Je suis évidemment défavorable à la suppression de l’article.
Nous souhaitons faire monter en charge l’incitation financière à la qualité, un dispositif qui encourage les établissements à faire mieux dans leurs organisations au bénéfice des patients. L’entrée en vigueur de ce dispositif est fixée au 1er mars 2019.
Les indicateurs, qui sont en préparation, seront réévalués tous les trois ans par la Haute Autorité de santé, qui vérifiera scientifiquement la capacité des établissements à les recueillir de façon quasiment automatique, pour que la charge de travail de ceux-ci ne soit pas alourdie. La modification des indicateurs tous les trois ans permettra d’éviter les biais qui aboutiraient progressivement à ce que les systèmes s’adaptent et dérivent pour satisfaire à un indicateur au lieu de remplir un objectif de qualité.
Ce travail est effectué sous la responsabilité de la Haute Autorité de santé, dont l’un des services est dédié aux indicateurs, lesquels sont étudiés et évalués sur le terrain généralement pour une année blanche, puis mis en place et déployés de façon générale s’ils s’avèrent robustes.
Aujourd’hui, il existe dix indicateurs au maximum par champ – MCO, médecine chirurgie obstétrique, SSR, soins de suite et de réadaptation, ou HAD, hospitalisation à domicile. Ces indicateurs sont arrêtés par le ministère, après avis de la HAS. L’idée est de faire basculer une partie du financement issu de la T2A vers un financement à la qualité, afin d’inciter les établissements à faire mieux plutôt qu’à produire de plus en plus d’actes.
C’est, je le pense, une philosophie à laquelle vous adhérez. Il n’y a donc pas aujourd’hui d’inquiétude à avoir sur notre volonté d’améliorer les indicateurs pour qu’ils soient davantage axés sur les résultats des pratiques que sur une démarche qualité, comme l’évoquait Mme Cohen.
Les indicateurs de qualité sont réévalués. Ils font d’ailleurs l’objet de travaux internationaux, car nous ne sommes pas le seul pays à développer de tels indicateurs. Ils font l’objet de partages, leurs biais sont examinés… : tout cela va dans le sens d’une amélioration de la qualité au niveau international.
Madame Cohen, vous faisiez part de votre inquiétude quant à l’extension de ces indicateurs à la psychiatrie, au vu de l’état de cette spécialité dans notre pays. Cet état est lié à trois éléments différents.
D’abord, le faible investissement dans les établissements ces dernières années : j’y travaille et j’ai prévu notamment dans le plan « Ma santé 2022 » qu’une partie du financement et de l’investissement aille vers les hôpitaux psychiatriques.
Ensuite, la faible démographie des psychiatres, notamment à l’hôpital : elle s’explique par la rémunération extrêmement avantageuse des psychiatres en ville, liée à la pénurie de ces spécialistes. Il est donc très difficile de recruter des psychiatres hospitaliers. Beaucoup des établissements que vous citez ont en réalité des postes ouverts : le problème est donc non pas financier, mais lié aux difficultés de recrutement.
Enfin, le dernier sujet est plus préoccupant. Les deux précédents sont à ma main : former des psychiatres, c’est mon travail. Avec Frédérique Vidal, nous avons d’ailleurs ouvert dix postes de chefs de clinique en pédopsychiatrie l’année dernière, et j’ai demandé à tous les doyens de médecine d’ouvrir des postes de PU-PH, c’est-à-dire de professeur des universités-praticien hospitalier, en pédopsychiatrie afin de former des internes. Dans huit régions françaises, il n’y a plus de pédopsychiatre ! À mon arrivée, la situation était, dirais-je, assez sinistrée, et il faut le temps de former les personnes. Nous y travaillons d’arrache-pied.
Ce troisième sujet est celui de la dérive des pratiques. Pour avoir longtemps présidé la HAS, j’ai pu prendre connaissance des certifications d’un certain nombre d’hôpitaux psychiatriques. Dans certains d’entre eux subsistent des pratiques d’un autre siècle, pour ne pas dire d’un autre millénaire. Ce que nous leur demandons, c’est de la qualité, c’est-à-dire un changement de leurs pratiques. Parmi les hôpitaux que vous citez, certains – je ne dirai pas lesquels – ont du mal à recruter des psychiatres, parce qu’ils ont maintenu des pratiques du siècle dernier. Plus personne ne veut y travailler !
À un moment donné, il faut mettre le holà. Cela passe par la non-certification d’un certain nombre d’établissements, par la mise en place d’indicateurs de qualité qui leur permettront de faire évoluer leurs pratiques et puis, quand ils ne veulent rien changer à ces dernières parce qu’ils estiment bien faire, par des sanctions financières. Sur ce dernier point, je serai intraitable, parce que ce que j’ai vu dans certains hôpitaux est absolument affligeant.
Je travaille sur ces trois leviers, mais je ne veux pas que nous nous privions de ces indicateurs de qualité dans nos hôpitaux psychiatriques. Il n’y a aucune raison qu’ils échappent à notre devoir d’améliorer la qualité des soins.