Intervention de Didier Guillaume

Commission des affaires économiques — Réunion du 21 novembre 2018 à 16h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Audition de M. Didier Guillaume ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Didier Guillaume, ministre :

Il y a un peu des deux. Nous avons prévu de tenir par conséquent deux autres réunions du CNGRA, en décembre et en janvier, car il y a urgence. On en fera un quatrième s'il le faut.

Le quatrième point concerne les suites de la loi Egalim. Il y a globalement un problème de revenu chez les agriculteurs, et les états généraux ont sans doute donné beaucoup d'espoirs. Je connais la position du Sénat qui estime que la loi Egalim a douché ces espoirs. Reste à prendre les ordonnances sur les seuils de revente à perte et les promotions, sur les prix anormalement bas, puis sur la séparation des activités de vente et de conseil pour laquelle nous avons un peu plus de temps. Nous sommes en discussion avec les organisations professionnelles agricoles quotidiennement. Ces ordonnances, selon leur contenu, auront ou non un impact sur les revenus des agriculteurs. Et c'est ce qui compte le plus. J'ai vu les publicités d'une grande surface concernant les pâtes à tartiner et les apéritifs, elles ne me semblent pas une bonne façon de démarrer les choses... J'espère que cela restera un cas isolé.

Enfin dernier point, il y a un gros problème de versement des aides. L'État et l'Agence de services et de paiement (ASP) ont été défaillants dans le versement des aides, je veux le dire très clairement. On ne peut accepter que des agriculteurs attendent encore les aides au titre de 2016. L'État s'était engagé à achever les versements 2016 d'ici la fin de l'année. Ces aides ne seront pas payées avant la fin de l'année car l'annonce n'a pas été bien calibrée, ce ne sera pas faisable. Les aides 2016 seront versées au plus tard fin janvier ou début février 2019, en même temps que les aides 2017. Les versements au titre de 2018 seront effectués en temps normal, c'est-à-dire durant l'exercice 2019. Les services ont recruté 33 ETP pour accélérer les apurements, mais il a fallu commencer par les former...

Voilà ce que je voulais vous dire en introduction sur l'ambiance générale.

Ce budget, vous l'avez dit Madame la Présidente, baisse de 500 millions d'euros, en comptabilité, mais pas en actions publiques ni en actions de développement agricole. Par rapport à l'année dernière, on est exactement sur le même montant. 400 millions ont en effet été déplacés vers le PLFSS donc cela n'enlève rien en action directe. Et les 100 millions de moins en provision pour aléas correspondent à un choix politique de mon prédécesseur, puisque l'an dernier, 180 millions seulement ont été consommés sur cette enveloppe. En raison de la sécheresse, le montant budgété sera insuffisant, il faudra prendre des mesures exceptionnelles, pour 300 millions d'euros au moins. Et il y en aura sûrement d'autres qui seront annoncées.

Il faut considérer les sommes inscrites au budget, mais surtout ce qu'elles permettent de faire : nous aurons les moyens d'une politique agricole dynamique, dans un environnement international difficile et une conjoncture française très difficile.

Le premier objectif, c'est la souveraineté alimentaire de la France. Mais la France doit aussi continuer à exporter et à dégager une balance commerciale agricole positive, 6 milliards d'euros actuellement. Il faut aussi accompagner la transition irréversible vers une agro-écologie, tout comme la transition vers un mieux sanitaire, une traçabilité, la sécurité des aliments. Nous estimons que le budget contribue à aller dans ces directions. Nous y consacrons 4,6 milliards d'euros.

Autre priorité, le soutien à ceux qui osent et à ceux qui souffrent. Il y a aussi une agriculture qui réussit et tant mieux. Et il y a bien sûr des filières en difficulté. Soutenir l'audace, c'est d'abord aider les agriculteurs qui s'installent, il y en a encore même si on aimerait qu'il y en ait plus, la dotation jeunes agriculteurs est maintenue, à 37 millions d'euros. Et dans le cadre des transitions, les moyens alloués aux mesures agroenvironnementales et pour faciliter la conversion au bio représentent plus de 250 millions d'euros de contreparties Feader prévues dans le cadre du plan Ambition bio d'un total de 1,1 milliard d'euros. Le soutien aux zones difficiles se concrétise dans l'enveloppe de l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), dotée de 20 millions d'euros supplémentaires cette année, à 284 millions d'euros, ce qui donne un financement global de 1,14 milliard d'euros. La carte des zones agricoles défavorisées aurait pu être différente, inclure le Clunisois, La Piège dans l'Aude, le Marais poitevin,... ; mais la carte a été validée par l'Union européenne et je ne peux absolument rien faire. Des recours ont été formés, nous verrons ce qu'il en sera des arbitrages de la Commission européenne.

Il est également crucial d'investir et d'innover : le volet agricole du grand plan d'investissement comporte à cet égard toute une palette d'outils qui ne bouge pas.

La baisse du budget de l'agriculture tient aussi aux transferts de charges sociales vers le PLFSS notamment par rapport au TO-DE. Nous avons eu la discussion la semaine dernière en PLFSS. Le dispositif TO-DE fait l'objet d'une inscription de 105 millions d'euros qui n'étaient pas budgétés à l'origine. Le Sénat est revenu sur la situation antérieure, nous verrons comment les choses évoluent à l'Assemblée nationale et plus largement au cours de la navette du PLFSS. Nous pensons qu'il faut regarder dans son ensemble : jamais les baisses des charges n'ont été aussi importantes dans l'agriculture que cette année. Malgré le différentiel de 30 millions d'euros qu'il reste lié au remplacement du TO-DE par les allègements généraux, la ferme France bénéficiera d'une diminution de charges de 70 millions d'euros. C'est une aide sensible pour les employeurs de salariés permanents. Je sais que c'est un sujet qui compte pour vous. Le secteur agricole est de même exempté de hausse de TICPE, il est le seul dans ce cas. Le système de tarification, en outre, évoluera dans les trois ans à venir, avec une compensation directe au lieu d'un remboursement - autant de paperasserie en moins pour les agriculteurs.

Il y a aussi le dispositif d'épargne de précaution. Je sais ce que disent certains : tous les agriculteurs ne sont pas en mesure de constituer une épargne au moment où il y a tant de difficultés sur les trésoreries ; mais celle-ci était une demande forte de la profession. Ce peut être une bouffée d'oxygène pour les exploitations. Quant à l'impôt sur les sociétés, il est plus adapté à l'activité des agriculteurs. La fiscalité sur les jeunes agriculteurs est elle aussi revue, les exonérations étant recentrées sur les plus bas revenus.

Un mot sur la forêt et l'outre-mer. Le budget de la forêt et du bois n'a presque pas bougé voire a été augmenté par rapport à 2018, à environ 250 millions d'euros. Il conforte les moyens financiers de l'Office national des forêts (ONF) et renforce celles du Fonds national forêt et bois. Quand on a un pays comme le nôtre avec une telle superficie forestière, il ne faut pas l'oublier. Je signale aussi les 181 millions d'euros consacrés aux filières de l'outre-mer.

Pour conclue cette première partie, nous allons regarder la prévention des risques. J'ai soutenu, lorsque j'étais sénateur, avec mes collègues MM. Cabanel et Montaugé, un texte sur la prévention des risques climatiques, économiques et sanitaires. J'ai déjà évoqué, je dis bien « évoqué » pas plus, cette question au niveau européen : il faut progresser dans cette direction car les aléas iront s'aggravant. Je sais que le Sénat est très attaché à ce projet, je le suis aussi.

Je sais que l'enseignement agricole n'est pas dans cette mission mais voyant Mme Férat, je ne peux pas m'empêcher d'en dire quelques mots. L'enseignement agricole est pour moi une priorité. L'enseignement agricole dans ce pays est une pépite. C'est un joyau, c'est une réussite ! Je veux défendre tous les enseignements agricoles. Je défends les établissements publics, privés, et le réseau des maisons familiales rurales, sans faire aucune différence entre eux. Les maisons familiales sauvent des jeunes en difficulté en milieu rural...

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