Je vous remercie, cher collègue, de ce rapport extrêmement fouillé. La commission des lois travaille depuis de nombreuses années sur la justice. Notre collègue Yves Détraigne avait été rapporteur, dès 2016, du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Nous avons ensuite mis en place une mission pluraliste pour aboutir au rapport d'information intitulé Cinq ans pour sauver la justice ! et publié en avril 2017. Nous avons, après cela, adopté dès le mois d'octobre 2017 une proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice et une proposition de loi organique pour le redressement de la justice. Le Gouvernement, pour sa part, a pris son temps. Il a présenté en avril dernier son projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, assorti d'un projet de loi organique comprenant essentiellement des mesures de coordination, et a eu le bon goût de les déposer au Sénat.
Nous avons considéré que l'effort pour la justice était réel mais qu'il était insuffisant pour procéder au rattrapage qui nous semblait nécessaire eu égard aux conditions de vétusté d'un certain nombre de tribunaux et de prisons, et à la situation de sous-effectif de certaines juridictions judiciaires dont le fonctionnement est mis en péril par le manque de moyens et l'accroissement constant du nombre d'affaires nouvelles à traiter. 2,4 millions d'affaires civiles par an, 1,2 million d'affaires pénales : tel est le volume d'activité de la justice française ; ce qui implique qu'elle soit souvent embolisée.
Notre rapporteur propose un avis favorable mais celui-ci doit nécessairement être assorti de réserves. Même si les chiffres font apparaître un réel progrès, je fais ici allusion à l'augmentation de 4,5 % des crédits de paiement de la mission « Justice », deux mises en garde s'imposent. La première est que la trajectoire pluriannuelle de mise à niveau du fonctionnement de la justice reste insuffisante, d'autant plus que la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui est censée être une loi quinquennale, ne rentrera en vigueur probablement qu'en 2019 et n'aura devant elle que trois années d'exécution. La seconde est que, même si nous ne sommes pas tous d'accord sur la nécessité de construire de nouvelles places de prison, force est de constater que l'engagement du président de la République d'atteindre 15 000 places supplémentaires d'ici 2022 ne sera pas tenu. Compte tenu des contraintes matérielles et budgétaires, si, à la fin du quinquennat, nous atteignons 2 130 places créées, ce sera bien le maximum. Il ne faut pas se méprendre, après avoir modifié substantiellement les projets de loi de Mme Belloubet, nous ne sommes pas soudainement tombés d'accord avec la politique conduite par ce gouvernement en matière de justice !
C'est bien le sens de l'avis que nous a proposé notre collègue Yves Détraigne et je tenais à souligner mon approbation de son rapport mais aussi des fortes réserves qu'il comprend.