Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 20 novembre 2018 à 9h30
Questions orales — Appellation camembert de normandie

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, certains symboles forgent durablement la réputation d’un territoire et contribuent à son rayonnement, en France comme à l’étranger.

Le camembert est sûrement, avec le Neufchâtel, le Livarot et le Pont-l’évêque, l’élément le plus emblématique de la gastronomie normande, de nos traditions et des savoir-faire de nos artisans fromagers et de ceux de nos producteurs. Inimitable, et à ce titre soumis à une appellation d’origine protégée, ou AOP, depuis 1983, le véritable camembert de Normandie est composé de lait cru et moulé à la louche.

En tant que sénatrice de la Seine-Maritime et élue normande, j’ai été très surprise d’apprendre qu’il était question de modifier les critères de cette AOP en introduisant un nouveau procédé de fabrication : la pasteurisation.

L’introduction d’une telle méthode reviendrait à revoir à la baisse le cahier des charges de notre AOP, avec toutes les conséquences que cela implique en termes de qualité du produit fini.

Avoir recours à la pasteurisation entraînerait également un bouleversement dans la répartition de la valeur entre les différents acteurs de la chaîne de production.

En effet, en substituant la pasteurisation au moulage à la louche, le risque est grand de créer une distorsion de concurrence au sein de la filière même. Et pour cause : favoriser un procédé de fabrication moins cher et standardisé revient à tirer à la baisse la rémunération des petits producteurs, les futurs camemberts AOP pasteurisés étant vendus à moindre prix dans la grande distribution.

Déjà, le niveau moyen de valorisation du lait AOP ne s’élève qu’à 50 % en Normandie. À terme, seuls les consommateurs les plus aisés pourront se permettre d’acheter un véritable camembert AOP produit par un réseau spécialisé haut de gamme.

Il faut prendre garde à ne pas reproduire les erreurs de filières voisines qui, en introduisant la pasteurisation dans leur processus de production, ont contribué à la disparition d’un grand nombre de producteurs. Il serait regrettable de corrompre une recette qui perdure de génération en génération depuis la Révolution française, au profit de seuls intérêts financiers.

Les multinationales qui appellent à l’industrialisation et à la standardisation le font pour exercer une domination plus grande encore sur nos producteurs et réduire les coûts par des suppressions d’emplois. Or la démarche de l’AOP est tout autre et doit, d’une part, favoriser une concurrence saine et, d’autre part, garantir un certain niveau d’exigence.

Les critères de l’appellation nous permettent de préserver notre produit dans sa noblesse sans pour autant nuire à la croissance de la filière.

Je vous demande donc, madame la secrétaire d’État, de tout faire pour maintenir l’AOP camembert de Normandie dans sa formule actuelle, et je vous en remercie.

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