Au regard de l'importance des sujets qui composent ces programmes budgétaires, je remercie notre rapporteur pour sa présentation exhaustive et claire, qui permet de comprendre les enjeux qui sont devant nous. Si l'on prend le sujet de la réduction de loyer de solidarité (RLS), dont le montant a été fixé à 800 millions d'euros, on comprend que l'État récupère 300 millions d'euros de plus que l'objectif initial, une fois qu'on additionne toutes les mesures d'économie. Aussi, sans remettre en question la dynamique et la logique engagées par le Gouvernement, on pourrait à juste titre déposer un amendement pour laisser à 800 millions d'euros le prélèvement fait auprès des bailleurs sociaux qui correspond à l'objectif fixé par l'État pour 2018 et 2019. Cela permettrait que ces 300 millions supplémentaires soient utilisés au financement de la production de logements et de la rénovation du parc existant. Cela donnerait un peu de marge de manoeuvre aux bailleurs sociaux.
Concernant le calcul de l'APL sur la base des revenus actuels, je suis très inquiète. Les caisses d'allocation familiale (CAF) ont été réformées afin d'en réduire le nombre dans des départements très denses, où les demandes d'APL sont très importantes. Dans un département que je connais bien, mais c'est vrai ailleurs y compris en Île-de-France, il y avait huit CAF. Il n'y en a plus qu'une. La CAF doit souvent être fermée une journée par semaine pour écluser les dossiers en cours. Il faudrait que le ministre nous informe de l'état d'avancement de la mise en oeuvre du dispositif et des discussions en amont avec la CNAF. Quels moyens sont donnés aux CAF dans le budget de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ? Dans les territoires où l'on a recentré la gestion des prestations familiales, qui gère cette situation ? Il faut veiller à ce que les territoires soient en ordre de marche, afin de ne pas reproduire les erreurs commises lors de la réforme du paiement des retraites.
On voit que la RLS peut freiner la production et la rénovation de logements. J'ai interrogé les métropoles de ma région, pour voir l'effet sur les territoires « favorisés » de ce mécanisme. En 2018, sur un objectif de production de 2000 logements sociaux dans la métropole de Lille, on constate une réduction des constructions de 600 logements, alors même que le fait d'être dans une métropole devrait faciliter la construction de logements et devrait avoir un effet démultiplicateur. Je m'inquiète énormément car les bailleurs sociaux que l'on a mis en situation de ne plus avoir d'autofinancement sont les mêmes que l'on soit dans une métropole ou non. Quand bien même les bailleurs sociaux ont les moyens de trouver des financements, ils ont besoin d'avoir des fonds propres.
Enfin, on constate une diminution du nombre de logements financés par un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) et par un prêt locatif à usage social (PLUS) et une augmentation des logements financés par un prêt locatif social (PLS) ou un prêt locatif intermédiaire (PLI). Cela signifie que, dans des territoires où les bénéficiaires de l'APL relèvent de logements financés par des PLUS ou des PLAI, on vend du patrimoine massivement afin de constituer des fonds propres et pour sécuriser la possibilité de revente pour les bailleurs, on construit des logements financés par un PLS plus aisés à revendre qu'un logement financé par un PLUS ou un PLAI.
Enfin, le fait de repousser la clause de revoyure et l'évaluation pose de nombreux problèmes. Les chiffres concernant le nombre d'organismes à la limite de la banqueroute ou en autofinancement négatif sont alarmants. Cela veut dire que pendant ce délai supplémentaire, on risque de constater la disparition de bailleurs étranglés financièrement qui sont repris par des groupes. Le travail de redéfinition de la cartographie des bailleurs sociaux sera fait par la « sélection naturelle » des bailleurs et ce au mépris d'une véritable prise en compte des territoires et des bailleurs. Cette logique n'est pas favorable à l'aménagement du territoire mais bien au déménagement du territoire.