Intervention de Guillaume Chevrollier

Réunion du 20 novembre 2018 à 14h30
Diplomatie climatique de la france à l'aune de la cop24 — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Photo de Guillaume ChevrollierGuillaume Chevrollier :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, trois semaines avant la conférence internationale sur le climat de Katowice en Pologne, il a paru essentiel au groupe Les Républicains de faire un état des lieux sur l’avancement des négociations climatiques. Il y a deux raisons principales à cela.

Tout d’abord, parce que la France a une vraie légitimité, un vrai leadership, sur la scène internationale en matière de changement climatique. Il y a bien sûr eu l’accord de Paris, mais il y a aussi le fait que notre mix électrique est décarboné, notamment grâce au nucléaire.

Ensuite, parce que ce sujet revient chaque année depuis un quart de siècle à l’agenda des Nations unies et que les contributions nationales des gouvernements proposées dans le cadre de l’accord de Paris depuis trois ans ne sont pas suffisantes pour contenir le réchauffement en dessous de 1, 5 degré.

Malgré l’urgence, il faut accepter que la transformation du modèle de croissance hérité de la période préindustrielle vers une économie décarbonée prenne du temps. Elle nécessite surtout des changements en profondeur, qu’il convient d’accompagner. Il en est de même pour la société civile, qui ne peut pas du jour au lendemain modifier ses comportements.

Pour faire accepter des changements comportementaux, quatre ingrédients sont nécessaires : une trajectoire politique forte et cohérente sur le long terme ; la progressivité ; la transparence du financement ; de ce fait, l’acceptabilité par les citoyens. La fiscalité écologique doit être un moyen de fédérer les citoyens plutôt que de les diviser.

Limiter le réchauffement climatique n’est pas hors d’atteinte. Cela nécessite d’entamer une révolution énergétique globale, des transitions dans tous les pans de notre économie et de la société, et, bien sûr, cela réclame une volonté et du courage politique.

La COP24 a un rôle important, davantage que celui des deux précédentes COP. Il y est en effet prévu un bilan d’étape collectif des engagements climatiques nationaux. Son objectif principal est de finaliser le programme de travail de l’accord de Paris et de revoir les ambitions à la hausse.

Revenons sur les termes de l’accord de la COP21 de 2015. Les parties doivent limiter le réchauffement climatique « nettement en dessous de 2° Celsius par rapport aux niveaux préindustriels, en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1, 5° Celsius ». Il s’agit également de revoir à la hausse la contribution nationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour vérifier ces engagements, il est créé un cadre de transparence renforcé et une évaluation périodique des progrès réalisés est attendue. Enfin, les parties prévoient de débloquer 100 milliards de dollars chaque année à partir de 2020 pour les pays en développement.

Puis, il y a eu la COP22 à Marrakech. L’objectif de cette conférence était de définir les modalités d’application de l’accord sur le climat signé à Paris.

Le résultat de ces négociations est un support peu normatif. Les principaux éléments ressortant de la proclamation sont la nécessité « de rehausser d’urgence les ambitions et de renforcer la coopération », et la prise en compte des besoins spécifiques et des circonstances particulières des pays en développement.

Le fait le plus intéressant de ces négociations est sans nul doute l’accélération des financements, avec le Fonds d’investissement de Marrakech pour l’adaptation, le MICA, le Fonds d’adaptation, ou encore l’aide au Centre et réseau des technologies climatiques, et enfin le Fonds vert pour le climat.

Comme à la COP22, les futures règles visant à l’application concrète de l’accord de Paris sur le climat ont été négociées à la COP23, qui s’est tenue à Bonn en 2017.

De fait, la majorité des parties prenantes, acteurs étatiques comme ONG, ont annoncé avant la conférence que le moment clef pour l’application de l’accord de Paris serait la COP de Katowice, un an plus tard.

De la COP23, nous retiendrons le « dialogue de Talanoa », qui a été lancé dès janvier dernier pour collecter les contributions des pays signataires, afin de limiter le réchauffement à 2 degrés Celsius. Les contributions nationales devront ainsi être revues à la hausse avant 2020.

Je note aussi avec beaucoup d’intérêt la montée en puissance d’une thématique au sein de ces négociations internationales, mais aussi en France, dans le cadre des assises de l’eau : il s’agit évidemment de celle de l’eau, première ressource concernée par le dérèglement climatique, puisque 90 % des catastrophes naturelles lui sont liées. Cette question étant centrale dans la limitation des émissions de gaz à effet de serre, elle doit être, me semble-t-il, un élément incontournable des plans climatiques.

Cela étant, le choix de la ville minière de Katowice pour la tenue de la COP24 est symbolique. En effet, la Pologne a un mix énergétique qui repose très largement sur le charbon, puisque 80 % de son électricité en provient. C’est aussi le cas dans de nombreux pays émergents. Cette ville incarne ainsi parfaitement les défis de la transition énergétique.

La COP24 sera l’occasion de finaliser les règles de mise en œuvre du pacte sur le climat, notamment concernant la transparence, c’est-à-dire la façon dont les États rendent compte de leurs actions et de leurs résultats. L’épineuse question du financement du réchauffement climatique sera également abordée. Ainsi, le « plan d’action de Katowice pour la transition juste » devrait être adopté.

Madame la secrétaire d’État, à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, nous prenons le sujet du dérèglement climatique très au sérieux. Nous avons auditionné voilà quelques jours Valérie Masson-Delmotte, paléo-climatologue et membre du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC. Venue nous présenter le rapport du GIEC, elle a insisté sur le rôle fondamental de la coopération internationale, mais aussi sur le fait que « le renforcement des capacités des pouvoirs publics nationaux, des collectivités locales, de la société civile, du secteur privé, des populations autochtones [pouvait] porter ces actions ambitieuses qui seraient nécessaires ». En effet, mes chers collègues, n’oublions pas que la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique passent, certes, par les grandes conférences internationales, mais aussi, et avant tout, par les territoires, par le bas, par l’échelon local.

La réussite ne sera possible que grâce aux acteurs de nos territoires, notamment les plus ruraux de ceux-ci. Je pense à l’action des agriculteurs, des associations et, bien sûr, des élus locaux, qui sont au cœur de l’aménagement des territoires et ont un rôle majeur de protection de la nature, particulièrement lorsqu’ils déploient sur le terrain les plans climat-air-énergie territoriaux.

En France, nous avons la programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas carbone visant à la neutralité carbone en 2050. À l’échelon de l’Union européenne, parmi les engagements pris, figure le paquet climat-énergie fixant des objectifs pour 2030.

Il est crucial que l’Europe conserve le leadership en matière climatique et puisse, dès la COP24, indiquer qu’elle rehaussera son ambition climatique.

Madame la secrétaire d’État, j’ai plusieurs questions à vous poser.

Quelles sont les propositions concrètes que la France fera au reste du monde pour relever ce défi du XXIe siècle qu’est la transition énergétique ?

Quels sont les objectifs de la diplomatie française à l’occasion de cette COP24 ?

Quel a été l’impact du rapport du GIEC du mois d’octobre dernier sur la stratégie de la délégation française ?

Enfin, la diplomatie française envisage-t-elle de mieux articuler la question climatique avec les deux autres grands enjeux du XXIe siècle, à savoir l’accès aux matières premières et la croissance démographique ?

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