Je vous remercie, madame Guillotin, de me donner l’occasion de parler de ce sujet qui vous tient à cœur et qui m’a beaucoup agacée, vous l’avez compris, lorsque je suis arrivée au ministère l’année dernière.
Vous avez souligné les dérives effectives du dispositif des médecins remplaçants. Certains, que j’appelle les « mercenaires », font aujourd’hui commerce de la pénurie et se vendent aux plus offrants, à des prix qui grèvent le budget de nos hôpitaux. Il est évident qu’un hôpital ne peut pas fonctionner sans anesthésiste. Les chirurgiens ne peuvent alors pas travailler. Quand on manque d’anesthésistes, on est prêt à payer extrêmement cher pour en recruter.
Un cercle vicieux s’est installé. Certains professionnels quittent leur poste statutaire, car ils sont mieux payés en travaillant une semaine par mois en tant qu’intérimaire qu’en exerçant à plein temps dans un hôpital.
Face à ces pratiques que j’estime déviantes en termes de déontologie, j’ai publié un décret en date du 24 novembre 2017. Il prévoit que le salaire journalier brut d’un médecin remplaçant en 2018 ne peut dépasser 1 400 euros par vingt-quatre heures. Il ne pourra être supérieur à 1 300 euros en 2019 et à 1 170 euros en 2020.
À la suite de la publication de ce décret, un syndicat de médecins remplaçants a décidé de boycotter les hôpitaux publics, dont il a établi une liste noire. J’ai estimé que ce n’était pas déontologique. Mon ministère a donc déposé une plainte auprès de l’Ordre des médecins contre ces praticiens. Je suis attaquée aujourd’hui par ce syndicat, qui estime que le ministère n’a pas à s’opposer au choix d’un syndicat. La bataille, on le voit bien, ne fait que commencer. Elle est relayée dans la presse.
Il est important que nous ayons sur cette question un consensus des élus. Vous êtes les premiers à observer sur le terrain les difficultés de fonctionnement de nos hôpitaux. Comme moi, vous avez un certain sens du service public et considérez qu’il faut protéger les hôpitaux publics contre certaines dérives.
Je ne pense pas qu’un nouveau rapport soit vraiment utile, car le constat a déjà été fait par la direction générale de l’offre de soins, la DGOS. Les hôpitaux s’en plaignent. Tout le monde sait ce que ces pratiques représentent dans le budget de certains hôpitaux.
Le problème aujourd’hui est de trouver un moyen d’agir. Le ministère intervient, mais j’ai besoin du soutien des élus. La ministre que je suis ne peut pas porter seule la question de la pénurie de médecins et le problème des dérives de certains mercenaires qui font commerce de la médecine au risque de couler nos hôpitaux publics.
Cet amendement m’a permis d’aborder ce sujet. La question que je me pose aujourd’hui est : comment être plus proactive ? Je l’ai dit hier, il faut que tous les hôpitaux jouent le jeu. Si un hôpital venait à contourner le décret, tout le dispositif s’effondrerait. Je n’aurais alors plus de moyens de pression sur ces professionnels.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, madame la sénatrice. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, car je ne souhaite pas un nouveau rapport. La situation est suffisamment connue.