De fait, de par son ampleur et sa fréquence, le recours aux décrets d’avance a surtout conduit à amoindrir la portée de l’autorisation parlementaire. Chaque année, vous reprochiez légitimement au Gouvernement de ne pas respecter les droits du Parlement. Vous aviez raison : il n’est pas normal que des centaines de millions d’euros d’ouvertures et d’annulations de crédits fassent l’objet d’un simple avis des commissions des finances, qui n’est pas susceptible d’apporter des modifications et qui ne lie pas le Gouvernement.
Nous nous sommes engagés à ce que, dorénavant, les ouvertures de crédits supplémentaires fassent toutes l’objet d’un vote du Parlement, ainsi que de possibles amendements, discutés en séance, sans mesures fiscales, dans le cadre d’une loi de finances spécifique. C’est le cas cette année.
Ces trois engagements, le Gouvernement les a respectés, puisque ce collectif budgétaire est le point d’aboutissement de notre démarche de sincérisation, entreprise dès l’an dernier, au lendemain du rapport de la Cour des comptes qui pointait des insincérisations graves et répétées lors de la gestion précédente.
Premièrement, comme vous l’avez constaté, le texte que je vous présente aujourd’hui est uniquement composé d’articles techniques – certes, il y a souvent de la politique derrière la technique –, qui confirment la sincérité des prévisions présentées lors du projet de loi de finances pour 2019. Son contenu a donc été restreint aux seules mesures ayant trait à l’exercice en cours, afin qu’il retrouve sa cohérence et sa vocation première. C’est la première fois depuis l’entrée en vigueur de la LOLF.
De la même manière, nous ne soumettons aucun décret d’avance à l’avis de votre commission des finances, conformément à l’engagement que j’avais pris devant vous. Si ce PLFR est voté, l’intégralité des ouvertures et des annulations de crédits sur le budget général aura donc été décidée par le Parlement, que ce soit dans le cadre du projet de loi de finances ou du projet de loi de finances rectificative. C’est une première, je le répète, depuis 2001 !
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, si le Gouvernement est capable de présenter devant vous un PLFR de fin d’année qui confirme nos engagements et nos prévisions, sans aucune mesure fiscale supplémentaire, c’est d’abord la conséquence d’une budgétisation sincère lors du vote de la loi de finances initiale. Le Sénat y a largement contribué : nous avons ainsi pris en considération les travaux parlementaires et les discussions que nous avons eus ensemble sur l’évaluation des politiques publiques, tant à l’Assemblée nationale qu’ici.
Ainsi, ce projet de loi de finances rectificative « allégé », puisqu’il ne comporte que 9 articles, est divisé selon les problématiques suivantes : deux articles concernent les ajustements de recettes, qui arrêtent le montant de ressources affectées aux comptes d’affectation spéciale « Transition énergétique » et « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » ; un article technique de ratification de décrets relatifs à la rémunération de services rendus ; des articles prévoyant, conformément à l’article 11 de la loi de programmation des finances publiques, adoptée l’an dernier sur l’initiative de votre commission, de modifier les plafonds d’emplois des ministères et des budgets annexes, afin de ramener, dès 2018, l’écart entre les plafonds votés par le Parlement et la consommation effective des emplois à un niveau proche de 1 %.
Tous les élus locaux le savent, le compte administratif diffère souvent du budget, ce que les chambres régionales des comptes leur reprochent. Aujourd’hui, l’État doit faire l’effort de mettre en corrélation, comme vous le demandez, monsieur le rapporteur général, ses effectifs budgétisés et ses effectifs réels.
Le texte présenté devant vous suffit à démontrer la prudence des prévisions du Gouvernement, ce que l’on a pu lui reprocher, ainsi que la sincérité des hypothèses retenues.
Sincérité s’agissant du cadrage macroéconomique, tout d’abord, puisque la prévision de croissance de 1, 7 % pour l’année 2018 reste inchangée par rapport aux hypothèses révisées dans le PLF pour 2019. C’est conforme à la loi de programmation des finances publiques.
Sincérité, ensuite, puisque le Gouvernement a respecté ses engagements en matière de dépenses, maintenant le déficit public à 2, 6 % du PIB, soit le niveau retenu dans le projet de loi de finances pour 2019, que vous aviez voté, modifié. Le ratio de dépense publique reste lui aussi inchangé, à 54, 6 % du PIB, tout comme le solde structurel, qui s’établit toujours à moins 2, 2 % du PIB en 2018. Enfin, l’objectif national d’évolution des dépenses d’assurance maladie, devrait, selon l’avis du comité d’alerte du 15 octobre dernier, être respecté également.
Sincérité, enfin, parce que l’évolution des recettes a un effet neutre, si bien que le taux de prélèvements obligatoires s’établit, comme prévu dans le PLF, à 45 % en 2018.
La sincérité de notre politique budgétaire, c’est aussi la confirmation du redressement de nos finances publiques. Dans les faits, le solde présenté, révisé à moins 81, 3 milliards d’euros dans le PLF 2019, s’établit ainsi à moins 80 milliards d’euros, sous l’effet de plusieurs facteurs dont vous me permettrez d’exposer rapidement le détail.
Premièrement, le solde du compte retraçant les participations financières de l’État s’améliore, à hauteur de 1, 2 milliard d’euros, grâce à la cession par l’État de 2, 35 % du capital de l’entreprise Safran.
Deuxièmement, comme nous l’avions annoncé dans le projet de loi de finances pour 2019, notre schéma de fin de gestion nous permettra de dépenser 600 millions d’euros de moins que l’objectif fixé en loi de finances initiale, tout en ouvrant les crédits indispensables au règlement des dépenses obligatoires.
Je pense naturellement aux opérations extérieures et intérieures du ministère des armées – 400 millions d’euros –, aux dépassements prévus pour les dépenses de personnel de certains ministères – un T2 qui, notamment à l’éducation nationale, mais également à l’intérieur, représente 300 millions d’euros –, pour la prime d’activité – 200 millions d’euros –, pour l’allocation des demandeurs d’asile – 100 millions d’euros –, pour les aides personnelles au logement – 100 millions d’euros –, ainsi que pour les exonérations sur le périmètre de l’outre-mer, pour environ 100 millions d’euros.
Ces ouvertures, que chacun pourra qualifier d’urgentes, seront intégralement gagées par des annulations à due concurrence, dans le respect strict du principe de responsabilité des gestionnaires, que nous avons affirmé dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2018, et que vous avez soutenu.
Ces annulations concernent pour l’essentiel des crédits préalablement mis en réserve, ou bien sont rendues possibles par la réalisation d’économies au-delà de ce qui était initialement prévu. De ce point de vue, les ministères sont responsabilisés. Je vous rappelle que nous sommes passés de 8 % à 3 % de gel, ce qui constitue la plus importante baisse depuis la loi de finances pour 2001.
Par ailleurs, j’ai eu l’occasion de dire, lorsque j’ai présenté le PLFR au conseil des ministres, que j’avais dégelé l’intégralité des crédits de tous les ministères. Songez que, l’an dernier, pris sans doute par les difficultés héritées de la gestion précédente, il m’avait fallu attendre le 27 décembre pour dégeler l’intégralité des crédits, ce qui, convenez-le, n’était respectueux ni de votre autorisation d’engagement ni de la responsabilité des gestionnaires.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les lignes directrices de ce collectif budgétaire de fin d’année, qui est conforme aux engagements que nous avons pris devant vous depuis le début de la mandature. Si votre assemblée vote ce texte, sa promulgation, au début du mois de décembre prochain, nous permettra, pour la première fois depuis trente ans, et, conformément aux engagements que j’ai pris devant vous, de faire en sorte qu’aucun décret d’avance ne soit déposé par le Gouvernement. Loin de remettre en cause les prérogatives du Parlement, le recours à un PLFR « allégé » est ainsi un instrument de revalorisation de l’autorisation parlementaire, donc du contrôle des membres du Parlement sur les choix budgétaires réalisés.
Le Gouvernement ayant fait l’effort de n’inclure aucune disposition fiscale, vous comprendrez, monsieur le rapporteur général, que je n’en accepterai pas lors de nos discussions. Cependant, je suis ouvert à tout débat fiscal, sur les sujets que vous voudrez, lors de la discussion du PLF 2019, qui est le moment le plus approprié.
En conclusion, je puis vous assurer que le Gouvernement prendra l’année prochaine le même engagement devant vous : un taux de gel bas ; une autorisation parlementaire respectée ; des crédits sincères dans le PLF.
Les décrets d’avance doivent rester une arme à notre disposition lors des difficultés très importantes que rencontre la Nation, par exemple à l’occasion d’une catastrophe ou d’une intervention militaire, mais jamais par temps calme, si tant est que les temps d’aujourd’hui puissent être considérés comme calmes. En tout cas, nos prévisions étaient justes et le Parlement a été respecté. Que vous ayez été favorables ou non aux crédits budgétaires inscrits, ils se sont révélés sincères, et le Gouvernement n’a pas menti.