Nous entendons ce soir M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur, sur son budget pour 2019. Monsieur le ministre, ce sera l'occasion d'échanger avec vous sur vos priorités politiques concernant, notamment mais pas seulement, la sécurité et la lutte contre l'immigration irrégulière.
Nous célébrons aujourd'hui le triste anniversaire de l'attentat du Bataclan. Nous avons à l'esprit les tragédies à répétition, les crimes de masse commis par les terroristes sur notre sol. Sachez, monsieur le ministre, que nous apprécierions que vous fassiez le point sur la menace terroriste, après un temps de relative accalmie qui ne doit pas nous faire espérer naïvement que nous sommes sortis d'affaire.
Une fois encore, après d'autres agents des forces de l'ordre - fonctionnaires de police, gendarmes, gardes républicains -, une policière, Mme Biskupski, s'est donné la mort. Quelle est le moral actuel des forces de l'ordre ? Comment les agents sont-ils accompagnés au quotidien ? Où en sont leurs conditions de travail ? La question des effectifs est importante, mais elle ne détermine pas seule les conditions de travail et d'emploi des forces de sécurité.
Je veux excuser l'absence de votre secrétaire d'État, M. Laurent Nunez, empêché à la dernière minute.
Ce budget traduit une priorité politique claire, reflétant la conscience qu'ont le Président de la République et le Premier ministre de l'importance des missions exercées par le ministère de l'intérieur.
Pour la seconde année consécutive, les moyens du ministère progressent sensiblement, de 3,4 % à périmètre constant, soit 575 millions d'euros. C'est là une orientation forte de ce quinquennat : dans tous les domaines d'action du ministère, non seulement nous consolidons les efforts passés, mais nous les inscrivons dans la durée en les accentuant.
Des plans d'urgence avaient été mis en place, notamment après 2015, sur des politiques de recrutement, mais aussi sur un certain nombre d'actions. Tous ces plans ont été pérennisés dans le budget de l'année dernière. Il a en outre été décidé d'augmenter les moyens du ministère, et cela concerne au premier chef le budget de la sécurité intérieure.
Même si dans l'opinion publique le risque terroriste semble moins présent, il demeure, sous des formes différentes. Jusqu'à présent, les attentats terroristes étaient préparés depuis des pays étrangers. Aujourd'hui, le risque est principalement endogène. Daesh est particulièrement affaibli, même si, par ses outils de communication et de propagande via les réseaux sociaux - plusieurs dizaines de vidéos chaque jour -, il peut encore inspirer un certain nombre d'individus.
Depuis janvier 2015, la France a fait l'objet de 12 attaques terroristes. Elles ont causé la mort de 246 personnes, et prennent des formes différentes : organisées - comme celle que nous commémorons aujourd'hui - ou ayant pour auteur un individu isolé - comme celle qui a eu lieu le 12 mai dernier à Paris. Par ailleurs, 55 tentatives ont été déjouées depuis 2015, dont 20 en 2017 et 6 en 2018 - chiffre qui ne comptabilise pas les tentatives d'attentat des réseaux de l'ultradroite, mais seulement celles qui sont liées à l'islamisme radical.
Depuis les revers subis par l'État islamique dans la zone irako-syrienne, les choses ont donc évolué, nous sommes passés à un risque endogène. Est-il plus facile à gérer, à appréhender, à anticiper ? Personne ne peut le dire. Toujours est-il que la montée en puissance, depuis 2015, de notre système d'information et de renseignement permet d'avoir une vision beaucoup plus claire, beaucoup plus en amont.
En outre, la coopération internationale a atteint un niveau assez exceptionnel. Ainsi la dernière interpellation, à la fin du mois d'octobre, a été permise grâce à un travail de coopération internationale.
Un outil comme le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) recense 10 030 individus.
J'ai signé aujourd'hui une circulaire à destination des préfets pour leur demander, conformément à l'engagement qu'avait pris le Président de la République, d'informer les maires sur trois points. Premièrement, sur le risque global qui existe sur la commune, soit de façon permanente, soit de façon ponctuelle : un maire qui veut organiser un marché de Noël ou un grand événement culturel a besoin d'être informé sur le niveau de risque, pour prendre les mesures adéquates. Les préfets devront fournir le maximum d'informations. Deuxièmement, quand un maire ou son adjoint à la sécurité informeront nos services d'un risque avec telle famille ou telle personne, le préfet devra en retour les informer de la suite donnée - classement, interpellation, incarcération. Troisièmement, les maires seront systématiquement informés de toute inscription au fichier FSPRT d'une personne exerçant des fonctions municipales « à risque » - dans une crèche, au sein de la police municipale, etc. En échange, une charte de confidentialité sera signée entre le maire et le préfet.
La menace terroriste a changé de nature, mais elle est toujours présente et mobilise très fortement nos forces de sécurité, qui ont appris de l'épreuve et savent agir avec une grande efficacité.
La sécurité, c'est aussi la sécurité du quotidien. Pour la police et la gendarmerie, les crédits sont globalement en hausse de 11,9 %, soit 1,4 milliard d'euros. Le budget de fonctionnement et d'investissement des services augmente de plus de 17 % par rapport à 2015, soit près de 350 millions d'euros. Le message est donc clair : les mesures qui étaient hier exceptionnelles et limitées dans le temps - les fameux plans - ont été inscrites dans la durée. Les moyens de sécurité sont donc restaurés progressivement, même s'il y a encore de la marge. Cela répond à ce besoin de sécurité, mais également à ce malaise grandissant au sein des forces qui a éclaté en 2016 et en 2017, après un véritable acte de guerre à l'encontre de quatre policiers qui surveillaient une caméra installée pour éviter les vols à la portière.
Le Gouvernement et moi-même ne nous satisfaisons pas de cette consolidation des moyens. Nous avons souhaité accentuer l'effort dans trois domaines : les effectifs, l'immobilier et l'équipement. Certains considéreront que ce n'est pas assez, mais nous savons ce qu'est l'équilibre budgétaire de l'État. Or, en deux budgets, les crédits augmentent de plus de 1 milliard d'euros.
Concernant les effectifs, à la suite de ce qui a été engagé après les attentats, 10 000 postes de policiers et gendarmes supplémentaires seront créés, avec un effort particulièrement important en début de quinquennat : après 2 000 recrutements en 2018, 2 500 sont prévus pour 2019, 1 500 les deux dernières années du quinquennat, et ce au bénéfice de toutes les composantes de la sécurité intérieure - sécurité publique, quartiers de reconquête républicaine, police aux frontières, services de renseignement. S'agissant de ces derniers, nous voulons recruter 1 900 personnes pour que la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) monte en puissance, avec des profils variés.
Entre les départs à la retraite et les recrutements nets, nos écoles de police devront recruter et former 4 500 personnes : exercice difficile, compte tenu de la sélectivité dont nous devons faire preuve.
Dans le passé, on a pu donner la priorité aux recrutements en négligeant les moyens, matériels ou immobiliers. Le budget pour 2019 donne corps à notre projet d'une police et d'une gendarmerie aux ambitions renouvelées, respectées, tirant le meilleur parti du progrès et de la technologie. Ainsi, nous avons prévu la commande de 5 800 véhicules neufs dans les deux forces en 2019, soit pour un montant de 137 millions d'euros, niveau jamais atteint ces dix dernières années. Nous voulons améliorer l'état du parc : la moyenne d'âge de nos véhicules est aujourd'hui supérieure à sept ans. Non seulement ils sont en mauvais état, mais ils ne sont nullement adaptés aux conditions de travail et d'intervention des forces de l'ordre. La typologie des achats de véhicules en tient compte et, par exemple, nous privilégions plutôt des véhicules break.
Concernant leur équipement technologique, nos forces de sécurité, avec les tablettes et smartphones, disposent d'un accès facilité aux systèmes d'information et peuvent développer de nouveaux modèles de mobilité, renforcer leur opérationnalité sur le terrain. Certes, lors de mes déplacements, on me présente toujours ce qui va bien, je ne suis pas dupe. Cependant, le matériel à disposition de nos forces de l'ordre s'est fortement amélioré. Au cours du premier trimestre de 2019, 50 000 tablettes et smartphones Néopol et 67 000 équipements Néogend auront été déployés ; 10 000 équipements supplémentaires le seront en 2019 comme en 2020.
Notre budget permettra également de poursuivre la diffusion des caméras piétons : en 2019, 14 000 caméras supplémentaires équiperont nos forces de l'ordre. C'est un outil de prévention majeur : les policiers que j'ai interrogés me disent que sa présence apaise la relation avec un individu qui pourrait avoir un mauvais comportement s'il n'était pas filmé.
Il y a de l'immobilier de qualité dans notre police et dans notre gendarmerie, mais il y a aussi de vrais scandales. En 2019, 300 millions d'euros sont destinés à financer des opérations de construction ou de rénovation lourde des lieux de vie et de travail. Le budget dédié aux opérations de maintenance lourde a été très fortement augmenté, il est trois fois supérieur à ce qu'il était en 2015. Cela évitera demain d'avoir tout à reconstruire...
J'ai visité le commissariat d'une ville du Nord, maison bourgeoise de 300 mètres carrés datant des années trente, demeurée « dans son jus » et où travaillent 40 policiers. La construction d'un nouveau commissariat est prévue, pour 4,4 millions d'euros. Un lieu inapproprié est difficile à vivre pour les intéressés : si nous ne les dotons pas d'équipements et de locaux corrects, nous sommes les premiers responsables s'ils ne sont pas respectés...
Les crédits dédiés aux politiques d'immigration, d'asile et d'intégration seront désormais crédibles et réalistes. Ils augmenteront de 13 % à périmètre constant en 2019, après une progression de 28 % en 2018. Notre pays demeure soumis à une pression migratoire intense, évolutive, qui appelle des réponses et des actions déterminées, mais équilibrées. J'étais hier à la frontière entre la France et l'Espagne, avant de rencontrer le ministre de l'intérieur espagnol, et je me rendrai jeudi au Maroc. Des trois routes migratoires que nous connaissions, celle de l'Espagne est devenue la principale, les deux autres s'étant taries, même si la Grèce reste soumise à une pression forte.
Les migrants qui arrivent de la sorte dans notre pays choisissent celui-ci ou bien la Belgique comme destination finale. Ils proviennent pour l'essentiel de pays francophones qui ne sont pas considérés comme étant à risque sur le plan politique. Ils ne peuvent pas prétendre au droit d'asile - il s'agit en fait surtout d'une immigration économique irrégulière. Pour preuve, la pression migratoire reste extrêmement forte à Bayonne, alors même que le centre de Bordeaux qui gère la procédure d'asile a enregistré une baisse du nombre de demandes, de 5 à 6 %. Avec mon homologue espagnol, nous voulons renforcer les moyens pour faire face à cette immigration économique.
Nous avons l'ambition de renforcer les capacités d'hébergement des demandeurs d'asile et des réfugiés. Nous allons créer 1 000 places en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), 2 500 places d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA) et 2 000 places en centres provisoires d'hébergement, qui visent à faciliter l'accès au logement des réfugiés les plus vulnérables.
Il faut souligner un certain paradoxe : alors que les flux migratoires ont diminué de 95 % en Europe par rapport à 2015, on a assisté à leur augmentation en France, l'année dernière et cette année, parce que nous sommes un pays secondaire d'immigration, notamment pour les migrants qui, après avoir demandé le statut de réfugié dans un premier pays, le demandent ensuite en France. Les Afghans, par exemple, savent qu'ils ont plus de chances d'obtenir le statut de réfugié en France qu'en Allemagne. Nous devons donc travailler à une meilleure cohérence dans l'évaluation. J'assume que nous soyons généreux, mais nous devons prendre en compte ces réalités. Récemment, la cour d'appel de Douai a décidé qu'un Kurde irakien, selon la région irakienne où il résidait, ne pouvait pas revendiquer de provenir d'un pays à risque. Cette décision nous a aidés au moment où nous avons pris la décision d'évacuer le camp de Grande-Synthe ; et les filières, très organisées, seront contraintes d'évoluer. Je parle là des filières à destination du Royaume-Uni, qui n'ont rien à voir avec l'immigration essentiellement économique qu'on observe du côté de l'Espagne.
Le Gouvernement a la volonté que soient traitées les demandes d'asile dans un délai de six mois en moyenne. Des renforts et des moyens supplémentaires sont alloués à tous les segments de la chaîne d'asile. C'est une ambition humanitaire et un gage d'efficacité : comment annoncer à quelqu'un qui vit en France depuis deux ou trois ans qu'il n'aura pas de papiers ? Il ne retournera pas dans son pays.
Quant à la lutte contre l'immigration économique irrégulière, nous la voulons ambitieuse, crédible et déterminée. C'est indispensable pour garantir ce qui fait l'honneur de la France : sa capacité à assumer sa politique d'asile. Depuis deux ans, on assiste à une reprise nette des éloignements d'étrangers sans droit de séjour : après une hausse de 14 % en 2017, l'augmentation sur les premiers mois de l'année est de 20 %. J'ai demandé aux préfets d'amplifier cette dynamique. Pour cela, des moyens supplémentaires étaient nécessaires : des places en centre de rétention administrative (CRA) ont été créées et un plan d'investissement est prévu, pour 48 millions d'euros.
Troisième axe de notre action : le changement d'échelle de notre politique d'intégration des étrangers. Si l'on autorise une personne à rester en France, il faut lui donner les moyens de s'intégrer. Depuis de trop longues années, on débat des chiffres sans se préoccuper suffisamment de l'intégration - la maîtrise du français, la compréhension des valeurs républicaines qui fondent notre vivre ensemble. D'où les moyens supplémentaires que nous accordons à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
Ce budget pour 2019 nous donne les moyens d'une politique ambitieuse pour faire face aux défis des migrations et de l'intégration des étrangers en France, comme pour garantir les termes d'un contrat opérationnel avec la Nation à la hauteur des enjeux de sécurité.
J'en viens aux investissements nécessaires pour préparer l'avenir. Face à une menace longue, il faut donner des moyens à la DGSI : moyens humains, mais aussi création d'un site unique d'ici 2022, car les agents sont actuellement répartis sur trois sites. C'est une opération de 450 millions d'euros, distincts des 310 millions d'euros évoqués tout à l'heure.
Dans ce grand ministère de main-d'oeuvre, il est nécessaire aussi d'accompagner le virage technologique pour tirer le meilleur parti de la révolution numérique, afin que nos policiers et nos gendarmes soient au maximum sur le terrain et de moins en moins dans des bureaux. Il y a quatre chantiers majeurs : un plan d'investissement de 22,5 millions d'euros destiné à mettre au meilleur niveau technologique les réseaux, outils et techniques de renseignement de la DGSI ; 11 millions d'euros seront dédiés à la modernisation des centres d'information et de commandement pour améliorer le pilotage des interventions de police secours, ainsi que l'efficacité et la rapidité de traitement des appels d'urgence ; 10 millions d'euros seront consacrés à la mise en place d'un plan de renforcement de la sécurité des applications et systèmes d'information du ministère de l'intérieur - nous ne sommes pas assez protégés, et je ne suis pas sûr que nous le serons demain suffisamment, les hackeurs étant de plus en plus offensifs. Le ministère n'a pas le droit à l'erreur. La confiance de nos concitoyens dans l'action des forces de l'ordre et la protection des libertés publiques en dépend. Enfin, 22,5 millions d'euros seront mobilisés en 2019 pour entrer dans la phase opérationnelle du projet réseau radio du futur.
Préparer l'avenir, c'est investir, mais c'est aussi s'engager dans des réformes structurelles destinées à transformer le ministère et ses réseaux. On ne peut pas demander aux Français de faire des efforts si nous-mêmes nous n'en faisons pas. Le ministère se doit d'être exemplaire. J'ai confié au nouveau secrétaire général, le préfet Mirmand, la mise en place d'un pilotage financier transversal pour tout le ministère. Car le suivi budgétaire a suscité l'année dernière des inquiétudes - j'attends sur ce sujet un rapport de l'Inspection générale de l'administration et l'Inspection générale des finances. En raison de dérapages dans la masse salariale, il a fallu couper dans d'autres dépenses, notamment celles de la réserve !
Nous voulons aussi approfondir la politique de substitution, avec un objectif de 800 substitutions par an (5 000 sur le quinquennat) : cela consiste à envoyer sur le terrain les policiers et gendarmes exerçant une tâche administrative, par souci d'efficacité et parce que c'est leur demande. Évidemment, nous aurons besoin d'en garder quelques-uns dans des emplois fonctionnels !
J'ai demandé une réduction des effectifs de cabinet et d'état-major en centrale. Enfin, même si c'est difficile à mettre en oeuvre, je souhaite la création d'un service ministériel des achats pour optimiser l'organisation de cette fonction et faire des économies par la mutualisation des commandes et la massification des achats, ainsi que la mise en place d'une direction unique du numérique pour rassembler les moyens et les savoir-faire, aujourd'hui dispersés dans dix programmes budgétaires différents, trois services centraux, une direction de la préfecture de police et deux opérateurs.
Le Premier ministre a décidé récemment que le ministère de l'intérieur - les préfets en particulier - serait le pilote de la réforme de l'organisation territoriale de l'État, dans un but de redépartementalisation, à opérer bien sûr en lien avec les responsables des autres ministères. Le but est que l'État ait une parole unique dans les départements et que les préfets, en cas de difficulté sur un dossier, travaillent avec l'ensemble des acteurs, de quelque ministère qu'ils relèvent.
Cette heureuse orientation vers la départementalisation des services de l'État va un peu à rebours de ce qu'on a pu nettement observer ces dix dernières années. Faire changer de direction à un paquebot prend du temps...
Les crédits de la mission « immigration, asile et intégration » augmentent et je suis satisfait que l'intégration soit particulièrement prise en compte à travers le financement de cours de français et les moyens alloués aux réfugiés dits statutaires. Cela rejoint une position constante de la commission des lois du Sénat depuis de nombreuses années.
Nous avons un doute sur le budget alloué au traitement de l'asile. Le document budgétaire repose sur une hypothèse de stabilité des demandes d'asile en 2019, et même d'une baisse d'environ 10 % des demandeurs sous procédure Dublin. Nous sommes vraiment dubitatifs : au cours des six premiers mois de 2018, les demandes ont augmenté de près de 19 %, tandis que les flux secondaires ne tarissent pas en France, principalement en provenance de l'Allemagne. À cela, il faut ajouter les personnes arrivées en France via l'Espagne, dont un certain nombre déposeront une demande d'asile. Dans ces conditions, nous nous interrogeons sur la sincérité de ce budget.
Vous avez évoqué une augmentation cette année de 20 % des éloignements du territoire depuis le début de 2018. Je conçois que vous puissiez le présenter comme un succès, mais il faut aussi prendre en compte les taux d'exécution : depuis le début de l'année, 12,5 % seulement des décisions d'éloignement ont été exécutées, soit 6 406 sur 50 800 obligations de quitter le territoire français (OQTF) prononcées. Le compte n'y est pas. Où en est-on sur les négociations relatives aux accords de réadmission ? Sur l'obtention des laissez-passer consulaires ? Ce sont les vraies solutions en la matière. Sans cela, il n'y aura pas d'évolution possible.
L'évolution de la demande d'asile s'inscrit dans le contexte paradoxal que j'évoquais tout à l'heure : un recul de 95 % en Europe et des augmentations de demandes chez nous ces dernières années. La France ne pourra pas éternellement rester dans une situation singulière en Europe : cet effet de « rebond » ou de « transfert » des demandeurs d'asile depuis les pays voisins, que nous constatons aujourd'hui, a vocation à être limité par la diminution du nombre de migrants entrant dans ces États. C'est le pari que nous faisons. Il ne s'agit pas de minorer les chiffres, et notre prévision d'une stabilité du flux des demandeurs d'asile pour 2019, à environ 110 000 premières demandes introduites à l'Ofpra, correspond à ce schéma-là.
Plus globalement, il faut aussi renégocier le règlement de Dublin, en introduisant plus de responsabilité, mais aussi plus de solidarité. J'ai commencé à avoir des échanges avec mes homologues européens sur ce sujet, j'ai rencontré le commissaire européen chargé de ce dossier. Les positions sont très opposées : les pays de première entrée sont favorables à une responsabilité la plus courte possible et à un maximum de solidarité ; les pays d'entrée secondaire, eux, sont favorables à une plus large responsabilité dans la durée et sont plus réservés sur la solidarité. On doit pouvoir trouver un point d'équilibre. Mes échanges avec mon homologue espagnol ont été très intéressants : son pays, très fortement confronté au problème, accepte d'ouvrir la discussion, y compris sur la question de la durée de la responsabilité. Même le ministre allemand, qui souhaite une responsabilité de dix ans pour le pays de première entrée, est prêt à accepter le principe de la solidarité financière, sur laquelle bloquent certains pays.
S'agissant des conventions passées avec certains pays, un travail efficace a été conduit par exemple avec l'Albanie, qui a permis de diminuer les flux et d'accroître très fortement les retours. À l'inverse, des tensions existent avec la Géorgie, car on assiste à une très forte croissance du flux des ressortissants.
S'agissant des OQTF, vous avez raison sur le constat, mais entre 2015 et 2018, le nombre des OQTF - qui, pour l'essentiel, sont des décisions de justice - a augmenté de 28 % et dépassera 100 000 cette année. Bien sûr, une OQTF qui n'est pas exécutée, c'est un problème. Il faut améliorer le taux d'exécution, mais nous ne sommes pas au plus bas historique. Il faut aussi prendre en compte l'ensemble des départs : les départs spontanés, grâce à une aide financière, ont eux augmenté de 20 %.
On ne peut se satisfaire d'un taux d'exécution des éloignements à 12,5 % ; il y a là un problème. Améliorer l'obtention des laissez-passer consulaires est indispensable. Nous procédons aux expulsions par avions civils, tandis que d'autres pays recourent à des avions militaires. Enfin, des personnes acceptent l'argent... sans quitter le territoire.
Ensuite, certains pays sont attractifs en raison de leur système social. Nous ne pourrons gérer correctement l'intégration de personnes en nombre excessif ! Et le droit d'asile est détourné. La non-application des décisions de justice est un vrai problème qui dure depuis des années. Les chiffres sur lesquels le Gouvernement a bâti son budget, malgré la très forte augmentation des crédits, risquent encore une fois de poser un problème de sincérité.
Ne pourrait-on pas s'inspirer de nos voisins ? Ainsi, l'Allemagne a élargi le nombre de pays sûrs pour pouvoir expulser rapidement, de manière certaine, ceux qui ne méritent pas d'obtenir l'asile.
En ce 13 novembre, je suis obligé de vous demander ce qu'il va advenir des djihadistes revenant des théâtres extérieurs et de ceux qui vont sortir de prison.
Vous avez parlé d'un pilotage financier transversal du ministère : ne faudrait-il pas, de manière urgente, consolider le coût de cette mission « Immigration, asile et intégration » ? Les crédits sont d'un peu plus de 1,5 milliard d'euros, mais certains documents budgétaires évoquent un montant de 6,2 milliards, sans même inclure tout ce qui relève de la sécurité sociale ou des départements.
La dernière loi « asile et immigration » promulguée à l'automne ne va pas dans le bons sens : elle facilite par exemple l'accès au territoire des mineurs isolés. Or nous observons une recrudescence de l'arrivée de ces mineurs via l'Espagne. Et s'ils obtiennent le droit d'asile, ils pourront alors faire venir leur famille.
Cette interrogation est lancinante : 50 838 OQTF prononcées, seulement 6 406 exécutées. Quelles initiatives nouvelles allez-vous prendre à ce sujet ?
On ne peut pas dire que ce budget n'est pas sincère. Pour ma part, je ne parle que du budget du ministère de l'intérieur et du programme 303 « Immigration et asile », doté de 1,281 milliard d'euros. Vous évoquez les dépenses des départements, le ministre de l'intérieur n'a pas à se prononcer.
Le taux de 12,6 % ne concerne que les éloignements forcés de personnes faisant l'objet d'une OQTF. Or il existe d'autres dispositifs : le départ aidé ou le départ spontané. Sauf rares exceptions, je ne peux pas vous laisser dire que certains prennent l'argent et ne repartent pas. Le dispositif est plutôt efficace, même si certains peuvent revenir. Ayons les montants à l'esprit : pour un ressortissant albanais par exemple, l'aide au départ est de 300 euros.
S'agissant de l'appréciation de la sécurité dans les pays de renvoi, hormis sur le cas afghan, l'Allemagne et la France ont une approche à peu près similaire.
Sur le fond concernant l'éloignement, je partage votre exigence : nous devons améliorer notre efficacité dans les opérations d'éloignement. Nous procédons à des recrutements de personnel, nous augmentons le budget dévolu aux départs volontaires, nous créons des places en centre de rétention administrative (CRA). Nous avons avec la loi récente prévu d'accélérer la procédure diplomatique, pour éviter une réception trop tardive des laissez-passer consulaires.
Concernant l'éloignement des étrangers en situation irrégulière et présentant une menace à l'ordre public, j'ai réuni les préfets et je leur ai demandé le 20 octobre une vigilance particulière.
Monsieur le ministre, vous avez souligné votre attachement au processus d'intégration des étrangers et des réfugiés statutaires, ce qui se traduit par une augmentation des crédits budgétaires. Je partage votre souci. L'Assemblée nationale a adopté lors de l'examen du budget un dispositif qui est extrêmement intéressant, un crédit d'impôt de 5 euros par nuit, plafonné à 1 500 euros par an, au profit des particuliers qui hébergent des réfugiés statutaires, et ce depuis moins d'un an, le tout étant encadré par des associations. Ce dispositif avait été lancé à l'initiative d'Emmanuelle Cosse - sans crédit d'impôt - ce qui nous donne un certain recul pour l'apprécier. Des milliers de réfugiés sont aujourd'hui sans solution d'hébergement, et le coût budgétaire d'un réfugié dans les centres varie actuellement entre 17 et 25 euros par nuit. Le coût pour l'État de ce dispositif serait donc comparativement très modeste.
Pouvez-vous nous confirmer que vous ne vous opposerez pas au maintien de cette disposition, au nom de votre souci d'intégration de ces réfugiés statutaires, pour leur permettre d'acquérir la langue française et de construire des liens avec des personnes vivant en France ?
Je ne peux parler au nom de mon collègue ministre du budget. Cela étant, la question de l'hébergement est majeure. Nous finançons 2 000 places supplémentaires en centres provisoires d'hébergement, dont 1 500 places en Île-de-France et je préfère une « offre » publique, qui permet une meilleure sécurité, une meilleure anticipation et un meilleur accompagnement dans l'élaboration des dossiers.
Je crois à la solidarité, qui ne doit pas nécessairement s'accompagner d'une défiscalisation. Beaucoup de citoyens en font preuve sans en attendre un crédit d'impôt. En clair, je suis favorable au renforcement des capacités publiques d'hébergement encadré et défavorable à la multiplication d'initiatives qui ont des conséquences fiscales.
Votre budget vous donne-t-il les moyens de mettre en oeuvre l'ensemble des évaluations Schengen, en particulier celle de 2016, et les plans d'action qui ont suivi ? Il reste encore du travail.
Concernant les visas, question liée à notre politique migratoire, le ministère des affaires étrangères est sous tension budgétaire. Dès lors, comment peut-on envisager d'étudier sérieusement les demandes de visa dans des délais brefs, en accordant toute l'attention requise à la pertinence des demandes et en exerçant la surveillance nécessaire ?
Le Gouvernement est favorable à la dématérialisation du plus grand nombre de démarches administratives. Quand les étrangers en situation régulière seront-ils concernés ?
Enfin, j'attire votre attention sur la situation des CRA, qui, au cours des 18 derniers mois, ont été sous très forte tension, avec une mobilisation de leur personnel pour accompagner des personnes interpellées d'un endroit à l'autre de la France. Ce travail aux côtés des agents de la police aux frontières ne se fait pas dans des conditions satisfaisantes. La rétention n'est pas le seul moyen pour éloigner quelqu'un : les taux d'éloignement sont meilleurs en Allemagne, pays qui ne recourt pas systématiquement à la rétention.
S'agissant du système d'information Schengen, la France a fait l'objet d'un contrôle par la Commission. Nous consacrons 550 millions d'euros pour satisfaire aux exigences européennes, c'est une de nos priorités budgétaires.
Vous évoquez le projet de dématérialisation initié par le Quai d'Orsay France-Visas. Il va dans le sens d'une plus grande efficacité, il est moins contraignant pour nos agents. Il nous faut poursuivre ce travail.
Les conditions de travail de la police aux frontières (PAF) sont difficiles, en particulier dans la gestion des centres de rétention (CRA). Cette nuit encore, on a enregistré un départ d'incendie volontaire dans un centre. Le plan d'investissement destiné à rénover l'immobilier permettra d'améliorer non seulement les conditions de vie de ceux qui y séjournent, mais aussi les conditions de travail des agents de la PAF. Cela ne réglera pas tout, j'en conviens, et je suis d'accord avec vous : il nous faudra encore améliorer la situation.
Dans l'Aveyron, on a recensé 40 mineurs non accompagnés (MNA) en 2016, 170 en 2017 et plus de 700 en 2018. Le traitement de ces MNA est pris en charge par le département, à hauteur de 4 millions d'euros aujourd'hui, alors que cette charge ne représentait que quelques centaines de milliers d'euros en 2016. On sait en outre qu'à peu près 40 % sont reconnus majeurs. L'Assemblée des départements de France (ADF) a demandé au Gouvernement de compenser cette charge, qui doit relever de l'État. Vous dites que vous allez tenter de tarir l'immigration, mais que comptez-vous faire pour aider les départements ? Seulement 17 % des montants en jeu seraient compensés par l'État, c'est très peu.
On observe effectivement une très forte augmentation du nombre de MNA en France - environ 15 000 en 2018, soit une multiplication par trois en quelques années. C'est très lourd pour les départements.
Le Gouvernement a proposé à l'ADF la mise en place d'un fichier national unique qui permettrait d'éviter le « nomadisme », d'évaluer les besoins et de faire évoluer le dispositif. Il propose aussi une dotation directe aux départements de 142 millions d'euros. L'ADF a reconnu que cela correspondait à une partie du chemin à parcourir.
Il y a à ce sujet une discussion globale entre le Gouvernement et les départements, sous l'autorité du Premier ministre et du ministre chargé des collectivités territoriales, mais cela ne répond qu'à une partie du problème. J'ai moi-même vu, comme élu local, des jeunes arriver avec un plan de trajet complet et très bien renseigné, tenant sur une demi-feuille et fourni par une filière organisée ; cela relève de l'esclavage.
Cette situation, vécue par les départements, doit être prise en charge par l'État au titre de sa politique de l'entrée et du séjour irréguliers ; ce n'est pas à M. Lecornu ni à la direction générale des collectivités locales de s'en charger. Ce sont bien les défaillances de notre politique d'immigration qui font que nos départements se trouvent face à une charge devant incomber à l'État.
Cela entre dans le budget de l'État, au travers de crédits du ministère de la justice. Peut-être serait-il plus cohérent que cela relève du ministère de l'intérieur, je ne me prononcerai pas sur ce point, mais sur le fond, il faut que nous consolidions ce coût, tout en prenant en compte la situation sociale, humaine.
Même si la politique migratoire ne se résume pas à des chiffres, je veux en donner quelques-uns, car ils sont mauvais. Sur les sept premiers mois de cette année, seulement 8 % des demandeurs d'asile relevant de la procédure de Dublin III ont été effectivement transférés de la France vers leur pays d'accueil dans l'Union européenne. Cela donne à la France une attractivité forte comme pays de deuxième chance.
J'entends bien ce que vous envisagez pour faire progresser ces accords à l'échelon européen, mais ne regrettez-vous pas d'avoir rejeté les propositions du Sénat en la matière, notamment le renforcement des obligations de recueil d'empreintes et de l'efficacité des visites domiciliaires ?
On a tout de même observé, sur les huit premiers mois de l'année, une augmentation de 42 % des retours, reconduites à la frontière ou transferts de demandeurs d'asile « dublinés ». C'est une amélioration, même si cela reste effectivement insuffisant. La question des « dublinés » doit être abordée en priorité à l'échelon européen, et je m'y attelle sans relâche, mais il est très difficile de faire bouger les lignes en la matière.
Il faut agir dans trois directions. D'abord, il faut intervenir dans les pays de départ. Ensuite, il faut renforcer les frontières européennes en accroissant les moyens de Frontex. Enfin, il faut qu'émerge une vraie solidarité européenne. J'ai confiance dans la capacité intégratrice de l'Union européenne, mais le problème principal réside dans le sort des personnes qui n'obtiennent pas ce statut et qui sont en situation irrégulière. Il faut des moyens de contrôle. Vos propositions ne sont pas mauvaises, mais il y a des contraintes européennes à respecter. C'est un combat difficile à mener, dans lequel je n'ai pas de tabou, tant que l'on respecte la dignité humaine.
Nous connaissons, dans le Tarn-et-Garonne, le même problème avec les MNA, d'autant que ce département est traversé par deux autoroutes, c'est une importante voie d'entrée.
Sur un tout autre sujet que la politique migratoire, M. le Premier ministre a publié une tribune sur sa volonté de lutter contre l'antisémitisme, qui a augmenté, précise-t-il, de 69 % en 2018. Cette tribune a été publiée le 9 novembre dernier, date anniversaire de la nuit de Cristal, mais le parallèle me semble malvenu : il ne s'agit plus du vieil antisémitisme maurrassien, qui a, heureusement, disparu ; l'antisémitisme actuel revêt une nouvelle forme. Ainsi, la « Tribune des imams indignés » - initiative à saluer - mettait en évidence un antisémitisme structurel dans certaines couches de la population. Quels moyens comptez-vous mobiliser pour analyser et contrer ce nouvel antisémitisme, qui est diffus ? Le Premier ministre a indiqué ne rien vouloir laisser passer sur les réseaux sociaux, mais les moyens de la Plateforme d'harmonisation, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos), dont la compétence est reconnue, sont insuffisants.
Je partage le constat d'horreur face à ces propos de haine et à ces actes odieux. On a recensé, depuis le début de l'année, 125 actes antisémites et 261 menaces, dont la moitié en Île-de-France.
Effectivement, cet antisémitisme revêt de nouvelles formes, c'est pourquoi nous doublons les moyens humains de Pharos. Autre façon d'intervenir : traiter directement avec les opérateurs pour réguler le contenu sur les réseaux sociaux. Nous avons entrepris une telle démarche avec Facebook, qui sera relayée auprès des autres opérateurs.
Enfin, le Premier ministre a demandé à l'écrivain Karim Amellal, au député Laetitia Avia et au vice-président du CRIF, Gil Taïeb, un rapport sur les moyens de lutte contre l'antisémitisme et le racisme. Certaines des vingt propositions qui y figurent commencent à être reprises. La commission des lois de l'Assemblée nationale souhaite ainsi proposer des mesures simplifiées de dénonciation des propos tenus en ligne ; elle soutient aussi le dispositif de préplainte en ligne et la possibilité de déposer plainte en ligne, ainsi que la formation des personnes chargées de recueillir ces plaintes dans les commissariats.
La lutte contre l'antisémitisme et le racisme est l'une de nos priorités, ce qui explique les moyens que nous lui attribuons. Cela dit, nous devons aussi encourager les victimes à déposer systématiquement plainte.
Vous affirmez que l'amélioration du taux de retour des personnes déboutées du droit d'asile doit passer par la discussion avec les pays d'origine. Je suis d'accord, mais certains pays ne veulent pas accueillir ces personnes. Quelles mesures concrètes envisagez-vous pour y parvenir ? Des mesures donnant-donnant, par exemple concernant les visas ?
En ce qui concerne la sécurité, j'ai sollicité votre prédécesseur sur le fichier domiciliaire. La région dont je suis élu dispose d'un tel fichier, mais celui-ci n'a pas été sanctionné pénalement. Lorsqu'ils pouvaient y accéder, les maires avaient une connaissance précise des personnes qui venaient dans leur commune. Cela avait beaucoup d'intérêt en matière de scolarisation et de lutte contre le terrorisme. Le ministre antérieur devait y réfléchir. Qu'en pensez-vous ?
Le donnant-donnant est le principe même de la négociation, notamment internationale. C'est ce principe qui a été mis en oeuvre dans nos discussions avec les Comores, qui bloquaient les retours de leurs ressortissants en provenance de Mayotte.
Un autre levier réside dans l'aide publique au développement (APD). C'est un levier fort. Le pari du codéveloppement nous permettra d'éviter un phénomène migratoire massif estimé entre trois cents et cinq cents millions de personnes au cours des prochaines décennies. Des coopérations sont aussi mises en place dans la lutte contre les trafics de migrants, par exemple au Sénégal ou en Guinée.
Je connais votre travail sur le fichier domiciliaire, mais je n'ai pas encore eu le temps de m'y pencher. Je n'ai donc pas de position à ce stade, mais j'ai demandé à mes services de me fournir des éléments à ce sujet.
rapporteur pour avis (mission « Sécurités », programme « Gendarmerie nationale », « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières »). - Vous dites que l'on ne montre au ministre que ce qui va bien, mais, précisément, rien n'est au beau fixe pour les forces de sécurité. J'aurai cinq questions.
L'encadrement de la police nationale reconnaît qu'il y a un stock de vingt-trois millions d'heures supplémentaires non rémunérées et non récupérées. Que comptez-vous faire pour résorber ce stock ?
Le budget pour 2019 ne fait, en matière de police de sécurité du quotidien (PSQ), qu'entretenir la « misère » des forces de sécurité, en prévoyant quelques centaines de postes supplémentaires, qui ne seront pas suffisants sur le terrain. Y a-t-il un calendrier précis à cet égard ?
Le parc immobilier domanial des forces de sécurité est dans un état lamentable. Votre prédécesseur avait annoncé des efforts importants, qui suscitaient des attentes fortes au sein de la police et de la gendarmerie. La légère augmentation des crédits prévue dans le budget me paraît insuffisante. Dans quels délais comptez-vous résorber cette situation ?
Les investissements dans le numérique, sur lesquels repose la PSQ, chutent pour la police nationale et sont quasi inexistants pour la gendarmerie nationale. Comment comptez-vous moderniser les forces de sécurité sans allouer de crédits en faveur de la révolution numérique ?
Enfin, vous annoncez des acquisitions de véhicules, mais les mises en réserve budgétaires obèrent gravement cet investissement. Ainsi, sur les 2 800 véhicules prévus en 2018, la gendarmerie n'en a obtenu que 1 700. Comment éviterez-vous qu'une telle situation se reproduise ?
En ce qui concerne la mise en réserve budgétaire, la solution est simple, c'est le dégel, que j'ai obtenu, car ces 24 millions d'euros étaient indispensables.
Pour ce qui concerne l'équipement numérique de la police nationale, il n'y a pas de diminution, c'est un retraitement comptable qui donne cette impression. Quant à la gendarmerie nationale, elle a obtenu 67 000 terminaux ; on ne peut donc parler de frein à l'équipement numérique.
En matière d'immobilier, je ne peux pas vous laisser dire que l'on entretient la misère. Il faut être responsable, on a un budget à tenir, et une augmentation de 1 milliard d'euros en deux ans, ce n'est pas entretenir la misère. C'est vrai, la misère existe mais les travaux sont planifiés, ils commencent. Tout cela prend du temps.
Sur les moyens de la police et de la gendarmerie, on peut penser qu'il en faudrait plus, mais nous sommes des responsables politiques, on ne peut considérer qu'une augmentation de 335 millions d'euros - 216 millions pour la police nationale et 119 millions pour la gendarmerie nationale - soit négligeable. Cela ne permettra pas de rattraper le retard, car les budgets de la justice et de la sécurité ont été trop faibles pendant longtemps. Il faut donc conduire ce rattrapage, mais on le fait dans un cadre budgétaire contraint, dans une négociation avec Bercy. Néanmoins, je reconnais qu'il est plus facile pour moi de présenter ce budget de sécurité, négocié d'ailleurs par mon prédécesseur, que ce ne le fut pour les budgets antérieurs.
Je suis frappé par un certain nombre d'inexactitudes dans votre propos, monsieur le ministre. Tout d'abord, sur l'augmentation du budget, vous devez parler des autorisations d'engagement, parce que, en crédits de paiement, la mission « Sécurités » augmente de 1,62 %, non de 3,5 %.
Deuxième inexactitude, les crédits d'investissement, loin de représenter un effort important, sont en baisse : ils passent de 200 à 173 millions d'euros pour la gendarmerie et de 355 à 273 millions d'euros pour la police nationale. Cette tendance est d'ailleurs logique : depuis des années, les dépenses de personnel de ces programmes augmentent mais de manière disproportionnée par rapport à l'investissement et au fonctionnement. Elles sont passées en dix ans de 80 % à 87,36 % du budget. Depuis dix ans, à chaque fois que l'État a créé un poste d'agent, il a supprimé une voiture.
Troisième inexactitude : vous prétendez que le parc automobile va bien. Or la commission des finances a demandé une enquête à la Cour des comptes, qui estime que le parc de la police comme de la gendarmerie est vieillissant. La Cour a aussi constaté que seulement 51 % des effectifs suivent leurs trois formations de tir dans l'année.
Il y a donc une diminution en formation, en fonctionnement et en investissement, et je ne parle même pas de la vacation forte, qui exige une augmentation supérieure des effectifs. Les chiffres que vous indiquez sont contraires à ce que la commission des finances constate, c'est pourquoi elle a rejeté votre budget.
Je n'ai jamais dit que le parc automobile allait bien. En revanche, il s'améliore ; 5 800 véhicules livrés en 2018, c'est du concret. Cela abaisse l'âge moyen des automobiles, c'est toujours mieux.
Ce n'est pas parfait, mais c'est déjà ça ; moi aussi, j'aimerais avoir une baguette magique...
Vous avez raison pour ce qui concerne l'augmentation forte des dépenses de personnel par rapport aux dépenses d'équipement ; c'est un problème, d'autant que cet équipement sert aussi à protéger nos forces de sécurité. Néanmoins, nous avons bien prévu l'équipement des 2 500 recrutements que nous envisageons pour cette année, soit 28 millions d'euros. Nous appliquons le parallèle nécessaire entre recrutement et équipement.
On peut discuter de la présentation du budget selon la nomenclature des titres, mais je m'attache à appliquer les catégories prévues par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), par missions et programmes, et avec une distinction entre dépenses de personnel et autres dépenses. Je vous invite toutefois à bien tenir compte des effets de périmètre. La suppression des loyers budgétaires a un impact, par exemple. En outre, vous comparez des données différentes à des stades différents du processus budgétaire. On ne peut pas comparer un projet de loi de finances à une loi de finances promulguée. Le débat parlementaire compte. Ce qui est essentiel, à mes yeux, c'est l'exécution du budget ; or nous passons cinq semaines à examiner le budget et une demi-journée à examiner la loi de règlement. Dans une commune, on fait l'inverse.
Bref, n'opposons pas nos chiffres ; ce budget porte une ambition, mais je sais que je devrai me battre pour l'exécuter. Par exemple, en matière de sécurité civile, mon prédécesseur a prévu un programme d'achat de six avions de type « Dash », et je ferai en sorte que le premier d'entre eux soit livré avant l'été - il s'agit d'un engagement de 380 millions d'euros.
L'année dernière, le Gouvernement avait indiqué qu'il n'y aurait aucun radar supplémentaire sur les routes. C'est vrai, malgré un budget consacré aux radars en forte hausse, il y en a eu trois de moins. Le budget pour 2019 est ambitieux aussi, et il fixe une cible de 4 700 radars pour le 31 décembre 2019, mais c'était déjà l'objectif fixé pour le 31décembre 2018. Il y a aussi dans le projet de loi de finances rectificative des annulations de crédits. Ne risque-t-on pas de retrouver en 2019 les mêmes écarts entre objectifs et réalisation ?
Il y a une explication technique liée à une problématique d'homologation. Les 400 radars nouveaux devaient être financés mais la livraison a pris six mois de retard, donc ils ne peuvent être mis en activité en 2018. En revanche, ils ont été commandés, et ils seront livrés et installés en 2019. Il s'agit de radars tourelles, qui ont une plus grande capacité de contrôle, donc de prévention routière, car, je le rappelle, il s'agit d'un objectif de sécurité routière et non de recettes. En effet, si l'État perçoit un milliard d'euros par ce biais, ce montant baisse et, en outre, la prévention routière a un coût de 3,5 milliards d'euros. Ce n'est pas la « machine à fric » souvent dénoncée. Ce contrôle sauve des vies.
En ce qui concerne les annulations de crédits du projet de loi de finances rectificative, il s'agit d'annulations techniques concernant des autorisations d'engagement devenues sans objet.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis des crédits du programme « Sécurité civile », devait poser une question mais elle est aujourd'hui en déplacement auprès de Marianne Thyssen, commissaire européen à l'emploi. Elle est à l'origine d'une motion signée par 254 sénateurs demandant que l'Union européenne prenne des mesures après l'arrêt Matzak de la Cour de justice de l'Union européenne sur le statut des sapeurs-pompiers volontaires. Elle m'a donc chargé d'être son porte-parole pour exprimer notre inquiétude sur l'avenir du volontariat, qui est, dans le modèle français de sécurité civile, incontournable. Que peut entreprendre le Gouvernement pour colmater cette brèche dans les meilleurs délais, éventuellement en modifiant les textes européens, afin que le statut des sapeurs-pompiers volontaires ne soit pas en péril ?
Le Gouvernement est très attaché à ce modèle, fondé sur le volontariat. Aujourd'hui, 69 % de nos 193 800 sapeurs-pompiers volontaires ont une activité professionnelle comme salariés. Cet arrêt pose un problème majeur. À ce stade, il n'y a pas de mise en demeure directe de la France, mais la Cour des comptes ne manque pas d'évoquer le sujet chaque fois qu'elle aborde les services départementaux d'incendie et de secours.
Deux orientations sont possibles pour faire face à ce problème. La première consiste à exploiter au maximum les capacités de dérogation prévues par la directive. J'ai demandé une étude en ce sens. La seconde, qui peut être cumulative, consiste à engager une démarche auprès des institutions européennes pour modifier la directive de 2003 ; mais ce sera difficile, car il s'agissait à l'époque d'une initiative française. Nous pouvons mener les deux démarches en parallèle ; nous devons sauver notre modèle.
Pour l'instant, je n'ai pas encore saisi la Commission, je suis en fonction depuis un mois et je veux étudier le dossier au préalable, mais nous sommes côte à côte pour défendre ce modèle. Non seulement nous défendons cette philosophie, celle de l'engagement, mais l'enjeu financier est colossal ; nous ne pourrions pas armer correctement les centres de départ en ne recourant qu'à des sapeurs-pompiers professionnels. Dans la principale sous-préfecture des Alpes-de-Haute-Provence, il n'y a qu'un sapeur-pompier professionnel qui encadre des sapeurs-pompiers volontaires. Même en étant très riche, l'État ne pourrait pas couvrir tout le territoire national, surtout les zones rurales.
Je ne doute pas de votre bonne volonté et de votre souhait de disposer d'un budget à la hauteur des besoins de la sécurité intérieure, mais le compte n'y est pas. Sans doute, nous faisons mieux que les années précédentes, mais le rapport de notre commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure - on se demande parfois si un membre du Gouvernement l'a lu - a établi les responsabilités des uns et des autres, et a mis en évidence les besoins nouveaux. Or on ne peut s'en tirer avec l'affichage d'augmentations marginales ou artificielles. Vous évoquez 5 800 nouveaux véhicules sur 60 000. Le parc va donc continuer de vieillir, pour tendre vers dix ans de moyenne d'âge. On nous a ainsi promis 3 000 véhicules neufs pour la police nationale l'année dernière, mais les crédits de 40 % d'entre eux ont été gelés.
Bref, il ne faut pas des augmentations au coup par coup, annulées en cours d'exécution, il faut une loi de programmation qui sécurise le budget et les investissements, et qui redonne du moral aux forces de l'ordre. Cela vaut pour les véhicules, pour l'immobilier ou pour l'équipement.
De même, on mentionnait la vidéo ; nous sommes convaincus de l'utilité de la caméra-piéton individuelle pour éviter les mises en cause injustifiées des agents, les dérapages éventuels, et pour donner des éléments matériels au juge, mais les policiers sont insuffisamment équipés et les gendarmes n'en ont quasiment pas. On est souvent allé plus vite pour équiper les polices municipales dans le cadre d'une expérimentation qui a failli ne pas être pérennisée. Heureusement, le Parlement a accompli l'exploit de voter en urgence une nouvelle loi cet été, mais les décrets d'application n'ont toujours pas été publiés, de sorte que l'on a dû remiser les caméras !
Par ailleurs, la vidéoprotection par caméras fixes dans les communes, si utile à la justice et aux forces de l'ordre, n'est plus financée.
Enfin, dernières questions, relatives au fonctionnement : comment allez-vous payer les vingt-deux millions d'heures supplémentaires qui ne peuvent être récupérées, et allez-vous payer les arriérés de loyer de 85 millions d'euros dus aux collectivités territoriales qui logent, très correctement, les gendarmes ?
Je ne sais pas encore comment régler cette question des heures supplémentaires, mais il y a actuellement des négociations sur le temps de travail qui peuvent, à tout le moins, donner les moyens d'empêcher l'augmentation du stock. C'est une avancée, insatisfaisante sans doute, mais c'est déjà ça. On estime que le paiement de ce stock représenterait 250 millions d'euros, on sait qu'on ne peut le financer.
Votre propos est un peu un réquisitoire ; je n'emploierai pas le même ton. En ce qui concerne les véhicules, on peut penser qu'il n'y en a pas assez, mais on programme l'acquisition de 2 800 véhicules pour la gendarmerie en 2019 ; par rapport au budget pour 2012 - il prévoyait l'acquisition de 916 véhicules -, l'augmentation est plus que marginale, c'est significatif. Cela permet-il d'aller assez loin ? Non, je le répète, mais, en moyenne, nous achèterons 1 100 véhicules de plus chaque année par rapport au quinquennat précédent.
Sur le gel des crédits pour l'achat des véhicules, j'ai répondu, ces crédits ont été totalement dégelés.
Le rapport de votre commission d'enquête a non seulement été lu, mais il a été fortement utilisé par Gérard Collomb, mon prédécesseur, dans ses négociations avec Bercy, et ce que vous considérez comme marginal a causé de vraies tensions entre le ministre de l'intérieur et le ministère du budget. Votre rapport a donc déjà eu cette efficacité.
Sur la caméra-piéton, on peut aller plus loin et plus vite, certes, mais on augmente leur nombre de 25 %, soit de 4 000, dans la police, c'est non négligeable. Pour les gendarmes, c'est un problème de doctrine et non un problème budgétaire qui en retarde l'utilisation.
Je ne peux vous laisser dire que l'on ne finance pas la vidéoprotection des communes. En 2018, 30 % du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) a financé la vidéoprotection des communes. Il y a une forte augmentation de la demande, car les maires ont compris que c'est un enjeu majeur. On ne peut les suivre toutes, mais nous souhaitons financer directement la vidéoprotection des communes tout en maintenant les capacités de financement du FIPD.
Pour ce qui concerne les arriérés de loyer dans la gendarmerie, Gérard Collomb voulait résorber la dette locative en deux ans. Nous reprenons cet engagement : 26 millions d'euros en 2017, 26 millions en 2018. Selon mes informations, la dette est résorbée et elle a maintenant un caractère frictionnel. Il n'est pas question de la reconstituer.
Il est vrai que les effectifs ont augmenté au cours des dernières années, mais c'était surtout justifié par la lutte contre le terrorisme. Il est aussi exact que, depuis 2017, on a redéployé les effectifs en faveur de la lutte contre la délinquance. La sécurité au quotidien est un sujet majeur pour nous. On ne peut consacrer tous les moyens supplémentaires à la lutte contre le terrorisme, même si cette lutte doit effectivement se mettre à niveau.
Nous reconnaissons votre effort mais on ne peut réduire la question des ressources humaines de la gendarmerie et de la police à l'augmentation des effectifs. D'abord, il n'est pas simple de recruter ; ainsi, au 31 août 2018, on constate un sous-effectif de 369 agents par rapport à la cible. En outre, une partie des effectifs supplémentaires sera absorbée par des modifications des conditions d'emploi. Je pense en premier lieu à la réforme des cycles de travail dans la police nationale - la vacation forte -, qui sera très coûteuse ; sa généralisation devrait nécessiter 6 000 équivalents temps plein (ETP). En second lieu, l'application de la directive sur le temps de travail dans la gendarmerie entraînerait la perte de 4 000 ETP, partiellement compensée par l'augmentation des astreintes. Ces deux phénomènes absorbent une part importante de la hausse des effectifs dont nous avons besoin.
Nous vous donnons acte de vos propositions d'augmentation d'effectifs, mais nous sommes inquiets des conditions de mise en oeuvre de ces augmentations, qui n'amélioreront en rien la présence des forces de sécurité sur le terrain.
Les 10 000 recrutements prévus ne seront pas consacrés en totalité au renseignement. Il y en aura 1 900 pour le renseignement, y compris territorial ou de cyberdéfense, donc 81 % d'entre eux ne sont pas dédiés au renseignement : 5 524 policiers, 2 489 gendarmes, 45 personnels de sécurité civile et 30 agents de préfecture pour le pôle « éloignement ». Cela dit, je considère pour ma part que les policiers de la PSQ sont aussi des acteurs du renseignement ; si la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) est chef de file, cela ne signifie pas que les autres acteurs de la police et de la gendarmerie ne font pas de renseignement.
En ce qui concerne les effectifs de 2018, la cible doit être appréciée à la fin de l'année. Mes services se sont engagés à ce que les 1 376 policiers et les 459 gendarmes de la cible soient recrutés et opérationnels à la fin de l'année. Il faut en outre prendre en compte le temps de formation et l'attractivité des postes sur certains territoires ; on éprouve de vraies difficultés à maintenir des cadres et des agents à certains endroits. À Maubeuge, par exemple, je ne parviens pas à recruter un commissaire.
Sur la vacation forte, un moratoire est en vigueur. Les partenaires sociaux veulent rouvrir le débat. En ce qui concerne la gendarmerie, le Président de la République a prévenu la Commission européenne que nous n'irions pas au-delà. Vos pronostics seraient justes si l'on devait appliquer ces politiques, mais je n'imaginerais pas demander des moyens en forte augmentation au Parlement si cela ne se traduisait pas par une plus forte présence sur le terrain. Il est arrivé dans le passé que l'on adopte des moyens en hausse mais que les effectifs baissent. Ce ne sera pas le cas ; je ne serais pas audible si cela ne se traduisait pas dans la réalité.
Ma première question porte sur les travaux en cours visant à réorganiser l'administration territoriale de l'État. Dans quelle mesure les préconisations de Cap 2022 permettront-elles de prendre le relais du plan Préfectures nouvelle génération, qui s'est achevé l'an dernier ? Quel est l'apport du travail demandé aux préfets de région pour établir de nouveaux schémas de service ? Le réseau préfectoral sera-t-il mieux à même d'assurer ses missions ?
Les délais de délivrance des cartes grises sont insupportables, surtout quand les demandes transitent par les centres d'expertise et des ressources des titres. Comment comptez-vous résorber les délais ? Par ailleurs, est-il normal que les concessionnaires privés prélèvent une commission quand ils s'acquittent de cette formalité pour leur client ?
Les moyens consacrés à l'accueil des étrangers - asile, titres de séjour, naturalisations - sont insuffisants pour absorber toutes les demandes. Quelles sont vos intentions à cet égard ?
Les travaux interministériels sur l'organisation territoriale de l'État ont commencé aujourd'hui. Mon directeur de cabinet, le préfet Stéphane Bouillon, pilote cela personnellement, c'est dire mon attachement à ce sujet. Il ira dans le sens de la modernisation et de la proximité. Favoriser la proximité, c'est prioriser l'échelon départemental dans la réorganisation territoriale de l'État. Ce n'est pas simple, mais nous avons la volonté forte d'avoir un interlocuteur unique.
En ce qui concerne les cartes grises, si un concessionnaire offre une prestation, il a légalement le droit de prélever une commission, même si la demande qu'il entreprend est gratuite sur Internet. Les acheteurs doivent être informés.
Quant au délai de délivrance des titres réglementaires, la situation s'est améliorée mais le processus de délivrance a été revu en profondeur dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération, et celui des cartes grises a connu quelques difficultés. Les cartes nationales d'identité sont aujourd'hui délivrées en seize jours, les passeports en dix-sept jours, les cartes grises complexes en quatorze jours. Les choses vont mieux mais il y a des anomalies dans certains endroits ; n'hésitez pas à nous les signaler. J'ai demandé à l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) de prendre systématiquement l'attache avec les usagers et j'ai indiqué qu'il ne devait pas y avoir de verbalisation du fait d'un retard imputable à l'administration.
Ma commune de 850 habitants délivre des cartes d'identité et des passeports vite, en huit jours, cela fonctionne très bien, je dois le reconnaître. Cela attire même des gens des communes voisines.
Merci de vos réponses précises, monsieur le ministre.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 20 h 10.