradiction, dans la position du Gouvernement.

Enfin, j'exprimerai un regret ou plutôt une réserve. Cette proposition de loi est une étape. Les questions liées aux contenus, aux parents et, surtout, à l'accompagnement nécessaire des parents et de l'ensemble des acteurs de la sphère éducative me semblent essentielles. Il faut continuer à approfondir ces questions. Pour l'heure, il convient d'inclure un message de vigilance sur les unités de conditionnement des produits visés.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Je partage les propos de mes collègues. Cette proposition de loi pose la première pierre d'un chantier immense de santé publique. De nombreuses études ont montré - les auditions que vous avez conduites, madame la rapporteure, en témoignent également - que l'exposition précoce des enfants aux écrans induit des problèmes comportementaux (risques de sédentarité et, donc, d'obésité, de violence). Pour travailler efficacement sur les questions de violence à l'école, il faut prendre le problème à la racine.

Je suis atterrée par vos propos, madame la secrétaire d'État, laissant entendre que certaines études sont sujettes à caution. J'espérais que le Gouvernement reconnaîtrait qu'il s'agit véritablement là d'une question de santé publique. Je souligne, moi aussi, une contradiction avec les arguments développés lors de l'examen de la loi relative à l'interdiction du portable à l'école et au collège. Sur un sujet transpartisan, je regrette que le Gouvernement ne joigne pas sa voix à la nôtre !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Laugier

On dit que les discours les plus courts sont les meilleurs. Cette proposition de loi est donc la meilleure ! Il est temps que l'on débatte de l'éducation numérique et aux médias. Notre position oecuménique témoigne de l'importance que nous accordons à ce sujet : ce texte nous permettra d'aller plus loin encore.

Je suis moi aussi très surpris par les propos de Mme la secrétaire d'État. Passons aux actes ! La proposition de loi est claire, simple et me paraît efficace. Il importe de sensibiliser les enfants et, surtout, les parents. Travaillons de manière efficace, comme nous le faisons aujourd'hui ! Que chacun apporte sa pierre à l'édifice ! Madame la présidente de la commission, nous sommes tous derrière vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Les écrans font désormais partie de la vie moderne et les nouvelles technologies ont permis d'améliorer bien des choses. Toutefois, on parle ici d'enfants de moins de trois ans, période durant laquelle ils se développent et se construisent. On le sait, la communication humaine est essentielle. Si les pédiatres que nous avons auditionnés ont souligné que les écrans n'étaient pas vraiment la cause de maladies infantiles, ils nous ont alertés sur un défaut de communication dès le plus jeune âge et des problèmes de rétine, sur lesquels je reviendrai lors de l'examen des amendements.

Le groupe les Indépendants - République et Territoires votera cette proposition de loi, avec les réserves d'usage, avant discussion des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Nonobstant le respect que j'ai pour le Gouvernement, je voterai cette proposition de loi. Je l'ai cosignée avec mon collègue Antoine Karam car ce sujet est absolument fondamental. On ne saurait se satisfaire de campagnes d'information ou attendre une autorégulation, un discours que l'on entend toujours quand il s'agit de réguler la publicité.

Avec le soutien de la commission de la culture, j'ai été l'auteur d'une proposition de loi supprimant la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, qui a été promulguée le 20 décembre 2016 : l'article 1er oblige le CSA à remettre chaque année au Parlement un rapport sur les actions menées par les chaînes publiques et privées. Or il ne s'est toujours pas acquitté de cette tâche, et on ne peut pas déposer un recours pour non-exécution de la loi.

On le voit à chaque fois, le monde de la publicité est extrêmement influent. Sur des sujets aussi importants, il importe de légiférer ou, à tout le moins, de fixer un cadre. Il est essentiel de protéger les jeunes de moins de trois ans. Avec mon collègue Antoine Karam, Je voterai ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Madame la secrétaire d'État, je suis assez surprise par vos propos. Il y a un problème de communication dans votre ministère. L'affaire des bébés sans bras défraie actuellement la chronique et on nous dit : circulez, il n'y a rien à voir. Face à un problème de santé publique pour les enfants de moins de trois ans, vous affirmez que d'autres études sont nécessaires. Ce n'est pas sérieux ! Votre ministère est-il à l'écoute de la France ? Tous les groupes politiques s'accordent à dire que vos propos sont inacceptables.

La campagne de sensibilisation doit concerner trois acteurs importants : les parents, l'école et les professionnels de la santé. Les parents sont un modèle. Pourquoi ne pas organiser un jour sans écran pour les adultes que nous sommes, comme l'a proposé Laure Darcos ? L'éducation au numérique à l'école est indispensable : il faut expliquer aux enfants dès leur plus jeune âge à se servir du numérique et à savoir s'en passer. Il conviendrait peut-être de sensibiliser plus encore les médecins de la PMI, qui ont les premiers contacts avec les parents. Je soutiens totalement cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Je rejoins les propos de mes collègues ; l'éducation dès le plus jeune âge est importante. Il faut que les parents, qui sont effectivement les modèles des enfants, soient véritablement avertis des dangers.

Pour compléter la campagne d'information, permettez-moi de vous parler de l'association Fragil, située à Nantes, qui, depuis quatorze ans, est un relais dans plusieurs domaines : les médias, la culture et l'éducation. Une des psychocliniciennes a défini « quatre pas » : pas d'écran le matin, durant les repas, avant de s'endormir et dans la chambre. Il faut éduquer en famille.

Certes, le nouveau carnet de santé mentionne un message d'alerte. Mais je vous invite à vous inspirer, mes chers collègues, du bulletin de la communauté de Quimperlé, qui consacre une page aux écrans : cela a plus d'impact encore sur les familles car il est lu par tous les habitants.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Les études existent. Elles sont importantes et elles montrent depuis trente ou trente-cinq ans qu'une surexposition aux écrans a des conséquences graves sur les capacités d'apprentissage des enfants à l'école. Il existe une relation directe entre la surexposition et le décrochage scolaire. Nous en avions parlé à M. Blanquer, qui était tout à fait d'accord avec nous. Aussi, votre position est incohérente, madame la secrétaire d'État, avec celle du Gouvernement, qui a été réaffirmée à plusieurs reprises par M. Blanquer, spécialiste des neurosciences. Vous devriez lui demander de vous communiquer les études scientifiques sur lesquelles il se fonde. Cela ferait avancer notre débat.

Sur le fond, vous avez un problème général avec la science. Vous ne pouvez pas utiliser les scientifiques pour fuir vos responsabilités politiques. Or vous le faites régulièrement sur de nombreux sujets. Dans la crise de confiance démocratique actuelle, les citoyens demandent que les politiques prennent leurs responsabilités. À un moment donné, vous avez la responsabilité de vous engager sur des choix clairs ; c'est ce que nous vous demandons ici !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Je salue le caractère extrêmement synthétique de cette proposition de loi, qui prévoit des mesures de bon sens. Aussi, je suis étonné par l'opposition stérile du Gouvernement.

On le sait, la pédagogie, c'est l'art de la répétition. Les dispositions prévues s'inscrivent dans le prolongement d'autres mesures, tel l'avertissement inscrit dans le nouveau carnet de santé.

En tant qu'ancien rapporteur sur la proposition de loi relative à l'interdiction de l'usage du téléphone portable dans les écoles et les collèges, qui était commandée par le Gouvernement - c'était une promesse du candidat Macron -, je ne reviendrai pas sur l'opportunité de légiférer sur un tel sujet : bon nombre de mes collègues estimaient alors que cette question relevait du domaine réglementaire. Le progressisme peut se partager, vous pouvez en faire part à qui de droit, madame la secrétaire d'État. J'aurais apprécié une attitude plus positive. Cela donne l'impression que les bonnes idées ne peuvent provenir que d'une source, ce qui est très regrettable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Madame la secrétaire d'État, vous faites offense au travail des chercheurs. Être sur les écrans plus de deux heures par jour nuit à l'intelligence des enfants ; cela a des conséquences sur les capacités cognitives, sur le sommeil, avec des difficultés de concentration et une addiction aux écrans. Permettez-moi de vous renvoyer au principe de réfutabilité cher au philosophe autrichien, Karl Popper. Vous affirmez que les études scientifiques sont insuffisantes. Expliquez-nous ! De nombreux chercheurs ont démontré que l'exposition précoce des enfants aux écrans pose problème. Quelles sont vos motivations ? Vos propos sont-ils partagés par Mme la ministre des solidarités et de la santé ? Vos propos sont graves. On a parlé du principe de précaution. Moi, je vous parle du principe de responsabilité. Cette proposition de loi a un intérêt pédagogique, celui d'alerter les parents et d'interpeller toute la communauté éducative, voire au-delà.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Cette proposition de loi est intelligente. On informe les parents qu'une exposition précoce peut être nocive pour les enfants. Par ailleurs, je veux souligner l'importance du langage informatique. Les tablettes constituent plutôt un handicap en la matière - j'espère que nous aurons un jour un débat sur cette question, car les enfants doivent apprendre cette nouvelle langue.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le débat se déporte sur quelque chose qui nous surprend tous, la position du Gouvernement. On peut probablement voir dans vos propos décalés, madame la secrétaire d'État, l'intervention du lobby des constructeurs. Peut-être temporisez-vous le temps de négocier, car il ne faut pas froisser certaines puissances, telles que Apple. Mais commençons à donner des coups de pied ! Nous ne pouvons pas légiférer de cette manière ; il y va de l'avenir des enfants. Même si cette proposition de loi ne comprend qu'un article, elle dérange ! Il faut donc aller jusqu'au bout. Nous devrons avoir une réflexion sur les contenus. Il faut éduquer pour que les gens puissent porter un regard critique, avoir la capacité de décrypter. Il est souhaitable d'aborder la question des écrans dans toutes ses dimensions.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Certes, cette proposition de loi simple, claire et précise ne règle pas tous les problèmes, mais elle a le mérite d'exister. Il s'agit de demander que figure un message obligatoire à caractère sanitaire avertissant des dangers de l'exposition des enfants de moins de trois ans aux écrans. Que de discussions pour un message aussi simple sur les appareils pour prévenir les parents ! Je déplore l'absence de logique gouvernementale : il fallait légiférer rapidement pour interdire les téléphones portables à l'école, alors qu'il faut aujourd'hui attendre de nouvelles études scientifiques. Madame la secrétaire d'État, le véritable problème n'est-il pas que cette proposition de loi émane du Sénat ? (Applaudissements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

On parle ici d'une proposition d'étiquetage et d'une campagne de prévention de santé publique pour les enfants de moins de trois ans. Vous nous opposez des arguments, que l'on pourrait qualifier d'arguties si nous étions mal inspirés, alors que nous poursuivons un objectif justifié. Il est de notre devoir de veiller à ce que les enfants soient accompagnés et protégés et que les parents prennent la mesure de la situation à risques avérée. Il n'est pas besoin d'organiser des concertations pour prendre conscience de la réalité.

Vous pourrez user et abuser de la coconstruction avec toutes les parties prenantes - les scientifiques, les parents, les citoyens, les pédagogues etc. - pour mettre en place la campagne de prévention. On ne peut que louer votre volonté quasi farouche de vouloir engager des concertations. Nous vous assurons de notre soutien et de nos contributions dans ces discussions.

Cette proposition de loi arrive à point nommé, au moment où commencent à fleurir les publicités avant Noël. Saisissez cette opportunité, madame la secrétaire d'État ! C'est le juste moment pour une juste cause ! Prenons date maintenant !

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Je partage totalement les propos de mes collègues. Hier, nous avons eu un échange avec le ministre chargé des relations avec le Parlement, Marc Fesneau. Si je puis permettre, on peut mieux faire ! Aujourd'hui, tout ce qui ne vient pas du Gouvernement est rejeté, même les propositions de bon sens. Je citerai à titre d'exemple la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants : c'est très bien, nous a-t-on dit, mais on verra plus tard.

Sur le sujet qui nous occupe, on ne peut attendre. Même les sénateurs de la République en Marche l'affirment. Madame la secrétaire d'État, entendez ce que dit le Sénat ! C'est la voix de la sagesse ! (Applaudissements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Madame la secrétaire d'État, vous avez dit que nos méthodes divergent, et vous avez raison sur ce point. Notre commission a l'habitude de travailler étroitement avec les différents ministères pour progresser ensemble. Je me suis attachée à envoyer mon rapport d'information, établi après une année de travail, à l'ensemble des ministres concernés. Seul M. Blanquer a échangé avec moi sur cette question. Pire, j'ai dû engager des démarches et vous relancer personnellement pour avoir un bref rendez-vous avec des membres de votre cabinet, alors que cette proposition de loi a été déposée le 5 septembre dernier. Ce n'est pas une méthode sérieuse pour préparer un texte, surtout quand on s'entend dire qu'il ne s'inscrit pas dans l'agenda du Gouvernement. Le Sénat a, je le rappelle, un droit d'initiative législative.

Est-il cohérent de lancer une nouvelle étude, qui ne rendra ses conclusions que dans seize mois, ce qui représente un tiers de la vie d'un enfant de moins de trois ans ? Les trois académies précitées doivent rendre leur travail sous peu. J'y vois là une forme d'incohérence.

Mounir Mahjoubi m'avait fait part de l'organisation des états généraux des nouvelles régulations numériques bien avant l'été. Il m'avait même demandé de participer à un atelier ; j'attends toujours une date de convocation. Je ne sais pas comment notre commission y sera associée. Or la méthode voudrait que ce soit un travail partagé, pour un diagnostic commun et des solutions communes.

Jamais je n'ai parlé de l'autisme, madame la secrétaire d'État. C'est vous qui en avez parlé. Vous avez dit à juste titre : « nous nous interrogeons sur les prises de position d'acteurs qui relient les effets d'une surexposition intensive des enfants de moins de trois ans à l'autisme virtuel ». Ce serait faire injure aux familles d'enfants autistes ; la recherche a besoin d'avancer sur cette maladie. Pour ma part, j'ai parlé de troubles du langage, du développement, de l'attention. D'ailleurs, les médecins que nous avons auditionnés ne font pas non plus cette confusion et nous alertent sur elle.

On peut insister sur la nécessité d'approfondir la recherche sur cette question ; je formule d'ailleurs ces préconisations dans mon rapport d'information. Je propose d'approfondir la question sur les apprentissages à l'école, sur les effets de l'utilisation intensive des écrans, y compris sur les adultes. Mais Serge Tisseron le rappelle, les faisceaux d'indices se renforcent de jour en jour : il y a pratiquement deux ans d'attente pour avoir une consultation dans certains centres médicosociaux en Seine-Saint-Denis. Les enfants ne sont pas des rats, madame la secrétaire d'État. Il faut agir par simple principe de précaution. Comme l'a rappelé Mme Ghali, nous sommes des politiques, et nous prenons nos responsabilités au regard du travail que nous faisons au sein de cette commission depuis dix ans pour un certain nombre d'entre nous.

Je remercie Mme Robert et M. Brisson d'avoir parlé de l'incohérence de votre propos au regard des dispositions que l'on nous a fait voter sur l'interdiction du téléphone portable à l'école. Nous avons fait confiance à Jean-Michel Blanquer, qui avait besoin de cet outil législatif. Comme l'a souligné Mme Robert, nous aurions alors aimé débattre d'autres sujets connexes. Mais il fallait que la loi soit adoptée rapidement pour pouvoir être appliquée à la rentrée scolaire 2018. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans cette logique.

Mme Darcos, notamment, a soulevé la question des parents. Bien entendu, les parents doivent être responsabilisés ; mais encore faut-il qu'ils soient eux-mêmes sensibilisés et formés aux enjeux liés au numérique. Or la déferlante des innovations technologiques est telle que nous avons besoin, quel que soit notre âge, d'une formation continue au numérique. À cet égard, j'avais demandé au Président de la République et au Premier ministre que le numérique soit la grande cause nationale en 2019 ou en 2020, et je n'ai pas de réponse non plus. Nous sommes vraiment méprisés ! (Applaudissements.)

Va-t-on recommencer le scandale de la cigarette, de l'alcool, des produits sucrés ? Nous connaissons le poids des lobbies, comme l'ont expliqué David Assouline et André Gattolin. Les membres du CSA que j'ai longuement auditionnés m'ont rappelé à quel point il avait été difficile d'imposer la campagne d'information sur les publicités visant l'alimentation. D'ailleurs, ils souhaitent transformer la charte de l'alimentation en charte de la santé - cela inclura la problématique des écrans. S'il n'y a pas force législative, les choses seront encore plus compliquées.

Mes chers collègues, je vous remercie de votre confiance. Il ne s'agit là que d'une première étape. Il faudra s'atteler à la question des contenus. Peut-être organiserons-nous un débat très complet sur le sujet en séance publique.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos, secrétaire d'État

Je veux préciser certains éléments, notamment sur le besoin de consensus. Il n'y a pas de cohérence dans les études ni de visibilité scientifique sur l'impact réel des écrans sur l'enfant. Nous avons besoin de connaître les effets pour lancer une campagne adaptée. C'est pourquoi nous avons demandé, le 1er août dernier, un rapport au HSCP sur ce sujet.

En termes d'actions de santé publique, lance-t-on une campagne globale ou cible-t-on des catégories particulières ? Et si oui, que cible-t-on ? Nous attendons le rapport.

Le message d'alerte dans le carnet de santé est une étape ; il figure d'ailleurs sur une dizaine de pages en fonction de l'âge de l'enfant. En matière d'information, ces éléments factuels constituent des prémices.

Les campagnes d'information existent déjà. Vous l'avez rappelé, une campagne a été organisée avant la Toussaint, qui est régulièrement relancée. Surtout, nous agissons notamment dans le cadre du rôle à la parentalité. Vous avez expliqué qu'il fallait accompagner les parents, et c'est ce que nous faisons en redonnant un rôle aux PMI en matière de prévention, en mettant en place une visite médicale scolaire obligatoire pour les enfants de moins de six ans et en prévoyant une inscription obligatoire à l'école pour les plus de trois ans, voire dès trois ans. Nous accompagnons les parents sur les effets néfastes du numérique. Une mission parlementaire porte sur le rôle de la PMI et la prévention.

Nous souhaitons - c'est un souhait commun - renforcer les constats scientifiques. Ceux-ci doivent nous guider sur les actions à mener sur ce sujet.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

J'ai déjà beaucoup parlé de l'objet de l'amendement COM-6. Je suis à votre disposition pour toute question.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Cet amendement est bienvenu en ce qu'il intègre de nouveaux articles dans le code de la santé publique. Toutefois, il est prévu que des actions d'information et d'éducation institutionnelles sur l'utilisation des écrans sont assurées régulièrement en liaison avec le CSA. Ne faudrait-il pas préciser par qui ? Ciblez-vous principalement l'État ? Quoi qu'il en soit, nous voterons cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Comme je l'ai dit, le CSA a l'obligation légale de se préoccuper de ces questions, en vertu de l'article 14 de la loi de 1986. Décliner la liste des acteurs concernés me paraît à la limite du domaine réglementaire. D'ailleurs, Mme Laborde propose de sous-amender cet amendement en ce sens. Un décret précisera tout cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

On pourrait peut-être ajouter les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Le sous-amendement COM-7 tend à étendre l'obligation du message avertissant des dangers liés à l'utilisation d'écrans pour les moins de trois ans aux sites de e-commerce commercialisant des outils et des jeux présentant des écrans, ainsi qu'aux sites fournissant des contenus audiovisuels en ligne, comme les services de streaming des chaînes de télévision ou les plateformes de streaming comme YouTube. Il est utile d'alerter les parents au moment de l'achat, notamment sur Internet, des dangers liés à l'utilisation des écrans pour les tout-petits. Il est nécessaire de viser le maximum de supports de diffusion.

Le sous-amendement COM-8 vise à exonérer les emballages d'appareils photo de l'obligation d'être assortis d'un message à caractère sanitaire, un équipement auquel ne sont pas exposés les tout-petits.

Le sous-amendement COM-9 tend à renforcer l'ampleur des actions d'information et d'éducation institutionnelles en y associant les lieux d'accueil des jeunes enfants, tels que les services de santé, les services à la petite enfance et les sections jeunesse des bibliothèques.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Il est pertinent de proposer d'étendre le message sanitaire aux sites d'achat en ligne et aux sites qui fournissent des contenus audiovisuels en ligne. Toutefois, le message doit-il être contenu dans le descriptif de l'équipement proposé à la vente ou doit-il apparaître dès l'ouverture du site ? Que faire lorsque le site n'est pas localisé en France ? Ne risque-t-on pas d'être en décalage avec les sites étrangers ? Cette discussion doit être menée au niveau européen, notamment dans le cadre de la renégociation de la directive e-commerce.

Je propose que la question du message à caractère sanitaire sur les sites qui fournissent des contenus audiovisuels en ligne soit traitée dans le cadre de la future loi sur l'audiovisuel, qui devrait être examinée au second semestre de 2019. Dans ces conditions, je suis plutôt défavorable au sous-amendement COM-7.

Concernant l'amendement COM-8, le décret prévu aura notamment pour objet de fixer la liste des outils numériques dont les emballages devront comprendre un message à caractère sanitaire. En seront naturellement exclus les appareils photo et les GPS.

De même, je propose de renvoyer au décret la liste des services associés aux actions d'information et d'éducation institutionnelles. La proposition de loi vise à obliger la campagne d'information et, surtout, sa coordination. Le CSA a relevé une absence de coordination et de pilotage, avec des moyens adéquats. Nous sommes tous sensibles, madame Blondin, à l'idée d'associer les collectivités territoriales.

Quoi qu'il en soit, je suis très ouverte à vos réactions et c'est ensemble que nous déciderons.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos, secrétaire d'État

Je suis du même avis que Mme la rapporteure concernant le sous-amendement COM-7. La question mérite une approche internationale et européenne. C'est tout l'enjeu des états généraux des nouvelles régulations numériques.

La disposition prévue par le sous-amendement COM-8 nous semble plutôt relever du décret, mais, sur le principe, l'avis est favorable. Il en est de même pour le sous-amendement COM-9.

Concernant l'amendement COM-6, l'utilisation des écrans pour les jeunes enfants suscite, à juste titre, de nombreuses questions, que ce soit sur le plan médical, éducatif ou sociétal. L'usage des technologies du numérique pose ainsi la question de la surexposition aux écrans et de l'impact potentiel sur le développement de l'enfant dès le plus jeune âge. Le nouveau positionnement proposé dans la partie relative aux actions de prévention concernant l'enfant est à ce titre judicieux. Il importe de protéger les mineurs et de promouvoir la parentalité numérique. Le CSA est évidemment un partenaire incontournable, notamment pour ce qui concerne les campagnes d'information.

Néanmoins, avant de diffuser des messages à caractère sanitaire, il paraît nécessaire de développer une expertise scientifique et de confronter les opinions pour asseoir validement la base des informations diffusées par les institutions. Or l'expertise est à ce jour débutante et ne fait pas l'objet d'un consensus. C'est pourquoi la ministre a saisi le Haut Conseil de la santé publique. Pour ces raisons, même si le Gouvernement partage vos préoccupations, il ne peut être favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mon groupe votera l'amendement COM-6. Les dispositions du sous-amendement COM-8 me semblent de nature réglementaire, le décret pourrait intégrer les appareils photo. Le COM-9 ne pose aucun problème. Nous sommes réservés sur le COM-7, car le conditionnement des produits électroniques et les sites d'achat (ou ceux qui fournissent des contenus), juxtaposés dans l'alinéa 5, ne sont pas de même nature...

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Je retire le sous-amendement COM-8 ; j'espère que les appareils photo seront mentionnés dans le décret. Entre une liste à la Prévert dans la loi et une grande déception à la publication du décret, il faut choisir : je maintiens le COM-9. Sur le COM-7, je serais d'accord pour créer un alinéa spécifique. Il faudra attendre, certes, pour les emballages, une harmonisation entre les pays. Même chose pour les sites. Mais renvoyer la mesure à la loi sur l'audiovisuel me paraît risqué : dans un an, l'Arlésienne sera-t-elle arrivée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je suis plutôt défavorable au sous-amendement COM-9, non pas sur le principe, mais parce que la liste est incomplète, il faudrait ajouter les centres médico-sociaux, les centres de PMI, les écoles maternelles, les médiathèques... On risque de ne pas couvrir toutes les institutions à viser. Par sagesse, mieux vaut renvoyer au décret. Je suis réservée sur le sous-amendement COM-7, les outils et les contenus sont deux choses différentes. Il faudra nous livrer à un gros travail d'approfondissement à l'occasion de propositions de résolution européenne, de la prochaine loi audiovisuelle, voire de l'examen d'autres textes d'origine parlementaire. Retrait ? Tous ces sujets sont pertinents, nous n'en doutons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

J'écoute ces remarques - moi, j'écoute, serais-je tentée de préciser... Je retire donc le sous-amendement COM-9 également, puisque ma liste à la Prévert n'est pas suffisamment longue ! Je fais de même s'agissant du COM-7, puisque nous en rediscuterons le moment venu, dans la loi sur l'audiovisuel.

Les sous-amendements COM-7, COM-8 et COM-9 sont retirés.

L'amendement COM-6 est adopté et l'article unique est ainsi rédigé.

Les amendements COM-3, COM-4 et COM-5 deviennent sans objet.

Articles additionnels après l'article unique

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

L'amendement COM-1 rectifié pose une règle pour limiter l'exposition des élèves - selon leur tranche d'âge - aux écrans dans le cadre des apprentissages scolaires. Il importe que les enfants ne prennent pas l'habitude de la dépasser.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je partage l'intention, d'autant que des dispositions légales ont déjà été prises sur le téléphone portable à l'école, dont l'usage est autorisé sous conditions. Cependant la mesure relève d'une circulaire du ministère de l'Éducation nationale. Je vous demande donc de le retirer.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos, secrétaire d'État

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Soit. Encore faut-il que la circulaire soit rédigée en ce sens : nous serons vigilants...

L'amendement COM-1 rectifié est retiré.

L'amendement COM-2 rectifié vise à protéger les élèves des leds des écrans, car physiologiquement, les enfants ne filtrent pas naturellement la lumière bleue. Ils risquent donc une opacification du cristallin et une pathologie de la rétine. Il convient d'installer des filtres sur les appareils.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Le problème est pris au sérieux par les fabricants : les appareils dans leur conception, ou les paramétrages disponibles, sont souvent prévus en conséquence. La mesure est sans doute d'ordre réglementaire. Qu'en pense le Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos, secrétaire d'État

Je partage votre interrogation sur la nature de la mesure. Sur la plupart des appareils, il est également possible de régler la luminosité. Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

L'impact sur les problèmes de vue des enfants est connu. Pas d'études, dit la ministre ? La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la santé produit régulièrement des études, qui ont par exemple montré qu'entre 2000 et 2013, le taux des enfants portant des lunettes est passé de 10 à 18 % en classe maternelle. Comparez les photos actuelles et celles du site « Copains d'avant », la comparaison est éloquente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Nos débats éclaireront l'interprétation de la loi et l'élaboration du décret. Nous assumerons notre mission de contrôle de l'application de la loi. Retrait ? Le décret devrait énumérer les précautions à prendre pour éviter ces effets.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Nous serons là encore très vigilants.

L'amendement COM-2 rectifié est retiré.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je vous remercie tous de ces réflexions et de ces contributions.

Intitulé de la proposition de loi

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

La proposition de loi pourrait être intitulée : « proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans. »

L'intitulé est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

C'est une belle unanimité !