Mes chers collègues, je voudrais accueillir Bernard Buis, qui remplace Dominique Théophile et succède à Didier Guillaume, nouveau ministre de l'agriculture. Nous lui souhaitons la bienvenue au Sénat et dans notre commission.
La parole est aux rapporteurs pour avis.
Mes chers collègues, comme l'an dernier, nous avons, avec Françoise Férat et Henri Cabanel, travaillé de concert pour analyser les crédits 2019 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Au terme d'une vingtaine d'auditions nous ayant permis d'entendre plus de cinquante personnes, nous avons tiré un bilan très mitigé du budget qui nous est soumis par le Gouvernement, qui réussit l'exploit de ne pas être satisfaisant alors que nombre de dispositifs ne sont pas modifiés. Nous y reviendrons.
Avant de vous présenter ce budget, il est essentiel de rappeler combien l'année 2019 sera charnière pour l'agriculture française. Elle sera en effet confrontée à un vent d'incertitudes toujours plus violent.
Incertitudes économiques d'abord, avec la volatilité des prix, une concurrence internationale renforcée, des négociations bilatérales qui se développent et qui créent encore plus d'instabilité commerciale pour les marchandises agricoles.
Incertitudes sociétales ensuite compte tenu du débat sur les pratiques agricoles en général qui place sans cesse les agriculteurs sur le banc des accusés sans leur laisser la possibilité de rappeler tous les efforts qu'ils ont réalisés depuis cinquante ans.
Qu'il me soit permis de dire que ceci est vécu comme une profonde injustice par les agriculteurs, qui sacrifient par passion une grande partie de leur vie pour nourrir la France, souvent sans même dégager de revenus. Retenez ce chiffre : un agriculteur se suicide tous les deux jours en France !
Incertitudes sur les charges également : le titre II de la loi EGALIM se traduira, dès l'année prochaine, par une augmentation considérable des coûts pour les agriculteurs.
Incertitudes sur les prix, bien sûr. Alors que cela relevait de l'impossible, la concentration de la grande distribution se poursuit, accroissant un rapport de force où l'agriculteur est toujours le plus faible - quatre centrales d'achat pour plus de 12 000 fournisseurs.
La loi EGALIM n'y changera rien. Je me demande même si le Gouvernement ne partage pas cette idée.
J'en veux pour preuve, d'une part, le très faible accompagnement budgétaire dans ce PLF 2019, puisque moins de 1 million d'euros sont accordés au titre de cette loi.
D'autre part, nous avons tous entendu, lors des débats sur la loi EGALIM, le Gouvernement annoncer une augmentation des contrôles de la DGCCRF et de FranceAgriMer dans le cadre du nouveau cadre contractuel entre acheteurs et producteurs qui avait pour but d'améliorer le revenu des agriculteurs pour lutter contre certaines pratiques déloyales et mieux protéger les agriculteurs. Cependant, les effectifs de la DGCCRF et de FranceAgriMer vont reculer en 2019 !
Mais l'incertitude la plus grave provient de la future réforme de la PAC. Le budget de la PAC représente, pour la France, trois fois le montant de la mission Agriculture, Alimentation, Forêt et Affaires rurales du PLF. Or ce budget européen devrait reculer de 15 % en euros constants lors de la prochaine programmation. La Commission européenne a également proposé de modifier le contenu de la PAC qui, en favorisant la renationalisation de celle-ci, risque de la rendre de moins en moins commune et placer encore une fois les aides européennes sous le diktat d'une écologie punitive.
On le voit, ces incertitudes sont fortes. Le PLF prend le risque d'en ajouter encore un peu plus, notamment avec la réforme fiscale présentée par le Gouvernement. Il faut le regretter car cette réforme aurait pu être unanimement approuvée.
Même si nous saluons la mise en place d'un dispositif fiscal favorisant l'épargne de précaution des agriculteurs, que nous avons appelée de nos voeux l'année dernière, le projet initial du Gouvernement permettant aux seuls agriculteurs dégageant des revenus de bénéficier de ce dispositif n'est pas satisfaisant. Comment peut-on croire que nos agriculteurs peuvent épargner avec leur niveau de revenu ?
La rédaction actuelle soumise à l'article 18 du PLF permet aux agriculteurs de recourir à ce dispositif en justifiant d'une épargne non monétaire, notamment par l'acquisition de stocks. Cette rédaction doit être conservée. Il est important toutefois de rappeler aux agriculteurs que ceci leur fera perdre le bénéfice d'une exonération fiscale induite par la déduction pour investissement, qui sera quant à elle supprimée.
De même, il convient de saluer le maintien du taux réduit de TICPE sur le gazole non-routier pour les exploitants agricoles, tout comme l'élargissement du bénéfice des exonérations de charges aux coopératives agricoles.
L'abandon des petites taxes pesant sur le secteur agroalimentaire pourrait aller dans le bon sens, à condition que ce qui est donné d'un côté ne soit pas repris de l'autre. À cet égard, la suppression de la taxe sur les huiles alimentaires pour 139 millions d'euros n'est à ce stade pas compensée de manière satisfaisante et aboutira soit à creuser le déficit du régime de retraites des non-salariés agricoles, soit à augmenter les cotisations des exploitants là où on souhaite alléger leur fardeau fiscal.
Toutefois, ce bénéfice net de la réforme fiscale pourrait être remis totalement en cause par la hausse considérable de la redevance pour pollutions diffuses réalisée à l'article 76 du PLF. L'idée est d'augmenter les taux sur les produits les plus dangereux, mais aussi sur les produits en cours d'interdiction, dont le glyphosate. Plutôt que de chercher activement des alternatives, le Gouvernement souhaite en sortir en augmentant considérablement les prix. On choisit encore l'écologie punitive au lieu de l'écologie incitative.
Cela se traduira par une hausse comprise entre 50 millions d'euros et 80 millions d'euros pour les agriculteurs. L'approche est toujours la même : pour inciter à ne plus employer les produits phytopharmaceutiques, le Gouvernement ne souhaite qu'en augmenter les prix. Toutefois, le risque est immense que ces mesures ne se traduisent par aucune baisse substantielle des usages : quand un agriculteur n'a pas d'alternative à une solution contre un ravageur ou une adventice, peu importe son prix, il en fera tout de même l'acquisition, même au prix fort.
Contre cette logique purement punitive, nous déposerons tous les trois un amendement en notre nom, préconisant de revenir à une démarche incitative. Le problème provient du manque de solutions de substitution aux produits les plus dangereux. Il faut inciter les fabricants à accélérer leur recherche pour les mettre sur le marché.
Plutôt que de taxer encore les exploitants agricoles, pourquoi ne pas dès lors taxer les fabricants de produits phytopharmaceutiques sur leurs ventes de produits les plus dangereux ? Le principe est simple : plus ils vendront des produits dangereux, plus ils seront taxés et donc incités à développer des produits moins nocifs.
Toutes ces incertitudes fiscales, économiques et sociétales ont rarement été si fortes. L'avenir de l'agriculture française est à ce point si incertain que le projet de loi de finances déposé par le Gouvernement enregistre le recul le plus important de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » depuis 2006 à périmètre courant, à hauteur de - 572 millions d'euros. Le budget passerait donc de 3 184 millions d'euros à 2 612 millions d'euros, soit une réduction de près d'un cinquième du budget de l'agriculture en une seule année.
Après prise en compte des mesures de périmètre, cela peut se résumer en une phrase : le Gouvernement demande des économies au monde agricole de l'ordre de 300 millions d'euros en 2019.
L'évolution de ces dépenses est surtout concentrée sur le programme 149, qui rassemble principalement les aides versées aux agriculteurs. Ses crédits reculent de près de 520 millions d'euros dans le projet du Gouvernement.
Cette évolution provient de deux principaux éléments : la suppression du dispositif « travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi » (TO-DE), sur laquelle reviendra Henri Cabanel, et la réduction de 100 millions d'euros de la réserve pour aléas, soit un tiers, malgré la sécheresse qui a sévi cette année en France.
Nous étions tous les trois sceptiques l'année dernière quant à l'inscription de cette provision dans le budget de l'agriculture, considérant qu'elle constituait en réalité un alibi pour imposer des coupes claires dans le budget de l'agriculture française. Une année plus tard, les faits nous ont donné raison. Nous avons même appris que la baisse de 100 millions d'euros de cette année avait été sciemment prévue dès la loi de programmation adoptée l'année dernière par le Gouvernement.
Cette réserve pour risques est d'ailleurs d'autant plus mal nommée qu'elle ne sert qu'à la couverture d'un seul risque : celui des refus d'apurement communautaire. C'est d'ailleurs sa dénomination officielle dans le projet annuel de performances (PAP) ! En 2018, sur les 300 millions d'euros alloués, 190 millions d'euros seront dépensés, dont 178 millions d'euros pour régler les apurements communautaires et le reste pour régler un contentieux que l'État a perdu. Avec 200 millions d'euros en 2019, elle ne pourra couvrir que ces refus d'apurement.
Dans ces conditions, la réserve ne constitue donc qu'une auto-assurance de l'État contre ses propres erreurs, financée par des économies passées réalisées au détriment des agriculteurs, ponctionnant le budget du ministère de l'agriculture.
Les autres dépenses d'intervention du programme 149 connaissent des évolutions moins significatives, mais parfois problématiques. Les aides à l'économie agricole ultramarine, tout comme la dotation Jeunes agriculteurs, sont stabilisées. Il est à noter que le montant des plans de compétitivité et d'adaptation des entreprises (PCAE) recule une nouvelle fois de 8 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une réduction de 27 % en deux ans, alors même que ces aides ont un effet de levier important pour l'investissement des exploitations agricoles.
Le décaissement des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) recule compte tenu du niveau anormalement élevé de l'année dernière, justifié pour réduire les retards de paiements des aides PAC accumulés par l'Agence de services et de paiements. Le Gouvernement s'est engagé à cet égard à ce que les paiements de la campagne 2018 soient réalisés selon le calendrier normal et que tous les retards soient résorbés. Nous serons très vigilants au respect de ce calendrier.
Enfin, les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) vont, quant à elles, augmenter de 20 millions d'euros à la suite de la réforme du zonage. On pourrait penser que c'est une bonne nouvelle : en fait, il s'agit d'un leurre !
Au total, si 14 210 communes demeurent dans le zonage définitif contre 10 429 dans le zonage précédent, la réforme va en faire sortir 1 293. Les 3 800 agriculteurs concernés par cette perte sont concentrés dans certains départements comme le Gers, l'Aude et les Deux-Sèvres. Les 20 millions d'euros supplémentaires couvriront à hauteur de 15 millions d'euros les bénéficiaires entrants et de 5 millions d'euros la sortie des agriculteurs perdants jusqu'en 2020.
Rappelons que la prise en compte du critère de « continuité territoriale » pour la définition des zones soumises à contraintes spécifiques, comme le permet d'ores et déjà la réglementation européenne, est une absolue nécessité pour intégrer les communes enclavées dans le zonage. C'est la position que le Sénat n'a jamais cessé de défendre.
Je laisse la parole à Françoise Férat à propos du volet relatif à la sécurité sanitaire du projet de loi de finances.
Qu'il est difficile d'évoquer ce projet de loi devant vous ce matin tant il existe de points qui ne sont pas correctement soutenus, au détriment de notre agriculture. J'en veux pour preuve le programme 206, dédié à la sécurité sanitaire, qui voit ses crédits reculer de 16 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 15 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à l'année dernière.
L'essentiel de ce recul provient de deux dépenses purement comptables, qui entraînent un effet d'optique : la non-budgétisation de dépenses d'indemnisation, auxquelles se substitue un fonds de concours européen, et la baisse du budget dédié au règlement du contentieux sur les retraites vétérinaires, dans la mesure où ce règlement est en voie d'achèvement.
La constatation d'un recul de ce budget, même conjoncturel, ne manque toutefois pas d'inquiéter, tant la sécurité sanitaire est un impératif stratégique pour notre pays.
Si la France doit aujourd'hui être fière de son dispositif de sécurité sanitaire sur les denrées alimentaires, probablement le meilleur du monde, elle doit rester sur ses gardes face aux conséquences importantes des épizooties et des épidémies pour les agriculteurs.
L'agriculture est non seulement soumise à des aléas climatiques, mais aussi à l'apparition de maladies animales et végétales qui ont des conséquences dramatiques sur les cultures et les élevages concernés.
Permettez-moi tout d'abord d'émettre les plus vives craintes quant à la propagation de l'épidémie de peste porcine sur notre territoire. Le virus est mortel pour les espèces concernées, et sa rémanence exceptionnellement longue - de l'ordre de plusieurs mois.
La transmission du virus s'effectue principalement par les tiques, qui ingèrent le virus en se nourrissant des animaux contaminés puis le transmettent en piquant d'autres animaux sensibles. Il se transmet également par contact direct avec des animaux infectés ou par ingestion de déchets alimentaires touchant de la viande de porc contaminée, transformée ou non.
C'est sans doute en raison d'un déchet infecté, jeté dans une poubelle d'une aire d'autoroute par un routier d'Europe de l'Est, que 155 cas de peste porcine ont été détectés chez des sangliers trouvés morts dans la région d'Étalle, au sud de la Belgique, dans la zone frontalière proche de Longwy, Montmédy et Carignan.
Plusieurs mesures ont été prises pour endiguer le phénomène. Tous les porcs domestiques de la zone d'Étalle ont été mis à mort. Une réduction de la population de sangliers a été décidée en lien avec les fédérations de chasse concernées. Des clôtures de part et d'autre de la frontière ont été installées.
Toutefois, le virus ne s'arrêtera pas aux frontières comme en d'autres temps, d'autant qu'il met la lumière sur le problème plus général de la surpopulation de gros gibiers en France, qui cause de graves dégâts dans les exploitations agricoles.
Le risque est majeur pour la filière porcine française. L'apparition du virus en France entraînerait une destruction du cheptel porcin contaminé, induisant un délai de recomposition de la taille des élevages. En outre, la France ne serait plus « indemne de peste porcine », ce qui grèvera durablement son accès à certains marchés à l'exportation, alors même que notre pays exporte 40 % de sa production porcine, notamment en Russie et en Chine.
Il faut donc appeler à la plus grande vigilance. Plusieurs pratiques, notamment celles de lâchers de gibiers importés de pays de l'Est pour entretenir les « tableaux de chasse », doivent être strictement prohibées. Les déchets alimentaires des conducteurs routiers étrangers doivent également faire l'objet d'une attention toute particulière.
Le second enjeu en matière de sécurité sanitaire relève du maintien en France d'une couverture vétérinaire suffisante. Les vétérinaires spécialisés dans l'élevage jouent un rôle essentiel dans la prévention, la détection et le traitement des épizooties sur l'ensemble de notre territoire.
Cependant, seulement 38 % des vétérinaires déclarent aujourd'hui une compétence pour les animaux d'élevage, alors qu'on constate une croissance très forte de la spécialisation en animaux de compagnie. Lorsque leur activité est majoritairement consacrée aux animaux de compagnie, il est plus difficile pour les vétérinaires de maintenir et d'actualiser les compétences requises pour le suivi spécifique des animaux d'élevage.
De ce phénomène résulte une constatation alarmante : l'apparition de déserts vétérinaires, comme sont apparus, il y a des années, des déserts médicaux. Certaines zones sont aujourd'hui totalement dépourvues de vétérinaires prêts à intervenir dans les élevages. Cette tendance ne peut que s'accroître avec le départ à la retraite à venir de nombreux praticiens. Cette désertification constituerait un drame pour nos territoires ruraux, pour notre élevage ainsi que pour la sécurité sanitaire de la France.
Le projet de loi de finances prévoit enfin la revalorisation de l'acte médical vétérinaire (AMV), qui contribue à la rémunération des vétérinaires lors des visites sanitaires annuelles obligatoires, pour les bovins par exemple. L'acte médical vétérinaire n'avait pas été revalorisé depuis 2013 ce qui a considérablement contribué aux écarts de revenus entre vétérinaires en élevage et vétérinaires spécialisés dans les animaux de compagnie.
Toutefois, l'acte médical ne sera revalorisé que de 33 centimes d'euro en 2020. Cette mesure est trop timide pour enrayer à elle seule la crise de vocation des vétérinaires ruraux intervenant dans les élevages ou, plus encore, dans les abattoirs. Elle doit être accompagnée par d'autres mesures.
Je vous proposerai un amendement en ce sens afin d'augmenter le budget des stages tutorés des écoles vétérinaires. Songeons que sur vingt élèves ayant réalisé de tels stages, plus des trois quarts travaillent désormais dans nos campagnes.
Enfin, le troisième enjeu qui me semble déterminant pour la sécurité sanitaire de la France est évidemment la bonne tenue des contrôles de denrées alimentaires importées.
Nous avons recueilli auprès des administrations concernées les résultats des contrôles aux importations qu'elles réalisent sur les denrées alimentaires. Ils sont très préoccupants.
Sur la base de contrôles physiques malheureusement trop rares, on peut estimer que 10 % a minima de ce qui est importé des pays tiers ne respecte pas les normes européennes. Ce taux s'élève à 17 % pour les produits issus de l'agriculture biologique, et ce chiffre ne prend pas en compte le taux de non-conformité des importations venant de pays de l'Union européenne, plus difficile à mesurer. Ces produits étant moins soumis aux contrôles, il est à craindre que les taux de non-conformité soient également très élevés. La Cour des comptes, dans un rapport de 2014, l'estimait à 25 % pour les produits à base de viande par exemple.
Cette situation est intenable. Elle pose d'immenses problèmes sanitaires, car ces importations nuisent à une bonne protection des consommateurs et constituent ni plus ni moins une concurrence déloyale massive pour nos agriculteurs français.
Un produit sur dix importé d'un pays hors de l'Union européenne ne respecte pas les normes. Ces denrées alimentaires qui concurrencent injustement nos agriculteurs représentent près de 1,7 milliard d'euros.
Comment assurer un contrôle efficace quand l'État dépense in fine moins de 10 millions d'euros par an pour contrôler l'ensemble des denrées alimentaires importées ? Cela représente moins d'une semaine de recettes que l'État encaisse au titre du Loto !
La photographie n'est pas rutilante, mais la perspective du Brexit et de l'arrivée massive des produits du Commonwealth en Europe ne peut qu'accentuer le problème.
La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne nécessite en France un surcroît de contrôles aux importations. Le PLF prévoit le recrutement éventuel de 40 agents supplémentaires en 2019. Ce n'est pas suffisant. Les autorités concernées ont été très claires avec nous : les besoins minimaux sont de 80 agents dans le cas du Brexit le moins dur.
Compte tenu des manques déjà constatés et des enjeux qui y sont liés, tant pour les consommateurs que pour les agriculteurs, nous vous proposerons un amendement visant à passer le recrutement d'agents chargés des contrôles aux importations de 40 à 80 ETP.
Je laisse la parole à Henri Cabanel.
Mes chers collègues, mon intervention se concentrera sur six problématiques particulières : le péril pesant sur la pêche maritime à la suite du Brexit, l'évolution des crédits affectés à la forêt, les projets alimentaires territoriaux (PAT), les moyens des administrations, le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) et, bien sûr, le dispositif TO-DE.
Premièrement, les crédits de la pêche dans le budget qui nous est soumis sont stables par rapport à l'année précédente, à environ 50 millions d'euros, une fois retraitée la compensation de la suppression d'une taxe. Je rappelle d'ailleurs que ce budget ne prend pas en compte les aides européennes du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).
Toutefois, pour rebondir sur le propos que vient de tenir Françoise Férat, le Brexit est un défi pour notre sécurité sanitaire. C'est aussi un défi pour nos activités halieutiques. Toute privation d'accès aux eaux britanniques pour les bateaux de pêche français aurait des effets mécaniques dramatiques pour notre économie littorale.
D'un point de vue économique, l'interdiction concernerait plus de 500 navires et plus particulièrement 200 d'entre eux qui réalisent une part importante de leur chiffre d'affaires grâce à la pêche réalisée dans ces eaux. Ceci met en péril 25 % du chiffre d'affaires de la pêche française, soit 250 millions d'euros. En matière d'aménagement du territoire, une telle décision serait désastreuse pour les ports de Boulogne-sur-Mer et de Cherbourg, qui réalisent plus de 50 % de leur activité dans les eaux britanniques.
Enfin, cela aurait un effet direct sur 1 300 emplois de marins, sans compter l'effet sur les industries de transformation ou sur les employés des ports. Ces éléments doivent être rappelés dans le débat public, car c'est l'avenir de nos littoraux qui en dépend.
Deuxièmement, les crédits de la forêt connaissent une évolution contradictoire. S'ils diminuent de 16 millions d'euros en crédits de paiement, c'est en raison de la fin des aides destinées aux propriétaires forestiers ayant subi la tempête Klaus de 2009. En revanche, les autorisations d'engagement croissent de près de 4 millions d'euros grâce à l'augmentation de la dotation au fonds stratégique de la forêt et du bois. Il s'agit d'améliorer la desserte forestière et de favoriser l'aval forestier avec des prêts proposés aux scieries et entreprises de travaux forestiers par Bpifrance.
À plus long terme, notre forêt va toutefois « dans le mur », car elle est en train d'épuiser les générations d'arbres plantés dans les années 1960. Pour maintenir une forêt économiquement rentable et écologiquement efficace, l'Allemagne finance à titre de comparaison 300 millions de plants par an, la Pologne un milliard, et la France seulement 70 millions, alors qu'elle est au quatrième rang européen.
Pour que la forêt française crée des emplois, de la richesse et joue son rôle de stockage du dioxyde de carbone, il faudrait dégager 150 millions d'euros par an pour renouveler nos espaces forestiers et réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Pourquoi ne pas affecter une fraction de la taxe carbone à l'investissement forestier ?
Troisièmement, nous avons été très surpris de ne pas voir tenu un des principaux engagements des États généraux de l'alimentation (EGA) : la valorisation des projets alimentaires territoriaux.
La loi EGALIM contraint les collectivités territoriales à revoir les modalités d'approvisionnement de leur restauration collective afin de mieux y intégrer des produits de qualité, y compris locaux. Comment le faire si les initiatives de structuration des filières locales ne sont pas soutenues ? Les projets alimentaires territoriaux répondent justement à cette ambition. Les acteurs locaux plébiscitent ces outils, pourtant peu utilisés faute de financements adaptés - de l'ordre de 40 PAT en 2018.
Lors des EGA, la cible a été définie à 500 PAT en 2020. C'est très ambitieux, mais comment atteindre une multiplication par douze du nombre actuel sans aucun financement supplémentaire ? Le montant reste le même que celui de l'année dernière, à savoir un appel à projet annuel, doté en tout et pour tout d'un million d'euros. Nous vous proposerons un amendement doublant ce budget dès 2019.
Quatrièmement, les moyens alloués à la conduite de la politique agricole française reculent légèrement.
Le programme 215 contribue à l'effort d'économies à hauteur de 29 millions d'euros cette année. Si la moitié provient d'un jeu d'écriture comptable, des économies seront tout de même réalisées sur les dépenses de personnel du ministère de l'agriculture. Le ministère réalisera 130 suppressions de postes sur un total de plus de 7 000 agents. Ces suppressions auront majoritairement lieu dans les services déconcentrés, à hauteur de 8,5 millions d'euros.
Les subventions allouées aux opérateurs sont quant à elles en légère augmentation, compte tenu de la nécessité de compenser la suppression des petites taxes qui leur ont été allouées auparavant. Dans le cas de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses), une réserve a été constituée pour faire face au Brexit, notamment en prévision de la surcharge de dossiers à venir sur les médicaments vétérinaires engendrée par la sortie du Royaume-Uni.
J'ajoute que les crédits de l'enseignement agricole augmentent de 20 millions d'euros. Cette augmentation concerne l'enseignement technique, ainsi que l'enseignement supérieur.
Cinquièmement, le compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural est au même niveau que l'année précédente. Il est alimenté par les agriculteurs et s'adresse aux agriculteurs, puisque sa seule source de financement est le rendement, à hauteur de 19 %, de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles et d'une fraction forfaitaire d'environ 80 euros par exploitation.
Comme tous les ans, les actions en faveur de la recherche financées par le CASDAR peinent à trouver des traductions concrètes. Or ces crédits doivent aller prioritairement aux organismes aidant les agriculteurs et doivent promouvoir la recherche de solutions alternatives à certains produits, notamment phytopharmaceutiques.
Près de 50 millions d'euros de reports sont en outre constatés et ne sont pas dépensés. Ils comportent donc le risque de ne pas être redéployés en faveur des agriculteurs. C'est pourquoi nous vous proposons de nous en remettre à la sagesse du Sénat concernant les crédits du CASDAR.
Enfin, il me reste à vous faire part de notre sentiment, commun à tous les trois, concernant la suppression programmée par le Gouvernement du TO-DE, qui représente 142 millions d'heures, 927 000 contrats pour 73 000 entreprises, soit un quart du travail agricole salarié. Je l'ai dénoncée lors des débats, mais le Gouvernement a une vision exclusivement comptable du sujet.
Tout d'abord, la proposition de compromis présentée par le Gouvernement à l'Assemblée nationale ne règle rien, puisque le dispositif serait supprimé en 2021 purement et simplement. Certes, le Gouvernement est revenu en arrière parce qu'à l'époque, un sénateur, aujourd'hui ministre de l'agriculture, avait émis ses plus vives réserves lorsque le Gouvernement avait annoncé la suppression pure et simple du TO-DE.
Cette suppression défie toute rationalité économique.
Premier paradoxe : alors que le Gouvernement entend réduire le coût du travail des entreprises à des fins de compétitivité, il décide d'augmenter sciemment les coûts de main-d'oeuvre au sein des entreprises où ceux-ci sont les plus importants ! La main-d'oeuvre, c'est par exemple 60 % du coût de revient d'une pomme. Face au coût de la main-d'oeuvre saisonnière polonaise, inférieur de 75 % au nôtre, la perte de compétitivité est tout simplement irrattrapable.
Deuxième paradoxe : la proposition du Gouvernement pénalisera les filières les plus investies dans les solutions agroenvironnementales ayant recours à de la main-d'oeuvre saisonnière, puisque les modes de production qui font appel à plus d'agro-écologie nécessitent plus de main-d'oeuvre. Ce n'est pas un signal incitatif pour la transition agricole.
Troisième paradoxe : empêcher les producteurs français d'exporter faute de compétitivité suffisante, c'est saturer le marché français de produits bradés, ce qui va mécaniquement faire baisser les prix, contrairement à la logique prônée lors des EGA.
Le Sénat a exprimé toutes ces craintes lors des débats sur le PLFSS. Il s'est, me semble-t-il, fait le porte-parole de tous les territoires et de toutes les productions saisonnières pour appeler au maintien de ce dispositif.
Nous avons souhaité, Françoise Férat, Laurent Duplomb et moi-même, déposer en notre nom propre des amendements identiques appelant à rétablir le TO-DE dans sa forme actuelle.
L'immense majorité du Sénat - 320 voix pour et 19 contre -, y compris sur les bancs de la majorité gouvernementale, a souscrit à cette démarche transpartisane en adoptant ces amendements. À l'heure actuelle, le dispositif TO-DE est maintenu au-delà de 2021.
Pour aller au bout de la logique, des crédits budgétaires doivent être débloqués pour acter ce maintien. Le Gouvernement a déjà alloué 75 millions d'euros pour financer son dispositif transitoire et considère pouvoir réaliser 30 millions d'euros d'économies supplémentaires sur le périmètre de la mission pour financer le TODE, économies qu'il reste à documenter à ce stade. Il manque donc environ 40 millions d'euros en 2019 pour pérenniser le dispositif.
Considérant que nous ne pouvons trahir le vote du Sénat lors du PLFSS, et par souci de cohérence, nous vous proposons donc d'interpeller le ministre en commission tout à l'heure afin de savoir si l'appel du Sénat au maintien du TO-DE est entendu ou non. Si c'est le cas, il devra débloquer ces 40 millions d'euros de crédits budgétaires supplémentaires.
Si le TO-DE n'est pas maintenu, vos rapporteurs vous recommandent, compte tenu de l'ensemble des éléments évoqués, d'adopter un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission sachant que, l'année dernière, en ce qui me concerne, j'avais dans le doute émis une réserve par rapport aux EGA. Force est de constater que les EGA ne sont aujourd'hui pas à la hauteur des attentes - tous les syndicats agricoles sont unanimes.
J'ouvre le débat. Nous voterons ensuite sur les amendements de nos rapporteurs et suspendrons notre avis jusqu'à l'audition du ministre.
Je salue le travail des trois rapporteurs. Nous partageons l'ensemble des différents constats qui ont été établis.
J'insisterai davantage sur les baisses de crédits concernant la sécurité et la qualité sanitaire ainsi que la perte de moyens humains pour accompagner la mise en oeuvre des politiques publiques. Je pense que l'un ne va pas sans l'autre : on a besoin de personnels pour améliorer la sécurité et la qualité sanitaires, accompagner les agriculteurs et relever les défis et les enjeux de l'agriculture de demain. On a le sentiment d'un budget d'affichage avec quelques objectifs mais sans aucune ambition de les atteindre.
Nous attendons l'audition du ministre mais nous ne voterons pas les crédits de cette mission. Nous nous prononcerons bien évidemment favorablement concernant les amendements proposés par nos rapporteurs.
À travers ce budget, à l'heure où le Brexit est en passe de se réaliser et où la compétition et la dépendance vis-à-vis d'un certain nombre de produits agricoles sont de plus en plus fortes, il nous faut éviter le prochain scandale et l'anticiper. Les services agricoles nationaux et régionaux doivent être capables de répondre à tous ces défis.
Quand on voit l'état des directions régionales de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) en termes de personnels, on ne peut être que très inquiets de ce qui va se passer dans les mois et les années qui viennent en matière agricole.
Merci aux trois rapporteurs pour la qualité de leurs travaux.
Je voudrais revenir sur la problématique des zones défavorisées et obtenir quelques précisions. On constate une légère augmentation des crédits affectés aux ICHN. Nombre d'éleveurs entrent dans ce dispositif. Ceux qui en bénéficient déjà vont donc connaître une diminution de leurs indemnités. Cela affecte donc le revenu et la compétitivité de cette filière. Est-ce bien ce qu'il faut comprendre ?
Oui, même s'il faut prendre en compte la hausse des crédits accordés dans ce budget.
Si vous me le permettez, j'interrogerai le ministre à ce sujet...
Par ailleurs, on parle toujours des communes, mais ce sont avant tout les éleveurs qui sont concernés. Certaines communes qui sont entrées dans le dispositif ne comptent aucun éleveur !
Enfin, malgré ce que vous avez dit du devenir des PCAE, je pense que le Gouvernement devrait prévoir une affectation particulière pour accompagner la transition des exploitants qui, pour certains, vont être obligés d'arrêter leur activité pour se consacrer à autre chose. J'interrogerai également le ministre sur cette question.
Je félicite à mon tour les trois rapporteurs pour le rapport qu'ils viennent de nous présenter qui reflète vraiment bien la situation.
Un espoir formidable est né dans les campagnes il y a un an. La déception va être phénoménale. Elle va en effet au-delà du monde paysan et touche le monde économique, l'entreprise, la ruralité.
Je voudrais par ailleurs prolonger les propos qui viennent d'être prononcés sur les zones défavorisées. Qu'en est-il des zones de piémont ? Trois massifs sont essentiellement concernés en France, le Massif Central, le Jura et le département des Vosges. Or il semble que ces zones disparaissent complètement. La perte pour les exploitations va être très importante.
Autre remarque s'agissant des produits importés : on trompe les consommateurs, je voulais le souligner !
La forêt représente également un vrai sujet : la France n'est pas au rendez-vous. On coupe aujourd'hui plus de bois qu'on en replante. La forêt continue de croître, mais ce n'est pas de la forêt qui capte les gaz à effet de serre. Je trouve regrettable qu'on ne soit pas plus offensif alors qu'on a en France des espaces forestiers fabuleux.
Quant au CASDAR, je vous trouve bien accommodant ! Il s'agit de l'argent des paysans, qui paient en totalité cette contribution pour leur propre développement. Or il n'y a pas de mobilisation au sujet des nouveaux défis que connaît l'agriculture ou du développement des exploitations, notamment par rapport au problème des pesticides. C'est un véritable souci.
Je n'ai rien à ajouter à ce que vous avez dit au sujet du TO-DE. Je souhaite qu'on soit tous en rangs serrés derrière vous.
Je voudrais également saluer le travail qui a été réalisé dans une grande cohésion. C'est particulièrement nécessaire dans ce secteur.
Je voudrais revenir sur trois points et tout d'abord sur la vigilance concernant les aspects de sécurité sanitaire. On peut craindre qu'on ait sous-estimé un certain nombre de risques grandissants en termes budgétaires : Brexit, peste porcine, impacts forestiers.
S'agissant des EGA, le Gouvernement trahit maintenant ses engagements sur le plan budgétaire.
Concernant la forêt, l'essentiel a été dit : elle représente 30 % des captations des émissions de gaz à effet de serre. Or on coupe la forêt pour réaliser des meubles et des constructions. On capte le carbone mais, au bout d'un certain temps, les meubles et les constructions sont détruits et on relâche le carbone. L'enjeu réside dans le renouvellement des peuplements. On sait qu'un peuplement en croissance capte encore plus de carbone.
Il est donc dommage, alors que nous avons un objectif mondial prioritaire de lutte contre le changement climatique, qu'on n'actionne pas davantage ce capital et ce potentiel.
Un certain nombre d'amendements seront sûrement déposés pour le fléchage d'une partie des crédits carbone et un retour à la forêt, mais je soulèverai à nouveau le problème du déplafonnement de la taxe de défrichement qui, de manière totalement incongrue, est plafonnée et ne revient pas à la forêt.
Enfin, si le ministre s'engage ce soir sur les 40 millions du TO-DE, émettons-nous un avis favorable ?
Je veux à mon tour féliciter les trois rapporteurs.
En premier lieu, lors de récentes auditions, les responsables de la filière colza nous ont dit que celle-ci risquait d'être très vite démantelée avec l'ouverture de la raffinerie de la Mède. Avez-vous abordé cette question ?
Je partage complètement l'idée émise à propos du dispositif TO-DE : on a besoin de main-d'oeuvre. Je trouve très intéressant de réaffecter la taxe carbone au repeuplement de la forêt. On a un des plus gros massifs forestiers européens. Si on n'investit pas, on aura essentiellement des taillis.
En ce qui nous concerne, nous voterons les amendements.
Émet-on un avis favorable sur le budget si le ministre accepte d'apporter 40 millions d'euros supplémentaires ? L'inverse serait à mon sens compliqué.
On est tous d'accord pour dire que le budget de l'agriculture n'est pas à la hauteur, mais si le ministre accède à nos demandes, la sagesse voudrait que l'on émette un avis favorable sur le budget. Je ne suis toutefois pas sûr qu'on ait ce plaisir...
La diminution conséquente de ce budget est essentiellement due à la suppression du TO-DE et à la baisse des réserves.
Il faudrait que le ministre nous garantisse que ce poste soit abondé, au-delà de la politique d'apurement, en cas de catastrophe naturelle dans le courant de l'année. À l'origine, les réserves servaient à cela.
Nous sommes tous bien conscients du manque d'ambition de ce budget. Il n'est en tout cas pas à la hauteur de l'agriculture que nous désirons. On le constate par rapport à la baisse budgétaire et au niveau de la PAC. La PAC concerne tout à la fois les agriculteurs, l'indépendance alimentaire, la santé, l'aménagement du territoire, l'emploi, la biodiversité. Si l'on veut mettre en place une politique ambitieuse, il faut s'en donner les moyens.
On a déposé un amendement sur le TO-DE et on essaie de rattraper les erreurs qui ont été faites, parce qu'on sait que si ce système n'est pas pérennisé, ce sont des filières entières qui vont disparaître. Tant mieux si le ministre nous répond favorablement, mais l'ambition demeure insuffisante.
Si le ministre répond favorablement, on pourrait émettre un avis favorable, mais l'adoption de la mission constitue une seconde étape. Nos amendements constituent de ce point de vue un point fort.
Le directeur général de l'alimentation nous a certifié que 40 ETP ne sont pas suffisants. Il en avait sollicité 80, voire davantage en cas de Brexit dur. 40 ETP pour réaliser un contrôle 24 heures pour 24 et sept jours sur sept, avec des personnels travaillant en trois huit, qui peuvent tomber malades et qui bénéficient de congés, ce n'est évidemment pas raisonnable. On peut imaginer sans peine que le nombre de contrôles soit très largement insuffisant. Je ne veux pas vous faire peur, mais j'attire votre attention sur ce point, qui me semble très important.
Ce rapport apparaît comme une première étape. Il nous restera, en fonction de nos amendements, à nous positionner pour la suite.
S'agissant de la question des zones piémont, le Gouvernement assure aujourd'hui que rien n'est modifié.
Deuxième élément : dans les zones défavorisées, 3 800 agriculteurs sont perdants, concentrés sur des départements tel que le Gers, l'Aude et les Deux-Sèvres.
Sur 20 millions d'euros, ce sont 15 millions d'euros pour les bénéficiaires entrants et 5 millions d'euros pour compenser le dispositif de suppression de cette aide pour les autres agriculteurs. En clair, cela signifie une augmentation du zonage avec un budget légèrement plus élevé. Beaucoup de ceux qui touchent l'ICHN vont la conserver telle qu'elle est dans les zones les plus touchées, mais certains vont la voir diminuer. 1 293 communes vont la perdre. Les entrants toucheront une ICHN en proportion de l'endroit où ils se trouvent. Il s'agit des zones les plus basses. Les sommes ne vont donc pas être très importantes.
Concernant la filière colza, on ne produit pas de canne à sucre en France - excepté dans les îles -, pas plus que d'huile de palme. Si l'on veut favoriser les activités liées aux oléagineux et aux protéagineux destinés aux biocarburants, on ne peut « en même temps » continuer à faire entrer par bateaux entiers l'huile de palme qui favorise la déforestation dans certains pays.
L'Assemblée nationale a voté un amendement d'un député du Modem excluant l'huile de palme de la définition de biocarburants à partir de 2021, contre l'avis du Gouvernement.
Quant au CASDAR, on pourrait émettre un avis défavorable, mais s'en remettre à la sagesse du Sénat permet à chaque groupe politique de s'exprimer et d'avoir la possibilité de voter contre. Ce n'est pas un avis positif. Ce qui est dit à propos des évolutions du CASDAR n'est pas du tout satisfaisant, nous en convenons.
Enfin, il est extrêmement ennuyeux, après la loi EGALIM, de voir tous ces accords qui vont arriver les uns derrière les autres - CETA, MERCOSUR, Australie, Nouvelle-Zélande, etc. - qui vont peser en termes de concurrence et qui ne correspondent pas à ce qu'on demande aux agriculteurs français. Cela devient schizophrénique !
En matière de biocarburants, il existe deux filières, le substitut à l'essence et le substitut au diesel. Il ne faut pas opposer les deux, qui ont toute leur place, notamment en France, qui est un gros producteur d'éthanol au travers de la betterave et du blé. On le sait bien dans le Grand Est.
Par ailleurs, la filière biodiesel connaissant actuellement une certaine difficulté, on ne peut que se réjouir de l'amendement évoqué par Mme la présidente. Il faut aussi accroître les débouchés du biodiesel. Nous sommes nombreux à nous mobiliser sur la question. On a connu l'année dernière une belle réussite en matière de flotte captive et de biocarburant 100 % végétal.
Je pense qu'il faut aller plus loin, notamment concernant le chauffage, etc. Étant donné la crise que connaît la fiscalité écologique, une incitation forte en faveur de ces deux filières ferait véritablement sens, en particulier s'agissant du biodiesel, actuellement en difficulté.
Je comprends que l'on défende l'agriculture française et que l'on veuille maintenir les débouchés, mais on pourrait trouver des arguments plus rationnels, surtout quand on sait comment un certain nombre de pays produisent aujourd'hui l'huile de palme : la déforestation existe depuis 1900 et la plupart des pays ne développent de nouvelles plantations que sur des zones agricoles qui ne peuvent être utilisées à autre chose.
N'utilisons pas des arguments « écolos » qui ne sont pas réels !
Pour ma part, je déposerai un amendement de suppression, même si c'est sans grand espoir ! J'en ai assez d'entendre des gens qui ne sont jamais allés sur le terrain et qui ne savent pas ce qui s'y passe dire n'importe quoi.
La volonté de notre commission est plutôt de favoriser nos productions de colza - mais on peut entendre votre réaction.
Nous allons passer au vote des amendements...
L'amendement AFFECO-1 répond à la problématique de la direction générale de l'alimentation (DGAL) concernant les 40 ETP, qui servent aux contrôles aux frontières des denrées alimentaires en matière de règlementation sanitaire. La DGAL en demandait 80 et non 40. Il s'agit donc d'un amendement destiné à remonter ce chiffre de 40 à 80, en adaptant les crédits nécessaires pour ce faire.
La commission approuve l'amendement AFFECO-1 modifiant les crédits des programmes.
L'amendement AFFECO-2 consiste à doubler le budget des projets alimentaires territoriaux, passant de 1 million d'euros à 2 millions d'euros, pour donner les moyens aux territoires de souscrire davantage de projets alimentaires territoriaux.
Je précise que mon intervention concernant le CASDAR était destinée aux membres de la commission des affaires économiques qui n'ont pas forcément connaissance de l'origine des fonds, qui sont constitués de taxes exclusivement payées par les agriculteurs.
Cette position nous met donc face à nos responsabilités s'agissant de l'utilisation de ces taxes, acquittées par les seuls agriculteurs, qui sont détournées de leur utilisation.
La commission approuve l'amendement AFFECO-2 modifiant les crédits des programmes.
L'amendement AFFECO-3 concerne la désertification vétérinaire en zone rurale. Il est particulièrement compliqué de pouvoir compter sur des vétérinaires prêts à se lever la nuit pour aider au vêlage, par exemple.
L'idée consiste à s'appuyer sur le tutorat, qui fonctionne parfaitement bien, 80 % des élèves s'installant en zone rurale.
La commission approuve l'amendement AFFECO-3 modifiant les crédits des programmes.
Le vote sur l'avis est suspendu jusqu'à l'audition du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, qui se tient plus tard le même jour.
Je suis chargée de vous présenter les crédits relatifs au logement c'est-à-dire :
- le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » ;
- le programme 109 « Aide à l'accès au logement » ;
- et le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat ».
Le Gouvernement a présenté l'an dernier sa stratégie quinquennale en matière de logement qui s'est concrétisée sur le plan législatif par l'adoption de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) adoptée définitivement et qui va être promulguée, le Conseil constitutionnel ayant rendu sa décision jeudi 15 novembre par laquelle il a censuré uniquement des cavaliers et déclaré conformes les dispositions relatives aux normes d'accessibilité des logements et à la loi Littoral. Cette stratégie s'est également traduite sur le plan budgétaire par une baisse significative des crédits dès 2018 résultant de la mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS) permettant une économie en matière d'aides personnelles au logement (APL) de 800 millions d'euros. Pour atteindre 1,5 milliard d'euros d'économie, une augmentation du taux de TVA a été décidée en complément. Ce n'était pas forcément la bonne solution mais c'était la plus acceptable par les bailleurs sociaux. Nous aurons de nouveau un débat l'an prochain lorsque la RLS s'appliquera seule pour un montant d'1,5 milliard d'euros.
Pour la deuxième année consécutive, les crédits des trois programmes « logement » diminuent de 7,7 %, pour atteindre 15,2 milliards d'euros.
Les députés ont adopté plusieurs amendements modifiant le montant des crédits (environ 23 millions d'euros) sans que cela ne modifie les grands équilibres. Dans le reste de mon intervention, je citerai les crédits issus du projet de loi initial.
Le programme 177 regroupe les crédits de la politique d'hébergement d'urgence. Après plusieurs années d'augmentation, ces crédits diminuent de 4,7 % en autorisations d'engagement et 3,8 % en crédits de paiement en raison d'une mesure de périmètre.
En effet, par souci de sincérité budgétaire et je le porte au crédit du Gouvernement, 118,7 millions d'euros destinés au financement du centre d'hébergement d'urgence des migrants d'Ile-de-France (CHUM) et du centre provisoire d'hébergement des réfugiés d'Ile-de-France sont transférés vers la mission « Asile et immigration ».
Les députés ont adopté un amendement du Gouvernement visant à augmenter les crédits du programme 177 de 20 millions d'euros. Il s'agit d'un transfert de crédits du programme 304 « inclusion sociale et protection des personnes » dédiés à l'adaptation des centres d'hébergement aux familles.
À périmètre constant, les crédits du programme 177 augmentent de 1,3 % en autorisations d'engagement et de 2,2 % en crédits de paiement.
Depuis plusieurs années, on constate une sous-budgétisation des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence.
2018 n'échappe pas à la règle même si les crédits qui ont été ouverts dans le collectif budgétaire sont moindres en comparaison des sommes ouvertes les années précédentes et atteignent 60 millions d'euros auxquels il faut ajouter 96 millions d'euros en intervention de gestion. Ce sont ainsi 2,1 milliards d'euros qui devraient être consommés en 2018.
Comme il l'avait annoncé l'an dernier, le Gouvernement a engagé une rationalisation des coûts dans le secteur de l'hébergement d'urgence. Il a ainsi instauré des tarifs plafonds pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) afin de favoriser la convergence tarifaire des établissements.
Cette mesure doit permettre des économies de l'ordre de 2 %. 613,8 millions d'euros de crédits sont ainsi fléchés vers les CHRS.
En outre, plusieurs mesures permettant une restructuration du secteur de l'hébergement d'urgence ont été adoptées dans la loi ELAN : passage sous statut, obligation de conclure un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM).
Bien que des efforts de sincérité budgétaire soient réalisés et que des mesures de rationalisation des coûts aient été mises en place, je m'interroge sur une possible sous-évaluation des crédits du programme pour plusieurs raisons.
Premièrement, les crédits de paiement sont fixés à un niveau inférieur à ce qui devrait être consommé en 2018 et la pression sur le parc d'hébergement demeure tendanciellement à la hausse.
Deuxièmement, l'augmentation des crédits de la veille sociale ne paraît pas suffisante. S'ils sont en augmentation de 6,2 % pour atteindre 134,3 millions, néanmoins, au regard des crédits consommés en 2017, l'augmentation doit être relativisée et s'approche d'1,8 %. Or, ces crédits sont censés couvrir de nouvelles dépenses : prise en compte de l'augmentation des flux, prise en charge et orientation de publics spécifiques ou encore développement de maraudes professionnalisées.
Troisièmement, les crédits dédiés à certains dispositifs de logement adapté, comme l'intermédiation locative, ne paraissent pas en adéquation avec les objectifs de création de place affichés par le Gouvernement.
On ne peut donc exclure une insuffisance de crédits pour 2019.
Dans le cadre du plan en faveur du logement d'abord, qui me paraît être un bon plan à condition d'y mettre les moyens, le Gouvernement poursuit ses efforts pour limiter le recours aux nuitées hôtelières et pour accroître le nombre de places de logement adapté.
325 millions d'euros sont fléchés vers le logement adapté, soit une augmentation de 3,6 %. L'accent est mis sur l'intermédiation locative et les pensions de famille. Les objectifs de création de places paraissent très ambitieux : 8 850 places en intermédiation locative contre 5 892 en 2018 ; 2 300 places en pensions de famille contre 1 300 en 2018.
Enfin, les conditions et les moyens de l'accompagnement à l'hôtel et dans les centres d'hébergement d'urgence demeurent plus que jamais un sujet prégnant. Une sortie plus rapide vers le logement abordable ne sera possible qu'à la condition que la personne soit accompagnée et qu'elle bénéficie de véritables mesures sociales. Si on peut adhérer au plan en faveur du logement d'abord, cela suppose néanmoins des moyens qui permettent d'accompagner la personne pour qu'elle sorte de l'hébergement d'urgence vers le logement abordable et qu'elle puisse rester dans ce dernier. Dès lors, je m'interroge sur l'impact des mesures de rationalisation des coûts mises en place par le Gouvernement dont les premiers effets ont semble-t-il conduit à une diminution de la masse salariale des établissements.
L'article 74 sexies introduit par les députés prévoit la remise au Parlement, avant le 1er septembre 2019, d'un rapport analysant « la pertinence du financement des CHRS via la seule mission budgétaire cohésion des territoires, compte tenu des enjeux relatifs à l'accompagnement social des personnes hébergées ». Je suis plutôt circonspecte sur les demandes de rapports. Néanmoins, ce rapport pourrait amener le Gouvernement à réfléchir aux moyens que l'État apporte en matière d'accompagnement des personnes hébergées et à l'opportunité de créer une ligne budgétaire spécifique. J'y suis favorable encore faut-il qu'il soit remis...
Pour l'ensemble de ces raisons je vous propose de nous en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits du programme 177.
Le programme 109 « Aide à l'accès au logement », comprend essentiellement la contribution de l'État au financement du Fonds national d'aide au logement (FNAL).
En 2018, le Gouvernement a décidé l'application d'une réduction de loyer de solidarité (RLS) dans le parc social devant permettre une économie pour l'État de 800 millions d'euros en 2018 et 2019 et d'1,5 milliard d'euros en 2020. En complément pour atteindre 1,5 milliard d'euros d'économie en 2018 et 2019, le taux de TVA sur les constructions et réhabilitations de logements sociaux a été relevé à 10 %, cette mesure devant rapporter à l'État 700 millions d'euros.
Pour 2019, les crédits dédiés au financement des APL diminuent de 8 %, pour atteindre 13 milliards d'euros. Les députés ont relevé les crédits de 2,5 millions d'euros afin de couvrir le coût du rétablissement temporaire de l'aide à l'accession à la propriété et à la rénovation des logements situés en outre-mer. L'an dernier, nous nous étions fortement opposés à la suppression de l'APL-accession, dont le coût avoisinait les 50 millions d'euros, considérant qu'il s'agissait s'un très mauvais signal envoyé à l'accession à la propriété. Malgré les engagements du ministre en séance l'an dernier, le Gouvernement ne l'a pas maintenue. Le présent projet de loi de finances prévoit une APL-accession pour les outre-mer, nous aurions évidemment préféré que le dispositif soit rétabli pour la France entière.
Cette baisse des crédits procède pour partie d'économies résultant de mesures adoptées l'an dernier (70 millions d'euros pour la suppression de l'APL-accession, 126 millions d'euros pour le gel des barèmes et 26 millions d'euros pour le gel des loyers) et de mesures nouvelles. 910 millions d'euros résulte de la « contemporanéisation des ressources » c'est-à-dire le calcul des APL en fonction des ressources actuelles et non des ressources de l'année N-2. Le dispositif est certes plus juste mais il est complexe. Il pourrait n'être mis en place qu'en juillet 2019. Il faudra être attentif à l'accueil des usagers et à leur bonne compréhension de la mesure. Les économies seront-elles au rendez-vous ? Le ministre M. Julien Denormandie ne nous a pas répondu. Par ailleurs, 102 millions d'euros d'économie résulteront de la sous-indexation des paramètres de l'APL.
Les paramètres de la RLS ont été établis pour permettre une économie de 800 millions d'euros sur 11 mois. Ces paramètres n'étant pas modifiés, la RLS permettra 873 millions d'euros de baisse d'APL en 2019, soit une économie supplémentaire pour l'État de 73 millions d'euros. En outre, le rendement de TVA sur les constructions de logements sociaux devrait s'avérer plus favorable en 2019 et atteindre 850 millions d'euros.
Or, je rappelle que le coût de la RLS pour les bailleurs sociaux (830 millions d'euros en 2018 et 916 millions d'euros en 2019) est plus important que le montant des économies pour l'État.
En ne modifiant pas les paramètres de la RLS, je considère que le Gouvernement ne respecte pas ses engagements en termes de trajectoire financière (1,5 milliard d'euros de baisse d'APL dont 800 millions d'euros liés à la RLS).
C'est pourquoi je vous proposerai de rejeter les crédits du programme 109.
Quelques éléments des premiers effets de la RLS. Selon les premières informations et sans tenir compte des mesures de soutien, la RLS devrait conduire pour 2018, à une perte d'autofinancement net de 21 % et le nombre d'organismes en situation de fragilité passerait de 127 à 309 (+143 %) et celui en autofinancement négatif de 54 à 183 (+238 %).
La construction de logements sociaux devrait diminuer de 5 %. Les projections de la Caisse des dépôts et consignations ne sont guère optimistes puisque la Caisse conclut à une résistance du secteur moyennant « un repli substantiel » de la production de logements (-38 % d'ici 20 ans) et d'importants efforts en matière de charges d'exploitation.
La clause de revoyure annoncée par le Gouvernement lors du Congrès HLM de Marseille doit être l'occasion d'un bilan exhaustif des mesures d'économies prises l'an dernier et des mesures d'accompagnement, sur la situation des bailleurs sociaux mais aussi sur la construction et la réhabilitation des logements sociaux.
L'article 74 quinquies introduit par les députés prévoit la remise d'un rapport au Parlement avant le 1er septembre 2019 sur les conséquences de la RLS sur l'autofinancement et les capacités d'investissement des bailleurs sociaux. Je regrette que cette évaluation n'ait pas eu lieu l'an dernier avant l'adoption du dispositif. Bien que peu favorable aux demandes de rapport, j'estime que ce rapport permettra de présenter en toute transparence l'analyse du Gouvernement sur les conséquences de la RLS. Néanmoins, selon moi, l'analyse ne peut porter sur la seule RLS mais doit aussi porter sur l'impact de l'augmentation de la TVA. En outre, il doit s'agir d'une analyse des effets à court, moyen et long termes de ces mesures. Je vous proposerai un amendement en ce sens.
Pour les raisons précédemment indiquées, je vous propose de rejeter les crédits du programme 109.
J'en viens au programme 135 qui concerne notamment les aides à la pierre et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Ces crédits sont en baisse de 10 % en autorisations d'engagement et 7 % en crédits de paiement.
Depuis plusieurs années, les crédits budgétaires dédiés au financement des aides à la pierre diminuaient. Pour 2019, l'État se désengage définitivement du financement du Fonds national des aides à la pierre (FNAP). Les bailleurs sociaux, déjà mis à contribution avec la RLS et le nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), financeront la quasi-totalité des ressources du FNAP, en apportant 375 millions d'euros, le reste étant apporté par Action Logement qui est régulièrement sollicité par le Gouvernement pour financer les politiques de l'habitat.
Face à ce désengagement, je m'interroge sur la composition du conseil d'administration du FNAP qui comprend des représentants de l'État et des bailleurs sociaux à parité. Ne devrait-elle pas évoluer ?
Enfin, le FNAP, Daniel Dubois l'avait souligné lors de l'audition du ministre, est un établissement sans véritable pilote depuis la démission de son président il y a plus d'un an. C'est le directeur de la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) qui assure l'intérim. Cette situation est tout simplement inadmissible.
Sont également rattachés à ce programme un certain nombre de dépenses fiscales, comme le prêt à taux zéro et le dispositif d'investissement dit Pinel. Les dispositifs ont été reconduits jusqu'en 2021 avec des aménagements selon les territoires. Le Gouvernement n'a pas remis au Parlement les deux rapports relatifs au zonage du dispositif Pinel et du PTZ. C'est pour le moins regrettable.
Par ailleurs, l'article 74 bis introduit par les députés prévoit un nouveau dispositif d'investissement locatif dans le but d'encourager la rénovation des logements dans les centres-villes.
Le dispositif d'investissement locatif dit Pinel est ainsi étendu au logement acquis par le contribuable entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 et qui fait ou a fait l'objet de travaux d'amélioration. Ces travaux doivent représenter au moins 25 % du coût total de l'opération.
Le logement doit être situé « dans des communes dont le besoin de réhabilitation de l'habitat en centre-ville est particulièrement marqué, dont la liste est fixée par arrêté » et dans les communes signataires d'une convention d'opération de revitalisation de territoire (ORT). Le ministre M. Julien Denormandie a précisé que les 222 villes du plan « Action coeur de ville » seraient éligibles au dispositif.
Le gouvernement n'a pu nous indiquer le coût de la mesure en l'absence de prévisibilité du nombre de communes retenues. Je vous proposerai de donner un avis favorable à cette disposition.
En matière de copropriété, l'ANAH est appelée d'une part, à renforcer ses missions (maintien d'objectifs ambitieux du programme Habiter mieux ; doublement du nombre de logements adaptés dans le cadre de la perte d'autonomie pour atteindre 30 000 logements) et d'autre part, à jouer un rôle central dans la mise en oeuvre du plan « Initiative copropriétés ».
Ses ressources augmentent grâce à la remontée des cours du quota carbone qui constitue la principale ressource de l'agence.
Estimant que cette remontée des cours du quota carbone était durable, le Gouvernement a décidé d'ajuster le plafond de cette recette afin qu'il corresponde selon lui « au besoin effectif de l'agence » en le diminuant de 550 millions à 420 millions d'euros. Ce plafonnement obligera l'agence à puiser dans les recettes supplémentaires perçues en 2018. Il est regrettable de retirer une partie de ces ressources pour les rediriger vers le budget général. Il me semble qu'il aurait été plus judicieux de laisser à l'ANAH ces ressources supplémentaires et de mettre un coup d'accélérateur à la rénovation thermique des logements.
Par ailleurs, le Gouvernement relève de nouveau à 61 millions le plafond de la taxe sur les logements vacants. Le niveau du plafond fait le yoyo depuis plusieurs années. Un peu de stabilité et de cohérence seraient les bienvenues.
Le plan gouvernemental en matière de copropriété mobilisera 2,7 milliards sur 10 ans. 14 sites de priorité nationale ont été identifiés sans que l'on sache si la liste est ou non fermée. À la suite des effondrements d'immeubles et du drame qu'a connu Marseille, je crois nécessaire de créer un outil d'identification précis des copropriétés en difficulté. En effet, l'identification de ces copropriétés est faite à partir des remontées du terrain, des tiers, des locataires, des communes, du préfet. C'est un fléau dans nombre de nos régions. Il nous faut un outil d'identification plus opérationnel. Il me semble qu'une évaluation devrait être menée pour savoir si d'autres immeubles sont dans la même situation et si des mesures nouvelles doivent être prises en termes de lutte contre l'habitat indigne et de traitement des copropriétés dégradées.
En raison du désengagement de l'État du FNAP, je vous propose de donner un avis de sagesse sur les crédits du programme 135.
En conclusion, je vous propose de nous en remettre à la sagesse du Sénat sur les programmes 177 et 135 et de rejeter le programme 109. Je vous propose de donner un avis favorable aux articles 74 bis et 74 sexies rattachés à la mission et un avis favorable sous réserve de l'adoption de mon amendement à l'article 74 quinquies rattaché à la mission.
Merci madame le rapporteur, je pense qu'il va y avoir quelques prises de paroles fortes.
Au regard de l'importance des sujets qui composent ces programmes budgétaires, je remercie notre rapporteur pour sa présentation exhaustive et claire, qui permet de comprendre les enjeux qui sont devant nous. Si l'on prend le sujet de la réduction de loyer de solidarité (RLS), dont le montant a été fixé à 800 millions d'euros, on comprend que l'État récupère 300 millions d'euros de plus que l'objectif initial, une fois qu'on additionne toutes les mesures d'économie. Aussi, sans remettre en question la dynamique et la logique engagées par le Gouvernement, on pourrait à juste titre déposer un amendement pour laisser à 800 millions d'euros le prélèvement fait auprès des bailleurs sociaux qui correspond à l'objectif fixé par l'État pour 2018 et 2019. Cela permettrait que ces 300 millions supplémentaires soient utilisés au financement de la production de logements et de la rénovation du parc existant. Cela donnerait un peu de marge de manoeuvre aux bailleurs sociaux.
Concernant le calcul de l'APL sur la base des revenus actuels, je suis très inquiète. Les caisses d'allocation familiale (CAF) ont été réformées afin d'en réduire le nombre dans des départements très denses, où les demandes d'APL sont très importantes. Dans un département que je connais bien, mais c'est vrai ailleurs y compris en Île-de-France, il y avait huit CAF. Il n'y en a plus qu'une. La CAF doit souvent être fermée une journée par semaine pour écluser les dossiers en cours. Il faudrait que le ministre nous informe de l'état d'avancement de la mise en oeuvre du dispositif et des discussions en amont avec la CNAF. Quels moyens sont donnés aux CAF dans le budget de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ? Dans les territoires où l'on a recentré la gestion des prestations familiales, qui gère cette situation ? Il faut veiller à ce que les territoires soient en ordre de marche, afin de ne pas reproduire les erreurs commises lors de la réforme du paiement des retraites.
On voit que la RLS peut freiner la production et la rénovation de logements. J'ai interrogé les métropoles de ma région, pour voir l'effet sur les territoires « favorisés » de ce mécanisme. En 2018, sur un objectif de production de 2000 logements sociaux dans la métropole de Lille, on constate une réduction des constructions de 600 logements, alors même que le fait d'être dans une métropole devrait faciliter la construction de logements et devrait avoir un effet démultiplicateur. Je m'inquiète énormément car les bailleurs sociaux que l'on a mis en situation de ne plus avoir d'autofinancement sont les mêmes que l'on soit dans une métropole ou non. Quand bien même les bailleurs sociaux ont les moyens de trouver des financements, ils ont besoin d'avoir des fonds propres.
Enfin, on constate une diminution du nombre de logements financés par un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) et par un prêt locatif à usage social (PLUS) et une augmentation des logements financés par un prêt locatif social (PLS) ou un prêt locatif intermédiaire (PLI). Cela signifie que, dans des territoires où les bénéficiaires de l'APL relèvent de logements financés par des PLUS ou des PLAI, on vend du patrimoine massivement afin de constituer des fonds propres et pour sécuriser la possibilité de revente pour les bailleurs, on construit des logements financés par un PLS plus aisés à revendre qu'un logement financé par un PLUS ou un PLAI.
Enfin, le fait de repousser la clause de revoyure et l'évaluation pose de nombreux problèmes. Les chiffres concernant le nombre d'organismes à la limite de la banqueroute ou en autofinancement négatif sont alarmants. Cela veut dire que pendant ce délai supplémentaire, on risque de constater la disparition de bailleurs étranglés financièrement qui sont repris par des groupes. Le travail de redéfinition de la cartographie des bailleurs sociaux sera fait par la « sélection naturelle » des bailleurs et ce au mépris d'une véritable prise en compte des territoires et des bailleurs. Cette logique n'est pas favorable à l'aménagement du territoire mais bien au déménagement du territoire.
Je voudrais aborder quatre points. En premier lieu, je déplore que le budget 2019 s'inscrive dans la continuité du budget de 2018, au détriment de l'objectif de cohésion des territoires qui reste secondaire. Alors même que la Commission européenne vient d'appeler les pays européens à investir massivement dans le logement social afin de faire face à la pénurie de logements abordables -on a le plan d'Angela Merkel et celui de Theresa May-, on assiste en France à un véritable retrait de l'investissement public. La contraction des ressources des organismes HLM, leur restructuration à marche forcée ainsi que la vente contrainte de leur patrimoine vont sérieusement déstabiliser le secteur. On est bien loin d'un élan de l'offre promis par le ministre. Le coût du foncier ne cesse d'augmenter et aucune mesure n'est prévue pour enrayer ce phénomène.
Le deuxième point concerne les chiffres de la construction qui sont en baisse, soulevant la question de la capacité du secteur du logement social à absorber l'ensemble des réformes qui le concernent et la question des difficultés toujours croissantes des Français à accéder à un logement abordable qui réponde à leurs besoins. Je partage le point de vue de Jean-Louis Borloo, exprimé dans son rapport, qui considère que la Nation devrait consentir à cet effort, constitutif de notre République, pour rétablir une équité d'accès au logement. On le voit aujourd'hui avec les gilets jaunes, la situation est très inquiétante pour notre pays. Si la production de logements neufs est en repli pour 2018, on va dans le mur en 2020. Il ne faut pas attendre. Nous soutiendrons l'amendement proposé par la rapporteure. J'ai par ailleurs entendu ce matin le ministre Julien Denormandie vouloir en finir avec les zones tendues, pourtant nous n'avons toujours pas vu le rapport sur l'analyse des zonages que le Gouvernement devait livrer pour le 1er septembre. Nous désirerions en savoir davantage.
Concernant les aides personnelles au logement, qui représentent le principal poste budgétaire, le Gouvernement poursuit la baisse des APL en 2019, via leur sous-revalorisation et la mise en place du mécanisme de contemporanéisation des ressources. Je rappelle que la sous-valorisation concerne l'ensemble des prestations sociales et représente 3,5 milliards d'euros d'économie. 900 millions d'euros d'économie résulteront de la contemporanéisation des ressources. Je voudrais également attirer l'attention sur le risque de contraction de revenus lié à la combinaison de la réforme du calcul de l'APL et du prélèvement à la source. Quelqu'un n'ayant pas travaillé jusqu'au premier novembre, en janvier ne touchera plus l'APL qu'il pensait avoir car il aura trouvé un travail entretemps et se verra appliquer la retenue de l'impôt sur le revenu immédiatement effective. Nous allons assister à des cas très douloureux de familles et de ménages.
Je veux également pointer le désengagement total de l'État sur le financement des aides à la pierre, désengagement qui est complètement assumé et qui laisse aux collectivités territoriales, aux bailleurs sociaux et à Action Logement le soin de s'en charger.
Enfin, sur les enjeux de rénovation, bien que les ressources de l'ANAH soient conservées entre 2018 et 2019, et que l'objectif affiché est de 500 000 logements construits ou rénovés, le chantier de la rénovation thermique a pris beaucoup de retard et aucune mesure de prévention des copropriétés dégradées n'est prévue dans la loi ELAN, ce qui est problématique au moment où des ventes massives d'HLM sont prévues. Le relèvement du seuil de 20 à 50 salariés pris en considération pour le versement de la participation des employeurs à l'effort de construction conduit à une perte de ressources pour Action Logement. On donne une subvention à Action Logement qui est compensée par une taxe sur les assurances emprunteurs, alors que je pensais qu'on n'allait plus créer de nouvelle taxe.
Nous voterons donc contre le budget logement.
Sur la question des copropriétés dégradées, si le Gouvernement a voté une stratégie d'intervention d'un plan de trois milliards sur 10 ans, notre groupe regrette l'absence de mesure dans la loi ELAN pour éviter la dégradation des copropriétés, notamment suite aux ventes de HLM. Nous pensons qu'un travail de prévention est nécessaire et pas seulement de rénovation. Mon deuxième point porte sur le rendement budgétaire des mesures d'économies votées l'an dernier. Il est estimé à 1,7 milliard d'euros qui se décompose ainsi : la RLS va permettre à l'État de réduire sa dépense budgétaire de 870 millions d'euros en 2019, et le rendement du relèvement de 5 % à 10 % du taux de TVA est estimé à 850 millions d'euros. Cela dépasse le montant attendu qui était fixé à 1,5 milliard d'euros. Un amendement avait été déposé lors de l'examen du PLFSS pour réajuster ce montant, mais il n'était pas recevable. J'ai interrogé le ministre sur ce réajustement qui ne m'a pas répondu, ce que je regrette.
Je voulais faire une observation sur le FNAP : c'est l'argent qui vient des pauvres qui sert à financer le logement des pauvres, ce qui pose un vrai problème d'éthique dans notre société.
Le plafonnement des ressources de l'ANAH est inadmissible d'autant plus que l'abaissement du plafond des aides à 50 % des travaux est problématique pour de nombreux ménages qui vivent dans des territoires ruraux et qui ont besoin de ces aides car leur logement est une véritable passoire énergétique. Pour réhabiliter énergétiquement leur logement, une prise en charge de 50 % ne suffira pas. On l'a vu par le passé : les aides atteignaient 70 % ou 80 %, avec le soutien des collectivités locales. Or, les ressources de ces dernières diminuent et elles ne pourront continuer à contribuer ainsi à la rénovation thermique.
Enfin, de nombreux dispositifs de soutien à la construction de logement sont supprimés ou affaiblis : le prêt à taux zéro (PTZ), qui devait être supprimé en 2021, est maintenu mais avec une quotité divisée par deux pour les territoires détendus ; l'APL-accession est supprimée, la taxe d'habitation est supprimée également. Aujourd'hui, construire du logement locatif sur des territoires ruraux présente un intérêt économique moindre. L'intervention des organismes HLM n'avait bien souvent lieu qu'à la condition d'obtenir une aide par les collectivités territoriales. L'article 74 bis prévoit une aide fiscale pour le logement ancien dans les centres-bourgs. Or la liste de ces derniers est fixée par décret ou par arrêté, et l'on a bien compris que les territoires ruraux n'en feront pas partie. Aussi je vous fais part de mon extrême inquiétude concernant la production de logement au niveau national, et plus particulièrement sur les territoires ruraux. L'État veut continuer à piloter le logement sans mettre les moyens de son intervention et les politiques du logement, et celles concernant l'insertion et les familles en difficultés, vont de fait être transférées aux régions, aux territoires et aux organismes HLM eux-mêmes.
Je partage les propos de Daniel Dubois. L'ANAH est un vrai sujet. Je soutiens l'ajout de l'évaluation de l'impact de la TVA sur les bailleurs sociaux proposé par l'amendement de la rapporteure.
La question du logement renvoie directement à celle du pouvoir d'achat, dont on sait ô combien elle préoccupe nos concitoyens. Je ferai donc deux remarques : le patron de NEXITY a alerté sur les impacts de la politique du logement, témoignant d'une crainte de l'inversion de la courbe de production - crainte qui commence à être confirmée. Sans développer et en reprenant les propos de mes collègues, je souhaiterais néanmoins que sur la question de l'accession, de la production et de la rénovation du logement, nous disposions d'une étude spécifique. Je voterai l'amendement sur le rapport, mais il faudrait s'emparer de cette question et faire nous-même ce travail, en exigeant des administrations les informations demandées.
Soit on accepte ce boisseau mis par les administrations centrales sur le pouvoir législatif, soit nous considérons que le Parlement a un vrai rôle à jouer. Il nous appartient de faire plier ces administrations centrales, qui ont pris l'habitude de s'affranchir du politique à travers leur ministre et plus généralement de la terre entière et du Parlement, y compris en allant jusqu'à la commission d'enquête.
Concernant les crédits de l'ANAH, certes il y a une augmentation, mais l'ANAH va être mise à contribution avec les opérations de revalorisation des centres-villes. Où sont les 5 milliards prévus pour les opérations dans les centres-villes et centres-bourgs ? Je n'arrive pas à les trouver. Il faut démêler dans ce budget ce qui relève de l'effet d'annonce et de la réalité des chiffres.
Il y a une immense inquiétude dans le secteur du bâtiment : les constructions de logements baissent très sensiblement, alors que le secteur reprenait tout juste du souffle. On risque de mettre en difficulté cette filière française. On voit que la part mise à la vente avant le début des travaux explose : si elle était en moyenne de 20 % auparavant, aujourd'hui elle monte jusqu'à 50 %, voire 70 % avant de commencer les travaux. Par exemple, où en est l'idée de la baisse de la TVA sur les logements de centre-ville ? De tels outils sont nécessaires pour revitaliser nos centres-villes et centres-bourgs.
Enfin, la taxation de l'assurance emprunteur est scandaleuse. Les familles pouvaient faire jusqu'à 13 000 euros d'économies sur les commissions prises par les banques sur l'assurance. Il ne faut pas les fiscaliser.
L'amendement concernant l'ajustement des mesures d'économies est contraire à l'article 40 de la Constitution, ce qui le rend irrecevable.
Concernant la contemporanéité des aides, les défis techniques et humains de leur mise en oeuvre laissent planer le doute sur le fait d'atteindre 910 millions d'euros d'économies.
À propos des logements financés par des PLAI et des PLUS, le choix de se tourner davantage vers les logements financés par des PLS concerne les communes ayant déjà atteint les objectifs de la loi SRU. Pour les autres, on voit bien que les objectifs sont tenus, voire dépassés, en PLAI et en PLUS, qui sont les logements dont on a le plus besoin.
Concernant la clause de revoyure, le ministre s'est engagé à un retour fin février. La Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) et l'Union sociale pour l'habitat (USH) nous ont assuré que des groupes de travail ont été constitués dans la perspective de cette clause.
Les 5 milliards prévus pour les opérations de centre-ville n'étaient pas issus exclusivement de l'ANAH. Il s'agit d'un budget global qui comprend des contributions d'Action Logement, de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ainsi que des recyclages de crédits de l'ANAH.
Concernant les remarques de M. Marc Daunis, je laisserai la présidente répondre, mais il y a effectivement un réel sujet. Le fait que les rapports ne soient pas donnés à la date voulue - c'est le cas pour le zonage du PTZ et du dispositif Pinel - est extrêmement préjudiciable.
Enfin, il faut s'interroger sur les conséquences de ces mesures d'économies sur la situation des collectivités territoriales qui garantissent les emprunts des bailleurs sociaux. Nous devons nous doter d'un outil permettant de mesurer les conséquences de ces économies, notamment sur les bailleurs sociaux. Jusqu'à présent, les garanties d'emprunt étaient demandées mais elles ne jouaient jamais. Alors avec les difficultés que peuvent rencontrer les bailleurs sociaux aujourd'hui, de telles garanties pourront être mises en jeu. Je souscris à vos nombreuses remarques.
L'amendement AFFECO.1 est adopté.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits des programmes 177 et 135. Elle émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 109. Elle émet un avis favorable à l'adoption des articles 74 bis et 74 sexies. Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 74 quinquies sous réserve de l'adoption de l'amendement de la rapporteure.
Il me revient de vous présenter les crédits du programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires ».
Dans son rapport remis au Premier ministre le 26 avril 2018, Jean-Louis Borloo a dressé un état des lieux sans concession de la situation des quartiers et préconisé 19 axes d'actions à mettre en oeuvre. Si les propositions du rapport n'ont pas été exploitées à leur juste valeur, le rapport a néanmoins eu le mérite de remettre en avant l'importance de la politique de la ville.
Le Gouvernement a élaboré une feuille de route, présentée le 18 juillet 2018, qui comprend 40 actions en matière de mixité sociale, de renouvellement urbain, de formation et d'insertion professionnelle, de sécurité ou encore d'éducation.
En matière budgétaire, les crédits du programme 147 « politique de la ville » augmentent pour 2019 de 57 % en autorisations d'engagement et de 19,7 % en crédits de paiement, en raison de la hausse des crédits dédiés aux actions en direction des quartiers prioritaires et des crédits de l'État destinés au financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU). C'est une hausse importante des crédits mais je vous proposerai de nous en remettre à la sagesse du Sénat car ces crédits supposent des cofinancements des associations et des collectivités qui sont exsangues.
Les crédits de l'action 1 « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » augmentent de 25,6 %. Ils regroupent les crédits destinés aux quartiers prioritaires dans le cadre des contrats de ville et les crédits des dispositifs spécifiques.
Les premiers augmentent de 26,4 %. Cette augmentation bénéficie principalement aux actions du pilier « cohésion sociale ». 173 millions d'euros lui sont dédiés. L'accent est mis sur l'éducation et le lien social.
Les 49 millions d'euros de crédits supplémentaires permettront de financer des mesures de parrainage, des cordées de la réussite, des moyens supplémentaires pour les associations nationales (15 millions d'euros). Ils seront également dédiés au financement d'une aide aux communes pour la création de postes d'agents territoriaux spécialisées des écoles maternelles -ATSEM- (22 millions d'euros) mais aussi au doublement (760 à 1520) des postes Fonds Jeunesse et Éducation populaire - FONJEP et leur revalorisation tarifaire. Je crains qu'une partie de ces crédits ne soit pas consommée, faute pour les associations et/ou les collectivités territoriales d'être en capacité d'apporter les crédits complémentaires nécessaires alors qu'elles sont exsangues.
J'en viens aux crédits relatifs aux dispositifs spécifiques - adultes-relais et programme de réussite éducative. Ils augmentent fortement aussi.
80 millions sont destinés à financer le programme de réussite éducative pour 2019, soit une augmentation des crédits de 17 %. Il faut remonter à 2010 pour connaître un montant plus élevé.
Je m'interroge sur le montant retenu au regard du montant des crédits exécutés en 2017 - 60 millions. Je rappelle que les années précédentes le Gouvernement avait justifié une baisse de ces mêmes crédits pour les aligner sur le montant des crédits exécutés.
Cette augmentation doit financer les « cités éducatives » dont j'avoue ne pas avoir encore perçu l'utilité ni la différence avec les programmes de réussite éducative (PRE). Les cités vont coordonner toutes les structures alors que c'est pour moi le rôle des PRE. Je ne vois pas l'intérêt d'avoir une deuxième structure.
S'agissant des adultes-relais, les crédits augmentent de 31,2 % pour atteindre 84 millions. Il s'agit de financer 1000 postes supplémentaires. Or, je rappelle les difficultés de recrutement sur ces postes. Le taux de vacance atteint 17 %.
Ici encore, le montant retenu pour 2019 est très élevé au regard du montant des crédits consommés en 2017 qui atteignaient 60 millions. Sur les dix dernières années, le dispositif n'en a pas consommé plus.
Je m'interroge d'autant plus sur cette augmentation que le Gouvernement a depuis 2012 diminué chaque année le montant des crédits dédiés à ce dispositif.
Je rappelle que ces dispositifs supposent des cofinancements de la part des associations et/ou des collectivités territoriales. Or, dans le contexte actuel, il n'est pas certain que ces derniers puissent apporter leurs concours financiers, ou du moins des financements à la hauteur de l'effort consenti par l'État.
Un mot de la dotation Politique de la ville qui fait l'objet d'aménagements pour la troisième année consécutive. Seront éligibles les communes ayant un quartier d'intérêt régional. Je constate surtout que le nombre de communes éligibles sera déplafonné. Il en résultera une diminution du montant de la dotation par habitant de façon limitée et ponctuelle selon le gouvernement.
Je note également que l'État a pris des engagements dans le cadre du Pacte de Dijon. France urbaine va relancer les ministres régaliens pour le mettre en oeuvre. Nous verrons bien comment l'État va mobiliser son droit commun. Nous avions constaté dans notre rapport avec Valérie Létard qu'on avait peu avancé sur ce sujet.
Ces engagements seront introduits lors de la révision des contrats de ville l'an prochain. Les députés ont décidé de prolonger les contrats de ville jusqu'en 2022. Je regrette ce choix qui conduira de nouveau à déconnecter les contrats de ville des mandats municipaux, à rebours du choix effectué lors de la loi Lamy.
J'en viens au NPNRU. Chacun a pu le constater, nous avons perdu au moins une année en raison :
- de la décision du Gouvernement d'instaurer la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui a conduit les bailleurs sociaux à suspendre leur engagement dans le financement du NPNRU ;
- puis des incertitudes résultant en début d'année de l'avant-projet de loi PACTE et des effets pour Action Logement du relèvement du seuil de 20 à 50 salariés pour l'assujettissement des entreprises à la participation des employeurs à l'effort de construction prévu dans ce texte. L'État s'est engagé à compenser les 300 millions d'euros manquants, malheureusement en augmentant le coût des crédits emprunteurs.
Le NPNRU semble enfin redémarrer. Je regrette ce temps perdu et si on peut se féliciter de la multiplication des signatures de conventions, je crains néanmoins que les grues ne soient pas présentes dans les quartiers avant 2020.
Je tiens à saluer les réformes de fonctionnement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) que nous avions préconisé avec Valérie Létard : le rééquilibrage de son conseil d'administration -j'espère que cette réforme sera rapidement mise en oeuvre- et les modifications du règlement financier qui permettront un meilleur financement des opérations, notamment des démolitions.
Si l'État finance un milliard sur les dix milliards destinés au NPNRU, pour 2019, il a inscrit 185 millions d'euros en autorisations d'engagement mais seulement 25 millions d'euros en crédits de paiement, limitant sa contribution aux seuls besoins de décaissement de l'ANRU. Je rappelle que le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait lancé un plan d'urgence. L'État pourrait faire de même ce qui permettrait de réaliser les équipements par exemple.
Le présent projet de loi de finances acte la participation des bailleurs sociaux au financement du NPNRU, pour un montant de 2,4 milliards d'euros. C'est l'objet de l'article 74 pour lequel je vous proposerai de donner un avis favorable.
Les retards pris dans la mise en oeuvre du NPNRU ont permis à l'ANRU de ne pas rencontrer de problèmes de trésorerie. Néanmoins, la mise en place du dispositif d'opérations pré-conventionnées qui permet de lancer certaines opérations consensuelles sans attendre la signature des conventions comme les démolitions, pourrait conduire à une accélération des rythmes de paiement ce qui aura un impact plus ou moins important sur la trésorerie de l'agence, auquel il conviendra d'être attentif.
Je voudrais attirer votre attention sur l'impact sur le NPNRU des récents choix gouvernementaux en matière d'habitat, je pense à la RLS mais aussi à l'intégration de l'EPARECA au sein de la future Agence nationale de cohésion des territoires. L'agence va devoir coordonner le CEREMA, l'ANRU, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Je crains qu'elle ne soit qu'une usine à gaz alors qu'elle aurait dû être une « ANRU bis » tournée vers la ruralité. Que se passera-t-il si l'ANCT n'est pas d'accord avec l'ANRU ?
L'EPARECA joue un rôle essentiel dans le cadre des opérations de renouvellement urbain pour traiter la question des commerces. Il faut être attentif à l'impact de ces deux réformes.
Je voudrais terminer en abordant la question de l'emploi des habitants des quartiers prioritaires. L'emploi doit être une priorité.
Les crédits pour l'emploi prévus par le programme 147 augmentent dans une moindre proportion (+2,8 %) que les crédits dédiés à l'action sociale ce qui est particulièrement regrettable à l'heure où le chômage des jeunes repart à la hausse dans les quartiers.
Les mesures mises en oeuvre l'an dernier, réforme des contrats aidés et expérimentation des emplois francs notamment, n'ont pas produit les effets escomptés sur l'emploi dans les quartiers.
En matière d'emplois francs, je constate que les résultats sont très loin des objectifs fixés par le Gouvernement. Au 16 septembre 2018, 1 980 demandes d'emplois francs ont été transmises à Pôle Emploi et 1 528 ont été acceptées. Je ne soutenais pas le dispositif lorsque le précédent Gouvernement l'avait mis en oeuvre, je ne le soutiens pas plus maintenant. L'objectif est fixé à 25 000 emplois francs. C'est de l'argent qui ne sera pas dépensé.
Une des explications de cette faiblesse du nombre d'emplois francs résiderait dans le nombre limité de territoires choisis qui ne permet pas de mener une politique nationale de communication pour valoriser ces emplois.
Je regrette que le Gouvernement préfère attendre la fin de l'expérimentation, et ainsi perdre une année, avant de corriger le dispositif.
Le nombre de contrats aidés dans sa nouvelle version (parcours emploi compétences- PEC) est en très forte diminution. Ainsi, alors qu'environ 291 000 contrats aidés étaient prescrits en 2017, on constate une baisse de 46 % du nombre de contrats aidés programmés entre 2017 et 2018. Pour 2019, le projet de loi de finances prévoit 100 000 PEC.
Une moindre prise en charge et l'aspect plus contraignant du dispositif expliquent la diminution du nombre de PEC réalisés, les associations ayant plus de difficultés à embaucher les personnes dans ces nouvelles conditions.
L'augmentation du nombre d'adulte-relais ne pourra compenser la baisse du nombre de contrats aidés.
Les critères du nouveau dispositif ont laissé de côté les personnes « employables rapidement » tout en n'étant pas adaptés aux personnes les plus éloignées de l'emploi qui nécessitent un temps d'accompagnement plus long que l'année prévue pour les PEC.
Je déplore le fait que tous les préfets n'aient pas jugé opportun de moduler l'aide allouée aux contrats aidés pour soutenir leur déploiement dans les quartiers.
Enfin, un mot des missions locales. Réduire le taux de chômage des quartiers suppose la mise en place d'actions de proximité en direction des habitants de ces quartiers, ce que ne permet pas l'organisation de Pôle Emploi.
Les missions locales accompagnent plus 200 000 personnes habitant un quartier prioritaire. Leur bilan est plutôt positif. Le Gouvernement a avancé l'idée d'un rapprochement à titre expérimental entre Pôle Emploi et les missions locales. C'est une erreur majeure d'appréciation. En effet, Pôle Emploi n'a bien souvent ni le temps pour aller chercher les jeunes dans les quartiers, ni le temps de les accompagner dans la durée.
Il n'y a plus d'accompagnement social. Les missions locales font partie de ces corps intermédiaires qui amortissent les revendications sociales, telles celles des gilets jaunes. Je suis très inquiète de la situation actuelle. Les deux morts résultant des barrages des gilets jaunes ne sont pas faits pour me rassurer. On a des élus qui connaissent le terrain. Or, certains maires ne veulent plus l'être car il y a beaucoup de violences. Il faut faire attention à cet accompagnement des associations. 25 000 d'entre elles ont disparu en un an.
En conclusion, je vous propose de donner un avis de sagesse sur les crédits du programme 147 et un avis favorable à l'article 74 qui est rattaché à la mission « Cohésion des territoires ».
Le programme 147, avec ses 85 millions d'euros d'augmentation, correspond de façon presque exemplaire à ce qui a été annoncé en juillet 2018 dans le plan de mobilisation, et c'est à saluer. Mais notre groupe s'en tiendra à une position de sagesse également, considérant que c'est tout à fait insuffisant s'agissant des différents points de ce programme.
Nous partageons complètement les analyses et les inquiétudes de la rapporteure. La baisse très forte des emplois aidés dans les quartiers a été un véritable choc. Combien d'associations ont disparu ?
Je suis très inquiet de ce qui va se passer dans les quartiers. Le manque d'attention du Gouvernement en matière d'accompagnement social est une erreur. Les inégalités sont tellement fortes dans ces quartiers. Des jeunes pouvaient grâce aux emplois aidés retrouver un emploi au terme d'un parcours un travail. Aujourd'hui, on n'a plus grand-chose à leur proposer. Concernant les emplois francs, cela ne marche pas, et ça n'est pas nouveau. Mais on peut s'inquiéter d'une nouveauté : il y a de plus en plus de crédits prévus dont on sait qu'ils ne seront pas dépensés.
J'ai le sentiment de vivre un moment un peu particulier dans cette commission, car on voit, quelles que soient nos sensibilités, une convergence de vue sur l'intérêt de notre pays. Cela montre une prise de conscience partagée sur l'essentiel, mais aussi la gravité de la situation. Il y a un sens dans ce que l'on fait, Madame la présidente.
Je pense que c'est la nature même du Sénat d'avoir un lien fort avec les territoires et de savoir ce qui fonctionne ou non. Au-delà même de nos divergences de convictions politiques, nous partageons cette réalité du terrain.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat s'agissant de l'adoption des crédits du programme 147 « Politique de la ville » et émet un avis favorable à l'adoption de l'article 74 rattaché à la mission « Cohésion des territoires ».
La réunion est close à 11 h 45.