L'évolution de la demande d'asile s'inscrit dans le contexte paradoxal que j'évoquais tout à l'heure : un recul de 95 % en Europe et des augmentations de demandes chez nous ces dernières années. La France ne pourra pas éternellement rester dans une situation singulière en Europe : cet effet de « rebond » ou de « transfert » des demandeurs d'asile depuis les pays voisins, que nous constatons aujourd'hui, a vocation à être limité par la diminution du nombre de migrants entrant dans ces États. C'est le pari que nous faisons. Il ne s'agit pas de minorer les chiffres, et notre prévision d'une stabilité du flux des demandeurs d'asile pour 2019, à environ 110 000 premières demandes introduites à l'Ofpra, correspond à ce schéma-là.
Plus globalement, il faut aussi renégocier le règlement de Dublin, en introduisant plus de responsabilité, mais aussi plus de solidarité. J'ai commencé à avoir des échanges avec mes homologues européens sur ce sujet, j'ai rencontré le commissaire européen chargé de ce dossier. Les positions sont très opposées : les pays de première entrée sont favorables à une responsabilité la plus courte possible et à un maximum de solidarité ; les pays d'entrée secondaire, eux, sont favorables à une plus large responsabilité dans la durée et sont plus réservés sur la solidarité. On doit pouvoir trouver un point d'équilibre. Mes échanges avec mon homologue espagnol ont été très intéressants : son pays, très fortement confronté au problème, accepte d'ouvrir la discussion, y compris sur la question de la durée de la responsabilité. Même le ministre allemand, qui souhaite une responsabilité de dix ans pour le pays de première entrée, est prêt à accepter le principe de la solidarité financière, sur laquelle bloquent certains pays.
S'agissant des conventions passées avec certains pays, un travail efficace a été conduit par exemple avec l'Albanie, qui a permis de diminuer les flux et d'accroître très fortement les retours. À l'inverse, des tensions existent avec la Géorgie, car on assiste à une très forte croissance du flux des ressortissants.
S'agissant des OQTF, vous avez raison sur le constat, mais entre 2015 et 2018, le nombre des OQTF - qui, pour l'essentiel, sont des décisions de justice - a augmenté de 28 % et dépassera 100 000 cette année. Bien sûr, une OQTF qui n'est pas exécutée, c'est un problème. Il faut améliorer le taux d'exécution, mais nous ne sommes pas au plus bas historique. Il faut aussi prendre en compte l'ensemble des départs : les départs spontanés, grâce à une aide financière, ont eux augmenté de 20 %.