Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, rapporteur, mes chers collègues, à l’heure où l’âge moyen de possession d’un premier téléphone portable est de dix ans, l’exposition des enfants aux écrans est devenue un enjeu de santé publique.
En mai 2017, une tribune parue dans le journal Le Monde dénonçait les « graves effets d’une exposition précoce des bébés et des jeunes enfants à tous types d’écrans ». Les experts qui s’exprimaient s’alarmaient du manque de réactivité des enfants de trois ans dont les parents avaient remplacé les jeux d’éveil traditionnels par des écrans. Ils ne sont pas les seuls. Chamath Palihapitiya, ancien vice-président de Facebook chargé de la croissance et de l’audience, a interdit à ses enfants d’utiliser le réseau social et limité drastiquement l’usage des écrans. Même philosophie pour Sean Parker, Bill Gates et Steve Jobs.
En septembre dernier, une étude canadienne menée sur plus de 4 500 enfants de huit à onze ans aux États-Unis indiquait un appauvrissement du développement cognitif des enfants qui passent plus de deux heures par jour sur des écrans.
En effet, les experts s’accordent à dire que la surexposition des enfants aux écrans les expose à un ensemble de risques sanitaires et psychosociaux auxquels nous devons être attentifs : risque de dépendance, myopie, troubles de l’attention, de la mémoire et du comportement, difficultés d’apprentissage, retard de la parole, isolement social, risque d’exposition aux contenus violents ou pornographiques et au cyber-harcèlement… La liste est longue, comme en témoignent les mises en garde communiquées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est particulièrement sensible à cette problématique et salue une initiative législative qui vise à sensibiliser la société dans son ensemble aux effets néfastes de la surexposition ou de l’exposition précoce aux écrans. Nous soutenons cette démarche, qui apporte des compléments utiles aux campagnes de sensibilisation que mène le CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, chaque année depuis dix ans.
Nous avions proposé des dispositions complémentaires lors de l’examen au Sénat de la proposition de loi relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire. Le premier dispositif visait à équiper les écrans de filtres à lumière bleue, afin de protéger la rétine des plus sensibles. Le second tendait à encadrer la durée d’utilisation pédagogique des écrans par classe d’âge.
Si ces amendements n’ont pas été retenus l’été dernier, leur pertinence nous a été confirmée cet automne par les experts que nous avons interrogés pour préparer l’examen de cette proposition de loi. Serge Tisseron, psychiatre spécialisé dans les rapports aux nouvelles technologies, a attesté l’effet néfaste de la lumière bleue émise par les LED, notamment pour les jeunes enfants. Le cristallin de ceux-ci n’étant pas encore suffisamment opaque pour filtrer naturellement ce type de lumière, la conséquence est un risque accru de développer plus tard une dégénérescence maculaire liée à l’âge.
Par ailleurs, la lumière bleue émise par les écrans perturbe notre horloge biologique en inhibant la sécrétion de mélatonine, et cela quelle que soit la classe d’âge.
Madame la secrétaire d’État, nous avons déposé de nouveau ces amendements lors de l’examen en commission de la proposition de loi et sommes convenus d’une application de ces mesures par voie réglementaire. Nous serons vigilants sur ce point.
Mes chers collègues, si le numérique représente une source inépuisable de savoir et une rupture technologique au moins aussi importante que l’invention de l’imprimerie, nous ne maîtrisons pas encore la révolution qu’il opère dans nos vies et dans le développement cognitif des plus jeunes. Aussi devons-nous rester attentifs aux signaux envoyés par les communautés scientifiques et éducatives, pour réguler et limiter les effets néfastes qu’ils nous signalent.
Cette proposition de loi va dans le bon sens, et c’est pourquoi mon groupe la soutiendra.