Séance en hémicycle du 20 novembre 2018 à 14h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2019 (projet n° 106, rapport n° 111 [tomes I à III], avis n° 108).

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à celles et ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

J’ose le dire !

Certes, je tiens à saluer la qualité des échanges et les discussions qui ont été enrichissantes, mais surtout d’une particulière qualité technique au sein de cet hémicycle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

… avec près de 600 amendements déposés. D’ailleurs, je souhaitais remercier les ministres d’avoir fait preuve de disponibilité, et d’avoir eu à cœur de répondre à chaque parlementaire dans le respect du bicamérisme fondamental pour notre République.

Mais quelle vision de notre système de protection sociale ce PLFSS ainsi modifié porte-t-il ?

Au-delà du financement des comptes sociaux, quid des mesures concrètes et nécessaires pour l’avenir de notre pays et de son système social ?

Si l’objectif financier d’un retour à l’équilibre pour la première fois depuis dix-huit ans – régime général et fonds de solidarité vieillesse, FSV – est maintenu, il n’en reste pas moins que des modifications profondes des relations financières entre l’État et la sécurité sociale sont envisagées, qui nous écartent quelque peu du modèle assurantiel à la base de notre système de solidarité, tel que conçu par le Conseil national de la Résistance à la sortie de la guerre. Il nous faudra être vigilants sur ce point.

Pour autant, il ne faudrait pas balayer d’un revers de main ce retour à l’équilibre que beaucoup ont souhaité et que nous avons réalisé.

Ce texte contient de nombreux apports qui permettent l’accès des plus précaires à la protection sociale en finalisant les mesures du reste à charge zéro, reflet d’une action continue et forte au service des Français et d’un engagement de campagne du Président de la République sur l’accès réel aux soins.

Cet accès sera aussi simplifié avec la fusion de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et de l’aide au paiement d’une complémentaire santé, l’ACS, pour les plus démunis.

Un autre aspect intéressant de ce PLFSS est l’amorce d’une véritable politique du médicament, avec une profonde modification non seulement du financement des molécules innovantes, mais aussi des règles liées à l’autorisation de mise sur le marché, l’AMM, ou à l’autorisation temporaire d’utilisation, l’ATU. Mais je reste circonspect quant à la réticence de notre assemblée à ne pas restreindre l’utilisation de la mention « non substituable ».

Sur l’organisation de notre système de santé, je salue aussi la fin, au niveau des hôpitaux, du « tout tarification à l’activité », ou « tout T2A », avec la création d’un forfait pour les maladies chroniques. Je m’inquiète aussi de la mise en place du dispositif, du processus futur pour son extension, et surtout de l’articulation qu’il faudra trouver entre la médecine de ville et l’hôpital.

Je me félicite également des nouvelles possibilités d’expérimentation accordées pour les vaccinations des personnels hospitaliers contre la grippe – je rappelle que c’est la première cause de mortalité par maladie infectieuse en France –, que notre groupe a portées, mais aussi contre le papillomavirus.

La priorité donnée à la prévention, au-delà du PLFSS, est l’un des points forts de votre politique de santé, madame la ministre. La maladie de bon pronostic est celle que l’on n’aura pas ; il faudra donc veiller à amplifier encore cette action.

Je trouve dommage la suppression par notre chambre du rapport sur les addictions, sujet ô combien sensible aux mesures préventives, alors même que nous avons voté pour la création d’un fonds de lutte contre les addictions.

Mais l’étude du PLFSS montre que ce texte, au-delà des éléments impactant notre système sanitaire, est un réel projet de solidarité entre les générations, entre les plus aisés et les plus démunis. Sur ce sujet, je déplore la posture qui a été prise par la majorité de cet hémicycle.

M. Roger Karoutchi s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Alors que le Gouvernement, au terme de consultations importantes, réfléchit…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Vous le revendiquez, très bien ! Moi, je revendique le contraire !

Pourquoi ne l’avez-vous pas fait lorsque vous étiez au pouvoir, il n’y a pas si longtemps ?

On l ’ a fait ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Le gouvernement en place a annoncé qu’il ne reviendrait pas sur l’âge de départ à la retraite. Dois-je rappeler que reculer l’âge de la retraite, c’est surtout pénaliser injustement les seniors, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

M. Michel Amiel. … en particulier celles et ceux qui sont les moins qualifiés, ceux qui subissent la précarité et le chômage. C’est à ces personnes que vous demandez des efforts !

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Dois-je également rappeler que travailler plus tard, voire trop tard, entraîne parfois des conséquences néfastes sur la santé des travailleurs futurs retraités, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Et en baissant leurs revenus, vous leur faites du bien ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

… de l’absentéisme et des coûts importants pour notre système de protection sociale, notamment – n’est-ce pas, monsieur Dériot – la branche AT-MP ?

Bref, ce genre de décision relative à l’organisation de notre système de solidarité sans la prise en compte de la globalité du système semble être du bricolage à la marge, à l’aune d’une réforme courageuse menée avec le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Les lignes rouges étaient connues dès l’origine. Les franchir empêche un travail commun, mais ne remet pas en cause le bicamérisme, bien au contraire !

Je ne vous cacherai pas, madame la ministre, que nous sommes impatients de voir la loi relative à la future organisation de notre système de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

M. Michel Amiel. Alors que la démographie médicale est en berne, que les médecins cherchent à avoir plus de temps médical et, parfois, de temps personnel, que les infirmières sont dans la rue aujourd’hui, les attentes sont fortes, surtout après les annonces à la fois ambitieuses et réfléchies du plan « Ma santé 2022 », qui a recueilli un large consensus.

M. Roger Karoutchi s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Nous avions espéré que le Sénat validerait ce PLFSS du retour à l’équilibre financier, en attendant, sur le plan organisationnel, la loi santé que vous avez annoncée, madame la ministre, pour 2019.

Les amendements que la majorité sénatoriale a adoptés creusent encore ce déficit ou le compensent par une augmentation des taxes

Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Pour toutes ces raisons, et malgré de nombreuses avancées, notamment sur le plan sanitaire, nous regrettons de devoir voter contre ce PLFSS amendé par le Sénat.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Joseph Castelli applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a été l’occasion d’un débat dans notre assemblée qui a confronté deux projets de société différents.

En effet, le fil conducteur de votre projet gouvernemental, madame la ministre, est que les excédents de la sécurité sociale, obtenus à coups de restrictions budgétaires, participent désormais au désendettement de l’État. Pour ce faire, vous avez décidé de mettre fin, notamment, au principe de compensation intégrale par l’État des exonérations de cotisations sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

C’est un choix que nous récusons et qui nous a conduits à déposer une motion d’irrecevabilité constitutionnelle, hélas rejetée par tous les autres groupes de notre Haute Assemblée !

Ainsi, vous considérez les cotisations sociales, y compris les cotisations patronales, comme des charges qui nuiraient à la compétitivité des entreprises, alors qu’elles sont la part socialisée des salaires perçus par les salariés.

Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer ce PLFSS pour 2019. L’ensemble des caisses nationales de sécurité sociale, réunies le 2 octobre 2018, l’a unanimement rejeté. Une première, à la hauteur d’une attaque sans précédent des principes fondamentaux qui gouvernent la sécurité sociale !

Entre le remboursement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, pour l’année 2018 et la baisse de cotisations décidée pour 2019, les entreprises et les actionnaires vont recevoir un cadeau de Noël de 40 milliards d’euros !

Je précise bien qu’il s’agit d’un cadeau puisque les entreprises n’ont aucune contrepartie à fournir en échange. Et cette mesure inique se prend en parfaite harmonie avec la droite sénatoriale…

Dans cette logique, vous ajoutez des exonérations sur les heures supplémentaires, sachant pertinemment qu’ainsi vous les encouragez !

C’est un non-sens d’inciter les entreprises à développer les heures supplémentaires, alors que notre pays connaît plus de 11 millions de chômeurs et précaires. Rappelons que, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, la précédente exonération avait fait perdre plusieurs dizaines de milliers d’emplois.

La réalité de ce PLFSS pour 2019, c’est qu’il n’y aura pratiquement plus de cotisations patronales pour la sécurité sociale.

Une fois que vous avez réduit les recettes, madame la ministre, vous nous expliquez qu’il faut raboter les dépenses. L’hôpital n’a pas besoin de moyens supplémentaires, dites-vous, mais d’une réorganisation. Les personnels, celles et ceux qui portent leurs services à bout de bras, jugeront. Les infirmières sont d’ailleurs en ce moment même devant votre ministère…

Votre budget exige des hôpitaux un tour de vis supplémentaire de 910 millions d’euros, quand la Cour des comptes relève que le déficit des hôpitaux publics a quasiment doublé en 2017, atteignant 835 millions d’euros. Nous condamnons ce sous-financement.

Tandis que vous êtes d’une grande largesse avec ceux qui n’en ont pas besoin, vous imposez le quasi-gel, à 0, 3 %, des allocations familiales et des pensions de retraite. L’inflation attendue étant de 1, 7 %, vos choix se solderont par une baisse de pouvoir d’achat des personnes concernées.

Pour ce qui concerne les retraités, cette mesure injuste, additionnée à l’augmentation de la contribution sociale généralisée, la CSG, va leur faire perdre 700 euros par an, et entraîner pour 2020 une baisse du pouvoir d’achat de huit d’entre eux sur dix. Quant à la majorité sénatoriale, qui prétend les défendre, elle a aggravé la note en repoussant l’âge de départ à la retraite à 63 ans !

Alors certes, madame la ministre, cette décision a été adoptée contre votre avis, mais au nom, comme vous le faites, de l’équilibre budgétaire et de votre logique consistant à faire peser les choix austéritaires sur la majorité des Françaises et des Français, déjà fort malmenés. Entendez la colère qui gronde un peu partout dans le pays en ce moment…

La transformation de notre système de santé que vous appelez de vos vœux, vous ne pouvez pas y procéder avec seulement 400 millions d’euros. C’est en totale contradiction, d’ailleurs, avec les 3, 8 milliards d’euros de réduction des dépenses de santé prévus pour 2019.

Ce n’est malheureusement pas un ONDAM à 2, 5 % qui améliorera réellement la situation. C’est pourquoi nous portons un projet d’urgence pour les hôpitaux et les EHPAD publics, avec la création de 100 000 nouveaux emplois hospitaliers pour répondre à la souffrance des personnels et des malades et 100 000 emplois par an, pendant trois ans, pour les EHPAD, avec un plan de formation et d’investissement à la hauteur des enjeux de société que représente le vieillissement de la population.

Les conséquences de ce PLFSS pour 2019, ce sont concrètement, malgré vos engagements, de nouvelles fermetures d’hôpitaux de proximité et singulièrement de maternités.

S’agissant de notre amendement tendant à prévoir un moratoire sur les fermetures d’hôpitaux et de services, vous nous avez répondu que les fermetures actuelles étaient justifiées pour des raisons de sécurité. Nous ne sommes pas des irresponsables, mais estimez-vous, mes chers collègues, qu’accoucher dans sa voiture ou dans un camion de pompiers c’est plus sécure qu’à l’hôpital ?

Durant ces cinq jours, nous avons constaté que, si une partie de la majorité sénatoriale, dont le président de la commission des affaires sociales, pouvait partager avec notre groupe l’impératif de défendre un financement de la sécurité sociale par les cotisations, contre l’accélération de l’étatisation avec un financement par l’impôt, cela ne se manifestait pas dans les actes. Toutes nos propositions de suppression des exonérations patronales ont, en effet, été rejetées.

Nous avons été les seuls à proposer durant les débats de mettre à contribution les revenus financiers, de revenir sur les suppressions de cotisations sociales patronales, de mettre également à contribution les entreprises selon leur politique salariale, notamment concernant l’égalité des traitements des femmes pour un travail de valeur égale et le respect de l’écologie. Nous avons aussi été les seuls à proposer la suppression de la taxe sur les salaires dans les hôpitaux publics et les établissements privés à but non lucratif. Quant à la situation catastrophique de la psychiatrie, elle n’est pas prise en compte dans ce PLFSS, si ce n’est indirectement avec le dispositif de l’incitation financière à l’amélioration de la qualité, l’IFAQ, qui risque même d’aggraver les choses.

On relève des mesures positives, mais qui, franchement, ne font pas le compte.

Madame la ministre, l’urgence, c’est d’embaucher 750 urgentistes et de rouvrir des lits d’aval.

Par ailleurs, vous mettez en œuvre le remboursement « 100 % santé » pour l’optique et les prothèses dentaires et auditives. Mais vous brouillez les pistes, car ce sont bien les patients qui paieront les mutuelles, lesquelles ne manqueront pas d’augmenter leurs tarifs et de réduire leur couverture. Pour mon groupe, ce qu’il faut mettre en œuvre, c’est le « 100 % sécu ».

Malgré quelques mesures positives, ce PLFSS n’est pas du tout de nature à faire reculer les renoncements aux soins et les déserts médicaux.

En utilisant le budget de la sécurité sociale pour réduire le déficit de l’État, votre gouvernement se livre au plus grand hold-up du siècle et vous franchissez sans état d’âme la ligne rouge.

Pour toutes ces raisons, et pour faire écho à tous les témoignages que nous avons entendus lors de notre tour de France des hôpitaux et des EHPAD, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, faut-il parler de moment historique ? De peu, avec 200 millions d’euros d’excédent pour 510 milliards de dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires, la sécurité sociale redeviendra en effet excédentaire en 2019, avec une perspective d’extinction de la dette en 2024.

Ne boudons pas notre satisfaction de ne plus reporter nos dépenses de santé sur nos enfants. Mais la prudence doit demeurer de mise : ces résultats sont fortement liés à la progression de la masse salariale, donc à la conjoncture ; la branche maladie demeure déficitaire ; le déficit global cumulé des hôpitaux atteindra environ 1, 5 milliard d’euros en 2018. Néanmoins, la pertinence de notre système de protection sociale, même s’il doit être adapté aux défis de notre société, est confortée dans ses fondements. Un signe de confiance est adressé aux jeunes générations.

Dans ce contexte, l’acharnement contre les retraités est incompréhensible.

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Nous nous opposons avec la même force au dispositif imaginé par la majorité sénatoriale : hausse des cotisations des complémentaires, recul à 63 ans de l’âge légal de départ à la retraite. Sans pénaliser la compétitivité des entreprises, un dispositif maintenant à 20 milliards d’euros le soutien pour l’exercice 2019 était possible.

Les minima sociaux, souvent avec des dispositions masquées et régressives, sont revalorisés. La plupart ne sont pas financés par la sécurité sociale, ce qui conduit à une autre grave interrogation. Quel rôle et quelle autonomie demain pour la sécurité sociale ? Vous mettez fin à la règle d’or de compensation par l’État des exonérations de charges, vous modifiez radicalement la trajectoire financière en captant pour le budget de l’État les excédents potentiels à venir, vous substituez aux cotisations sociales des parts de CSG ou de TVA, et vous mettez fin, ou presque, au paritarisme de gestion que vous aviez promu dans l’entreprise.

Madame la ministre, l’universalisation de la protection sociale ne peut être synonyme de baisse généralisée des prestations.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

La sécurité sociale est une assurance contre les accidents de la vie pour l’ensemble des Françaises et des Français qui concourent à son financement. Nous réaffirmons, pour notre part, notre attachement aux piliers que sont la justice sociale et la solidarité collective.

Deux mesures faciliteront l’accès au soin. Toutefois, le remplacement de l’aide à la complémentaire santé par la CMU contributive pose la question d’une cotisation liée à l’âge, à l’opposé de la solidarité intergénérationnelle. La création du reste à charge zéro demandera une évaluation précise du comité de suivi quant à l’engagement des professionnels, la qualité des produits, l’attitude des patients et les montants des cotisations aux complémentaires, en particulier pour ce qu’on appelle les « petits contrats ».

Quelles sont les traductions du plan Santé dans la loi ? Pour la ville, les financements, la mise en place des communautés professionnelles territoriales de santé, les missions des assistants médicaux relèveront de la négociation conventionnelle. Nous avons soutenu l’expérimentation d’infirmiers référents – on dit souvent que les infirmiers sont les oubliés de la réforme –, troisième pilier d’un trio autour du patient avec le médecin traitant et le pharmacien correspondant.

Pour l’hôpital, les mesures sont nombreuses, et elles ont été plutôt bien accueillies. Mais nous rappelons de nouveau avec force qu’elles n’apportent pas de réponse à la situation immédiate des hôpitaux dans lesquels la souffrance des personnels est générale. Nous soutenons les revendications communes des quatre grandes fédérations hospitalières dont le dégel complet de la réserve prudentielle de 415 millions d’euros et la création d’une mission de réflexion sur l’ONDAM. Quant à l’article sur la nouvelle tarification « à l’inactivité » visant à facturer aux services d’urgence la réorientation vers la médecine de ville, il a été opportunément supprimé.

La prévention est un, sinon le, pilier essentiel du progrès en santé publique. Nous ne doutons pas, madame la ministre, de votre engagement. Cependant, le financement du nouveau fonds de lutte contre les addictions aux substances psychoactives ne nous paraît pas satisfaisant, et nous avons souhaité garantir la présence d’acteurs reconnus dans ses instances de gouvernance. Nos amendements visant à la taxation des produits alimentaires utilisant l’alcool comme argument de vente à destination des jeunes et à l’extension de la « taxe prémix » aux vins aromatisés sont des signes forts adressés aux industriels.

Nous avons par ailleurs défendu la suppression du plafonnement des exonérations aux aides employeur à la culture et aux vacances, l’augmentation des seuils de début de dégressivité et de sortie des charges sociales patronales du dispositif dit « de compétitivité » en outre-mer, et le maintien des seuils d’exonérations du dispositif du TO-DE, le travailleur occasionnel-demandeur d’emploi. Nous attirons votre attention sur l’importance et la gravité des pénuries de médicaments et de vaccins.

Pour conclure, je rappellerai l’absence d’ambition de la politique familiale et de la petite enfance, et l’annonce d’augmentations de certaines allocations dont les modalités nous interpellent parfois.

Rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale ne doit avoir qu’un seul objectif : répondre aux défis de notre système de santé, de l’allongement de la vie, de justice sociale quand l’individualisme primer le collectif. C’est un enjeu fondamental de cohésion sociale déterminant pour l’avenir d’une démocratie apaisée.

Vous l’aurez compris, le groupe socialiste et républicain votera contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Éric Bocquet et Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Vous avez clos les débats vendredi soir, madame la ministre, en nous avouant que c’était toujours un grand plaisir d’échanger avec le Sénat. Sachez que ce plaisir est partagé ! Même si nos positions divergent parfois, les échanges ont été, une fois de plus, constructifs et empreints de grand respect.

Ce PLFSS devrait marquer le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale après dix-huit ans de déficit, parfois abyssal ! Cela mérite d’être souligné, même si cet équilibre reste encore fragile.

Le texte comporte de nombreuses avancées, que nous saluons.

En matière de prévention, nous souscrivons pleinement au redéploiement des examens obligatoires de santé de l’enfant jusqu’à ses 18 ans, à la mise en place d’une rémunération forfaitaire pour la prise en charge hospitalière de patients atteints de diabète et d’insuffisance rénale, ou encore à la vaccination contre les infections liées aux papillomavirus humains chez les jeunes filles et garçons.

Je me félicite du fait que nous ayons suivi les recommandations du plan Cancer, qui prévoyait de renforcer les campagnes d’information dans le cadre scolaire.

S’agissant de la protection des personnes les plus fragiles, nous saluons, madame la ministre, vos orientations : la fusion de la couverture maladie universelle et de l’aide au paiement d’une complémentaire santé, mesure phare du plan Pauvreté ; et la réforme du « reste à charge zéro » pour les soins dentaires, l’optique et les prothèses auditives, qui permettra de faire progresser l’accès aux soins dans les secteurs où les renoncements sont les plus importants.

Ces deux réformes symbolisent les valeurs humanistes qui sont au cœur de notre système de santé.

Nous saluons également la majoration du complément de mode de garde pour les familles ayant un enfant en situation de handicap, la prolongation du congé maternité pour les travailleuses indépendantes et les exploitantes agricoles, ou encore l’allongement du congé paternité pour les pères de nouveau-nés nécessitant des soins intensifs.

Au cours des débats, notre assemblée a apporté des améliorations au projet de loi. Je pense bien évidemment à la suppression de l’article 7 bis relatif aux prestations accordées par les comités d’entreprise ou à celle de l’article 29 quinquies instituant un forfait de réorientation des urgences, portées notamment par notre groupe. Le Sénat a été unanime !

Aussi, j’espère, madame la ministre, que les débats que nous avons eus porteront leurs fruits lors de l’examen en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.

S’agissant plus particulièrement du dispositif du TO-DE, je tiens à rappeler que ces exonérations sont cruciales pour l’ensemble des filières agricoles. Notre assemblée s’est ardemment mobilisée pour le maintien du dispositif ; notre groupe également, même si nous regrettons que l’amendement de responsabilité, présenté par notre collègue Franck Menonville, qui aurait permis de concilier les intérêts de la filière agricole avec les objectifs du Gouvernement, n’ait pas emporté l’adhésion du Sénat. Je crains que la rédaction retenue ne soit in fine rejetée par l’Assemblée nationale.

Toujours sur l’article 8, je souhaiterais rappeler les incidences pour les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy et tout particulièrement pour nos entreprises, déjà fragilisées dans un contexte post-Irma. Je redoute que la charge sociale supplémentaire qu’elles auront à assumer ne soit un véritable frein pour la reconstruction et le développement économique de nos territoires. Aussi, je demande une nouvelle fois à Mme la ministre des outre-mer de reconsidérer la position du Gouvernement sur cette délicate question : il y va de la pérennité de la vie économique locale.

Sur la question de la taxation du rhum, pour laquelle notre collègue Catherine Conconne a dépensé tant d’énergie, je veux dire qu’il n’y a pas de corrélation entre le taux d’alcoolisme et la production locale de rhum, toutes les études prouvant que les boissons les plus consommées sont la bière, le champagne et le vin. Il est pour le moins troublant que la taxation du vin soit un sujet presque tabou au motif qu’il s’agit d’un fleuron de notre gastronomie. Mais le rhum antillais, guyanais ou réunionnais n’est-il pas lui aussi un fleuron de la gastronomie française ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Néanmoins, vous avez consenti un effort important en acceptant le principe du rééchelonnement de la hausse sur six ans au lieu de quatre, et je ne peux que saluer ce geste.

Un autre sujet me tient tout particulièrement à cœur : c’est celui des médecins intérimaires. Dans mon île, comme dans beaucoup de territoires ruraux ou insulaires, le manque de praticiens contraint les établissements à se livrer à une véritable surenchère pour recruter ces intérimaires, dont certains ne se gênent pas pour faire monter les enchères. Je connais votre implication sur ce sujet et je souhaite, comme vous, que nous avancions ensemble. Je pense, à l’instar de ma collègue Véronique Guillotin, qu’une conférence des agences régionales de santé, les ARS, serait nécessaire pour garantir la cohérence de l’action publique.

Quelques mots enfin sur la disposition introduite par notre rapporteur relative à l’assurance vieillesse : si certains d’entre nous reconnaissent que le report de l’âge légal de départ à la retraite semble inéluctable, il est pour le moins prématuré et inopportun de débattre de cette question au détour d’un amendement dans le cadre du PLFSS, alors que le Haut-Commissaire, M. Jean-Paul Delevoye, mène une concertation depuis plusieurs mois en vue d’une réforme systémique.

Madame la ministre, nous aurions tellement souhaité vous accompagner jusqu’au bout, mais trop de sujets nous séparent encore. Aussi, la majorité du groupe du RDSE s’abstiendra sur le PLFSS pour 2019.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. François Patriat applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Contrairement à d’autres parlementaires, je suis donc parfaitement clair et cohérent lorsque je dénonce l’accumulation de mesures injustes et démagogiques.

La suppression de la taxe d’habitation est le symbole même de la démagogie §puisque, pour compenser la perte de recettes, on augmente par ailleurs d’autres impôts. De même, de nombreux arbitrages se traduisent par une injustice tout à fait insupportable. En particulier, les personnes âgées sont victimes d’un véritable matraquage fiscal.

Les retraités sont délibérément ciblés par une augmentation de 3 % de la CSG et par le gel de leurs pensions. On prévoit de plus une augmentation de 9 % de leurs cotisations aux mutuelles en contrepartie de la future prise en charge des soins dentaires et des lunettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. Enfin, M. Delevoye a confirmé officiellement devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale que le Gouvernement allait imposer un abattement de moitié sur certaines pensions de réversion des veuves.

M. François Patriat s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

C’est cela la justice sociale selon M. Macron et son gouvernement ! C’est une honte, car la France d’aujourd’hui a été bâtie grâce aux actuels retraités qui, eux, ont travaillé 40 heures par semaine dès l’âge de 14 ans et sans bénéficier ni de RTT ni de cinq semaines de congés payés.

Après toute une vie de labeur, certains retraités touchent actuellement nettement moins que ce que l’État dépense pour les flux massifs d’immigrés qui viennent pomper nos finances publiques…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. … sans avoir jamais rien fait pour la France.

Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Une veuve d’agriculteur ne perçoit même pas la moitié de ce qui est consacré à chaque immigré.

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

( Mme Patricia Schillinger s ’ exclame.) Ils ne payent strictement rien, y compris pour les dents, pour les lunettes et pour les médicaments.

C ’ est terminé ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Pire encore, les petits retraités qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts payent malgré tout le ticket modérateur lorsqu’ils sont malades. Faute de ressources, il leur arrive même de renoncer à se soigner. Les immigrés bénéficient, eux, de l’aide médicale de l’État à 100 %. §

Pour couronner le tout, à l’Élysée et au sein du Gouvernement, on se moque de nos concitoyens…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Ils n’ont qu’à aller voir les retraités et leur demander s’ils pensent que leur pouvoir d’achat a augmenté !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. Pour toutes ces raisons, je voterai sans aucune hésitation contre ce projet de loi.

Mme Claudine Kauffmann et M. Stéphane Ravier applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Nicole Duranton applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, année après année, le groupe Union Centriste appelle de ses vœux le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale : c’est une question de crédibilité et de respect des générations futures.

En recevant le PLFSS pour 2019, notre a priori fut bon. Pour la première fois en dix-huit ans, le budget était équilibré. Qui plus est, il était même excédentaire de 700 millions d’euros. Le groupe Union Centriste avait donc vocation à exprimer sa satisfaction. C’eut été sans la présence de plusieurs mesures irritantes, heureusement gommées par les travaux du Sénat ; j’y reviendrai.

Je commencerai par signaler ce qui, à nos yeux, va dans le bon sens.

Nous saluons l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires et complémentaires, prévue à l’article 7, et espérons que cela se traduira par une amélioration du pouvoir d’achat.

L’article 8 prévoit la transformation du CICE et du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, le CITS, en baisses de charges pérennes. Nous soutenons cette mesure.

Concernant l’offre de soins, le plan « Ma santé 2022 », dont les premières mesures sont financées dans ce PLFSS, replace le patient au cœur du système, ce qui est essentiel.

Je salue également l’avancée que constituent le reste à charge zéro prévu à l’article 33 et l’amplification de la portée du dispositif d’expérimentations en santé à l’article 29.

S’agissant de la branche famille, qui est mon domaine de prédilection, les mesures sont peu nombreuses – je le regrette – et ont été approuvées par le Sénat. Cependant, j’appelle l’attention du Gouvernement sur la prime à la naissance dont le versement avant la naissance relèverait du bon sens. Enfin, l’attribution des allocations familiales dès le premier enfant devrait faire l’objet d’un débat approfondi.

Madame la ministre, plusieurs points nous ont malheureusement fait déchanter.

En ce qui concerne les agriculteurs, l’article 8 prévoyait la fin des allégements de cotisations spécifiques dont sont bénéficiaires actuellement les exploitants agricoles employant de la main-d’œuvre saisonnière. Le Sénat a préservé ces exonérations. §Augmenter les coûts de main-d’œuvre aujourd’hui pour certaines filières agricoles reviendrait à les condamner demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Mais surtout présenter un budget à l’équilibre n’est pas d’une difficulté insurmontable dès lors que votre gouvernement instaure « une moindre revalorisation des prestations sociales pour les deux prochaines années ». Cet euphémisme gouvernemental se traduit par une hausse de 0, 3 % lorsque l’inflation est à 1, 6 %. En français, cela s’appelle une désindexation. Elle produira 3, 2 milliards d’euros d’économies.

Je vous le disais, équilibrer un budget n’est pas si difficile, sauf pour le pouvoir d’achat des Français. Après avoir déjà contribué à hauteur de presque 1, 5 milliard d’euros sous le quinquennat précédent, les familles y seront de leur poche l’année prochaine pour 260 millions d’euros. Ces rabotages successifs ont des conséquences non négligeables.

Quant aux retraités, après la CSG l’an passé, cette année encore le Gouvernement ne les a pas oubliés puisqu’ils seront les plus gros contributeurs à l’équilibre du budget.

Mes chers collègues, donnons un peu de réalité à cette désindexation. Un retraité touche en moyenne une pension de 1 376 euros brut. Avec la désindexation, il touchera 4 euros de plus par mois au lieu de 22 euros, soit une perte de plus de 200 euros de pouvoir d’achat sur l’ensemble de l’année. Cette mesure concentre les critiques. Les Français ne peuvent pas comprendre pourquoi « on s’en prend toujours aux mêmes ».

Évoquons le contexte avec un peu de « en même temps » cher au cœur du Gouvernement.

Le prix du fioul a augmenté de 30 % en un an. Certes, le Gouvernement n’est pas responsable de l’augmentation du prix du pétrole. En revanche, il l’est lorsqu’il accélère l’augmentation des taxes applicables.

N’oublions pas en effet que le Gouvernement faisait adopter, dans la loi de finances pour 2018, une augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, pour le 1er janvier 2019. En somme, un nouveau coup de massue qui arrivera juste après Noël !

Je rappelle que la TICPE devrait rapporter 17 milliards d’euros de recettes à l’État l’an prochain, contre 10 milliards d’euros en 2017.

Mes chers collègues, voilà donc ce nouveau monde dans lequel on ponctionne sans hésitation dans le pouvoir d’achat des Français

M. François Patriat s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Ainsi, la majorité sénatoriale a adopté trois amendements majeurs.

Le premier rejette la sous-revalorisation des prestations sociales.

Le deuxième prévoit le recul progressif de l’âge minimum légal de départ à la retraite à 63 ans à compter du 1er mai 2020.

Quand bien même une future réforme des retraites est annoncée pour l’an prochain, l’augmentation de l’espérance de vie des Français obligera, en tout état de cause, à travailler plus longtemps. Nous n’avons donc adopté qu’une évidence, sauf à ce que le Gouvernement privilégie une baisse des pensions. Je lui laisse l’expliquer à nos concitoyens.

Le troisième amendement prévoit un prélèvement exceptionnel sur les organismes complémentaires d’assurance maladie. La Cour des comptes avait mis en avant, dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de 2016, des frais de gestion des organismes complémentaires selon nous très élevés, probablement trop élevés. Ainsi, ce prélèvement de 1 milliard d’euros ne saurait être répercuté sur les affiliés.

Du fait des recettes ainsi produites, ces amendements permettront de financer le maintien du pouvoir d’achat des retraités et des familles.

Madame la ministre, avant de conclure, je souhaitais mettre en perspective la politique de votre gouvernement avec la grogne sociale incarnée par les « gilets jaunes ».

De plus en plus de nos concitoyens estiment être les seuls contributeurs à l’effort demandé par le Gouvernement. Votre hiérarchisation consistant à favoriser les créations d’emploi et à accélérer la transition énergétique n’est pas audible. Les retraités ont le sentiment d’être stigmatisés, les familles s’interrogent, les automobilistes sont excédés.

L’égalité face aux efforts demandés n’est pas perçue, l’équité encore moins. On ne peut qu’entendre et comprendre la grogne qui monte. Ce coup de canif dans la cohésion sociale risque à terme de déstabiliser l’équilibre de nos institutions.

Pour le moment, le groupe Union Centriste votera ce PLFSS modifié par le Sénat, mais nous vous exhortons à ne pas pousser trop nos concitoyens à la désespérance.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions. – MM. Emmanuel Capus et Alain Fouché applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Franck Menonville applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, depuis 2001, nous souhaitons un retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale.

Le PLFSS pour 2019 prévoit un léger excédent, c’est une satisfaction pour la France et pour nos enfants, car parallèlement la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, se désendette, ainsi que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS. L’ensemble sera vraisemblablement remboursé en 2024.

La branche maladie représente 50 % du budget du régime général. Nous soutenons les objectifs – le financement pour l’investissement, la qualité et la pertinence des soins à l’hôpital, la fin du « tout T2A » – tout en connaissant les difficultés actuelles des établissements de santé.

Nous soutenons l’accès à l’innovation thérapeutique et le financement forfaitaire pour le diabète et l’insuffisance rénale chronique, que vous proposez, madame le ministre, d’étendre au privé en 2020.

Nous soutenons aussi l’amélioration de la coordination ville-hôpital grâce au numérique et le financement d’une forte politique de prévention – je pense notamment aux douze vaccinations, dont le papillomavirus, à la lutte contre les addictions, au renforcement du suivi médical et à l’implication des pharmaciens –, ainsi que le renforcement des urgences et de la psychiatrie.

Le plan « Santé 2022 » présenté par le Président de la République devrait désengorger les urgences et améliorer l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire avec ses cinq projets prioritaires : les assistants médicaux, les communautés professionnelles territoriales de santé, ou CPTS, les médecins à exercice partagé, la fin du numerus clausus et les hôpitaux de proximité.

Tout cela est bien accueilli par les professionnels de santé en termes de diagnostic et d’objectifs. Nous espérons que les financements suivront.

Je rejoins Mme le rapporteur pour l’assurance maladie sur plusieurs points : tout d’abord, les difficultés qu’entraînent les économies sur les produits de santé et l’ambulatoire, car nous arrivons à des coûts incompressibles, notamment en ce qui concerne le personnel ; ensuite, le financement à la qualité qu’il est souhaitable de réaliser, mais sans pénalité ; enfin, le maintien de la mention « non substituable » sur les ordonnances et la poursuite de la concertation sur le développement des médicaments hybrides. Dernier point, l’exonération partielle des cotisations sociales des médecins retraités va dans le bon sens.

Nous sommes favorables aux propositions visant à favoriser l’accès aux soins des personnes défavorisées. Ainsi, l’article 34 du texte prévoit la fusion entre la CMU-C et l’ACS, ce qui permettra une meilleure prise en charge des plus vulnérables – je rappelle qu’aujourd’hui 65 % des ayants droit ne recourent pas à l’ACS. Je citerai également le remboursement à 100 % de l’optique, du dentaire et de l’audition et la revalorisation de l’AAH et du minimum vieillesse.

Nous soutenons aussi les aides, fortes, en faveur de l’emploi et de la compétitivité des entreprises : le CICE 2018 versé en 2019, la transformation de ce crédit d’impôt en baisse de charges pérenne et l’exonération pour les aides à domicile.

Dans ce chapitre, nous avons soutenu les amendements pour le maintien de l’exonération des travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi, les TO-DE, jusqu’à 1, 25 SMIC, ainsi que l’allégement de cotisations pour les employeurs de sapeurs-pompiers volontaires et la suppression du plafond des chèques-vacances.

Nous sommes favorables à l’exonération des heures supplémentaires – c’est une bonne mesure pour le pouvoir d’achat et les entreprises – et aux autres exonérations décidées par le Gouvernement qui valorisent le travail, mais à condition que toutes ces sommes, 1, 3 milliard d’euros, soient compensées par l’État. Nous avons décidé d’affecter ces montants aux retraites et familles.

Sur le plan médico-social, vous souhaitez, madame la ministre, améliorer le maintien à domicile des personnes âgées et renforcer les aides attribuées aux EHPAD. Les sommes prévues seront insuffisantes pour combler les manques de personnel, en particulier en termes d’aides-soignantes et d’infirmières de jour. Or ces professionnelles sont indispensables pour une prise en charge décente des pensionnaires. Comme l’indique le rapporteur, le prix de journée reste trop élevé et le forfait soins insuffisant.

Nous sommes aussi favorables à l’amendement visant à autoriser la prescription par un médecin coordinateur, tout en conservant le principe d’un médecin traitant pour le pensionnaire.

Concernant le handicap, le plan de détection des troubles du neuro-développement va dans le bon sens et leur prise en charge par la sécurité sociale est une avancée importante pour les familles qui ne peuvent pas payer les intervenants.

Des progrès restent à faire pour augmenter les places d’hébergement destinées aux personnes handicapées, favoriser leur inclusion et mieux s’occuper des personnes handicapées vieillissantes.

S’agissant des branches retraite et famille, nous sommes défavorables à la faible revalorisation des pensions de retraite, fixée à 0, 3 % par le Gouvernement. Nous ne pouvons pas faire porter cet effort budgétaire sur les retraités, déjà impactés par la hausse de la CSG, et sur les plus vulnérables.

Nous avions proposé un amendement demandant à l’État de compenser réellement les décisions qu’il prend en matière d’exonérations, ce qui permettait la revalorisation des retraites et le financement de la branche famille à hauteur de 1 %. Cela nous semblait constituer un bon équilibre. En outre, cette disposition était en lien avec la mise en place d’un filet de sécurité pour les personnes qui touchent de petites retraites.

D’ailleurs, cette mesure est proche du texte que nous sommes amenés à examiner aujourd’hui et nous avons voté, en séance, l’amendement de revalorisation des retraites présenté par la commission. En revanche, nous nous sommes abstenus sur le report de l’âge de départ à la retraite ; c’est une mesure qui sera peut-être – sûrement ? – envisagée, mais qui nécessite, à notre sens, un débat public.

Madame la ministre, à l’exception de ce point de divergence, nous sommes d’accord sur la quasi-totalité du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 et du plan de santé présenté par le Gouvernement, mais nous ne souhaitons pas opposer les actifs et les retraités.

Nous saluons le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale et les objectifs d’amélioration des conditions de soins dans les territoires, à l’hôpital et pour les plus défavorisés, mais à condition que cet équilibre témoigne d’une répartition des efforts raisonnable, équitable et juste. Nous pensions avoir proposé un tel équilibre, sans pour autant décaler, à ce stade, l’âge de départ à la retraite – il est vraisemblable qu’une telle mesure sera adoptée, mais cela ne peut se faire qu’après débats et concertations.

En conclusion, la majorité du groupe Les Indépendants s’abstiendra sur le texte qui nous est soumis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Élisabeth Doineau et Jocelyne Guidez applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme toujours, nos débats ont été passionnés et passionnants ! Ils ont mis en exergue nos différences avec le Gouvernement sur des sujets que nous estimons essentiels.

Le tout premier d’entre eux est celui du bouleversement du financement de la sécurité sociale qui est particulièrement prégnant dans ce texte. À travers la politique économique du Gouvernement, les sources de recettes de la sécurité sociale sont profondément modifiées. Ce sont notamment les effets de la suppression des cotisations sociales d’assurance maladie pour les salariés et des baisses de charges patronales en remplacement du CICE.

Il faut que vous ayez en tête, mes chers collègues, qu’en 2019 les recettes de la sécurité sociale seront assurées à hauteur de 52 % par des cotisations et 45 % par des recettes fiscales, en particulier la CSG. Ces chiffres, s’ils peuvent apparaître à beaucoup d’entre vous techniques, voire accessoires, sont au contraire véritablement politiques.

Le régime assurantiel, dont le principe est de cotiser selon ses moyens et de recevoir selon ses besoins, est totalement remis en cause pour être remplacé par un régime universel, dans lequel les recettes de la sécurité sociale seront assurées par des mesures fiscales.

Au-delà des débats propres au projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous estimons que, compte tenu de cette évolution, nous ne pouvons pas nous contenter de débats partiels. Cette question mérite un vrai et grand débat national, par exemple à travers l’organisation d’États généraux de la sécurité sociale.

Autre point essentiel, sur lequel le Sénat s’est retrouvé à la quasi-unanimité : le matraquage des retraités et des familles qui, une fois de plus, sont pris pour cibles par le Gouvernement.

Certes, un geste a été fait pour quelque 300 000 retraités, en évitant qu’ils ne subissent brutalement le taux plein de la CSG, mais dans le même temps le Gouvernement propose le quasi-gel des pensions de retraite. Des études ont clairement montré que la sous-revalorisation des pensions de 0, 3 %, cumulée à d’autres mesures prises – hausse de la CSG, diminution des aides au logement… –, entraîne 79 % de perdants et 21 % de gagnants.

Du côté des familles, c’est la même injustice. Le gouvernement précédent a remis en cause l’universalité de la politique familiale avec notamment la modulation des allocations et la baisse des montants de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE. Vous avez non seulement continué cette politique, mais vous l’avez accentuée avec une nouvelle baisse de la PAJE, décidée en 2018.

Nous estimons que les efforts demandés aux familles pour participer au redressement des comptes sociaux sont d’autant plus préoccupants qu’ils s’inscrivent dans un contexte de baisse de la natalité, phénomène analysé par notre collègue Élisabeth Doineau dans son rapport.

Pour financer la revalorisation des prestations familiales et des pensions, le Sénat a pris ses responsabilités et, n’en déplaise au ministre de l’action et des comptes publics, M. Darmanin, nous ne sommes pas « hypocrites ».

J’ai eu l’occasion de le dire, vendredi dernier, lorsque nous avons terminé l’examen des amendements : je n’ai pas apprécié son intervention sur une chaîne d’information continue, le matin même, où il a parlé de « l’hypocrisie du Sénat ».

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Le ministre évoquait la mesure que nous avons adoptée pour les organismes complémentaires d’assurance maladie, les OCAM. Sur l’initiative du rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, et avec notre total soutien, nous avons prélevé, à titre exceptionnel, 1 milliard d’euros sur ces organismes.

Depuis des années, tous les acteurs de la santé ont fait des efforts : les professionnels, les hôpitaux, les cliniques, l’industrie pharmaceutique. Ce n’est pas le cas des complémentaires santé. C’est la raison pour laquelle le Sénat a voté une contribution exceptionnelle à leur charge.

Cette contribution est d’ailleurs l’occasion de mettre le doigt sur une gestion qui est loin d’être exemplaire. Alors que les frais de gestion de la sécurité sociale s’élèvent à 4, 5 %, ceux des complémentaires santé sont en moyenne de 20 % à 25 % et peuvent aller jusqu’à 42 % ! §C’est l’assuré qui est lésé.

Ce phénomène a été signalé par la Cour des comptes en 2016. La Cour déplorait que les OCAM aient dépensé 7, 2 milliards d’euros en frais de gestion, dont près de 3 milliards en simples frais de publicité et de communication dans le but d’obtenir de nouveaux clients – je voudrais d’ailleurs dire à M. Daudigny que, en enlevant 1 milliard sur 3 milliards, il en restera 2… Les OCAM sont donc tout à fait en mesure de ne pas augmenter les cotisations !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Depuis 2010, leurs frais de gestion ont explosé de plus de 30 %, relève la dernière enquête de l’UFC-Que choisir. Ils représentent à eux seuls 36 % de la hausse des cotisations des OCAM depuis 2010.

Par ailleurs, au-delà de leurs obligations prudentielles, les complémentaires santé ont 50 milliards d’euros en réserve. Une contribution de 1 milliard d’euros est donc à leur portée, sans que cela entraîne une augmentation des cotisations des assurés. C’est un geste de solidarité qui leur est demandé par le Sénat, rien d’autre !

Enfin, je rappelle que cette mesure, votée par la majorité sénatoriale, découle simplement de la décision du Gouvernement d’amputer de plus de 3 milliards d’euros le pouvoir d’achat des retraités et des familles.

Eh oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Il n’y a pas non plus d’hypocrisie de la part du Sénat lorsque nous décidons de reculer l’âge de départ à la retraite de 62 à 63 ans en mai 2020. Je tiens à rappeler à ceux qui ont critiqué cette mesure que, dès le 1er janvier 2019, les salariés seront déjà amenés à partir à la retraite à 63 ans au plus tôt s’ils ne veulent pas subir une baisse du montant de leur retraite complémentaire AGIRC–ARRCO.

M. Marc-Philippe Daubresse et Mme Catherine Troendlé opinent. – MM. René-Paul Savary et Bruno Retailleau, ainsi que Mme Dominique Estrosi Sassone applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nous disons tout simplement aux Français que le seul moyen d’avoir une retraite décente passera par un allongement de la durée du travail.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Madame la ministre, si nous voulons redonner confiance aux Français, il faut leur dire la vérité.

Pour équilibrer notre système de retraite par répartition, comme l’a démontré notre collègue René-Paul Savary, trois leviers peuvent être utilisés. Le premier, c’est le taux de cotisations patronales et salariales, aujourd’hui fixé à 28 %, un taux déjà élevé. Le deuxième, c’est l’âge de départ à la retraite ; tous les pays européens l’ont relevé. Le troisième, c’est le niveau des pensions. Nos concitoyens devront-ils vivre plus longtemps avec des retraites encore plus basses ? Madame la ministre, voulez-vous qu’à terme les retraités n’aient plus les moyens de maintenir leur niveau de vie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon. Nous alertons dès aujourd’hui le Gouvernement : si nous ne voulons pas que les retraités de demain soient paupérisés, cet élément devra être pris en compte dans la réflexion menée dans le cadre de la réforme systémique. Nous avons certainement tort d’avoir raison trop tôt !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je termine mon propos sur le volet santé, pour lequel nous partageons votre constat, madame la ministre, mais il y a urgence à agir, surtout dans le secteur hospitalier. Force est de constater que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne répond que très partiellement à cette urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon. Comme l’a souligné notre collègue et rapporteur Catherine Deroche, au fil des projets de loi de financement, de régulation en régulation, les dépenses de santé respectent l’ONDAM, mais à quel prix ? Baisses des tarifs, gels, puis annulations de crédits : les établissements de santé sont exsangues.

Le temps est dépassé ! sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Julien Bargeton frappe sur son pupitre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je vais donc conclure.

Sans surprise, le groupe Les Républicains votera le projet de loi de financement de la sécurité sociale tel qu’il a été amendé.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux d’accueillir aujourd’hui M. Bernard Buis, sénateur de la Drôme, qui remplace notre ancien collègue Didier Guillaume.

M. Bernard Buis se lève.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mon cher collègue, au nom du Sénat, je vous souhaite la bienvenue.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Madame la ministre, mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, modifié.

Ce scrutin de droit, en application de l’article 59 du règlement, sera ouvert dans quelques instants. Il aura lieu en salle des conférences.

Je remercie nos collègues Yves Daudigny, Jacky Deromedi et Françoise Gatel, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et vais suspendre la séance jusqu’à seize heures, heure à laquelle je proclamerai le résultat.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à seize heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 20 :

Le Sénat a adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, modifié.

Avant de donner la parole à Mme la ministre des solidarités et de la santé, je souhaite remercier le président et le rapporteur général de la commission des affaires sociales, ainsi que l’ensemble des rapporteurs. Ils ont grandement contribué à la qualité de nos débats, qui se sont pourtant déroulés dans un temps contraint.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Je souhaite tout d’abord remercier très chaleureusement les présidents de séance qui se sont succédé la semaine dernière, ainsi que le président et le rapporteur général de la commission des affaires sociales et l’ensemble des rapporteurs et des sénateurs ayant participé à nos travaux. Chacun a contribué, dans la diversité, à la richesse des débats que nous avons eus sur ce texte. Il me semble particulièrement important que nos échanges se soient tenus dans une atmosphère sereine ; nous le devons à nos concitoyens, eu égard à l’importance des enjeux.

Je souhaite ensuite apporter quelques éléments de réponse aux prises de parole qui viennent d’avoir lieu.

Le Gouvernement ne partage évidemment pas tout à fait les options qui ont été adoptées par le Sénat…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

En particulier, le Gouvernement n’est pas favorable au recul – assez brutal, à notre sens – §de l’âge minimal légal de départ à la retraite à 63 ans.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Cette mesure ne fait pas partie des engagements que nous avons pris devant les Français.

Nous ne partageons pas non plus la hausse, très massive, des taxes sur les organismes complémentaires d’assurance maladie. Cette hausse est évidemment contraire à notre objectif de réduire le reste à charge pour les Français et nous pensons que cette taxation augmentera inévitablement le coût des complémentaires.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Certains sénateurs ont évoqué le fait que le budget de la sécurité sociale serait insuffisant par rapport aux enjeux. Je tiens tout de même à rappeler que nous augmentons ce budget de 10 milliards d’euros d’une année sur l’autre et, au sein de cette enveloppe, 5 milliards iront directement à la branche assurance maladie, donc à la réforme de notre système de santé.

Il me semble donc que le projet présenté par le Gouvernement est équilibré. Il permet, d’une part, de consolider et désendetter la sécurité sociale, afin d’anticiper les nouveaux risques, sur lesquels nous aurons à débattre, probablement à la fin de l’année prochaine.

Ce budget permet, d’autre part, de créer les conditions favorables à l’emploi et au travail. Là aussi, c’est un engagement du Président de la République. Nous souhaitons tous la réduction du nombre de chômeurs et le Gouvernement essaye de trouver les conditions les plus favorables pour faciliter l’accès à l’emploi au travers des nombreuses mesures que nous avons prises : suppression des charges sociales salariales sur les heures supplémentaires et réduction des charges patronales au niveau du SMIC.

Nous avons décidé un investissement très important en faveur de la transformation du système de santé, sujet dont nous aurons à débattre l’année prochaine.

Nous avons créé de nouveaux droits pour les familles et je crois que nous avons atteint une forme de consensus avec le Sénat à ce sujet.

Nous avons aussi créé de nouveaux droits pour l’ensemble des Français. Je pense en particulier à deux très belles mesures : le « 100 % santé », c’est-à-dire l’accès sans reste à charge aux prothèses auditives et dentaires et aux lunettes, et la fusion de l’ACS et de la CMU-C qui va permettre à 3 millions de nos concitoyens d’accéder à une complémentaire santé à moindre coût, au maximum un euro par jour de cotisation, soit une diminution de 30 euros par rapport au coût mensuel actuel des complémentaires pour les retraités. C’est un gain substantiel pour les retraités modestes !

Je veux également retenir de nos débats des éléments clairs de consensus. D’abord, sur les avancées sociales, dont je viens de parler : la CMU-C contributive et le « 100 % santé ». Ensuite, sur le projet de transformation du système de santé : il me semble que la direction prise par le Gouvernement rencontre globalement l’adhésion des sénateurs de tous les groupes.

Je voudrais aussi dire que la proposition que j’ai faite d’un nouveau système de santé laisse toute sa place à l’ensemble des professionnels, non seulement aux médecins et aux pharmaciens, mais également aux infirmières. Ces dernières sont aujourd’hui inquiètes et je tiens à rappeler qu’elles ont toute leur place dans le système de santé à venir, puisque je propose notamment une meilleure répartition des tâches entre tous les professionnels.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Mme Agnès Buzyn, ministre. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous l’avez compris, sera complété par un projet de loi dédié à la transformation du système de santé, dont nous aurons probablement à débattre à la fin du premier trimestre 2019. Je sais que nos débats seront très riches et constructifs, comme ils le sont toujours au Sénat, et je tiens à vous en remercier à l’avance.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Madame la ministre, je vous remercie pour votre participation à ce débat.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de Mme Hélène Conway-Mouret.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’ordre du jour appelle le débat sur la diplomatie climatique de la France à l’aune de la COP24, organisé à la demande du groupe Les Républicains.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur du débat disposera d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.

Dans le débat, la parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe auteur de la demande.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, trois semaines avant la conférence internationale sur le climat de Katowice en Pologne, il a paru essentiel au groupe Les Républicains de faire un état des lieux sur l’avancement des négociations climatiques. Il y a deux raisons principales à cela.

Tout d’abord, parce que la France a une vraie légitimité, un vrai leadership, sur la scène internationale en matière de changement climatique. Il y a bien sûr eu l’accord de Paris, mais il y a aussi le fait que notre mix électrique est décarboné, notamment grâce au nucléaire.

Ensuite, parce que ce sujet revient chaque année depuis un quart de siècle à l’agenda des Nations unies et que les contributions nationales des gouvernements proposées dans le cadre de l’accord de Paris depuis trois ans ne sont pas suffisantes pour contenir le réchauffement en dessous de 1, 5 degré.

Malgré l’urgence, il faut accepter que la transformation du modèle de croissance hérité de la période préindustrielle vers une économie décarbonée prenne du temps. Elle nécessite surtout des changements en profondeur, qu’il convient d’accompagner. Il en est de même pour la société civile, qui ne peut pas du jour au lendemain modifier ses comportements.

Pour faire accepter des changements comportementaux, quatre ingrédients sont nécessaires : une trajectoire politique forte et cohérente sur le long terme ; la progressivité ; la transparence du financement ; de ce fait, l’acceptabilité par les citoyens. La fiscalité écologique doit être un moyen de fédérer les citoyens plutôt que de les diviser.

Limiter le réchauffement climatique n’est pas hors d’atteinte. Cela nécessite d’entamer une révolution énergétique globale, des transitions dans tous les pans de notre économie et de la société, et, bien sûr, cela réclame une volonté et du courage politique.

La COP24 a un rôle important, davantage que celui des deux précédentes COP. Il y est en effet prévu un bilan d’étape collectif des engagements climatiques nationaux. Son objectif principal est de finaliser le programme de travail de l’accord de Paris et de revoir les ambitions à la hausse.

Revenons sur les termes de l’accord de la COP21 de 2015. Les parties doivent limiter le réchauffement climatique « nettement en dessous de 2° Celsius par rapport aux niveaux préindustriels, en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1, 5° Celsius ». Il s’agit également de revoir à la hausse la contribution nationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour vérifier ces engagements, il est créé un cadre de transparence renforcé et une évaluation périodique des progrès réalisés est attendue. Enfin, les parties prévoient de débloquer 100 milliards de dollars chaque année à partir de 2020 pour les pays en développement.

Puis, il y a eu la COP22 à Marrakech. L’objectif de cette conférence était de définir les modalités d’application de l’accord sur le climat signé à Paris.

Le résultat de ces négociations est un support peu normatif. Les principaux éléments ressortant de la proclamation sont la nécessité « de rehausser d’urgence les ambitions et de renforcer la coopération », et la prise en compte des besoins spécifiques et des circonstances particulières des pays en développement.

Le fait le plus intéressant de ces négociations est sans nul doute l’accélération des financements, avec le Fonds d’investissement de Marrakech pour l’adaptation, le MICA, le Fonds d’adaptation, ou encore l’aide au Centre et réseau des technologies climatiques, et enfin le Fonds vert pour le climat.

Comme à la COP22, les futures règles visant à l’application concrète de l’accord de Paris sur le climat ont été négociées à la COP23, qui s’est tenue à Bonn en 2017.

De fait, la majorité des parties prenantes, acteurs étatiques comme ONG, ont annoncé avant la conférence que le moment clef pour l’application de l’accord de Paris serait la COP de Katowice, un an plus tard.

De la COP23, nous retiendrons le « dialogue de Talanoa », qui a été lancé dès janvier dernier pour collecter les contributions des pays signataires, afin de limiter le réchauffement à 2 degrés Celsius. Les contributions nationales devront ainsi être revues à la hausse avant 2020.

Je note aussi avec beaucoup d’intérêt la montée en puissance d’une thématique au sein de ces négociations internationales, mais aussi en France, dans le cadre des assises de l’eau : il s’agit évidemment de celle de l’eau, première ressource concernée par le dérèglement climatique, puisque 90 % des catastrophes naturelles lui sont liées. Cette question étant centrale dans la limitation des émissions de gaz à effet de serre, elle doit être, me semble-t-il, un élément incontournable des plans climatiques.

Cela étant, le choix de la ville minière de Katowice pour la tenue de la COP24 est symbolique. En effet, la Pologne a un mix énergétique qui repose très largement sur le charbon, puisque 80 % de son électricité en provient. C’est aussi le cas dans de nombreux pays émergents. Cette ville incarne ainsi parfaitement les défis de la transition énergétique.

La COP24 sera l’occasion de finaliser les règles de mise en œuvre du pacte sur le climat, notamment concernant la transparence, c’est-à-dire la façon dont les États rendent compte de leurs actions et de leurs résultats. L’épineuse question du financement du réchauffement climatique sera également abordée. Ainsi, le « plan d’action de Katowice pour la transition juste » devrait être adopté.

Madame la secrétaire d’État, à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, nous prenons le sujet du dérèglement climatique très au sérieux. Nous avons auditionné voilà quelques jours Valérie Masson-Delmotte, paléo-climatologue et membre du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC. Venue nous présenter le rapport du GIEC, elle a insisté sur le rôle fondamental de la coopération internationale, mais aussi sur le fait que « le renforcement des capacités des pouvoirs publics nationaux, des collectivités locales, de la société civile, du secteur privé, des populations autochtones [pouvait] porter ces actions ambitieuses qui seraient nécessaires ». En effet, mes chers collègues, n’oublions pas que la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique passent, certes, par les grandes conférences internationales, mais aussi, et avant tout, par les territoires, par le bas, par l’échelon local.

La réussite ne sera possible que grâce aux acteurs de nos territoires, notamment les plus ruraux de ceux-ci. Je pense à l’action des agriculteurs, des associations et, bien sûr, des élus locaux, qui sont au cœur de l’aménagement des territoires et ont un rôle majeur de protection de la nature, particulièrement lorsqu’ils déploient sur le terrain les plans climat-air-énergie territoriaux.

En France, nous avons la programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas carbone visant à la neutralité carbone en 2050. À l’échelon de l’Union européenne, parmi les engagements pris, figure le paquet climat-énergie fixant des objectifs pour 2030.

Il est crucial que l’Europe conserve le leadership en matière climatique et puisse, dès la COP24, indiquer qu’elle rehaussera son ambition climatique.

Madame la secrétaire d’État, j’ai plusieurs questions à vous poser.

Quelles sont les propositions concrètes que la France fera au reste du monde pour relever ce défi du XXIe siècle qu’est la transition énergétique ?

Quels sont les objectifs de la diplomatie française à l’occasion de cette COP24 ?

Quel a été l’impact du rapport du GIEC du mois d’octobre dernier sur la stratégie de la délégation française ?

Enfin, la diplomatie française envisage-t-elle de mieux articuler la question climatique avec les deux autres grands enjeux du XXIe siècle, à savoir l’accès aux matières premières et la croissance démographique ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie vivement de votre invitation à ce débat. Il est très important pour moi d’être là, car je considère que votre démarche est fondamentale.

Vous le savez, il n’y a pas plus grand défi que la lutte contre le changement climatique. Vous avez notamment cité, monsieur le sénateur, le rapport du GIEC. Plus que jamais, nous savons que nous vivons avec une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. La France, vous avez raison, a une responsabilité particulière, parce que nous avons été les hôtes de l’accord de Paris. C’est ici que ce dernier a vu le jour et c’est sous l’impulsion de la France qu’il a été si rapidement ratifié. C’est aussi maintenant la responsabilité de la France, non seulement d’en défendre l’esprit et de s’assurer de sa mise en œuvre à l’échelle internationale en mobilisant ses partenaires, mais aussi, et surtout, à l’heure où, disons-le franchement, il est parfois menacé, de le rendre irréversible en focalisant l’action sur des objectifs concrets et en mobilisant l’ensemble de la société, pas uniquement les gouvernements.

Tels sont donc les deux objectifs majeurs de la diplomatie climatique française : défendre l’esprit et la mise en œuvre de l’accord de Paris et, surtout, encourager l’action concrète « par le bas », comme disait le sénateur Chevrollier. Même si je ne fais pas mienne cette expression, j’en partage en tout cas l’esprit.

Je souhaite maintenant insister plus en détail sur plusieurs points essentiels de notre diplomatie climatique.

La France mène une diplomatie climatique ambitieuse et elle sera à la hauteur. Elle se mobilise particulièrement en vue de la COP24.

Rappelons d’abord rapidement le contexte climatique dans lequel nous nous situons. Nous sommes actuellement sur une trajectoire d’élévation de la température mondiale moyenne estimée autour de 3 degrés d’ici à 2100. Nous sommes donc très loin des objectifs qui ont été retenus dans l’accord de Paris. Le rapport spécial du GIEC sur le 1, 5 degré, dont vous avez entendu parler très récemment, a une nouvelle fois confirmé l’urgence climatique.

Dans ce contexte, la priorité est par conséquent de donner pleinement effet à l’accord de Paris. C’est pourquoi la COP24 est particulièrement importante. C’est même la plus importante après la COP21, puisque doivent y être discutées et décidées les règles d’application de l’accord. Elle doit aussi permettre de relever l’ambition des pays et de revoir à la hausse leurs contributions nationales.

Pour mémoire, l’entrée en vigueur de l’accord de Paris, initialement prévue en 2020, est intervenue beaucoup plus tôt, il y a deux ans, dès novembre 2016, notamment grâce à l’action de la France, qui a été déterminante non seulement en Europe, mais aussi ailleurs dans le monde. Et la France est encore attendue.

Je sais qu’on a un peu tendance à accuser notre pays de tenir un double discours, ambitieux sur la scène internationale, et moins en interne. Je puis vous dire que tel n’est pas le cas. Notre politique est cohérente. C’est indispensable, car c’est la seule façon pour nous d’être crédibles à l’échelle internationale.

J’ai eu l’occasion de me déplacer aussi bien avec le Président de la République qu’avec le ministre d’État François de Rugy, voire seule, et je peux vous assurer que la voix de la France est spécialement écoutée. Nous sommes attendus et nous ne pouvons pas décevoir.

C’est dans ce cadre-là que nous avançons et que nous rassemblons autant que nous pouvons les différentes parties, notamment dans la perspective de la COP24.

Je le répète, ce sommet a deux objectifs majeurs : la mise en œuvre effective de l’accord de Paris et le rehaussement de l’ambition des États d’ici à 2020.

Pour contribuer au succès de la COP24, la France est aussi particulièrement active au sein de l’Union européenne. Vous le savez, elle négocie non pas seule, mais à travers l’Union européenne, qui négocie en notre nom, multipliant les échanges bilatéraux avec les acteurs clés de la négociation.

Je reviens par exemple aujourd’hui d’un voyage en Chine. Je pense que j’aurai l’occasion de vous en parler plus en détail. Avant cela, j’étais en Inde pour échanger avec nos homologues indiens.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

En voilà du carbone ! Vous auriez pu faire des visioconférences !

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Mme Brune Poirson, secrétaire d ’ État. Eh oui, messieurs, c’est aussi cela la réalité de la transition écologique !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

J’échange aussi très régulièrement avec M. Kurtyka, le secrétaire d’État polonais chargé de l’environnement, prochain président de la COP24.

La France, je vous le disais, a un rôle moteur et elle est particulièrement engagée dans la perspective de cette COP, comme dans l’action concrète contre le changement climatique.

Quand le président Trump a malheureusement décidé de quitter l’accord de Paris en 2017, le Président de la République a aussitôt lancé le cri de ralliement « make our planet great again » et invité les acteurs internationaux, les associations, les entreprises, les ONG, les collectivités locales à se mobiliser et à prendre des engagements les plus ambitieux possible. Le One Planet Summit a ainsi eu lieu le 12 décembre 2017 à Paris. Il y a eu ensuite une deuxième édition, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.

C’est vraiment une plateforme d’action, qui contribue à l’agenda, et qui se veut aussi un vecteur d’accélération du déploiement de la finance verte. Nous devons cependant passer à l’échelon supérieur.

La France est au rendez-vous ; elle continue à mobiliser et à agir, notamment sur la question des 100 milliards de dollars, mais cette somme ne suffira pas pour réaliser la transition écologique dans le monde. Nous le savons, celle-ci nécessite environ 32 000 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Il nous faut donc impérativement mobiliser l’argent privé. Cette somme existe bien quelque part, mais elle est au mauvais endroit.

Nous voulons, je le répète, accélérer le déploiement de la finance verte. C’est tout l’objet de la conclusion que le Président de la République a livrée du One Planet Summit à New York, en appelant, à terme, devant un parterre de chefs d’État, de chefs d’entreprise et de directeurs d’institutions financières, aussi bien publiques que privées, à rediriger 30 % à 40 % des investissements mondiaux vers des projets bas carbone. Nous en reparlerons, j’en suis certaine.

Par ailleurs, au sein de l’Union européenne, la France travaille au rehaussement de l’ambition climatique, et, pour tout dire, franchement, c’est difficile. C’est particulièrement difficile, parce que des États européens se sentent peut-être moins investis, moins responsables, ont moins l’envie de collaborer à l’échelle européenne. Cela ne vous aura pas échappé. La France considère, là aussi, qu’elle doit être au rendez-vous, et plus que jamais moteur sur la question. Nous tentons donc de rassembler, et nous militons activement pour que l’Union européenne affirme son leadership dans les négociations climatiques et fasse preuve aussi d’exemplarité sur son territoire.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

C’est d’autant plus important que la COP24 est perçue à l’échelon international comme une COP européenne. Il faut par conséquent que nous soyons au rendez-vous. Cela ne sera pas facile, mais les différentes briques sont en place.

Pour conclure, je veux vous dire que nous sommes mobilisés sur deux points : les négociations climatiques traditionnelles, au sens anglo-saxon du terme, et l’action. Je me réjouis d’en discuter avec vous aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, chaque orateur dispose de deux minutes maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Guillaume Gontard.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Madame la secrétaire d’État, la fiscalité carbone du Gouvernement provoque la colère d’une grande partie de nos concitoyens, colère dramatiquement exprimée ce week-end. Pourtant, vous l’avez rappelé, l’urgence climatique est là.

Si, par principe, je ne m’opposerai pas à la hausse de la fiscalité sur le carbone, je ne peux que constater une délétère habitude, qui est de toujours ponctionner nos concitoyens plutôt que les activités économiques peu soucieuses de l’environnement. Pendant que nos compatriotes, obligés de rouler parfois 60 à 80 kilomètres par jour pour gagner un SMIC, voient le prix à la pompe augmenter, les exonérations fiscales demeurent pour le transport de marchandises et, pis encore, pour le transport aérien.

Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie, le transport aérien est responsable de 3, 2 % des émissions mondiales de CO2, un chiffre colossal pour seulement 3, 7 milliards de passagers annuels. Chaque passager d’un long courrier consomme autant de carburant que s’il parcourait la même distance tout seul dans une voiture de grosse cylindrée. Pour ce qui concerne un court courrier, la consommation est équivalente à celle d’un petit camion.

Il n’y a pas de mode de transport de passagers plus polluant que l’avion. Or le trafic aérien double tous les quinze ans, et le rythme de 5 % de croissance annuelle sera maintenu pour au moins vingt ans, selon Airbus et Boeing. En cause, le développement des vols low cost, permis notamment par le prix très compétitif du carburant…

En effet, depuis la convention de Chicago de 1944, la taxation du kérosène est interdite sur les vols internationaux. C’est bien une aberration écologique, le plus souvent répercutée, comme en France, sur les vols intérieurs. Conséquence : le trafic aérien est tout simplement exclu des négociations internationales sur le climat et du périmètre des COP. Un comble !

Maigre consolation pourtant : en 2016, après quinze ans de négociations, l’Organisation de l’aviation civile internationale, qui est une agence de l’ONU, a fini par adopter un accord, largement insuffisant cependant, autorisant le transport aérien à compenser ses émissions croissantes de CO2 en achetant des crédits carbone à d’autres entreprises.

Madame la secrétaire d’État, je pense que vous me voyez venir : pour rétablir un semblant de justice fiscale et conduire une politique de transition écologique cohérente, la France va-t-elle engager des négociations internationales pour mettre fin à l’aberrante exonération fiscale du kérosène ?

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur le sénateur Gontard, je ne crois pas que ce soit le lieu de refaire le débat sur la fiscalité carbone domestique, même s’il est fondamentalement important, et que je suis loin de le fuir. Vous avez néanmoins raison de pointer du doigt un certain nombre d’incohérences. Mais, même si nous sommes aux responsabilités, ces incohérences ne sont pas du fait du gouvernement auquel j’appartiens.

C’est vrai, le transport aérien est particulièrement émetteur de CO2, bien plus qu’une voiture. Cependant, globalement, quand vous regardez les chiffres français, les véhicules particuliers restent parmi les plus émetteurs, nos concitoyens utilisant beaucoup leur voiture individuelle. Soyons clairs, je ne suis pas en train de vous dire qu’il ne faut pas travailler sur le transport aérien, mais il faut aussi avancer sur la question de la voiture.

Nous travaillons sur le trafic aérien à l’échelon européen en mobilisant d’autres États membres pour mettre fin – j’ose utiliser le même mot que vous – à cette aberration. Effectivement, il faut que le transport aérien prenne aussi sa part de responsabilité. Dans cette optique, se déroule un débat entre l’Union européenne et l’Organisation de l’aviation civile internationale, dans lequel la France est particulièrement moteur.

Vous parlez du transport aérien, monsieur le sénateur ; moi, je pourrais également vous parler du transport maritime.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Vous le savez, toutes les décisions en l’espèce se prennent, par définition, dans le cadre d’instances internationales, puisqu’il s’agit de transports internationaux. Sachez en tout cas que la France joue aussi un rôle particulièrement moteur au sein de l’Organisation maritime internationale. J’ai eu l’occasion d’en parler avec les services du ministère de la transition écologique et solidaire, et je puis vous dire que c’est extrêmement difficile.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Je conclus, madame la présidente, et je vous remercie de votre patience.

Je ne vais pas vous dresser la liste des États qui bloquent, mais je peux vous dire qu’il y en a beaucoup. Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, continuez à nous relancer pour nous demander d’être plus que jamais mobilisés.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Je sais que vous le faites, mais, croyez-moi, nous sommes mobilisés sur la problématique des transports aérien et maritime.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Madame la secrétaire d’État, ce qu’attendent de nous les pays malmenés par le réchauffement climatique, comme les îles Maldives ou les îles Fidji, ce sont des actes, des engagements précis, concrets, dès maintenant. Depuis des années, discours enflammés et belles paroles s’accumulent. Ces pays, déjà lourdement et irrémédiablement affectés, sont impatients et las d’attendre, alors qu’ils perdent tout.

À quelques semaines du lancement de la COP24, des tensions se sont déjà fait ressentir en marge des négociations préparatoires, les pays en développement ayant manifesté des mécontentements à Bangkok.

La question du financement promis aux pays les plus exposés et les moins nantis pour faire face au réchauffement climatique ne fait pas consensus.

Face à ce constat, le Fonds vert, épicentre des objectifs fixés par l’accord de Paris, doté de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, peine à se mettre en place. Il est pourtant l’outil de la finance climat pour mettre en œuvre des projets ouvrant la voie aux nouvelles technologies et aux énergies propres. La gouvernance de ce mastodonte financier pose question. Les dérives possibles aussi. Les mésententes qui lui sont liées doivent sans attendre être aplanies pour éviter de bloquer des projets.

La Banque mondiale chiffre à 143 millions les réfugiés climatiques à l’horizon 2050. Face à cette crise humanitaire annoncée, nous devons assumer la part de responsabilité qui est la nôtre. À mon sens, il nous faudrait nouer des partenariats plus forts, encourager le bilatéralisme permettant des relations plus identifiées, personnifiées, pour ne pas dire plus fraternelles. Il est temps de remettre de l’humain, de la proximité et du concret dans ces politiques.

La France est engagée auprès de plusieurs de ces pays pour améliorer les conditions de vie des populations vulnérables et développer les énergies renouvelables : initiative WACA, le programme de gestion du littoral ouest-africain, qui lutte contre la dégradation du littoral par une approche régionale et intégrée, ou encore Initiative africaine pour les énergies renouvelables, IAER, lancée en marge de la COP21.

Madame la secrétaire d’État, face à l’immense défi et à l’urgence absolue, pouvez-vous m’apporter une réponse chiffrée sur l’état d’avancement de ces programmes en précisant quelle est la politique bilatérale de la France, ainsi que la ligne diplomatique qui sera tenue lors des négociations de la COP24 ?

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Madame la sénatrice, je souhaite vous apporter plusieurs éléments de réponse.

D’abord, vous savez que le Fonds vert a connu des crises de gouvernance profondes. Selon moi, ces crises sont d’ordre culturel et soulignent toute la difficulté qu’il y a à plonger les mains dans le cambouis de la transition écologique très concrètement. Il faut donc s’interroger sur cette gouvernance. Toujours est-il que le fonds est plus ou moins reparti sur de bons rails. En tout cas, nous avons évité un nouveau blocage à la veille de la pré-COP.

Concrètement, le Fonds vert, c’est quoi ? Il y a eu 1 milliard de dollars de contributions approuvés au bénéfice de 19 projets, le lancement immédiat du processus de reconstitution du Fonds vert, dont la conclusion est espérée en octobre 2019, avec le démarrage en parallèle d’une revue indépendante de la performance du fonds, l’accréditation de 16 nouvelles entités, le lancement du processus de recrutement du futur directeur exécutif du fonds et la sélection de l’agent fiduciaire. En gros, c’est le prolongement des services de la Banque mondiale.

Plus globalement, vous soulevez la question de relations plus fraternelles. Avec ce mot, vous êtes au cœur de la transition écologique, car sans fraternité – j’ose même parler d’amour –, nous n’arriverons pas à enclencher un mouvement, aussi bien mondial que national, en faveur de la transition écologique.

La fraternité, c’est aussi tout l’objet du One Planet Summit, cela dit sans langue de bois. Il s’agit de réunir très concrètement des projets qui sont à la fois solidaires et écologiques, et de les développer de façon massive. Il s’agit de demander à des institutions financières internationales, qui financent encore à coups de centaines de milliards des entreprises ou des projets profondément nocifs tant pour les populations que pour l’environnement, de cesser – j’ose le mot – ce carnage et de rediriger cet argent vers des projets qui sont bons pour la planète. C’est sur cet objectif que la France concentrera toute son énergie et toute son attention à l’occasion de plusieurs échéances internationales, à commencer par le G7.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je remercie tout d’abord mes collègues du groupe Les Républicains d’avoir demandé l’organisation de ce passionnant débat.

Madame la secrétaire d’État, effectivement, nous sommes actuellement en situation d’échec. Les émissions de CO2 ont augmenté l’année dernière comme jamais depuis dix ans. L’association Climate Chance, que je préside, vient de produire un rapport de 600 pages d’analyse des tendances, que vous retrouvez sur son site.

On voit bien que la situation est tout à fait dramatique. En effet, nous n’avons pas réussi, ces dernières années, à lier développement – cela rejoint la question précédente – et lutte contre les émissions de CO2. Nous n’avons pas réussi à créer les flux financiers nécessaires entre les pays les plus riches et les autres pour financer cette transition bas carbone.

Quelle est la particularité de la COP qui doit se tenir en Pologne ? Elle ne sera en aucun cas la COP du début ou de la fin du monde. On nous fait le coup à chaque fois. Je le sais pour suivre ces conférences depuis une quinzaine d’années. Il s’agira d’une COP parmi d’autres, et il ne faut pas en attendre plus que nécessaire.

Néanmoins, le plan d’action de Katowice pour la transition juste, qui fait écho au débat que nous avons aujourd’hui aussi en France, prévoit, à ce stade, d’encourager les entités chargées de la finance climatique à participer à des projets porteurs d’emploi dans les pays en transition vers une économie bas carbone. En clair, cela signifie-t-il que l’Europe va financer la sortie du charbon en Pologne ?

Mes questions sont assez simples.

Tout d’abord, est-ce que la France va soutenir le plan d’action proposé aujourd’hui par les Polonais pour la COP ?

Ensuite, est-ce que vous allez soutenir à l’échelon européen des mécanismes financiers pour aider notamment les Polonais à sortir du charbon, madame la secrétaire d’État ? Il faut être clair, concrètement, cela veut dire que nous allons nous aussi payer un peu.

Enfin, plus largement, est-ce le mécanisme que vous allez défendre à l’échelon international ? Malgré les engagements pris lors du One Planet Summit, on voit bien que les 100 milliards de dollars, y compris les milliards français, ne sont pas encore sur la table.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur le sénateur Dantec, je vous remercie de votre question, qui est effectivement essentielle.

Premièrement, la France sera au rendez-vous de la finance climatique au sens de la COP21, tout simplement parce qu’elle est le pays hôte de l’accord de Paris. Et nous tenons à respecter l’esprit de ce dernier et à faire en sorte qu’il soit mis en œuvre. Il est donc de notre responsabilité de respecter les engagements pris à cette occasion, non seulement en mettant sur la table les milliards nécessaires, mais également en convainquant les autres pays de le faire. C’est fondamental.

Deuxièmement, comme je l’ai dit et répété, de nombreux milliards sont investis au mauvais endroit. Là encore, nous avons pris le leadership sur cette question à l’échelle mondiale.

J’ai déjeuné aujourd’hui avec la secrétaire générale adjointe de l’ONU, Mme Amina Mohammed, qui a confié au Président de la République une mission sur la finance climat alliant ces deux volets, lesquels doivent forcément aller de pair, car il y a urgence à agir de manière massive.

C’est une des réponses que nous devons apporter pour assurer une transition juste. Les inégalités sociales apparaissent aussi, quand, en toute impunité et de façon peu transparente, des organisations, des banques continuent à financer des projets ne bénéficiant qu’à quelques-uns et ayant des effets négatifs pour la planète.

Nous voulons changer cela en profondeur et saisissons chacune des occasions qui se présentent à nous pour le faire. À l’échelle internationale, la France n’est toutefois qu’un pays, parmi beaucoup d’autres. Je suis persuadée, je vous le dis en toute sincérité, que nous sommes au rendez-vous et que nous sommes vraiment leaders sur cette question à l’échelon mondial. J’en conviens, on ne va jamais assez vite, mais ce n’est pas du fait de la France !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

M. Ronan Dantec. Madame la secrétaire d’État, je veux le rappeler, il est un point sur lequel la France avait pris de l’avance, le transport aérien, avec ce qu’on a appelé la fameuse « taxe Chirac », qui est une taxe de solidarité internationale. Je ne vous pose pas de question sur ce point, vous laissant quelques jours pour y réfléchir au sein du Gouvernement.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

À l’occasion d’un prochain débat, nous allons déposer un amendement visant, ce qui fait écho aux propos tenus tout à l’heure par mon collègue Gontard, à indexer la taxe Chirac sur le prix de la contribution climat-énergie. L’objectif est de mettre un terme au traitement injuste subi par ceux qui empruntent leur voiture par rapport à ceux qui prennent l’avion. Et la mesure rapporterait entre 100 et 150 millions d’euros supplémentaires au profit de la solidarité internationale sur le climat ! On bouclerait ainsi la boucle ! J’espère donc que vous soutiendrez la proposition !

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Perrot

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme ce 11 novembre 2018, à l’occasion du Forum de Paris sur la paix, en juin dernier, lors du G7, Donald Trump décidait de boycotter la séance de travail consacrée au changement climatique.

Il est vrai qu’en août dernier, il avait notifié son désengagement du traité international de lutte contre le réchauffement, scellé à la COP21.

Comportement impensable pour les Européens que nous sommes, mais qui fait, malheureusement, des émules, puisque son homologue brésilien envisage de se retirer de l’accord de Paris, alors que son pays possède pourtant la plus vaste forêt tropicale de notre planète à protéger, grande consommatrice de CO2 !

Comment ne pas penser à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur et aux 70 000 tonnes de bœuf que l’Europe accepte de recevoir pour l’instant ?

L’or rouge du Brésil est une véritable industrie : élevage intensif, bétail cloné. Depuis 2012, le Brésil est devenu le plus grand exportateur de viande bovine au monde. Il prévoit de doubler le cheptel, aujourd’hui estimé à 210 millions de bêtes, d’ici à 2025.

Pour le moment, le Brésil n’exporte pas de viande porcine vers l’Europe. À quand l’arrivée du porc brésilien sur le marché européen ?

Madame la secrétaire d’État, la France et les Français demandent des aliments issus d’une agriculture raisonnée, respectueuse de l’environnement, comme nos producteurs savent en faire.

Il me semble impensable de recevoir des bêtes qui ne répondent en rien à l’attente des consommateurs français et dont les propriétaires, afin d’augmenter leur cheptel, n’hésitent pas à s’attaquer au poumon vert de notre planète. Il faut le savoir, l’élevage intensif est l’une des plus grandes sources de gaz à effet de serre, couplé au fait que cette viande sera issue d’un pays sorti de l’accord de Paris.

Madame la secrétaire d’État, quelle vigilance pourrons-nous avoir vis-à-vis de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur si le Brésil se retire de la COP21 ? Quelles seront les conséquences pour les consommateurs et, surtout, pour les éleveurs français qui sont, de toute façon, perdants dans cet accord ?

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Madame la sénatrice, avant de vous répondre en vous donnant la position du gouvernement auquel j’appartiens, je vais vous apporter une précision : loin de moi l’envie de me dédouaner de quoi que ce soit, mais je tiens à le dire, la transition écologique – vous le savez, c’est devenu un poncif – met en cause la responsabilité de chacun.

Premier point et à titre d’exemple, peut-être serait-il bon que chacun d’entre nous envisage de réduire un peu sa consommation de viande.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

De toute façon, les Français n’ont pas les moyens d’acheter du bœuf !

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Voilà une réaction typique !

On ne veut que les bons côtés et on n’accepte pas de faire des efforts, mais les efforts font partie de la transition écologique !

Deuxième point, vous avez raison, l’une des réponses est de consommer des produits issus d’une agriculture bien plus respectueuse de l’environnement. C’est, en tout cas, l’engagement pris par le gouvernement auquel j’appartiens. Il était inscrit dans le projet du candidat Macron et était l’un des piliers clés de sa campagne pour l’élection présidentielle. Vous avez entendu le Président de la République dire lui-même que pour le moment, le compte n’y est pas dans l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Nous voulons, par exemple, des quotas sur le bœuf. Pour l’instant, les négociations sont donc interrompues.

Nous avons un plan d’action dans le cadre du CETA et d’autres accords commerciaux.

Messieurs les sénateurs, mesdames les sénatrices, puisque vous vous intéressez à la question, vous avez, j’en suis sûre, entendu le Président de la République dire à la tribune de l’ONU que l’accord de Paris devrait faire partie intégrante des accords commerciaux. Il a précisé que nous ne ferions pas de commerce avec des pays qui ne respecteraient l’accord de Paris ni dans son esprit ni dans ses modalités d’application.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bignon

Madame la secrétaire d’État, trois ans après l’adoption de l’accord de Paris, la mise en œuvre des engagements pris en 2015 a-t-elle été à la hauteur du défi climatique ? Comment les États peuvent-ils renforcer leurs ambitions et coordonner leurs efforts pour une action efficace et juste ? Voilà deux points essentiels pour les futurs débats à Katowice.

Dans la mise en œuvre de l’accord climatique de 2015, la France porte une responsabilité particulière, parce que c’est à Paris que cet accord a été signé et que la diplomatie française a joué un rôle moteur, capital pour obtenir une issue positive. Pourtant, l’accord de Paris, s’il est essentiel, n’est qu’un point de départ, il faut s’en convaincre.

Tout le monde l’a souligné, cet accord prévoit de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète à 2 degrés. Pourtant, à la demande des pays les plus vulnérables, les États ont commandé au GIEC un rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement global de 1, 5 degré, rendu public le 8 octobre dernier. Aux termes de ce document, chaque demi-degré compte, le changement climatique affecte déjà les populations, les écosystèmes et les moyens de subsistance. Il n’est pas impossible que le réchauffement ne dépasse pas 1, 5 degré, mais cela demande, dans tous les aspects de la société, des transitions sans précédent.

Comment procéder pour monter cette marche ? Certes, la France n’est pas seule puisque, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, c’est l’Union européenne qui mène les négociations pour ses membres. Mais chacun sait aussi que les points de vue ne sont pas unanimes au sein de l’Union européenne.

Première question, comment se passe la négociation entre les pays de l’Union ?

La France est en train de réviser sa stratégie nationale bas carbone. La Commission européenne va proposer pour discussion une feuille de route à l’horizon 2050, alors qu’une révision à la hausse des contributions climat est attendue d’ici à 2020, dans le cadre de l’accord de Paris.

Seconde question, comment faire en sorte que fonctionne la promesse de Paris, celle d’un accord dynamique, fondée sur l’émulation et la solidarité ?

Pour être acceptée par la population, la transition doit être juste. Les événements actuels le montrent, il faut remplir cette condition essentielle.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur le sénateur, à vos questions, qui abordent de nombreux aspects, je commencerai par répondre sur le sujet de l’Union européenne. Vous avez raison, c’est elle qui représente la France dans les négociations internationales, une tâche très difficile !

Je ne vous cache pas qu’il y a des moments de doute au cours desquels on se demande si on va y arriver. Entre les ministres des pays de l’Union européenne assis autour de la table, il y a clairement des divisions fondamentales, des différences de perception et de vues. Nous nous efforçons de les dissiper peu à peu au fil du temps et du dialogue.

La France joue un rôle tout à fait moteur à cet égard. Nous échangeons beaucoup et de façon continue avec nos homologues. La transition juste constitue en effet l’un des points sur lesquels la négociation est parfois difficile. Certains États se cachent derrière cette question pour éviter de revoir leurs ambitions à la hausse.

Toujours est-il que nous sommes parvenus à obtenir que l’Union européenne négocie en qualité d’entité unique. Nous avons ainsi déjà franchi une étape importante, même si nous avions des ambitions plus vastes. La Commission européenne va en outre s’engager à présenter une stratégie à la hausse.

Pour mobiliser les partenaires européens, nous avons plusieurs modes d’approche. Ainsi, nous nous réunissons dans le cadre du Green Growth Group entre pays ambitieux, environ une dizaine, pour déterminer les positions communes les plus porteuses d’ambition possible avant les réunions des conseils des ministres de l’environnement.

Vous le voyez, le dialogue est permanent, mais il est aussi très difficile et a parfois bien du mal à se concrétiser en déclinaisons d’objectifs et d’actions ambitieuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Bories

Madame la secrétaire d’État, le Global Carbon Project, qui fait état des rejets de CO2 par pays, démontre que la France n’a pas à rougir de ses résultats en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et de protection de l’environnement. L’indice de performance environnementale de l’université de Yale, de janvier dernier, hisse la France au second rang des pays les plus performants en la matière.

L’organisation de la COP21 à Paris en décembre 2015, succès incontestable pour la diplomatique française, a eu le mérite de mobiliser les sociétés civiles en faveur du climat.

La France, qui peut être fière de son bilan carbone et du travail accompli par sa diplomatie, renouvelle son adhésion à la lutte contre le changement climatique.

En ce lendemain de week-end des « gilets jaunes », force est de constater que vous accentuez l’écologie punitive, rendant ainsi contre-productive toute communication en faveur de l’écologie auprès de la population, et ce sans cohérence ni affectation transparente, à l’inverse de ce que vous disiez tout à l’heure.

M. Laurent Duplomb applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Bories

Contrairement aux caricatures, les Français veulent travailler et ne peuvent pas tous se rendre sur leur lieu de travail en patinette électrique ! Les Français veulent s’engager dans la transition énergétique si on leur en donne la possibilité au regard de leurs moyens financiers et si l’alternative proposée les assure de faire un vrai choix écologique et durable.

La conquête des opinions publiques, si difficile à obtenir, est en train de vous échapper, madame la secrétaire d’État !

La France ne saurait être crédible vis-à-vis de ses partenaires internationaux que si nous parvenons à restaurer le calme dans le pays.

Alors que la COP24 est essentielle pour l’application de l’accord de Paris, nous montrons au monde le visage d’un pays rebelle à une politique que nous préconisons à nos partenaires. Et la programmation pluriannuelle de l’énergie se fait attendre.

Je vais vous poser deux questions, madame la secrétaire d’État : d’abord, le Gouvernement peut-il s’engager à remettre les citoyens au centre de la transition écologique pour associer celle-ci aux grands choix structurants, nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie, PPE, et taxe carbone en tête ?

Ensuite, pensez-vous que la crise de la fiscalité écologique, qui est en réalité une crise budgétaire, permette à la France de conserver son leadership en matière de diplomatie climatique ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Madame la sénatrice, dans le cadre d’un débat sur la diplomatie climatique, je vois que ce sont surtout les sujets domestiques qui vous importent – et à raison, je ne le nie pas !

Je suis, je vous l’avoue, assez choquée de vous entendre dire que la France peut être fière de son bilan carbone.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

J’ose ces mots-là ! Si je m’exprime ainsi, c’est parce que les émissions carbone de la France sont reparties à la hausse. La faute n’en revient pas à notre gouvernement, puisque le bilan que je mentionne est établi sur la base des années précédentes. Or voilà dix-huit mois à peine que nous sommes au Gouvernement.

Pour sortir des hydrocarbures, nous avons pris des mesures résolument ambitieuses et très concrètes, dont nous sommes fiers sur la scène internationale : fin de l’exploitation des hydrocarbures, décision que nous sommes le premier État dans le monde à avoir prise, fermeture de toutes les centrales à charbon, fiscalité carbone.

Et puisque vous touchez du doigt la question absolument essentielle de la transition juste, je vous dirai aussi, madame la sénatrice, que nous avons mis en place une palette d’outils et de solutions pour soutenir et aider les plus modestes d’entre nous, ceux qui n’ont malheureusement pas le choix et n’ont d’autre solution que de prendre, par exemple, leur voiture. Nous avons annoncé que nous allions mettre en œuvre la taxe carbone, votée, je vous le rappelle, par un gouvernement auquel appartenait Laurent Wauquiez, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, et qui a ensuite été confirmée, main sur le cœur, par des membres d’un gouvernement suivant, sous la présidence de François Hollande, socialiste.

Vous le constatez, cette politique est dans l’air du temps, elle a même été adoptée depuis une dizaine d’années. Et nous payons aujourd’hui les conséquences d’années d’impréparation et d’hypocrisie, madame la sénatrice !

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Dans un débat où l’on a fait référence à l’estime et à l’amour, les échanges qui viennent d’avoir lieu ne sont pas tellement respectueux ! Les uns et les autres se coupent la parole, crient. Écoutons-nous si nous voulons avancer, même si nous ne sommes pas d’accord !

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

J’apprécie de manger une côtelette de veau de temps en temps, mais j’accepte d’entendre qu’il faut mesurer ma consommation.

J’avais décidé d’intervenir dans ce débat sur la diplomatie climatique de la France à l’aune de la COP24, dont l’enjeu était, en quelque sorte, de mesurer si la France a progressé depuis l’accord de Paris, d’apprécier ce qui a bien marché et ce qui a moins bien fonctionné.

Les questions que je vais poser sont plutôt d’ordre financier, d’autres que moi les ont évoquées dans le passé.

L’accord de Paris réaffirme l’engagement par tous les pays développés de mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, d’ici à deux ans, donc. L’objectif est de permettre aux pays en voie de développement de prendre les mesures pour un développement durable et juste. Il faut comprendre ces pays : ils nous font remarquer que nous leur donnons des leçons et leur enjoignons de se restreindre alors que nous polluons la planète depuis 150 ans, pillant partout les ressources naturelles. Le même débat oppose d’ailleurs les mêmes protagonistes en matière de propriété industrielle. C’est à nous d’aider les pays en voie de développement à faire ce que nous leur demandons. C’est le fameux Fonds vert, dont vous avez parlé, madame la secrétaire d’État.

Mes questions sont les suivantes : comment allez-vous faire pour réorienter, comme l’a dit le Président de la République, la finance mondiale vers de nouvelles actions climatiques ? Comment allez-vous articuler la contribution française avec la contribution européenne dans le cadre du nouveau budget européen ?

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir replacé le vrai débat au centre de l’attention.

Vous pointez du doigt les deux piliers clés de la transition et du financement.

La France sera au rendez-vous des 100 milliards de dollars. En effet, c’est un engagement qui avait été pris dans le cadre de l’accord de Paris. C’est la raison pour laquelle la France a joué un rôle moteur dans la relance du Fonds vert, en particulier. Nous sommes aussi en train de travailler, avec d’autres partenaires européens et internationaux, notamment dans le cadre du plan d’action sur la finance verte, pour déployer une palette d’outils permettant de rediriger les financements.

Je pense singulièrement aux mesures visant à faire la lumière sur les risques climatiques. Vous le savez, le terme qu’affectionne le langage de la finance, c’est le risque. Tant que les risques pour la planète – et donc pour les hommes – ne sont pas pris en compte dans les projets au même titre que des risques d’ordre financier, il sera beaucoup plus difficile de rediriger les investissements privés vers des projets meilleurs pour la planète et comportant un moindre risque pour l’environnement.

Donc, sur la question des 100 milliards de dollars, oui, la France sera au rendez-vous, je le répète ! Elle mobilise d’autres partenaires, dont l’Allemagne.

Parmi les éléments de réponse que je peux vous apporter, je vous indique que la France finance toute une série de projets à l’échelle internationale, en Afrique et sur d’autres continents dans des pays émergents ou en voie de développement. Elle travaille aussi dans le cadre de l’IAER, de l’Alliance solaire internationale par le biais de l’Agence française de développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Madame la secrétaire d’État, il y a un an de cela, je vous interrogeais, de la même place, sur la COP23 et le fléchage de l’aide publique au développement, notamment vers les aides agricoles pour les pays du Sud. La transition agroécologique de ces derniers est, en effet, un enjeu majeur.

Depuis, au mépris du monde, la chaise américaine demeure désespérément vide ; un nouveau rapport du GIEC alerte la communauté internationale sur la nécessité absolue de mettre en branle des changements très rapides pour stabiliser le réchauffement à une augmentation de 1, 5 degré.

Vous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État, le changement, c’est maintenant, si j’ose dire. Le Fonds vert pour le climat, principal outil concret de la mise en œuvre de l’accord de Paris et de la solidarité entre le Nord et le Sud aurait aujourd’hui du plomb dans l’aile, malgré le lancement, à ce jour, de près d’une centaine de projets pour 4 milliards d’euros.

On est bien loin des 100 milliards par an promis en 2009 à Copenhague ! La COP 14 Biodiversité, qui se réunit actuellement en Égypte, à Charm el-Cheikh, démontre la nécessité d’une meilleure rémunération du capital nature.

Où en est la participation française ? Votre gouvernement se félicite, sur le site France Diplomatie, de vouloir mettre l’accent sur la taxe sur les transactions financières, la TTF, en vue d’une universalisation du mécanisme fléché justement vers le Fonds vert pour le climat.

Or vous venez d’entériner, dans le projet de loi de finances pour 2019, une diminution de la part de cette TTF – de 50 à 30 % – allouée à la solidarité internationale et au climat ! La TTF pourrait constituer un levier important en vue de générer des ressources nouvelles pour le climat et serait conforme à l’esprit de l’article 2 de l’accord de Paris, qui appelle à réorienter les flux financiers vers une trajectoire bas carbone.

Plus loin, dans ce même article sur le site susvisé, il est indiqué qu’à l’échelon européen, « les discussions sur la mise en œuvre d’une TTF européenne destinée à alimenter pour partie le budget communautaire ont enregistré quelques progrès. »

Aussi, madame la secrétaire d’État, j’aimerais connaître les quelques progrès et les efforts diplomatiques menés par la France pour convaincre ses partenaires européens de créer une TTF continentale dans la perspective d’honorer nos engagements écologiques. Défendrons-nous toujours avec autant d’ardeur cette belle idée fiscale qui taxerait les flux financiers spéculatifs pour financer la transition écologique des pays du Sud ?

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur le sénateur, vous posez plusieurs questions qui appellent donc diverses réponses.

Je le répète une fois de plus, la France sera, au rendez-vous des 100 milliards de dollars. Nous nous sommes engagés à fournir 5 milliards d’euros de financement en 2020, dont 1, 5 milliard d’euros pour l’adaptation. Nous sommes au rendez-vous !

Vous le savez, l’Agence française de développement, notre bailleur de fonds pour le climat, a annoncé qu’elle ne financerait plus de projets aux incidences négatives pour la planète ou en contradiction avec l’accord de Paris.

Les engagements de la France en la matière vont considérablement augmenter pour atteindre 0, 55 % du PIB d’ici à la fin du quinquennat.

La question des 100 milliards fait en effet largement débat avec les pays en voie de développement. Cet aspect particulièrement difficile freine l’avancement des négociations climatiques en vue d’un accord lors de la COP24.

L’OCDE rendra, d’ici à la réunion de cette conférence, un rapport qui fera le bilan des engagements publics. Si cette question des 100 milliards est absolument essentielle, elle n’est pas suffisante, nous le savons. Nous devons explorer une autre palette de moyens de financement, à commencer par la mobilisation des financements privés.

J’ai eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises, notamment dans le cadre du One Planet Summit. Nous voulons déployer des instruments permettant d’accélérer le redéploiement des investissements privés vers des projets bas carbone.

Certaines des mesures que vous proposez sont potentiellement intéressantes et innovantes. Il nous faut, en tout cas, avoir des réflexions créatives – je ne sais pas si elles seront immédiatement appliquées – pour trouver des moyens de financement adaptés aux besoins massifs à couvrir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Le Nay

Madame la secrétaire d’État, le changement climatique n’est plus une menace, ce n’est plus un avenir incertain, encore moins un concept théorique : c’est une réalité, une réalité d’ores et déjà visible, concrète, quotidienne. Ses effets se font sentir partout sur la planète, et la France, en métropole comme outre-mer, ne fait pas exception. La sécheresse exceptionnelle et persistante que connaissent les Alpes et la Franche-Comté en est le dernier exemple en date.

Mon département, le Morbihan, et l’ensemble de la région Bretagne sont, en tant que zone littorale, particulièrement concernés. Le GIEC a ainsi mis en évidence une augmentation du nombre et de l’intensité des tempêtes dans les prochaines années, couplée à la hausse du niveau des mers qui entraînera une salinisation des cultures proches du rivage. Et ce n’est là qu’un aspect de ce qui est aujourd’hui à l’œuvre !

L’accord de Paris, conclu lors de la COP21, constitue une grande avancée, saluée par tous et à juste titre. Les conférences des parties successives, à Marrakech et à Bonn, ont permis d’en préciser les modalités de mise en œuvre, et c’est encore l’objectif de la COP24, qui s’ouvrira la semaine prochaine, à Katowice.

Or les États-Unis se sont retirés de l’accord de Paris. Le Brésil menace aujourd’hui de faire de même. De nombreux autres États ont déjà annoncé qu’ils ne seront pas en mesure d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés.

Face à ces renoncements des États, une lueur d’espoir peut être trouvée dans l’activisme de nos territoires. Les grandes villes du monde s’organisent en réseaux pour mettre en place des solutions innovantes et adaptées. Des initiatives existent aussi, nombreuses, dans nos petites villes, comme dans nos campagnes.

La COP24 pourrait-elle alors rester dans l’histoire comme celle où la diplomatie des États fait enfin une place à la diplomatie décentralisée, au nom de l’objectif supérieur de préservation de notre environnement ? Il y a urgence !

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur le sénateur, vous avez raison : il est de plus en plus difficile à l’échelle internationale de mobiliser les États ! Il n’en va pas partout ainsi. Certains États restent particulièrement moteurs, d’autres le sont beaucoup moins.

C’est vrai – ne nous cachons pas derrière notre petit doigt –, la décision du Président Trump de quitter l’accord de Paris a des conséquences. Elle a permis, paradoxalement, de catalyser l’action, c’est-à-dire de mobiliser, plus encore qu’ils ne l’auraient fait spontanément, des États, notamment fédérés, des villes, des entreprises, des ONG. Les uns et les autres ont senti plus que jamais à quel point l’action devait passer par eux, en fait par le terrain, par les territoires.

Le meilleur moyen de rendre l’accord de Paris irréversible, c’est de le mettre en œuvre. Tout l’objet du One Planet Summit et de l’agenda de l’action consiste à mobiliser cette coalition d’acteurs. La COP24 fera une place importante aux entreprises. Certes, celles-ci n’assistent pas directement aux négociations, mais elles sont présentes, aussi bien en participant à des événements qu’en apportant à l’Union européenne des propositions et contributions qui nourrissent les débats et permettent d’avancer.

Il reste néanmoins indispensable, même si l’action se décline sur les territoires où il faut plus que jamais mobiliser chacun, que la France se mobilise et mobilise les États du monde entier. En effet, on a besoin d’un cadre clair, avec une vision à long terme, notamment l’objectif de la neutralité carbone d’ici à 2050, sur lequel la France joue un rôle très moteur, enjoignant d’autres à la rejoindre. Elle envoie ainsi un signal clair aux acteurs économiques et à d’autres pour qu’ils réalisent eux aussi rapidement la transition.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe Les Républicains d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour de ce débat.

Le changement climatique est un enjeu majeur, dont la dimension dépasse largement nos frontières. Quelques chiffres récents en témoignent : en 2017, selon l’Internal Displacement Monitoring Centre, l’IDMC, 30, 6 millions de personnes ont dû fuir les conflits et les catastrophes dans 143 pays ; 39 % des nouveaux déplacements ont été provoqués par des conflits et 61 % par des catastrophes naturelles. Ce sont donc 18, 8 millions de personnes qui ont été déplacées à la suite de catastrophes météorologiques.

En 2015, dans le rapport que Leila Aïchi et moi-même avons rédigé, nous rappelions qu’en 2050, pas moins de 250 millions de migrants seraient dénombrés. Nous assimilions les changements climatiques à un « multiplicateur de risques » qui aggrave les tensions existantes et en crée de nouvelles. Nous pointions du doigt également les carences des structures de gouvernance internationale qui, organisées en silos, ne s’intéressaient pas suffisamment à cette question. Celle-ci était traitée dans différentes enceintes, qui avaient leurs logiques propres de protection des droits de l’homme, du droit de l’environnement, ou encore de gestion des flux. Il en était de même pour les États, dont les intérêts divergent.

Ma question est donc la suivante : comment la France s’inscrit-elle dans la construction de cette gouvernance des migrations environnementales et quel modèle défend-elle dans le cadre des négociations internationales ?

Dans la proposition n° 29 du rapport précité, nous recommandions à la France d’être, au sein de l’OTAN, à l’initiative d’une réflexion sur l’analyse des conséquences géopolitiques du changement climatique, afin de prendre celles-ci en compte dans l’appréciation des risques et des menaces, ainsi que dans les perspectives de transformation de l’organisation des forces.

C’est certainement le général Pierre de Villiers qui parle le mieux de ce sujet. S’il a retrouvé ses habits de civil, il est surtout un homme d’expérience et de terrain. Dans son dernier essai, il alerte avec force sur les graves conséquences géostratégiques qu’induit le dérèglement climatique. Il témoigne des déplacements incontrôlés de populations, du manque d’eau, des facteurs éventuels de vulnérabilité pour les armées, ou encore des risques accrus de conflictualité.

Face à ces urgences, madame la secrétaire d’État, quelles sont vos réponses ?

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur le sénateur, de plus en plus, les déplacés climatiques constituent un enjeu majeur. Beaucoup d’États en ont pris conscience et continuent de le faire. Cette question fait partie des négociations et des discussions à l’échelle internationale, notamment dans le cadre des négociations sur le climat.

La meilleure façon de résoudre le problème des déplacés climatiques, c’est de mettre en place des politiques publiques de lutte contre le changement climatique et des politiques publiques de transition écologique et solidaire au sein des pays. C’est ce que nous faisons. La France prend toute sa part de responsabilité, notamment avec l’Alliance solaire internationale en Afrique, l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables, l’IAER, et des projets dans le cadre de l’Agence française de développement. Elle le fait aussi à l’échelon européen avec ses partenaires.

Par ailleurs, au mois de juillet 2019, la France prendra la présidence de la plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes qui se trouve à Genève.

Cette question reste centrale. Lorsque l’on regarde dans le détail, on constate qu’il est de plus en plus difficile de détacher les questions de migration de celles du changement climatique. Le changement climatique est une réalité qui a des conséquences concrètes en termes de catastrophes naturelles et de sécheresses accrues et qui a un impact réel sur les populations, parfois amenées à se déplacer.

Il faut aussi beaucoup aider les États et renforcer leurs capacités à l’échelon national. Là encore, lorsque l’on regarde dans le détail, on constate que nombre de ces déplacements se font à l’intérieur même d’un pays – c’est le cas en Inde ou, en Afrique, dans des grands pays comme le Nigeria – ou d’une zone géographique – c’est le cas entre le Bangladesh, l’Inde et d’autres pays.

Ce problème est très complexe. La meilleure façon de s’y attaquer sera d’obtenir un succès à la COP24 et dans le cadre d’autres négociations internationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que les dirigeants du monde entier se réunissent, en Pologne, à l’occasion de la COP24, pour prendre acte de la mise en place des mesures décidées par l’accord de Paris, le GIEC a publié, le 8 octobre dernier, un rapport que l’on peut qualifier d’alarmant. En effet, celui-ci appelle à limiter le réchauffement climatique à 1, 5 degré Celsius, comme cela a été rappelé, si l’on veut éviter l’irréversibilité de certains impacts non seulement sur les espèces animales et végétales, mais bien évidemment aussi sur l’espèce humaine, annonçant les migrations climatiques massives qui bouleverseront dangereusement les équilibres planétaires.

Les États, dont la France, doivent évidemment s’appuyer sur ce rapport pour revoir leurs ambitions climatiques à la hausse, dans le contexte de la COP24. S’il est indispensable de redoubler d’efforts pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, il nous appartient également de plaider pour un comportement écologiquement correct.

Alors que les deux précédents sommets ont axé leur réflexion sur l’adoption d’un calendrier afin de mettre en œuvre l’accord de Paris et sur les conséquences du retrait des États-Unis de celui-ci, la COP qui va avoir lieu se doit de clarifier les règles permettant de transposer les contenus de cet accord en actions climatiques efficaces.

N’appartient-il pas à l’Union européenne de mener ce combat avec plus de vigueur, si nous voulons inciter les États du monde entier non seulement à respecter leurs engagements, mais, qui plus est, à les reconsidérer ?

Par ailleurs, l’accord de Paris trace une feuille de route collective. C’est donc collectivement que les États doivent la respecter, chacun à son échelon.

Pour autant, les scientifiques ne sont pas fatalistes. Nous pouvons encore faire des choix différents, mais nous devons agir rapidement. La France doit prendre sa part des responsabilités et assumer son rôle de leader.

Il faut faire de l’accord de Paris une réalité pour l’Europe et une action de la diplomatie climatique.

Madame la secrétaire d’État, au risque de vous répéter, pouvez-vous préciser quelles ambitions financières la France exprimera lors de la COP24 ? Pensez-vous parvenir à un accord sur des solutions pérennes avec nos partenaires européens, pour répondre aux problèmes environnementaux internationaux qui sont le défi majeur du XXIe siècle ?

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Madame la sénatrice, j’ai eu l’occasion de m’exprimer déjà sur cette question. Oui, la France sera à ce rendez-vous politique, puisqu’elle joue un rôle moteur. Elle sera aussi au rendez-vous des financements, car ce sont 5 milliards d’euros qui seront mis sur la table pour le climat d’ici à 2020. Nous respectons donc l’accord de Paris. C’est bien sûr fondamental pour la France, qui mobilise aussi à l’échelon européen.

Vous pointez du doigt l’importance de réussir les négociations internationales sur le climat. Dans le cadre de l’accord de Paris, chaque État apporte une contribution nationale volontaire, qui donne une sorte de feuille de route, qui détermine en tout cas son niveau d’ambition. Il revient ensuite à chaque État de la traduire en politiques publiques concrètes. C’est ce que fait l’Union européenne et c’est ce que ses États membres négocient à intervalles très réguliers dans le cadre des conseils des ministres de l’environnement. Ainsi, comme vous le savez peut-être, dernièrement, nous nous sommes mis d’accord sur un texte ambitieux en matière d’économie circulaire qui vise à développer une économie de la ressource – nous prenons mieux en compte les ressources et baissons nos émissions de CO2.

À l’échelon national, la France a, en 2017, lancé le plan Climat qui vise à être à la fois très ambitieux sur le plan climatique, puisqu’il s’agit d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, et particulièrement solidaire avec un paquet « solidarité climatique », dont vous avez sans doute beaucoup entendu parler ces dernières semaines.

Ainsi, la France met en cohérence ses politiques nationales avec sa politique de développement à l’échelon international, notamment par le biais de l’Agence française de développement, en veillant à ce que tous les projets que finance l’AFD soient bien respectueux des accords de Paris.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Priou

M. Christophe Priou. Madame la secrétaire d’État, nous avons trouvé que vous aviez répondu vertement – c’est de circonstance sans doute !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Priou

Vous avez évoqué l’Europe et la construction européenne à propos de nombreux sujets qui ne sont pas faciles. Je prendrai pour ma part l’exemple d’un dossier que suit le ministère de la transition énergétique et solidaire, celui de la fermeture de la centrale thermique de Cordemais. L’ouest de la France n’a pas beaucoup de production d’électricité et, si l’hiver est rigoureux, nous importerons de l’électricité d’Allemagne, pays qui relance l’énergie à base de charbon pour sortir du nucléaire. Vous le voyez, ces sujets ne sont pas faciles.

Vous n’empêcherez pas non plus l’actualité de vous rattraper, madame la secrétaire d’État. Il faut expliquer aux Français que, dans la trajectoire financière prévue, sur les 37 milliards d’euros que rapportera la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, seulement 7 milliards d’euros seront affectés à la transition énergétique.

Je souhaite maintenant évoquer un volet important pour un pays comme le nôtre, le volet maritime. Il faut promouvoir à l’échelon diplomatique une politique en faveur des énergies marines renouvelables. Cela fait des années qu’en France nous avons brassé beaucoup d’idées, construit des prototypes, esquissé des rendements intéressants pour une énergie propre et inépuisable. Cependant, le constat est cruel aujourd’hui : nous dénombrons à ce jour des milliers d’éoliennes offshore en activité dans les mers européennes, notamment en Europe du Nord, mais zéro éolienne marine au large des côtes françaises, avec des changements de règles du jeu peu propices à rassurer les investisseurs.

Madame la secrétaire d’État, je vous rejoins sur les initiatives locales et régionales, comme l’a excellemment rappelé notre collègue Guillaume Chevrollier. Je pense aussi que c’est de la base que peuvent partir les solutions. La région Pays de la Loire a ainsi mis en place une stratégie Ambition maritime régionale.

Madame la secrétaire d’État, quelle sera la position de la France pour défendre les aspects maritimes utiles à la lutte contre le réchauffement climatique ?

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur le sénateur, vous posez la question essentielle, même vitale, de la politique énergétique de la France. Vous savez que nous sommes actuellement en pleine négociation et finalisation de la programmation pluriannuelle de l’énergie qui dessinera le plan énergétique de la France pour les dix années à venir. Les problématiques que vous soulevez sont au cœur des débats que nous avons en ce moment et que nous continuerons d’avoir, puisque le processus de cette programmation pluriannuelle de l’énergie s’élabore de façon transparente et en consultation avec les différentes parties prenantes.

La fermeture de la centrale thermique de Cordemais est la preuve de l’ambition française et de la résolution du Gouvernement de sortir des énergies fossiles et de réaliser cette transition, puisque ces énergies doivent rester dans le sol.

Le sujet est difficile, vous l’avez dit vous-même, monsieur le sénateur, car nous devons dans le même temps répondre à des questions essentielles de sécurité d’approvisionnement des Français, qui ne comprendraient pas de manquer d’électricité, et sortir des énergies fossiles. Il s’agit là d’un équilibre compliqué.

Nous avons un dialogue très fructueux avec l’Allemagne, en particulier avec M. Peter Altmaier – je sais que le ministre d’État s’entretient avec lui de façon régulière. Parallèlement, nous mettons en place des contrats de transition écologique, qui nous permettent de réaliser cette transition-là.

Il existe aussi toute une autre palette de politiques publiques – vous en saurez plus à l’occasion de la présentation de la programmation pluriannuelle de l’énergie : travailler non seulement sur l’offre, mais aussi sur la demande avec l’accroissement de l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables, tout un bouquet énergétique qui devrait nous permettre de garantir la sécurité d’approvisionnement tout en produisant l’énergie la moins carbonée possible.

J’en viens à l’éolien offshore. C’est une énergie à laquelle nous croyons beaucoup et que nous devons développer de façon bien plus massive et plus facilement. Nous avons mis en place des mesures de simplification pour développer l’éolien en mer. Nous y travaillons aussi avec d’autres partenaires européens, notamment ceux avec lesquels nous avons des frontières communes. Ce dossier sera donc aussi au cœur de la programmation pluriannuelle de l’énergie qui sera présentée dans les jours à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un consensus assez large se dégage au moins sur un point : la prochaine COP qui s’ouvrira dans quelques semaines sera sans doute la plus importante en termes d’enjeux depuis celle de 2015 qui s’est tenue à Paris. Il devient en effet urgent et primordial d’établir un plan d’action précis et opérationnel – ce sont aussi vos termes, madame la secrétaire d’État – pour atteindre des objectifs raisonnés face à l’urgence climatique.

Parmi les multiples sujets liés à ces objectifs, prenons celui de la mobilité décarbonée. L’OPECST, l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, publiera au début de l’année prochaine un rapport sur la faisabilité de l’arrêt de la commercialisation des véhicules thermiques, émettant des gaz à effet de serre, d’ici à 2040. En tant que corapporteur, j’explore depuis un peu plus de deux mois les nombreux défis à relever pour passer de l’annonce, voire de l’injonction politique, à la mise en œuvre effective.

La multiplication des véhicules électriques suscite de réelles questions.

D’un point de vue technologique, l’Europe ne maîtrise pas la chaîne de production des batteries lithium et elle est fortement dépendante pour les matières premières, ce qui la rend vulnérable notamment vis-à-vis de la Chine. Par ailleurs, l’accélération de la mise en circulation de véhicules électriques pose la question de notre production d’électricité, qui devra, elle aussi, être décarbonée. Sur ce point, il me semble que nous devons être extrêmement prudents et vigilants sur les annonces de fermeture de centrales nucléaires ou autres, tant que l’EPR de Flamanville n’est pas en service.

Pour être à la hauteur du défi climatique et des transitions qu’il implique, les États européens doivent renforcer et coordonner leurs efforts, pour une action pertinente et efficace, sur les questions tant d’industrialisation que de recherche et développement, par exemple sur la filière hydrogène, qui n’a pas encore été évoquée.

Aussi, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quels moyens la France met en œuvre pour doter l’Union européenne d’un véritable plan cohérent en matière de transition énergétique, en particulier sur l’enjeu de la mobilité décarbonée ?

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur le sénateur, il est essentiel de se fixer des objectifs ambitieux à long terme. Dans le cadre du plan Climat, nous avons clairement énoncé que, d’ici à 2040, nous voulions qu’il n’y ait plus de véhicules thermiques en France. Cet objectif à long terme est fondamental, puisqu’il donne de la visibilité aux entreprises, qui, ensuite, s’y préparent.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Cela envoie un signal très clair aux entreprises, notamment aux constructeurs automobiles.

J’en viens à la question des transports. Plusieurs solutions existent. Les réponses ne viendront pas d’une seule technologie. Oui, la batterie électrique est une option – on pourra par la suite parler des différents types de batteries ; elle est essentielle, notamment pour les voitures individuelles. Cependant, d’autres solutions sont envisageables pour les transports en commun ou les transports de marchandises. Je pense à l’hydrogène.

En Europe, particulièrement en France, nous avons comme véritable ambition de créer des politiques industrielles. C’est ainsi que la transition écologique devient une opportunité, y compris en termes de justice. Elle est source d’emplois et constitue un nouveau relais de croissance pour notre économie. C’est la raison pour laquelle nous travaillons par exemple avec le commissaire européen M. Šefčovič et l’Allemagne à la mise en place d’une politique industrielle en faveur du développement des batteries. Il faut que nous ayons un avantage compétitif par rapport à certains de nos concurrents, comme la Chine.

Se pose ensuite la question de l’approvisionnement énergétique, en particulier celle de la sécurité en la matière. Bien sûr, un parc électrique automobile consommera beaucoup d’électricité ; nous y travaillons dans le cadre des différents scénarios de la PPE. En menant une réflexion sur la demande et sur l’efficacité énergétique, nous pourrions obtenir un équilibre dans lequel nous développerons les énergies renouvelables et nous répondrons à la demande d’électricité de nos concitoyens et de nos entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’aune de la COP24, je ne m’attarderai pas sur la politique internationale, la montée des climatosceptiques et le contexte géopolitique peu propice au financement de l’accord de Paris. En revanche, madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur le contexte social français, liant écologie et fiscalité.

Les automobilistes ont été nombreux samedi 17 novembre dernier à dénoncer la hausse du prix des carburants, et leur révolte perdure. Je constate trois perdants dans ce conflit social : d’abord, les Français, en proie à un ras-le-bol fiscal, ensuite, le Gouvernement, qui se voit affaibli, enfin, l’écologie. C’est sur ce dernier point que je tiens à insister.

Avec la taxe carbone, le Gouvernement pousse les Français à devenir des « anti-écolos ». Il s’y prend très mal : absence d’explications sur la taxe carbone, absence d’explications sur l’utilisation des recettes, absence de concertation, absence de justice sociale.

Pourtant, avec l’accord de Paris, notre pays se révèle l’un des leaders de la conscience écologique à l’échelon mondial. La réussite de la transition environnementale est notre souhait à tous.

Toutefois, il va falloir expliquer et, surtout, mettre en place des mesures redistributives et non des mesurettes pour compenser à court terme, comme l’extension du chèque énergie. Cela ne permettra pas de restaurer la confiance, on le voit. Il est urgent de créer un véritable consensus social en faveur de l’environnement.

Madame la secrétaire d’État, la parole de la France à l’international est affaiblie par le conflit social que nous vivons. Comment porter la voix de notre pays lors de la COP24 dans ce contexte ?

Par ailleurs, en tant que sénateur d’un département montagnard, permettez-moi de vous interroger sur le point suivant : êtes-vous favorable à la prise en compte des zones géographiques de montagne dans les négociations internationales, comme cela a été le cas pour les zones insulaires ? Pourquoi ne pas faire de même pour les territoires de montagne ?

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur le sénateur, je ne sais pas avec quel chef d’État ou quel ministre étranger vous vous êtes entretenu. Pour ma part, j’ai eu l’occasion de participer à des échanges ces jours derniers et je peux vous dire que la voix de la France compte toujours autant. Plus que jamais, elle est entendue et leader en la matière.

J’en viens au contexte français. Vous parlez de mesures à court terme et formulez un certain nombre de reproches. Monsieur le sénateur, à quelle majorité appartenez-vous ? Quel gouvernement a fait voter la taxe carbone ?

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

C’est le gouvernement de Jean-Marc Ayrault ! C’était sous Hollande !

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Nous payons aujourd’hui le prix d’années d’impréparation. La voilà, la réalité !

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Il ne s’agit pas de mesures à court terme. Je trouve déloyal, presque malhonnête dans le cadre d’un débat sur la diplomatie internationale, d’exiger une réponse sur le contexte domestique français.

Monsieur le sénateur, vous savez pertinemment, comme moi, qu’une partie de la colère des « gilets jaunes » est non seulement légitime, mais, qui plus est, compréhensible. En effet, le débat ne porte pas uniquement sur la question écologique ; il a pour beaucoup trait à la question du pouvoir d’achat et des difficultés nombreuses auxquels les Français sont confrontés, car nous payons les résultats des politiques précédentes.

Vous affirmez vous-même qu’il ne faut pas de petites mesures au compte-gouttes. Ce n’est pas du tout ce que nous faisons. Comment redonne-t-on du pouvoir d’achat aux Français ? Par la croissance et la baisse des dépenses publiques. Que faisons-nous ? Nous nous attachons justement à relancer la croissance. Les chiffres du chômage en France ont été publiés aujourd’hui et vous avez pu constater que le chômage n’avait pas augmenté. Vous connaissez notre action, pour avoir participé au débat du projet de loi PACTE. C’est aussi le cas grâce au plan Pauvreté, au plan en faveur de la formation professionnelle et de l’apprentissage de Muriel Pénicaud. Tout cela forme un ensemble de réformes structurelles et profondes auxquelles les Français ont droit. Il est aujourd’hui indispensable de donner à nos concitoyens des réponses après des années et des années de réformes repoussées.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Vous ne répondez pas à des questions d’actualité au Gouvernement !

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

C’est cela le sujet ! Ne l’exploitez pas à des fins politiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Est-ce ce que l’on fait dans cet hémicycle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Madame le secrétaire d’État, vous participerez bientôt à la COP24 et évoquerez la COP21, qui est en effet un succès diplomatique de la France.

Avant ce succès et pour que nous ayons une société décarbonée, la France peut revendiquer un succès beaucoup plus ancien, plus profond, plus durable : la décarbonation de la production de l’énergie électrique à travers sa filière nucléaire.

Depuis trois ans, depuis 2015, il apparaît avec force que le nucléaire n’est pas simplement le complément des énergies renouvelables – le Commissariat à l’énergie atomique a changé de nom, pour devenir le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives –, il est surtout une condition. Nous savons que le renouvelable tel que nous le connaissons – éolien ou solaire – se caractérise par son intermittence – une intermittence aléatoire – et une dispersion qui implique une politique de réseaux extraordinairement denses et coûteux. Au contraire, le nucléaire, par sa souplesse, est, pour la production d’électricité, pour la production de chaleur, pour la production d’hydrogène à partir de l’électrolyse, un atout considérable pour consolider les avancées d’années d’énergies alternatives, en tous les cas d’énergies n’émettant pas de CO2.

Madame le secrétaire d’État, avez-vous une stratégie diplomatique pour faire en sorte que le nucléaire, qui est un atout français partagé avec quelques pays, la Russie en particulier, puisse devenir un atout essentiel de ce monde décarboné que vous souhaitez et qui dispose d’un avantage qu’assez curieusement les gouvernements successifs n’osent pas mobiliser au service de l’intérêt de notre pays et de celui de la planète ? S’il faut faire un geste, celui-ci a au moins le mérite de l’efficacité immédiate.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur le sénateur, je veux croire que votre langue a fourché en disant « madame le secrétaire d’État ».

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je l’ai fait à dessein : le masculin est générique en français !

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Vous voulez entrer dans ce débat ? Très bien ! Mais je vous demande de m’appeler « madame la secrétaire d’État ». C’est comme cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. Je vous appellerai « chère amie » !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Mme Brune Poirson, secrétaire d ’ État. Je ne veux pas que vous m’appeliez « chère amie ». Je veux que vous m’appeliez « madame la secrétaire d’État ».

Exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je ne le ferai pas tant que l’Académie française n’aura pas changé la règle !

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Comment pouvez-vous prétendre parler au nom des Français et relayer leurs aspirations ? L’égalité femmes-hommes en fait partie, monsieur le sénateur ! C’est cela, la réalité !

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Mme Brune Poirson, secrétaire d ’ État. Les Français veulent l’égalité femmes-hommes, mais aussi que nous répondions à certaines de leurs attentes.

Protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Mme Brune Poirson, secrétaire d ’ État. Je fais comme vous ! Parfois, je profite d’une tribune pour parler d’un tout autre sujet. En l’occurrence, ce sujet est ancré dans la réalité, monsieur le sénateur, et je vous demande de m’appeler « madame la secrétaire d’État ». Le débat est clos. C’est comme cela et pas autrement !

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Pour répondre à votre question sur la transition écologique, nous nous sommes engagés, lors de la campagne présidentielle, à baisser la part du nucléaire dans le mix énergétique français de 75 % à 50 % d’ici à 2025. C’est un objectif qui a été fixé dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et que nous reprenons à notre compte. Nous sommes en train de travailler sur différents scénarios pour y parvenir le plus rapidement possible. Cela se fera dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Monsieur le sénateur, vous parliez aussi des aspirations des Français. Je crois que beaucoup d’entre eux veulent que nous développions les énergies renouvelables de façon massive. C’est l’une des réponses, l’une des volontés et l’une des priorités du gouvernement auquel j’appartiens. C’est aussi pour cette raison-là que nous baisserons significativement la part du nucléaire dans le mix énergétique français. Vous en saurez bientôt plus avec la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui sera présentée prochainement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

En conclusion de ce débat, la parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe auteur de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer, et nous refusons de l’admettre ».

Ces mots, madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, prononcés par le Président de la République Jacques Chirac en 2002, résonnent encore et ont contribué à marquer un tournant dans la politique française en matière d’engagement pour la planète.

Organisé à la demande du groupe Les Républicains, le présent débat montre, s’il est encore nécessaire de le faire, que le corps législatif que nous constituons a parfaitement compris l’importance des enjeux liés au réchauffement et au dérèglement climatiques, et ce bien au-delà des clivages politiques – les orateurs précédents l’ont illustré.

Depuis la loi relative à la protection de la nature du 10 juillet 1976, la France n’a cessé de s’engager en faveur d’une meilleure protection de notre planète. Les élus, les associations, les citoyens, se sont engagés sur ces questions ces dernières décennies, avec une accélération ces dix dernières années. Le Grenelle de l’environnement, organisé en 2007, a marqué une étape majeure, qui a permis à la France d’enclencher une véritable révolution – d’abord, une révolution de la pensée, afin de mettre en avant l’importance des notions telles que le réchauffement et le dérèglement climatiques, la biodiversité, ensuite, une révolution législative et réglementaire.

Ainsi, la loi Grenelle a mis la France sur le chemin de sa mutation écologique. Se sont ensuivies entre autres les lois Grenelle II, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la loi Biodiversité. Cette liste ne saurait être exhaustive, puisque, aujourd’hui, pas une loi n’est votée sans que la notion environnementale soit présente sous une forme ou une autre. Le Sénat s’est d’ailleurs particulièrement mobilisé, afin d’intégrer aux projets de loi des dispositions innovantes. Je pense notamment à la notion de préjudice écologique introduite par nos collègues Bruno Retailleau et Jérôme Bignon lors de l’examen de la loi Biodiversité.

Nous devrons travailler dans les semaines à venir sur de nouveaux textes qui sauront, je n’en doute pas, pleinement nous mobiliser sur cette question.

Si nous sommes d’accord sur les objectifs pour lutter contre le réchauffement climatique et réduire nos émissions de CO2, il arrive parfois que tel ne soit pas le cas sur les moyens d’y parvenir. Ainsi, au sein du groupe Les Républicains, nous croyons que c’est en développant une écologie incitative et non punitive que nous pourrons obtenir de meilleurs résultats et une meilleure acceptation de nos concitoyens. La mobilisation des « gilets jaunes » – l’actualité en témoigne – montre bien que nous ne pouvons construire un modèle écologique durable contre les citoyens. La pédagogie et la volonté politique ne suffisent pas. La fiscalité doit être intégralement utilisée pour accompagner nos concitoyens vers le changement. À l’opposé de cette démarche punitive, je me dois de saluer la concertation pour l’élaboration de la feuille de route pour l’économie circulaire, madame la secrétaire d’État, dont nous débattrons dans cet hémicycle dans quelques mois.

Je souhaite également rappeler l’importance du choix du mix énergétique pour la France. Ce choix, qui permet d’allier l’énergie nucléaire et le développement des énergies renouvelables pour suppléer les énergies fossiles, a été au cœur de nombreux débats. Il permet à notre pays d’émettre aujourd’hui deux fois moins de gaz à effet de serre que son voisin allemand.

Les changements engagés par la France en faveur de l’environnement nous ont permis de faire entendre une nouvelle voix sur le plan international. L’organisation de la COP21 et les accords de Paris ont été un véritable succès sur le plan de la mobilisation des États et de leurs engagements.

Ce sujet est devenu bien plus qu’un engagement national pour la France et s’est converti en une arme diplomatique de taille. Notre pays apparaît désormais sur la scène internationale – vous l’avez confirmé, même si on peut encore en douter – comme le fer de lance de la lutte contre les dérèglements climatiques.

L’Union européenne se mobilise également en faveur du climat. Des réglementations importantes et contraignantes ont été votées, afin d’engager les pays membres dans la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.

Par ailleurs, 180 milliards d’euros, soit 20 % du budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020, devraient être consacrés à la prise en compte de ces questions et à la protection du climat.

Le combat est pourtant loin d’être gagné et la fragilité des accords de Paris montre que nombreux sont les gouvernements qui doutent encore de l’urgence climatique. Je pense bien sûr aux États-Unis ou au Brésil.

Cette mobilisation internationale n’a cependant pas été vaine, et nous pouvons nous satisfaire d’avoir collectivement gagné une bataille, celle de la mobilisation des consciences. Je regrette cependant que la question de la démographie ne soit pas corrélée systématiquement à celle de l’utilisation des ressources.

Sans engagement citoyen, il ne peut y avoir de changement politique ou de comportement. Il est donc nécessaire d’associer les citoyens et de rendre les décisions acceptables, ou à tout le moins compréhensibles.

N’oublions pas que le succès de cette politique repose sur un équilibre subtil entre les trois piliers du développement durable – l’environnement, bien sûr, le social et l’économique, qu’il ne faut pas oublier – et sur le fait de placer en permanence l’Homme au cœur de notre réflexion et de nos actions. C’est cette voie, me semble-t-il, que doit emprunter la France dans la perspective de la COP24.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous en avons terminé avec le débat sur la diplomatie climatique de la France à l’aune de la COP24.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à lutter contre l’exposition précoce des enfants aux écrans, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly et plusieurs de ses collègues (proposition n° 706[2017-2018], texte de la commission n° 132, rapport n° 131).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

Le titre III du livre I er de la deuxième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI

« PRÉVENTION DE L’EXPOSITION PRÉCOCE DES ENFANTS AUX ÉCRANS

« Art. L. 2136-1. – Les unités de conditionnement des outils et jeux numériques comportant un écran contiennent un message avertissant des dangers des écrans pour le développement des enfants de moins de trois ans. Un décret précise les modalités d ’ application du présent article.

« Art. L. 2136-2. – Les messages publicitaires en faveur des équipements mentionnés à l ’ article L. 2136 -1 contiennent un message avertissant des dangers des écrans pour le développement des enfants de moins de trois ans. Un décret précise les modalités d ’ application du présent article.

« Art. L. 2136-3. – Des actions d ’ information et d ’ éducation institutionnelles sur l ’ utilisation des écrans sont assurées régulièrement en liaison avec le Conseil supérieur de l ’ audiovisuel. »

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, à la rapporteur de la commission, pour sept minutes, puis au Gouvernement et, enfin, à un représentant par groupe, pour cinq minutes.

La parole est à Mme la rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, à l’occasion de ma mission sur la formation à l’heure du numérique, j’ai été sensibilisée par plusieurs experts de la santé aux troubles du développement qu’ils observaient chez un nombre croissant de jeunes enfants et sur les liens de cause à effet qu’ils constataient entre ces troubles et l’exposition précoce aux écrans de leurs jeunes patients.

J’ai souhaité approfondir cette question et j’en suis arrivée aux conclusions suivantes.

D’abord, l’exposition aux écrans commence dès la petite enfance et tend à augmenter en raison de la multi-exposition des enfants aux écrans et de la possibilité d’utiliser ces derniers n’importe où et n’importe quand. Si la France dispose d’un nombre restreint de statistiques, elle possède en revanche de nombreuses enquêtes. Je vous renvoie à cet égard aux trois enquêtes que j’ai déjà citées la semaine dernière : une étude de l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, une enquête déclarative de l’Association française de pédiatrie ambulatoire et une enquête de l’IPSOS menée en 2017. Toutes trois montrent l’ampleur du phénomène.

La deuxième conclusion à laquelle je suis parvenue, et que confirment toutes les études scientifiques, c’est que les interactions d’un enfant avec son entourage et son environnement sont la meilleure source de stimulation pour lui. Or plus un enfant passe de temps devant un écran durant une journée, moins il lui en reste pour jouer et interagir avec les autres.

Toujours selon des données scientifiques, une surexposition aux écrans peut avoir des conséquences sur le développement du cerveau et de l’apprentissage des compétences fondamentales, notamment du langage ; sur les capacités d’attention et de concentration des enfants ; sur leur comportement. Ainsi, la surexposition des plus petits risque d’entraîner une attitude passive face au monde qui les entoure.

En dépit de ces signes alarmants établis depuis des années, en France comme à l’étranger d’ailleurs, les industriels continuent de mettre sur le marché toute une panoplie de jouets pseudo-éducatifs en direction des enfants en bas âge, contribuant à développer un environnement favorable à l’augmentation du temps passé devant les écrans et à créer l’illusion qu’il est normal, voire très bon, pour un enfant de passer plusieurs heures de sa journée devant un écran.

C’est la raison pour laquelle les sénateurs de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont décidé à l’unanimité, madame la secrétaire d’État, de renforcer la visibilité des recommandations nationales déjà existantes en exigeant tout d’abord la présence d’un message à caractère sanitaire avertissant des dangers liés à l’exposition des écrans pour les enfants de moins de trois ans sur tous les outils et jeux numériques disposant d’un écran, mais également sur toutes les publicités concernant ces derniers, quel que soit leur support. La commission a ensuite décidé l’organisation d’actions régulières d’information et d’éducation institutionnelles, en partenariat avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel, dont c’est le rôle, conformément à la loi.

Au total, la présente proposition de loi n’a pas la prétention de régler tous les problèmes liés aux écrans. La question de l’extension des messages sanitaires aux sites d’achat en ligne et aux sites qui fournissent des contenus audiovisuels en ligne n’est pas traitée, par exemple, nous le savons. Mais face à un sujet qui est en train de devenir un véritable problème de santé publique, nous avons adopté des mesures simples et efficaces pour sensibiliser, former et informer les parents, ainsi que tous ceux qui gravitent dans leur entourage, et pour atténuer l’asymétrie d’information dont ils sont les premières victimes.

Aussi, je suis particulièrement étonnée de l’absence de soutien du Gouvernement à cette proposition de loi et surtout des arguments avancés pour la justifier.

La semaine dernière, vous avez estimé, madame la secrétaire d’État, que « les données manquent quant à l’ampleur de l’exposition des enfants de moins de trois ans aux écrans et surtout quant aux effets d’une surexposition des très jeunes enfants aux écrans ». Vous avez donc souhaité attendre les résultats d’une mission confiée au Haut Conseil de la santé publique avant d’élaborer une nouvelle campagne nationale de prévention.

Depuis dix ans, le Conseil supérieur de l’audiovisuel supervise chaque année une campagne de sensibilisation financée par les chaînes de télévision pour rappeler les bonnes pratiques à adopter en matière d’exposition des enfants aux écrans. Cette campagne ne se base-t-elle pas sur des données scientifiques ?

Le 1er avril dernier, les nouveaux modèles de carnet de santé de l’enfant sont entrés en vigueur. Dans son communiqué de presse du 5 mars, le ministère des solidarités et de la santé écrivait : « Les principales évolutions de la nouvelle édition concernent les messages de prévention, qui ont été enrichis et actualisés pour tenir compte des évolutions scientifiques et sociétales, de nouvelles recommandations et de l’identification de nouveaux risques. » À titre d’exemple, il est conseillé d’« éviter de mettre un enfant de moins de trois ans dans une pièce où la télévision est allumée (même s’il ne la regarde pas). »

Où est donc la logique ?

Les messages à caractère sanitaire figurant dans le carnet de santé seraient validés scientifiquement, mais les mêmes messages que la proposition de loi prévoit d’imposer sur les emballages et lors des publicités pour des outils ou des jeux numériques comprenant des écrans ne seraient pas légitimes, faute de preuves scientifiques suffisantes ! Franchement, ce n’est pas sérieux !

Par ailleurs, l’étude que vous avez confiée au Haut Conseil de la santé publique, alors même qu’une étude similaire est d’ores et déjà conduite depuis plusieurs mois par un comité tripartite rassemblant des membres de l’Académie des sciences, de l’Académie des technologies et de l’Académie de médecine, va établir une revue de la littérature scientifique sur ce sujet. Elle renforcera bien entendu les faisceaux d’indices sur les effets de la surexposition aux écrans, mais elle n’apportera pas non plus de preuves définitives. Comme Serge Tisseron le rappelle, les enfants ne sont pas des rats !

Au cours de votre intervention devant la commission de la culture, vous avez eu la maladresse – je n’ose imaginer que c’était intentionnel de votre part – de décrédibiliser à la fois la présente proposition de loi et les initiatives de prévention, menées sans moyens, mais avec beaucoup d’abnégation, par un grand nombre d’acteurs du secteur médical et infantile. Vous avez semé la confusion entre leur action et des propos très regrettables, mais, je tiens à le dire, également très isolés, mélangeant les troubles résultant de la surexposition aux écrans et ceux du spectre de l’autisme.

Je rappelle solennellement, comme je l’ai déjà fait la semaine dernière, que je n’ai jamais, pas plus que mes collègues, parlé d’autisme ! C’est vous qui l’avez cité, madame la secrétaire d’État. Pour ma part, j’ai évoqué des troubles du langage, du développement et de l’attention. Quant aux médecins que nous avons auditionnés, eux non plus ne font pas bien entendu cette confusion.

Vous avez dit, madame la secrétaire d’État, que nos méthodes divergent, et vous avez raison sur ce point. La commission de la culture du Sénat, vous le savez, a pour règle de travailler étroitement avec tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, afin de faire progresser les dossiers qui lui sont soumis. Récemment, nous avons débattu de l’utilisation du téléphone portable à l’école. Où étaient d’ailleurs les études sur les conséquences de l’usage du téléphone portable sur la discipline au collège ou sur les apprentissages ? Il n’y avait rien ! Et pourtant, nous avons décidé de faire confiance au Gouvernement.

Alors oui, madame la secrétaire d’État, nous connaissons le poids des lobbies. Il a fallu plus de trois ans à l’administration pour publier les décrets permettant la mise en œuvre effective des bandeaux sanitaires sur les publicités visant les boissons sucrées et les produits alimentaires manufacturés. Va-t-on reproduire le scandale de la cigarette, de l’alcool, des produits sucrés ?

En conclusion, en cette Journée internationale des droits de l’enfant, le Défenseur des droits publie un rapport dans lequel il recommande aux pouvoirs publics l’application d’un strict principe de précaution en interdisant l’exposition des enfants de moins de trois ans aux écrans dans les lieux les accueillant.

Fort de ces recommandations, le Sénat prend aujourd’hui ses responsabilités en choisissant la santé de nos enfants. Au Gouvernement de prendre les siennes !

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Madame la présidente, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à saluer le travail de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, plus particulièrement celui de sa présidente, et son investissement sur les questions liées au numérique depuis plusieurs années.

Le numérique modifie en profondeur nos activités. Il a changé notre manière de nous informer, d’apprendre, de consommer, d’échanger, de nous divertir. Il est important de porter un regard critique sur ces bouleversements.

Dans votre rapport publié en juin dernier, madame la rapporteur, vous précisez avec justesse qu’il est grand temps de se former, de « prendre en main notre destin numérique », d’assurer la montée en compétence numérique de l’ensemble des citoyens et de les sensibiliser aux enjeux de la digitalisation du monde. À cet égard, et nous vous rejoignons sur ce point, nous nous devons de porter une attention toute particulière aux enfants.

Les effets potentiels d’une surexposition aux écrans des très jeunes enfants sont légitimement une source de questionnement, comme en témoignent des travaux variés sur ce sujet.

Le Gouvernement, madame la rapporteur, partage l’objectif de mieux communiquer sur des repères dans l’usage des outils numériques. Cela a été rappelé lors de l’examen en commission, à partir des recommandations établies par le ministère en 2008, le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est saisi de la question des enfants et des écrans. Nous mesurons aujourd’hui combien cet enjeu demeure plus que jamais d’actualité.

La proposition de loi qui est soumise au vote du Sénat visait initialement à lutter contre la surexposition des jeunes enfants aux écrans en diffusant des messages sanitaires sur les emballages. Après l’examen en commission, vous avez proposé que toute publicité pour des télévisions, des smartphones, des ordinateurs portables, des tablettes et des jeux numériques, quel que soit le support, soit assortie d’un message à caractère sanitaire.

S’il est vrai que les chiffres attestent que le temps passé devant les écrans augmente, il n’y a en revanche pas de consensus sur l’interprétation qu’il faut en faire. Les données manquent sur les conséquences de l’exposition des enfants, en particulier sur le développement psychomoteur de ceux-ci.

Pour les enfants de moins de trois ans, le ministère a récemment réitéré sa recommandation, dans le nouveau carnet de santé, en conseillant aux parents d’éviter, à titre préventif, de laisser leur enfant face à des écrans.

Cependant, eu égard au principe de responsabilité, nous ne pouvons nous permettre d’imposer des messages de santé publique précis sur des produits en circulation s’ils ne sont pas clairement étayés par des analyses scientifiques.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

C’est donc bien pour répondre à toutes ces interrogations et aux préoccupations partagées par le Gouvernement que le Haut Conseil de santé publique a été saisi par la ministre des solidarités et de la santé le 1er août dernier. Il lui a été demandé de produire une analyse des risques pour l’enfant et son développement liés à l’usage des écrans, ainsi qu’une étude sur les effets pathologiques et addictifs des écrans. Nous attendons que le Haut Conseil fasse la synthèse des connaissances disponibles et qu’il propose des recommandations, afin de diffuser une information fondée sur des preuves scientifiques.

Cette saisine témoigne, s’il le fallait, que le Gouvernement partage l’ensemble des inquiétudes qui ont été exprimées en commission.

M. Pierre Ouzoulias s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Le plan Priorité prévention présenté en mars dernier par le Premier ministre et Agnès Buzyn prévoit d’ailleurs la création de repères sur les usages des écrans destinés aux proches de jeunes enfants et une campagne d’information sur ces repères et sur les bonnes pratiques en termes de temps passé devant les écrans. Ces repères seront établis sur la base des travaux du Haut Conseil.

Par ailleurs, les États généraux des nouvelles régulations numériques sont un espace de discussion et d’échanges au sein duquel la surexposition des enfants aux écrans a été identifiée. En effet, nous ne sommes pas seuls à nous interroger et à réfléchir sur ces sujets. Le mouvement doit aussi être européen, voire international.

Enfin, je dirai un mot sur un aspect important à mes yeux, je veux parler du rôle des parents.

Nous avons souvent l’occasion de le souligner dans le cadre des actions de soutien à la parentalité : être parent est une mission difficile, aujourd’hui certainement plus qu’hier. S’agissant des écrans, la situation est très différente de celle que connaissaient les générations précédentes.

Les écrans se sont démultipliés dans les foyers et il faut désormais surveiller non seulement le poste de télévision du salon, mais également les téléphones, l’ordinateur, les tablettes, les jeux vidéo… Limiter l’accès des enfants aux écrans ne se résume plus à une surveillance intransigeante de la télécommande. Cela peut être une véritable bataille quotidienne.

Protéger d’abord les jeunes enfants : tel est le sens de la stratégie « Dessine-moi un parent » présentée cet été par le Gouvernement, dont l’un des axes est la sensibilisation des parents et la formation des professionnels aux risques de surexposition des jeunes enfants aux écrans interactifs. Nous avons besoin d’évaluer le poids de l’éducation, ainsi que le rôle des adultes référents dans les usages excessifs des écrans et leur régulation.

La question de l’usage des écrans au quotidien fait partie des difficultés qui conduisent de nombreux parents à demander de l’information et de l’accompagnement auprès des associations de soutien à la parentalité.

Le réseau des Écoles des parents et des éducateurs propose notamment des animations collectives sous forme de groupes d’échanges entre parents, des ateliers de sensibilisation aux technologies numériques ou des conférences-débats qui facilitent la prise de conscience et la parole des parents sur les pratiques numériques de leurs enfants, sans les stigmatiser ou les rendre coupables.

Je pense également au rôle de la protection maternelle infantile, dont les missions sont en cours d’évaluation et de mise à jour.

Enfin, le passage à l’instruction obligatoire dès l’âge de trois ans doit permettre à tous les enfants, sans exception, l’apprentissage de la vie en collectivité, l’interaction avec les autres, l’ouverture sur leur environnement extérieur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il n’est nullement question de reporter toute action ou de minimiser cette question. Notre souhait commun est bien d’agir. La seule nuance est que le Gouvernement souhaite d’abord renforcer les constats scientifiques qui doivent le guider concernant l’usage des écrans chez les enfants.

Or, à ce jour, nous estimons que les données des études que vous mentionnez sont encore trop partielles pour imposer un message sanitaire indiscutable. Nous avons besoin qu’une instance d’expertise se prononce pour pouvoir, sur cette base, mener les actions pertinentes, à la hauteur de l’enjeu pour nos enfants.

Dans ce contexte, et pour les raisons que j’ai évoquées, nous ne pouvons soutenir cette proposition de loi aujourd’hui, même si nous en partageons l’objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un entretien à un célèbre hebdomadaire français, l’écrivain américain Philip Roth expliquait : « Face à l’écran et à son pouvoir hypnotique, la lecture est un art désormais mourant. La forme romanesque, comme vecteur d’informations sur le monde et l’expérience humaine, et comme plaisir, est devenue obsolète. »

Sans s’enferrer dans une vision manichéenne, où le numérique ne ferait que rapetisser l’Homme, je pense que les propos de cet écrivain, étendus à d’autres domaines que la lecture, sont éclairants sur les risques inhérents à une exposition massive aux écrans. Il est question « d’informations sur le monde », d’« expérience humaine », de « plaisir », en somme de réflexions et d’interactions avec le monde et avec les autres.

Comme l’ont démontré nombre de psychiatres et de pédopsychiatres – je ne reviendrai pas sur les études mentionnées par la présidente Catherine Morin-Desailly –, ces découvertes de la vie, ces contacts humains sont encore plus déterminants pour les enfants, en particulier entre zéro et trois ans. Ils permettent tout à la fois l’apprentissage du langage, de la communication verbale et corporelle. Ils améliorent les capacités motrices, d’attention et de concentration. Ils sont donc des moments vitaux dans la construction de l’enfant en tant qu’individu.

Or, sans diaboliser les objets numériques, qui peuvent être parfois d’une grande utilité pour l’apprentissage et la diffusion des connaissances, par exemple, il faut reconnaître que leur utilisation immodérée, voire frénétique, pose de plus en plus problème et peut être clairement dangereuse pour les enfants. Il convient donc de veiller à ne pas en arriver à une situation où ce seraient ces objets qui prendraient possession de l’être humain, bien plus que celui-ci en contrôlerait l’usage et l’évolution.

Sur ce point, je crois que nous sommes entrés dans une phase de transition. Après l’euphorie liée à la démocratisation d’internet et au développement « hypersonique » des moyens de communication, l’envers du décor est apparu.

Collectivement, nous avons pris conscience que l’entrée dans la « troisième révolution industrielle », selon l’expression de Jeremy Rifkin, s’accompagnait d’enjeux modernes auxquels il est impératif de réfléchir et d’apporter des réponses satisfaisantes.

En d’autres termes, cette phase de transition est une nouvelle phase de régulation, consécutive aux progrès exponentiels en matière numérique. Il s’agit de préserver les équilibres sociaux et de maintenir un rapport harmonieux entre la société et le déploiement des nouvelles technologies.

C’est dans ce cadre global que s’inscrit la présente proposition de loi, qui est, à mon sens, importante. Elle est une première étape en vue de concilier au mieux le développement psychologique et moteur des enfants avec l’usage des objets numériques. Ainsi, les dispositions visant à avertir des dangers des écrans pour le développement des enfants de moins de trois ans et à mener des campagnes pour sensibiliser tout un chacun sur le sujet sont des propositions très importantes.

À l’avenir, il serait pertinent de faire preuve d’encore plus de pédagogie, sans chercher à prononcer des injonctions qui ne seraient que contre-productives, car l’éducation des enfants aux écrans passe obligatoirement par l’éducation des parents à ces mêmes écrans. Ces derniers ont tellement imprégné notre quotidien, sont devenus tellement indispensables dans les sphères professionnelle et privée que les adultes peuvent aussi acquérir des réflexes négatifs et oublier que leur propre exposition prolongée peut être pernicieuse et constituer un mauvais exemple pour leurs enfants. Il est donc impératif de prendre ses distances avec les écrans, tout en ayant conscience qu’il serait bien sûr vain et inutile de s’en priver.

Par ailleurs, il est important de souligner que les actions de prévention prévues dans le présent texte, eu égard à leur objectif de santé publique, nécessitent de véritables moyens financiers, d’autant plus que les progrès du numérique et de l’intelligence artificielle sont amenés à s’intensifier, et, partant, les dérives liées à la surexposition aux écrans. Peut-être faudra-t-il inévitablement prévoir, dans les années à venir, un vaste plan de prévention, sachant que cette surexposition peut entraîner des problématiques de santé publique liées à la sédentarité.

Enfin, comme ne manqueront pas de le dire, je l’imagine, mes collègues qui interviendront après moi, je tiens à faire part de ma surprise, pour ne pas dire de mon incompréhension, face à la position que le Gouvernement a exprimée en commission et encore aujourd’hui. Cette proposition de loi, mes chers collègues, est de bon sens, pour ne pas dire essentielle. Elle est aussi la première pierre d’un édifice, car il nous faudra aborder ensuite la question des contenus et de l’éducation au numérique. Son rejet par l’exécutif, sans véritable motif, n’est nullement encourageant. Il nous laisse surtout très perplexes.

Madame la secrétaire d’État, vous avez argué de la nécessité de mener des études d’impact – on vous a entendue – avant de légiférer sur cette question. Je vous rappellerai simplement, comme l’a dit Mme la rapporteur, et comme je l’ai déjà indiqué en commission, que lorsqu’il s’est agi d’interdire les téléphones portables à l’école, vous n’avez nullement attendu de bénéficier de telles analyses.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Au contraire, il y avait urgence, et la précipitation était de rigueur ! On avait alors fait confiance au Gouvernement. Je formule donc le vœu que, à l’avenir, les avis du Gouvernement soient étayés par de véritables arguments et qu’ils ne soient pas simplement des postures sélectives.

En conclusion, en cette Journée internationale des droits de l’enfant, écoutons le Défenseur des droits, qui a évoqué ces questions. Cette proposition de loi, que bien sûr nous voterons, traite de prévention, mais aussi d’éducation, en bref de la construction des adultes de demain, tout simplement.

Bravo ! et applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons a été examinée selon la procédure de législation en commission et adoptée à l’unanimité, tant son objet est d’intérêt majeur pour la santé de nos futures générations.

Les scientifiques le démontrent avec constance depuis plusieurs années, l’exposition précoce des enfants aux écrans est délétère pour leur développement et constitue un risque important de santé publique.

Certes, la responsabilité d’exercer une vigilance de chaque instant sur l’usage des écrans numériques qui est fait par les enfants incombe d’abord aux parents, lesquels doivent protéger leurs enfants de toute surexposition, mais surtout donner l’exemple d’une utilisation raisonnée et raisonnable. Toute action de prévention passe nécessairement par ces derniers, et par l’entourage socio-éducatif des enfants.

L’impact des écrans sur nos vies est fort, car cet usage allie la facilité du virtuel et la force de l’émotionnel, le plus souvent en huis clos. Dans ce contexte, plus l’enfant sera accompagné par des adultes, mieux il sera outillé pour tirer les bénéfices des écrans, plutôt que d’en subir tous les risques. Pour réussir, il est préconisé d’appliquer une règle de précaution simple, celle du 3-6-9-12 : pas d’écran avant 3 ans, pas de console de jeux avant 6 ans, pas d’internet avant 9 ans, pas de réseau social avant 12 ans.

Selon l’étude Junior Connect’ de 2017, les enfants âgés de un à six ans passent en moyenne quatre heures et trente-sept minutes par semaine devant un écran, soit cinquante-cinq minutes de plus qu’en 2015. Or les conséquences d’une exposition prolongée sont dramatiques : problèmes de langage, de repères dans l’espace et de sommeil, perte d’habileté motrice ou d’attention liée à trop de sédentarité et de passivité, voire vision du monde à plat.

J’ai la conviction que la politique de prévention des risques associée à ces mésusages doit être renforcée, et je félicite ma collègue Catherine Morin-Desailly d’avoir œuvré en ce sens, même s’il reste des pistes d’amélioration. En commission, nous avons adopté un texte obligeant les fabricants, dans les conditions fixées par arrêté, à indiquer sur l’emballage des outils numériques que leur utilisation peut nuire au développement psychomoteur des enfants de moins de trois ans et prévoyant qu’un message similaire apparaisse dans les publicités, comme cela est le cas pour ce qui concerne les aliments gras, par exemple.

Cette multiplication des supports de diffusion du message, fruit du travail de la commission, est nécessaire pour que la mesure de prévention ait un effet réel. Plusieurs amendements visant à élargir la portée du message ont d’ailleurs été déposés par mon groupe.

Le premier tendait à élargir le périmètre de diffusion du message sanitaire aux sites de e-commerce qui mettent en vente des outils et des jeux numériques avec écran. Cette discussion devra être menée à l’échelon européen, dans le cadre de la renégociation de la directive e-commerce.

Il est également nécessaire, à mon sens, d’élargir ce message aux plateformes qui fournissent des contenus audiovisuels, afin notamment d’alerter les parents sur les effets du visionnage par les très jeunes enfants des vidéos qui leur sont expressément destinées, comme celles de comptines enfantines disponibles en ligne. La future loi sur l’audiovisuel, qui sera examinée au second semestre 2019, sera l’occasion d’en débattre.

Enfin, les décrets d’application devront associer aux « actions d’information et d’éducation institutionnelle » tous les services sanitaires et socio-éducatifs entourant les jeunes enfants : les services de santé, bien sûr, mais aussi ceux de la petite enfance. Nous considérons en effet que les agents de ces services doivent réellement être formés à la problématique de l’impact des écrans sur les enfants, afin qu’ils puissent eux aussi être acteurs de la prévention, surtout dans la mesure où ces services disposent d’écrans mis à la disposition des enfants, à l’instar des médiathèques.

Si la commission de la culture a fait preuve de bon sens en adoptant à l’unanimité cette proposition de loi, mon incompréhension a cependant été totale à l’annonce de la position défavorable du Gouvernement. Il vous semble urgent d’attendre, madame la secrétaire d’État. Il nous paraît au contraire que nous devons nous fier aux recherches scientifiques, toutes concordantes, qui estiment qu’il est urgent d’agir.

La procédure de législation en commission a limité l’approfondissement du travail parlementaire sur ce texte, et nous le regrettons. Nous estimons toutefois que la politique de prévention sur l’usage précoce des écrans, qui doit être transversale, mérite d’être accélérée et amplifiée. C’est pourquoi le groupe du RDSE votera en faveur de cette proposition de loi.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, rapporteur, mes chers collègues, à l’heure où l’âge moyen de possession d’un premier téléphone portable est de dix ans, l’exposition des enfants aux écrans est devenue un enjeu de santé publique.

En mai 2017, une tribune parue dans le journal Le Monde dénonçait les « graves effets d’une exposition précoce des bébés et des jeunes enfants à tous types d’écrans ». Les experts qui s’exprimaient s’alarmaient du manque de réactivité des enfants de trois ans dont les parents avaient remplacé les jeux d’éveil traditionnels par des écrans. Ils ne sont pas les seuls. Chamath Palihapitiya, ancien vice-président de Facebook chargé de la croissance et de l’audience, a interdit à ses enfants d’utiliser le réseau social et limité drastiquement l’usage des écrans. Même philosophie pour Sean Parker, Bill Gates et Steve Jobs.

En septembre dernier, une étude canadienne menée sur plus de 4 500 enfants de huit à onze ans aux États-Unis indiquait un appauvrissement du développement cognitif des enfants qui passent plus de deux heures par jour sur des écrans.

En effet, les experts s’accordent à dire que la surexposition des enfants aux écrans les expose à un ensemble de risques sanitaires et psychosociaux auxquels nous devons être attentifs : risque de dépendance, myopie, troubles de l’attention, de la mémoire et du comportement, difficultés d’apprentissage, retard de la parole, isolement social, risque d’exposition aux contenus violents ou pornographiques et au cyber-harcèlement… La liste est longue, comme en témoignent les mises en garde communiquées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est particulièrement sensible à cette problématique et salue une initiative législative qui vise à sensibiliser la société dans son ensemble aux effets néfastes de la surexposition ou de l’exposition précoce aux écrans. Nous soutenons cette démarche, qui apporte des compléments utiles aux campagnes de sensibilisation que mène le CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, chaque année depuis dix ans.

Nous avions proposé des dispositions complémentaires lors de l’examen au Sénat de la proposition de loi relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire. Le premier dispositif visait à équiper les écrans de filtres à lumière bleue, afin de protéger la rétine des plus sensibles. Le second tendait à encadrer la durée d’utilisation pédagogique des écrans par classe d’âge.

Si ces amendements n’ont pas été retenus l’été dernier, leur pertinence nous a été confirmée cet automne par les experts que nous avons interrogés pour préparer l’examen de cette proposition de loi. Serge Tisseron, psychiatre spécialisé dans les rapports aux nouvelles technologies, a attesté l’effet néfaste de la lumière bleue émise par les LED, notamment pour les jeunes enfants. Le cristallin de ceux-ci n’étant pas encore suffisamment opaque pour filtrer naturellement ce type de lumière, la conséquence est un risque accru de développer plus tard une dégénérescence maculaire liée à l’âge.

Par ailleurs, la lumière bleue émise par les écrans perturbe notre horloge biologique en inhibant la sécrétion de mélatonine, et cela quelle que soit la classe d’âge.

Madame la secrétaire d’État, nous avons déposé de nouveau ces amendements lors de l’examen en commission de la proposition de loi et sommes convenus d’une application de ces mesures par voie réglementaire. Nous serons vigilants sur ce point.

Mes chers collègues, si le numérique représente une source inépuisable de savoir et une rupture technologique au moins aussi importante que l’invention de l’imprimerie, nous ne maîtrisons pas encore la révolution qu’il opère dans nos vies et dans le développement cognitif des plus jeunes. Aussi devons-nous rester attentifs aux signaux envoyés par les communautés scientifiques et éducatives, pour réguler et limiter les effets néfastes qu’ils nous signalent.

Cette proposition de loi va dans le bon sens, et c’est pourquoi mon groupe la soutiendra.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer le remarquable travail de fond réalisé par Catherine Morin-Desailly, dont la détermination se concrétise avec la proposition de loi que la Haute Assemblée examine aujourd’hui.

Le contexte, vous le connaissez. Il est préoccupant, voire alarmant : tous les spécialistes auditionnés par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont souligné les dangers qui découlent de l’exposition des tout-petits aux écrans.

Retard dans le développement moteur de l’enfant, apparition tardive du langage, difficultés majeures dans l’apprentissage de l’attention et de la concentration, socialisation imparfaite : les conséquences de cette surexposition des moins de trois ans sont parfaitement identifiées. Elles sont désastreuses et peuvent contrarier la capacité de ces enfants à devenir des adultes structurés, autonomes et équilibrés.

La proposition de loi qui nous est soumise s’adresse d’abord aux industriels : ils sont incités à mieux prendre en compte dans leur activité ces préoccupations psychologiques et sociologiques. Il y va de leur responsabilité sociétale.

Loin de moi l’idée que les fabricants fassent peu de cas du problème de santé humaine qui nous préoccupe ici, mais il me paraît indispensable qu’ils ne se limitent pas à reproduire les messages d’alerte et de prévention imposés par la réglementation. Ils doivent, dès à présent, reconsidérer la conception même de leurs produits et évaluer a priori les conséquences de ces derniers en cas d’usage déraisonnable, excessif ou incontrôlé.

Cette autorégulation est possible, comme le montre l’exemple de l’industrie agroalimentaire, qui s’est efforcée de réduire les teneurs en sucre, sel et graisse des produits qu’elle met sur le marché, tout en diffusant des messages de prévention pour inciter à modérer la consommation et à pratiquer le sport. Il peut en aller de même pour les fabricants de jouets, de terminaux, de contenus numériques et, plus largement, de produits connectés.

Je veux ensuite insister sur la responsabilité personnelle des parents et rappeler que l’éducation aux écrans est un devoir de tous les instants, qui ne souffre aucun relâchement.

Mais comment peut-on dissuader les enfants de recourir aux écrans si on leur donne soi-même l’exemple d’un usage immodéré des terminaux connectés, tablettes ou smartphones ? Ce serait abdiquer ses responsabilités éducatives de laisser son enfant seul face à un écran, sous prétexte qu’on est soi-même débordé, ou pour avoir la paix.

Nous le savons tous : le rôle parental suppose, sur ce sujet comme sur tous les autres, de poser des règles, de donner l’exemple, de n’accepter aucune habitude addictive.

C’est l’intérêt supérieur de nos enfants qui est en l’occurrence en jeu. Pour résister à la fascination de l’écran, il ne suffit pas d’interdire. Il faut aussi s’investir dans les activités de l’enfant, en interaction, pour qu’il sorte d’une dépendance passive, grâce à un environnement familial et social qui puisse éveiller son attention, sa curiosité, son envie d’agir. Ainsi l’aidera-t-on à construire sa personnalité.

Au-delà de la cellule familiale, essentielle en matière de prévention, il me semble que cette mission relève aussi des lieux de socialisation. Je pense évidemment au rôle décisif des structures d’accueil et des acteurs de la petite enfance : crèches, assistantes maternelles, professionnels de la protection maternelle et infantile. Mais, plus largement, il faut solliciter les professionnels de santé, notamment les pédiatres, et toute la communauté éducative.

Ces professionnels en ont bien conscience, d’ailleurs. L’engagement doit être collectif. Tous ceux qui sont en contact avec les plus jeunes peuvent prendre une part de responsabilité dans la prévention de ce comportement à risque, omniprésent et nocif.

Il convient donc que tous les professionnels qui sont en contact direct avec les enfants soient eux-mêmes formés et informés, afin de nouer avec les parents un dialogue constructif lorsque les troubles de comportement sont constatés.

Je propose également que la règle énoncée par le psychiatre Serge Tisseron, auditionné par notre commission, soit rappelée avec constance : aucune exposition aux écrans entre zéro et trois ans, en vertu du principe que le temps passé par un enfant de moins de trois ans devant un écran est préjudiciable à son développement ; pas de console de jeux portable avant six ans ; pas d’internet avant neuf ans, et seulement un internet accompagné jusqu’à l’entrée en collège ; enfin, internet seul à partir de douze ans, mais avec prudence.

Pour mobiliser les consciences, je suggère, premièrement, l’instauration d’une journée sans écran, qui permettrait aux familles de se retrouver et de faire une pause avec l’environnement numérique qui accapare toute l’attention au détriment d’autres activités favorisant le partage et l’interactivité. Je pense que cette piste mérite d’être étudiée, et je connais quelques familles qui ont renoué avec de vraies relations intrafamiliales grâce à cette pratique.

Je propose, deuxièmement, de réfléchir à la mise en place d’ateliers obligatoires pour les parents à la maternité, dans les crèches et les écoles, mais aussi, et surtout, dans les centres de PMI, même si tous ces professionnels sensibilisent déjà beaucoup les familles.

Je sais bien qu’interdire les outils numériques et leurs usages est illusoire. C’est donc bien en matière de prévention qu’il nous faut agir.

La proposition de loi de notre collègue Catherine Morin-Desailly pose les bases indispensables à la régulation de l’usage des écrans. Elle fait œuvre utile. Le groupe Les Républicains, par ma voix, la soutient donc avec conviction.

Madame la secrétaire d’État, en cette Journée internationale des droits de l’enfant, il aurait été symbolique que votre gouvernement approuve notre texte de loi. Nous sommes tous convaincus qu’il va dans le bon sens.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, gouvernement après gouvernement, nous entendons souvent, à l’endroit des propositions de loi que nous présentons, les mêmes antiennes.

D’abord, nos textes seraient justes, mais ils viendraient percuter des projets plus larges et plus systémiques que le Gouvernement entendrait lui-même porter. Bref, nos propositions de loi aborderaient de vrais problèmes, mais elles le feraient de manière trop réductrice, en les appréhendant par le petit bout de la lorgnette.

Second argument, répété à l’envi : nos propositions de loi traiteraient de questions insuffisamment documentées. Elles souffriraient notamment d’une absence d’étude d’impact sur les conséquences juridiques, économiques et sociales des mesures qu’elles préconisent.

Ces deux critiques sont tout à fait audibles, et parfois même justifiées. Mais il faut dire aussi que ces défauts sont consubstantiels à la place et aux moyens accordés au Parlement en matière d’initiative et de travail législatifs dans le fonctionnement réel de la Ve République.

Je m’explique : les propositions de loi déposées par les groupes politiques dans nos assemblées, si elles veulent pouvoir être adoptées, doivent être nécessairement concises et ne comporter que quelques articles, pour entrer dans le cadre temporellement très contraint des niches parlementaires qui nous sont dédiées.

Alors, c’est vrai, elles ne comportent que quelques-unes des mesures susceptibles de répondre à la problématique qu’elles entendent embrasser.

On reproche aussi parfois à nos propositions de loi d’être insuffisamment documentées. Et pour cause : le Parlement est loin de disposer des mêmes moyens techniques et financiers que l’exécutif, même s’il faut rappeler que nous menons en commission, avec sérieux et au long cours, de très nombreuses auditions des acteurs impliqués sur les sujets à propos desquels nous entendons légiférer.

En ce qui concerne l’incidence juridique de nos propositions et de nos amendements, rappelons que les parlementaires ne disposent pratiquement d’aucun droit de tirage pour solliciter les avis éclairés du Conseil d’État. Celui-ci travaille presque exclusivement pour l’exécutif, comme si le Parlement n’était pas une composante essentielle de l’État républicain.

Mais venons-en plus précisément à la proposition de loi, déposée par notre collègue Catherine Morin-Desailly, qui vise à protéger, ou plus précisément à prévenir l’exposition précoce, et de plus en plus intense, de nos enfants aux écrans.

L’objectif initial était d’inscrire dans le code de la santé publique l’obligation pour les fabricants d’ordinateurs, de tablettes ou de tout autre objet ludo-pédagogique d’apposer sur l’emballage des outils numériques un message de prévention à caractère sanitaire relatif à l’exposition aux écrans des enfants de moins de trois ans.

Récemment, notre collègue Catherine Morin-Desailly a déposé un amendement tendant à renforcer le dispositif initialement proposé et à demander la diffusion d’un message à caractère sanitaire à l’occasion des publicités pour les outils et jeux numériques concernés, en plus du message apposé sur les emballages.

Cette proposition de loi, certes très circonscrite dans son objet, va dans le bon sens : celui de la protection des plus jeunes, et donc des plus fragiles, dans une société soumise chaque jour davantage au bombardement de messages visant à capter, ou plutôt à détourner leur attention à des fins au mieux récréatives – cela se fait alors au détriment de la captation de leur attention à des fins de formation et d’éducation –, au pire – c’est souvent le cas, malheureusement – à des fins de communication persuasive tendant à orienter dès le plus jeune âge leurs choix en matière de consommation et de pratiques vers ce qu’on peut appeler des comportements addictifs.

De portée et de champ certes restreints, cette proposition de loi vient toutefois compléter des textes déjà adoptés à de très larges majorités au sein de notre assemblée.

Elle s’inscrit dans la même veine que la loi relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire, votée l’été dernier.

Elle s’inscrit également dans le même esprit que la proposition de loi que j’avais eu l’honneur de porter en 2016, et qui a abouti à la suppression des publicités commerciales destinées aux enfants dans les programmes jeunesse du service public.

Pour justifier de telles mesures, les études sur le sujet ne manquent pas. Impossible ici de toutes les énumérer. Pour n’en citer qu’une, j’évoquerai la dernière vague d’enquête de la direction de la recherche, des études et des statistiques du ministère de la santé, la DREES, sur la santé des élèves de grande section de maternelle, publiée en 2015. Celle-ci souligne notamment que le nombre de ces enfants portant des lunettes est passé de 12 % à 18 % en l’espace de treize ans.

La même étude révèle également que le taux de jeunes enfants en excès pondéral est presque de 40 % supérieur à la moyenne chez ceux qui disposent d’un écran dans leur chambre.

Soucieux, comme l’ensemble de nos collègues, du bon développement de nos enfants et de la nécessité d’agir dans ce sens, les membres du groupe La République En Marche voteront en faveur de cette proposition de loi.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur – j’ai plaisir à utiliser exclusivement le féminin, ce qui est rare !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Elle tente de conduire ce travail de façon consensuelle, en questionnant les acteurs du numérique, dans leur diversité, et en essayant de se détacher des sollicitations et des contingences d’un monde qui s’abandonne de plus en plus aux effets de la communication éphémère, au règne de l’immédiateté et à la dictature de l’instant.

Dans cette démarche ambitieuse de construction, par le droit, de normes régulatrices de l’espace numérique, il était judicieux de s’intéresser, ab ovo, aux plus jeunes et de mettre en garde leurs parents contre une exposition précoce aux médias qui s’y déploient. Le cœur informatique de ces processus étant difficile à appréhender par la loi, la présente proposition de loi s’intéresse donc à l’écran comme principal vecteur de transmission.

Néanmoins, et je crois que vous ne nous avez pas compris, madame la secrétaire d’État, ce n’est pas sur l’objet lui-même que nous nous proposons de légiférer, mais sur les processus qu’il met en jeu ou, plus précisément encore, sur leurs conséquences pour les apprentissages cognitifs des jeunes enfants.

Les trois articles qui sont visés à l’article unique du présent texte seront introduits dans le code de la santé publique, mais il est vrai qu’ils auraient pu aussi enrichir le titre Ier du livre II du code de l’action sociale et des familles, si celui-ci ne renvoyait déjà précisément au code de la santé publique. Dans l’absolu, ces dispositions pourraient constituer les prémices d’un code de la santé mentale qui reste à écrire !

Aussi, madame la secrétaire d’État, je vous exprime une nouvelle fois notre surprise quand vous nous dites que « les données manquent quant à l’ampleur de l’exposition des enfants de moins de trois ans aux écrans, et surtout quant aux effets d’une surexposition des très jeunes enfants aux écrans ».

Notre commission reçoit régulièrement un spécialiste des neurosciences qui nous a expliqué très exactement l’inverse. Je veux parler de votre collègue Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale du gouvernement auquel vous appartenez aussi. Permettez-moi de reprendre plusieurs de ses déclarations sur le sujet. Ainsi, à propos des téléphones portables, il nous expliquait que leur « usage peut empêcher la construction d’une sociabilité harmonieuse, essentielle au développement des enfants ». De façon plus générale, il déclarait récemment : « l’addiction aux écrans peut devenir une plaie dans nos sociétés, qui nuit aux rapports humains », ou encore : « il faut protéger les enfants contre l’addiction aux portables », et enfin : « il faut éviter que les enfants soient devant les écrans de manière abusive, notamment avant l’âge de 7 ans. »

Mmes Françoise Laborde et Catherine Morin-Desailly, rapporteur, marquent leur approbation.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Vous nous accorderez, madame la secrétaire d’État, que la présente proposition de loi répond fort opportunément à cette injonction ministérielle.

Sur le fond, et sans poursuivre l’énumération un peu cruelle de ces incohérences gouvernementales, vous me permettrez de saisir l’opportunité de l’examen de cette proposition de loi, qui sera adoptée céans à l’unanimité, tant elle emporte l’adhésion, pour souligner combien il aurait été utile que votre gouvernement engageât une véritable réflexion interministérielle sur le numérique et ses usages. Je parle au passé, car nous avons constaté avec regret que M. Mounir Mahjoubi, dont le secrétariat d’État chargé du numérique était auparavant directement rattaché au Premier ministre, dépend maintenant du ministre de l’économie et des finances. Cette rétrogradation dans l’organigramme marque un manque de volonté politique dans l’appréhension du numérique dans toutes ses dimensions.

Certes, le numérique peut être un outil puissant de transformation de l’économie et de l’administration. Néanmoins, il est indispensable de protéger nos concitoyennes et nos concitoyens lorsque son déploiement a pour conséquence de porter atteinte aux libertés individuelles ou de les mettre en garde contre son usage immodéré. Sur tous ces points, nous aurions aimé entendre le secrétaire d’État chargé du numérique.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Laugier, pour explication de vote.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Laugier

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, je n’entretiendrai aucun suspense : le groupe Union Centriste votera ce texte ; il le votera même des deux mains, pas seulement parce que Catherine Morin-Desailly, que je félicite pour l’excellence de son travail, en est l’auteur, mais aussi parce que c’est un texte de bon sens, qui fait l’unanimité sur toutes les travées de cet hémicycle.

Madame la secrétaire d’État, la seule voix discordante s’est fait entendre du côté du Gouvernement. En commission, vous nous avez dit en substance qu’il était urgent d’attendre…

Attendre, alors que l’impact des écrans sur le développement psychomoteur des plus petits est connu depuis des années !

Attendre, alors que les professionnels du monde entier nous alertent sur le phénomène depuis bien longtemps !

Il faudrait pourtant, selon vous, attendre de nouvelles études, de nouveaux débats, de nouveaux colloques…

Non, madame la secrétaire d’État, l’heure n’est plus à la tergiversation ; elle est à l’action !

C’est de cela que meurt la politique : de notre incapacité à prendre nos responsabilités. Même face à l’évidence, nous nous tâtons, nous nous interrogeons. Mais nos concitoyens sont fatigués de ces atermoiements. Ils veulent des actes.

Si nous ne sommes pas capables d’imposer un message d’alerte pour protéger les moins de trois ans des effets néfastes, bien connus, des écrans, comment nos concitoyens pourraient-ils nous faire confiance pour faire repartir la croissance ou imposer la transition énergétique ?

La question est d’autant plus caricaturale que la présente proposition de loi ne fait que tirer les conséquences des études qui ont déjà été réalisées sur le sujet.

Il s’agit non pas, bien entendu, de verser dans le dramatique, mais de constater, avec les professionnels de la petite enfance, que l’exposition précoce est susceptible de produire des troubles qui vont d’une moindre forme physique au retard scolaire, en passant par des difficultés de développement social ou d’apprentissage.

Or, cela, tous les parents ne le savent pas. Ils n’en ont pas conscience, tant s’en faut. C’est à cela que servent les messages sanitaires.

Qui, aujourd’hui, songerait à supprimer le macaron avertissant les femmes enceintes des dangers de l’alcool ? Personne, évidemment ! Le message adressé par le texte de Catherine Morin-Desailly est exactement de même nature.

Nous le soutenons d’autant plus qu’il a été substantiellement amélioré et complété en commission. Si nous créons un message d’alerte sur les supports de conditionnement, il est logique de compléter l’information sanitaire dans le champ publicitaire, comme c’est déjà le cas pour l’alcool, le tabac ou les boissons sucrées.

Enfin, par-delà l’objet circonscrit de cette proposition de loi, il n’aura échappé à personne que ce texte soulève la question fondamentale de l’éducation aux médias et au numérique. L’exposition aux écrans est particulièrement néfaste pour les tout-petits, mais, à haute dose, elle n’est bonne pour personne.

Notre rapporteur a évoqué la question des obligations que nous devrions imposer aux sites de vente en ligne et aux plateformes de partage de vidéos. C’est effectivement encore un aspect du problème, mais, surtout, après avoir stigmatisé le contenant, il va aussi falloir s’interroger sur le contenu. Donne-t-on aux enfants et aux adolescents les armes pour savoir prendre ce qu’il y a de bon dans la révolution numérique et jeter le reste ? À l’évidence, non. Or c’est un immense danger, car ces technologies ont eu un impact très fort et très négatif sur les nouvelles générations, et nous en sommes toujours à nous interroger.

Encore une fois, madame la secrétaire d’État – à plus grande échelle, cette fois –, il n’est plus urgent d’attendre, il est urgent d’agir.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 21 :

Nombre de votants335Nombre de suffrages exprimés335Pour l’adoption333Contre 2Le Sénat a adopté.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Lherbier

Madame la présidente, le 7 novembre dernier, lors du scrutin n° 11 sur l’amendement n° 1 rectifié bis, j’ai été considérée comme votant pour, alors que je souhaitais voter contre. Cet amendement visait l’étendue des périodes de chasse des oiseaux migrateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.