Intervention de Catherine Morin-Desailly

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 14 novembre 2018 à 8h30
Proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans — Procédure de législation en commission articles 47 ter à 47 quinquies du règlement - examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly, rapporteure :

Madame la secrétaire d'État, vous avez dit que nos méthodes divergent, et vous avez raison sur ce point. Notre commission a l'habitude de travailler étroitement avec les différents ministères pour progresser ensemble. Je me suis attachée à envoyer mon rapport d'information, établi après une année de travail, à l'ensemble des ministres concernés. Seul M. Blanquer a échangé avec moi sur cette question. Pire, j'ai dû engager des démarches et vous relancer personnellement pour avoir un bref rendez-vous avec des membres de votre cabinet, alors que cette proposition de loi a été déposée le 5 septembre dernier. Ce n'est pas une méthode sérieuse pour préparer un texte, surtout quand on s'entend dire qu'il ne s'inscrit pas dans l'agenda du Gouvernement. Le Sénat a, je le rappelle, un droit d'initiative législative.

Est-il cohérent de lancer une nouvelle étude, qui ne rendra ses conclusions que dans seize mois, ce qui représente un tiers de la vie d'un enfant de moins de trois ans ? Les trois académies précitées doivent rendre leur travail sous peu. J'y vois là une forme d'incohérence.

Mounir Mahjoubi m'avait fait part de l'organisation des états généraux des nouvelles régulations numériques bien avant l'été. Il m'avait même demandé de participer à un atelier ; j'attends toujours une date de convocation. Je ne sais pas comment notre commission y sera associée. Or la méthode voudrait que ce soit un travail partagé, pour un diagnostic commun et des solutions communes.

Jamais je n'ai parlé de l'autisme, madame la secrétaire d'État. C'est vous qui en avez parlé. Vous avez dit à juste titre : « nous nous interrogeons sur les prises de position d'acteurs qui relient les effets d'une surexposition intensive des enfants de moins de trois ans à l'autisme virtuel ». Ce serait faire injure aux familles d'enfants autistes ; la recherche a besoin d'avancer sur cette maladie. Pour ma part, j'ai parlé de troubles du langage, du développement, de l'attention. D'ailleurs, les médecins que nous avons auditionnés ne font pas non plus cette confusion et nous alertent sur elle.

On peut insister sur la nécessité d'approfondir la recherche sur cette question ; je formule d'ailleurs ces préconisations dans mon rapport d'information. Je propose d'approfondir la question sur les apprentissages à l'école, sur les effets de l'utilisation intensive des écrans, y compris sur les adultes. Mais Serge Tisseron le rappelle, les faisceaux d'indices se renforcent de jour en jour : il y a pratiquement deux ans d'attente pour avoir une consultation dans certains centres médicosociaux en Seine-Saint-Denis. Les enfants ne sont pas des rats, madame la secrétaire d'État. Il faut agir par simple principe de précaution. Comme l'a rappelé Mme Ghali, nous sommes des politiques, et nous prenons nos responsabilités au regard du travail que nous faisons au sein de cette commission depuis dix ans pour un certain nombre d'entre nous.

Je remercie Mme Robert et M. Brisson d'avoir parlé de l'incohérence de votre propos au regard des dispositions que l'on nous a fait voter sur l'interdiction du téléphone portable à l'école. Nous avons fait confiance à Jean-Michel Blanquer, qui avait besoin de cet outil législatif. Comme l'a souligné Mme Robert, nous aurions alors aimé débattre d'autres sujets connexes. Mais il fallait que la loi soit adoptée rapidement pour pouvoir être appliquée à la rentrée scolaire 2018. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans cette logique.

Mme Darcos, notamment, a soulevé la question des parents. Bien entendu, les parents doivent être responsabilisés ; mais encore faut-il qu'ils soient eux-mêmes sensibilisés et formés aux enjeux liés au numérique. Or la déferlante des innovations technologiques est telle que nous avons besoin, quel que soit notre âge, d'une formation continue au numérique. À cet égard, j'avais demandé au Président de la République et au Premier ministre que le numérique soit la grande cause nationale en 2019 ou en 2020, et je n'ai pas de réponse non plus. Nous sommes vraiment méprisés ! (Applaudissements.)

Va-t-on recommencer le scandale de la cigarette, de l'alcool, des produits sucrés ? Nous connaissons le poids des lobbies, comme l'ont expliqué David Assouline et André Gattolin. Les membres du CSA que j'ai longuement auditionnés m'ont rappelé à quel point il avait été difficile d'imposer la campagne d'information sur les publicités visant l'alimentation. D'ailleurs, ils souhaitent transformer la charte de l'alimentation en charte de la santé - cela inclura la problématique des écrans. S'il n'y a pas force législative, les choses seront encore plus compliquées.

Mes chers collègues, je vous remercie de votre confiance. Il ne s'agit là que d'une première étape. Il faudra s'atteler à la question des contenus. Peut-être organiserons-nous un débat très complet sur le sujet en séance publique.

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