Tel que c’est parti, je n’imagine pas vous convaincre… Je vais tout de même, au risque de vous embêter, vous raconter l’histoire.
Le problème de l’engorgement des urgences, vous l’imaginez bien, ne va pas se régler avec cet article. Dans le cadre de la transformation de notre système de santé, nous souhaitons agir en profondeur sur l’offre de soins, notamment l’offre de proximité, afin de la rendre plus accessible, ce qui suppose de travailler sur l’amont.
Les CPTS que nous allons créer auront pour mission de mettre en place une permanence des soins non programmés. Cette permanence, qui n’existe pas dans leur cahier des charges, va réapparaître via une incitation financière. Nous espérons que le collectif de professionnels s’organisera pour améliorer cette permanence des soins.
Nous allons également équiper tous les EHPAD en télémédecine. Cet équipement, nous l’avons financé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cela évitera des transports inutiles aux urgences des personnes âgées.
Sur l’aval – le rapport Carli en parlait beaucoup, comme vous l’avez rappelé, monsieur Jomier –, nous travaillons sur des filières de prise en charge dans les territoires, notamment via les CPTS.
Nous allons équiper tous les GHT du fameux logiciel de gestion des lits, qui permettra aux gestionnaires de lits et aux directions de trouver beaucoup plus facilement des lits disponibles, de faire des bascules de patients, etc.
Nous allons également développer l’offre de soins de suite et de réadaptation dans les hôpitaux de proximité. Nous savons que les SSR sont souvent saturés et trop centralisés. Notre objectif est de les rapprocher des territoires.
Nous augmentons évidemment le nombre d’urgentistes. Nous sommes passés à plus de 400 internes formés par an depuis la réforme du troisième cycle des études de médecine.
La réforme holistique vise donc à travailler sur l’amont, sur les urgences elles-mêmes et sur l’aval.
À cela s’ajoute la proposition d’Olivier Véran. Je ne reviendrai pas sur l’historique du rapport, mais l’idée est que nous devons faire de la pédagogie auprès de nos concitoyens qui se rendent aux urgences par facilité. Ils sont à peu près 20 % à n’avoir rien à y faire, mais, parmi ces 20 %, il n’y a qu’un petit pourcentage qui exagère vraiment, comme ceux qui viennent juste pour un renouvellement d’ordonnance.
On peut caricaturer cette mesure à l’envi, en se demandant qui va examiner les malades, en disant qu’on va renvoyer ceux qui font un infarctus… Il s’agit d’une expérimentation, avec un cadrage, pour favoriser la pertinence des soins et la financer.
D’une certaine façon, la pertinence, cela veut dire accepter de ne pas être rémunéré pour un acte qu’on ne fait pas. Ce n’est pas très incitatif d’être pertinent dans notre métier. Quand on veut changer les modes de tarification, il faut donc accepter de financer ceux qui ne font pas, parce que, pour la personne qui va renvoyer quelqu’un en disant « vous n’avez rien à faire aux urgences, on va vous trouver une maison de santé pluriprofessionnelle ouverte dans votre quartier », cela représente un temps de négociation.
Nous souhaitons mettre en œuvre ce dispositif dans les territoires où existe une offre de soins. Nous ne sommes pas idiots ! Nous n’allons pas le mettre en œuvre là où l’offre de soins est inexistante. Nous devons donc faire de la pédagogie dans les quelques territoires où cela peut avoir un intérêt et cadrer la mesure pour qu’il n’y ait aucune perte de chance pour les malades, l’enjeu n’étant évidemment pas de passer à côté d’un diagnostic grave. Mais enfin, il y a tout de même des gens qui viennent pour de la bobologie, qu’il s’agisse d’une petite plaie ou d’une entorse de cheville banale ! Quand il existe une offre de soins non programmés accessibles, il me paraît de bonne pratique de réadresser les malades.
J’ai entendu que vous souhaitiez faire une description assez caricaturale de cette mesure, alors qu’elle s’ajoute, vous l’avez bien compris, à un plan de transformation en profondeur de notre système de santé. C’est une petite cerise sur un énorme gâteau.
J’ai bien compris que vous souhaitiez supprimer cet article, mais je voulais vous expliquer pourquoi je l’ai accepté. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.