Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 19 novembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, nous sommes réunis cette année plus tôt que les autres années pour examiner le projet de loi finances rectificative qui, comme vient de le dire M. le ministre, revient à sa vocation initiale de PLFR de fin d’année, c’est-à-dire un texte réduit à des ajustements principalement budgétaires. Il permet de remplacer, ce dont nous nous réjouissons, le traditionnel décret d’avance de fin d’année.

En conséquence, l’examen de ce texte est particulièrement resserré, mais, je le répète, nous ne pouvons que nous féliciter de ce que le PLFR de fin d’année retrouve son objectif d’origine, qui est bien de se concentrer sur les mesures ayant uniquement un impact sur l’année en cours.

Comme Vincent Éblé le dira, je pense, dans un instant, nous avons nous-mêmes prôné ce retour aux fondamentaux de la loi de finances rectificative dans le cadre de la réforme constitutionnelle. C’est une bonne chose de ne pas avoir une sorte de seconde loi de finances, avec de nombreuses mesures fiscales, sorte de « voiture-balai » pour bien des amendements rejetés quelques jours ou semaines plus tôt, mais que nous voyions revenir.

Attention, néanmoins : il ne faudrait pas que cet examen dans un temps resserré nous conduise à nous prononcer sans disposer du temps nécessaire ni des éléments d’analyse suffisants. Attention, aussi, à ne pas voir se multiplier les articles non rattachés en PLF, comme nous pouvons malheureusement le craindre.

Du point de vue macroéconomique, le projet de loi de finances rectificative repose sur un scénario inchangé par rapport au projet de loi de finances pour 2019, en dépit des signaux conjoncturels défavorables apparus depuis. Certes, l’économie française a retrouvé un peu de dynamisme au troisième trimestre, après un premier semestre très décevant, mais, malheureusement, la reprise est plus faible que nous l’escomptions.

Aussi, monsieur le ministre, votre hypothèse de croissance, fixée à 1, 7 %, est peut-être un peu optimiste. Je n’insisterai pas, même s’il est peu probable que l’économie française accélère suffisamment pour permettre d’atteindre ce taux sur l’ensemble de l’année. En tout cas, le rebond nécessaire pour atteindre cet objectif apparaît difficilement compatible avec l’orientation des enquêtes de conjoncture.

La consommation des ménages ne semble pas suivre la hausse de leur pouvoir d’achat au dernier trimestre. Nous sommes loin de « l’automne du pouvoir d’achat » que vous prôniez, monsieur le ministre. Surtout, l’augmentation des prix du carburant et la mise en place du prélèvement à la source risquent de prolonger l’attentisme des ménages.

À cela s’ajoutent des inquiétudes concernant la dynamique de l’investissement des entreprises. L’enquête menée en octobre dernier auprès des chefs d’entreprise dans l’industrie manufacturière fait état d’une baisse de 5 points des prévisions d’investissement pour 2018 par rapport à l’estimation de juillet dernier. D’ailleurs, le Haut Conseil des finances publiques qualifie votre prévision de croissance d’« un peu élevée ».

S’agissant de la trajectoire budgétaire, l’objectif de déficit devrait être tenu, mais c’est un minimum, compte tenu de son manque d’ambition. Le projet de loi de finances rectificative reprend ainsi la prévision de 2, 6 % du PIB retenue dans la loi de finances pour 2019, soit une hausse de 0, 3 point par rapport à l’objectif initial et une baisse de seulement 0, 1 point de PIB par rapport à 2017. De plus, cette amélioration n’est malheureusement pas imputable à la politique du Gouvernement, puisqu’elle tient à ce que l’on peut appeler la « composante non discrétionnaire » de l’évolution du solde structurel.

S’agissant de la situation budgétaire de l’État, le déficit présenté est de 80 milliards d’euros, soit une légère amélioration par rapport à l’estimation initiale de 81, 3 milliards d’euros que nous avons examinée la semaine dernière dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019.

Nous en convenons tous, ce niveau reste très élevé, avec notamment une aggravation de 12, 3 milliards d’euros par rapport à 2017. Le déficit reste ainsi supérieur aux niveaux connus avant la crise de 2008, et une nouvelle aggravation est attendue en 2019 – nous le verrons dans quelques jours –, avec près de 100 milliards d’euros de déficit – 98 milliards d’euros pour être exact.

L’amélioration de 1, 3 milliard d’euros du solde budgétaire s’explique en réalité uniquement par la vente de 2, 35 % du capital de Safran, qui a rapporté 1, 240 milliard d’euros. M. Le Maire a déclaré que le Gouvernement voyait dans cette cession un moyen de procéder au désendettement. Toutefois, c’est malheureusement une goutte d’eau dans un océan de dettes de1 776 milliards d’euros.

Avant d’aborder les recettes et les dépenses, je souhaite saluer la mise en œuvre par le Gouvernement de la limitation à 1 % de la vacance sous plafond qui a été prévue par la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022, mesure de bonne gestion budgétaire introduite sur l’initiative du Sénat, comme vous l’avez rappelé. En effet, nous avons souvent constaté par le passé une décorrélation entre les plafonds d’emplois et les postes effectivement pourvus : l’écart constaté au cours des années passées était beaucoup plus important, variant de 1, 5 % à 1, 7 %.

Le rebasage des plafonds d’emploi au titre de l’année 2018 correspond ainsi à une diminution de 10 805 équivalents temps plein travaillé. Les plafonds d’emplois vont enfin pouvoir être un outil de pilotage des effectifs.

Concernant les recettes fiscales nettes, leur hausse par rapport à la prévision initiale est principalement liée au dynamisme de la TVA et à un rattrapage sur les produits des droits de mutation à titre gratuit. Vous nous aviez informés de l’erreur de comptabilisation à la fin de 2017, donc nous en avons déjà parlé lors de la discussion de la loi de règlement.

Finalement, ces recettes fiscales évoluent assez peu par rapport à l’estimation présentée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019. Le principal changement provient des quelque 600 millions d’euros supplémentaires obtenus au titre de la TICPE, actuellement objet de toutes les attentions des Français.

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