Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du 20 novembre 2018 à 21h30
Conditions de mise en œuvre de l'accord économique et commercial global ceta — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Jean-Baptiste LemoyneJean-Baptiste Lemoyne :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, merci beaucoup de me donner l’occasion de débattre de nouveau de l’AECG, ou CETA.

Effectivement, nous en avons discuté à plusieurs reprises, que ce soit lors d’auditions au sein des commissions ou dans l’hémicycle du Sénat ou de l’Assemblée nationale, et j’ai envie de dire que vous ne m’aurez pas l’usure ; au contraire. Il y a une volonté intacte de pouvoir conduire à bien ce chantier, qui va très clairement conforter la relation entre la France et le Canada, entre l’Union européenne et le Canada.

Celui qui vous le dit siégeait, voilà quelques années, sur ces travées, et il était déjà extrêmement vigilant par rapport au déroulement des négociations du CETA – nous étions un certain nombre de sénateurs à manifester cette vigilance, cette attention. J’avais eu l’occasion de dire à l’époque – nous étions en 2014 – qu’il ne me semblait pas de bonne méthode que j’apprenne un certain nombre d’éléments non par la Commission européenne, mais par le négociateur québécois ou canadien. On le voit bien, il y avait alors une forme d’asymétrie dans la façon d’associer les parlements nationaux.

Je suis aussi déterminé aujourd’hui que naguère à faire en sorte d’améliorer ces procédures. Un certain nombre d’entre elles ont déjà évolué vers plus de transparence et d’association. J’y reviendrai en détail.

Cet accord a donné l’opportunité au gouvernement français de prendre des engagements en matière de politique commerciale. Nous avons ainsi adopté, le 25 octobre 2017, en réponse à la commission instituée pour évaluer l’impact du CETA, un plan d’action sur la mise en œuvre de cet accord commercial. Il s’agit d’aller vers plus de transparence et de respecter une mise en œuvre exemplaire de cet accord en affirmant une nouvelle ambition climatique dans notre relation avec le Canada.

Par ailleurs, nous voulions également tirer un certain nombre de leçons pour les négociations d’accords commerciaux à venir.

Après une première année d’application provisoire, nous relevons déjà des retombées économiques positives. Nous constatons aussi qu’un certain nombre des craintes que plusieurs d’entre nous redoutaient ne se sont pas réalisées : les exportations françaises de vin ont ainsi augmenté de 5 % et celles de fromage de 8 %. La France profite d’une dynamique très clairement positive.

Si l’on prend le temps d’observer le monde dans son ensemble, au regard du contexte international marqué par les tensions commerciales croissantes et par l’unilatéralisme américain, le Canada est un partenaire important pour la défense du multilatéralisme. Voilà quelques jours, nos amis canadiens accueillaient à Ottawa une conférence sur l’avenir de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce. Vous le savez, nous avons un besoin urgent de moderniser cette instance et de disposer d’outils de régulation effectifs de la mondialisation.

Plus que des accords de libre-échange, ce sont vers des accords de juste-échange que nous devons tendre. Il ne s’agit pas de simples paroles ou de marketing, mais de la réalité : nos sociétés sont naturellement tiraillées par un certain nombre d’inégalités. Nous avons besoin de mettre de l’équité dans le commerce international pour le rendre socialement acceptable.

Vous évoquiez, monsieur Gay, une grande opacité sur la mise en œuvre de ce plan d’action. En sus du processus parlementaire – auditions par les commissions compétentes, débats en séance publique comme ce soir… –, nous réunissons régulièrement le comité de suivi des sujets de politique commerciale. Nous avons d’ailleurs établi un tableau de suivi de chacun des engagements du plan d’action dont la dernière version est disponible sur internet.

Vous pouvez ainsi suivre, action par action, l’état des lieux et constater que nous avons bien avancé sur certains points et qu’il reste encore du travail sur d’autres. Ce tableau est naturellement à la disposition du public, au-delà de la société civile organisée, des ONG, par exemple, et des parlementaires qui participent déjà au comité de suivi stratégique des sujets de politique commerciale.

Je veux évoquer quelques éléments sectoriels. Certaines craintes étaient apparues au sujet des biens agricoles : nous avons obtenu un contingent de 18 500 tonnes de fromage, là où les droits étaient de 245 %. Maintenant qu’un certain nombre des barrières auxquelles ils étaient soumis sont tombées, imaginez quels nouveaux marchés vont pouvoir conquérir le camembert, le Roquefort ou le brie de Meaux, par exemple. Il en va de même pour nos vins et spiritueux.

En ce qui concerne la viande bovine, des chiffres alarmistes circulaient. Entre janvier et août derniers, un peu moins de 500 tonnes ont été exportées depuis le Canada sur un contingent de 45 000 tonnes, soit tout juste 1 % de ce qui était permis. Les Canadiens sont donc loin de saturer les quotas, là où nous les utilisons fort bien.

Dans le domaine des services, cet accord va nous donner l’occasion d’obtenir une meilleure reconnaissance des qualifications et de lever des restrictions d’accès au marché canadien, notamment dans le secteur des communications et des services postaux.

La question des qualifications est importante – je parle sous le contrôle du sénateur Regnard, élu d’Amérique du Nord qui sait quels problèmes peuvent parfois rencontrer nos concitoyens avec certains ordres consulaires au Canada et au Québec. Grâce à cet accord, une dynamique positive va pouvoir s’enclencher, afin de leur faciliter l’exercice de leur profession.

Le CETA permet également de diffuser nos normes et notre modèle français et européen. Par ce traité, le Canada s’est engagé à reconnaître et à protéger notre système d’indication géographique : quarante-deux produits bénéficieront ainsi d’un niveau de protection – jambon de Bayonne, piment d’Espelette, brie de Meaux, reblochon, crottin de Chavignol, huîtres de Marennes-Oléron… Je pourrais citer énormément de produits de vos territoires respectifs, mesdames, messieurs les sénateurs…

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