Intervention de Didier Guillaume

Commission des affaires économiques — Réunion du 21 novembre 2018 à 16h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Audition de M. Didier Guillaume ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Didier Guillaume, ministre :

Nombre de vos questions relèvent du budget, et d'autres ont trait à l'ambiance générale.

Je ne peux qu'être d'accord avec ce que vous dites, l'agriculture vit aujourd'hui une période de transition difficile et il faut tout faire pour qu'elle ne sombre pas. Ma position n'a pas varié. Je suis un affreux pragmatique. Mon objectif est clair : se battre pour que les agriculteurs aient un revenu plus élevé. Pour ce faire, nous avons à notre disposition la loi Egalim et les ordonnances. Je ne sais pas si cela suffira. C'est la troisième loi ; les trois ministres successifs Bruno Le Maire, Stéphane Le Foll et Stéphane Travert avaient le même objectif, à savoir redonner du revenu aux agriculteurs. Or cela fait dix ans que rien ne change, pour des raisons de crise, de distorsion de concurrence, des raisons européennes. Je rejoins Laurent Duplomb, si l'on ne réussit pas aujourd'hui, les dégâts seront bien plus importants encore. Certains exploitants en sont à l'os. On ne peut pas demander aux agriculteurs qui gagnent 450 euros par mois de se serrer la ceinture !

Je le redis devant vous - ce n'est pas un élément de langage -, je veux aussi redonner de la fierté aux agriculteurs. Tant que l'on fera de l'« agribashing », que l'on montrera du doigt les agriculteurs, qu'on les traitera d'« empoisonneurs », que l'on dira qu'ils nourrissent mal la planète et les Français, les gamins n'auront pas envie de s'inscrire dans nos lycées agricoles. Or les jeunes sont motivés. Comme l'a dit Mme Férat, heureusement que tous les lycéens ne veulent pas devenir agriculteurs. Il faut penser aux services à la personne.

La première ordonnance, qui sera prise dans les quinze jours qui viennent, concerne le seuil de revente à perte. Toutefois, il revient aux interprofessions de fixer le prix de base. Même si vous n'avez pas adopté cette loi, je pense que vous êtes d'accord pour dire qu'il faut tenter cette mesure. Il ne s'agit pas d'être dans une posture. Voulons-nous, oui ou non, redémarrer quelque chose ? Sinon, c'est la fin de l'agriculture française. Ce n'est pas du blabla ; je vais donner tout ce que je peux.

La vente du prix du lait est l'élément le plus criant. Comment accepter que le prix du lait soit le même qu'il y a vingt ans ? Quelle autre profession accepterait cette situation ?

Je ne suis pas pour l'écologie punitive ni pour les normes et contraintes. Vous devrez m'aider, mais, dans le cadre de la prochaine PAC, je reviendrai sur toutes les normes : 9 000 critères ont été institués pour le paiement des aides en France. Ne nous étonnons pas si on n'arrive pas à les payer ! On est chez les fous ! L'administration française n'est pas la seule à avoir ajouté des critères, il y a aussi telle filière, telle interprofession... On ne peut pas continuer ainsi.

Je suis ministre de l'agriculture et, donc, des agriculteurs. Je vais les défendre jusqu'au bout. Je serai un bouclier quand certains mettront le feu à des abattoirs... Ce n'est pas le modèle de société que je veux.

Les négociations s'ouvrent, mais quand on a quatre centrales et 10 000 interlocuteurs, cela ne peut pas fonctionner. J'en ai parlé avec les organisations professionnelles agricoles, avec Coop de France, les industries, les transformateurs : soit on continue comme cela et on est complice de la fin de l'agriculture française ; dans le cas contraire, il ne faut pas avoir peur d'y aller. Il faut que tout le monde s'attèle à la tâche, y compris Bercy et la profession agricole. Je ne veux pas que l'on prenne les consommateurs en otages et les agriculteurs pour des esclaves ! C'est cela qu'il faut changer. On va à la confrontation et cela va être terrible. Je souhaite la réconciliation des agriculteurs avec les consommateurs ; d'ailleurs, les agriculteurs sont aussi des consommateurs. Le danger, c'est que les consommateurs sont plus nombreux.

Vous avez été nombreux à parler de la dotation pour aléas. Vous savez très bien qu'il ne s'agit que d'une ligne comptable. Ce ne sont pas ces dotations qui compensent en cas de catastrophes ; des aides exceptionnelles sont versées. C'est le cas pour la sécheresse, et j'espère que j'obtiendrai d'autres aides encore. Bien sûr que ces aides ne suffisent pas ; le Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) intervient pour des pertes supérieures à 30 %. Or il a plu au printemps et les agriculteurs ont pu faire une première coupe, mais la seule : tout était sec ensuite. Le danger est plus grand encore pour l'année prochaine : les agriculteurs vont-ils se défaire de leur troupeau ?

Aujourd'hui, ce sont 300 millions d'euros environ qui sont mis sur la table. C'est énorme, mais il faudra sûrement aller encore plus loin. Je ferai des propositions dans les jours qui viennent. Reste à voir les arbitrages. Dans toute crise, les aides ne sont jamais suffisantes, mais les finances publiques sont contraintes. Nous essaierons de faire le maximum.

Sur la question de la sécurité sanitaire, le budget n'est pas en baisse. Il y a seulement des apurements. Est-ce assez ? Là encore, je ne sais pas, mais on ne peut pas demander toujours plus pour tous les budgets. On a la chance que ce projet de budget soit à l'identique par rapport à celui de l'an passé au titre des actions pour le développement agricole. Les contrôles des produits importés sont un véritable sujet, surtout avec le Brexit. Pour être allé à Dunkerque, je peux vous dire que va se poser un vrai problème de contrôle sanitaire.

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