Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 15 novembre 2018 à 10h30
Financement de la sécurité sociale pour 2019 — Article 19

Gérald Darmanin :

Sinon, on risque de rencontrer un petit problème en termes de financement ! Il faut rester cohérent et, pour le coup, je reconnais bien volontiers de nouveau que le groupe CRCE est le plus cohérent de tous à propos des modalités de financement des dépenses sociales.

Qu’entend-on par dépenses sociales ? Il s’agit bien sûr des dépenses de la sécurité sociale, mais il ne s’agit pas que de cela : la prime d’activité est aussi une dépense sociale, même si elle relève des crédits de l’État ! Quand on dédouble les classes de CP et CE1 dans les quartiers prioritaires et, demain, dans les zones rurales – vous êtes les premiers à dire qu’il s’agit de dépenses sociales –, on agit en direction de personnes qui ont des difficultés sociales. Or il s’agit là encore de crédits de l’État !

Monsieur le sénateur, vous disiez que l’essentiel de notre système serait financé demain par les charges patronales. Mais enfin, si ces charges patronales, les masses salariales grâce auxquelles on collecte des cotisations ou la CSG existent, c’est bien parce que l’on a encouragé le travail et l’entreprise en supprimant des impôts d’État !

Nous avons baissé l’impôt sur les sociétés : cela nous permet de récupérer davantage d’impôts sociaux. Quand nous décidons de supprimer l’ISF – c’est aussi un point sur lequel on pourrait débattre, mais je ne veux pas le faire aujourd’hui –, nous pensons que cette mesure peut aider les PME, les ETI et les grandes entreprises à embaucher davantage et donc à accroître les recettes. Ne faisons pas semblant de croire que ce que fait l’État d’un côté, en diminuant sa fiscalité et en creusant son propre déficit, ne permet pas à la sécurité sociale, de l’autre, de percevoir davantage de recettes. Ce serait une contre-vérité que de ne pas le reconnaître.

La question à se poser à ce stade n’est pas de savoir comment on répartit la manne des enfants d’Israël se levant le matin. On est bien d’accord sur le fait que beaucoup d’efforts ont été faits précédemment pour parvenir aux 700 millions d’euros d’excédents de la sécurité sociale aujourd’hui.

Il faut le dire : on doit ce résultat aux réformes des retraites, d’abord la réforme Woerth, puis la réforme menée lors du précédent quinquennat, lesquelles ont permis de récupérer davantage de cotisations. On le doit aussi à l’hôpital public, qui a fait des efforts très importants, notamment ses personnels de santé. On le doit peut-être aussi à une bonne gestion plus générale du système et, avouons-le également, à l’augmentation de la CSG.

Après tout, tout le monde nous reproche aujourd’hui de ne pas avoir décalé la hausse de la CSG et des cotisations l’an dernier, mais cela a permis d’encaisser des recettes supplémentaires, même si elles sont en partie destinées à l’État !

L’ensemble des gouvernements ont pris des mesures courageuses, parfois impopulaires, qui n’étaient pas toujours prévues dans le programme du Président de la République de l’époque, mais qui ont permis de parvenir au résultat que nous observons aujourd’hui.

Il existe un léger excédent, mais une dette sociale importante, qui s’élève encore à 126 milliards d’euros, persiste aussi. Par ailleurs, nous avons une dette publique très élevée que, du fait de l’évolution des taux d’intérêt, nous devons essayer de réguler de façon notable.

Ce que propose le Gouvernement, à la suite de la remise du rapport de MM. Charpy et Dubertret, c’est de garantir une solidarité, mais une solidarité qui ne nie pas la nécessaire extinction de la dette sociale. Surtout, la question – des sénateurs de tous bords ont posé – est de savoir comment on peut faire pour garantir la protection sociale de demain, notamment et, indépendamment de ce que nous connaissons aujourd’hui, la dépendance, sujet sur lequel Mme la ministre travaille beaucoup.

Nous savons que nous avons l’obligation juridique d’affecter des impôts sociaux au champ social, et nous le ferons. Nous devons aussi éteindre cette dette sociale de 126 milliards d’euros : c’est pourquoi il faut continuer à faire des efforts et pas simplement reporter les réformes.

Alors, l’ONDAM est-il le bon instrument de mesure ? Je ne suis pas assez qualifié pour répondre à cette question. En tout cas, il faut bien que l’on en ait un. On peut toujours casser le thermomètre pour déclarer que l’on n’a pas de fièvre, mais la vérité, c’est que l’on dispose d’un instrument de mesure. Vous savez bien que la différence fondamentale est celle qui sépare l’ONDAM de ville et l’ONDAM de l’hôpital, sujet essentiel sur lequel Mme la ministre travaille beaucoup là encore.

Comment prendre en compte les besoins des professionnels de santé et ceux de la population tout en régulant les dépenses publiques ? Cette problématique est évidemment importante.

Pour en terminer et répondre ainsi à M. le sénateur Henno, je dirai que le débat n’est pas tant de connaître les tuyauteries du système, de savoir qui de l’État ou de la sécurité sociale le finance, ou de savoir si celui-ci est plutôt universel ou assurantiel, mais, à partir du moment où l’on sait aujourd’hui que la sécurité sociale va conserver son autonomie et que les comptes de celle-ci deviennent excédentaires, de réfléchir aux enjeux à venir en matière de protection sociale, et de trouver la meilleure manière de refaire 1945 en 2019, si je peux m’exprimer ainsi.

L’un des enjeux les plus importants dans le futur est sans doute celui de la dépendance. Comment financera-t-on la dépendance ?

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