Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 18 octobre 2007 à 10h00
Contrôleur général des lieux de privation de liberté — Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, rapporteur :

Ces amendements complètent et confortent les orientations défendues par le Sénat sur un certain nombre de points.

Le premier porte sur les conditions de désignation du contrôleur général.

Madame le garde des sceaux, vous l'avez rappelé, ce dernier est nommé par décret du Président de la République, et non par un décret simple, afin de consacrer l'importance de la mission dévolue à cette autorité. La consultation prévue des assemblées a donné lieu à un débat, dans la mesure où la commission des lois de l'Assemblée nationale souhaitait que le contrôleur général soit désigné « dans les conditions prévues par la Constitution ». Soit, mais, pour l'instant, la Constitution ne prévoit rien en la matière ! §Si elle avait été adoptée, cette disposition aurait donc reporté obligatoirement la nomination du contrôleur général à des temps plus lointains.

Finalement, le texte prévoit l'avis préalable de la commission compétente de l'Assemblée nationale et du Sénat. Bien évidemment, nous attendons les conclusions du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, dit « comité Balladur ».

S'il devait y avoir une révision de la Constitution sur ce sujet de la consultation du Parlement, il sera toujours temps, dans une loi organique qui suivra la révision, de préciser toutes les institutions dont les membres seront nommés « dans les conditions prévues par la Constitution ». Cela étant, la rédaction actuelle du projet de loi permettra de nommer dès à présent le contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Le deuxième point porte sur l'indépendance du contrôleur général.

En première lecture, nous avons souhaité mettre en oeuvre plusieurs des préconisations contenues dans le rapport de l'office parlementaire d'évaluation de la législation sur les autorités administratives indépendantes présenté en 2006 par notre collègue Patrice Gélard.

L'Assemblée nationale a tenu à préciser que les contrôleurs chargés d'assister le contrôleur général seraient placés sous l'autorité exclusive de celui-ci dans « l'exercice de leurs missions ». Il s'agit, me semble-t-il, d'une sage décision, puisque cela permettra de nommer des contrôleurs ayant une autre activité et n'exerçant pas forcément à temps plein et, donc, d'enrichir le « vivier » de recrutement. Il existe d'ailleurs déjà dans l'administration des cas où un certain nombre d'experts désignés n'exercent pas à temps plein. Ainsi, il sera possible de faire appel à un plus grand nombre de personnalités, notamment celles qui ont des compétences pluridisciplinaires. Chacun le sait, compte tenu de la diversité des lieux à contrôler, il ne peut pas y avoir qu'un seul profil de contrôleur.

Le troisième point concerne le renforcement des prérogatives du contrôleur général.

En première lecture, nous avons renforcé les suites données au droit de visite sur trois aspects : les observations adressées par le contrôleur général au ministre intéressé porteraient non seulement sur l'état du lieu visité, mais aussi sur les conditions de détention des personnes privées de liberté ; l'autorité responsable du lieu d'enfermement aurait l'obligation de répondre au contrôleur général lorsque celui-ci l'a expressément demandé ; le contrôleur général serait tenu de dénoncer, d'une part, au procureur de la République, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale, les infractions constatées et, d'autre part, à l'autorité administrative, les fautes disciplinaires parvenues à sa connaissance.

Les députés sont allés dans le même sens. Sur le droit de visite, ils ont même, à mon sens, amélioré encore davantage la rédaction. Pour certains cas, que nous avons conservés et qui me paraissent tout de même justifiés, les motifs opposés à la visite du contrôleur général devraient présenter un caractère non seulement « grave », mais aussi, ont-ils ajouté, « impérieux ». Ils ont rendu obligatoire la motivation de cette opposition. Ils ont, en outre, précisé que les autorités responsables des lieux de privation de liberté devaient informer le contrôleur général dès que les circonstances avancées à l'appui d'un refus de visite avaient cessé.

Quant aux suites données aux visites, les députés ont proposé une procédure d'urgence, permettant au contrôleur général de fixer un délai dans lequel l'autorité compétente devait lui répondre et de rendre public le contenu de ses observations et des réponses. Une telle précision est également importante, car les nouvelles garanties ainsi apportées permettront d'accroître l'efficacité du contrôle général.

Le quatrième et dernier point porte sur la coordination avec les autres instances chargées de veiller au respect des libertés.

Les députés ont enrichi le texte, puisqu'ils ont autorisé la saisine directe du Médiateur de la République par le contrôleur général. Il faut le rappeler, madame le garde des sceaux, le Médiateur de la République se rend déjà dans les établissements pénitentiaires, ce qui est une très bonne chose, mais pour y remplir sa fonction habituelle : les détenus, comme tous les autres citoyens, sont en droit de faire appel à lui pour leurs démarches administratives, notamment auprès des organismes de sécurité sociale. Le Médiateur fait d'ailleurs remarquablement ce travail de grande importance.

De plus, nous nous sommes interrogés sur la pérennité de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administratifs et des zones d'attente, laquelle pourra donc être supprimée dès que le contrôle général des lieux de privation de liberté sera institué. Je tiens tout de même à le rappeler, cette commission, même disposant de peu de moyens et ne bénéficiant pas du statut d'autorité administrative indépendante, a fait un travail remarquable, et il faut donc en féliciter son président, conseiller à la Cour de cassation, ainsi que l'ensemble de ses membres.

Comme en témoigne ce rappel des travaux parlementaires, l'adoption des amendements des deux assemblées permet de répondre à des préoccupations largement communes. M. Mermaz ne me démentira pas sur ce point, l'Assemblée nationale et le Sénat partagent depuis longtemps le même point de vue sur la nécessité d'instituer un contrôle indépendant, qui s'est donc dans un premier temps limité aux prisons.

La navette a permis de renforcer le statut et les pouvoirs du contrôleur général, lui donnant ainsi les moyens d'une action efficace et conforme aux fortes attentes soulevées par l'institution d'un contrôle indépendant.

Mes chers collègues, l'équilibre auquel le Sénat et l'Assemblée nationale sont ainsi parvenus au terme de la première lecture et l'absence de désaccord entre les deux assemblées conduit la commission des lois à vous proposer d'adopter le projet de loi sans modification.

Je le répète, le vote définitif du texte doit permettre la nomination rapide du contrôleur général. Je souhaite rappeler toute l'importance qui s'attache au choix de la personnalité appelée à exercer ces fonctions, pour asseoir le magistère moral de la nouvelle autorité. À cet égard, la participation, pour la première fois, des commissions des lois de chaque assemblée à la procédure de désignation constitue une forte garantie.

Le vote du texte doit être aussi une incitation pour le Gouvernement à ratifier rapidement le protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture, qui prévoit la mise en place d'un mécanisme national de prévention indépendant. Une telle ratification est très facile, il suffit de l'inscrire à l'ordre du jour !

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