Intervention de Jacques-Bernard Magner

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 21 novembre 2018 à 14h15
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « sport jeunesse et vie associative » - crédits « sport » et « jeunesse et vie associative » - examen du rapport pour avis

Photo de Jacques-Bernard MagnerJacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative :

Deux éléments caractérisent les crédits consacrés au programme 163 « jeunesse et vie associative » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 : la poursuite de l'effort en matière de service civique et la reconduction des crédits en faveur des actions 1 et 2.

Je commencerai par l'aspect le plus positif, à savoir la poursuite du développement du service civique. 50 millions d'euros supplémentaires sont accordés dans le projet de loi de finances pour 2019, ce qui devrait permettre de financer le service civique de 140 000 volontaires. L'objectif affiché du gouvernement est d'atteindre 150 000 « services civiques », ce qui correspond à une dépense annuelle de 530 millions d'euros. En revanche, le gouvernement poursuit sa fausse bonne idée du service national universel (SNU). À sa décharge, il peut difficilement faire autrement puisque que c'était une promesse de campagne du président et que personne n'a encore réussi à le convaincre que le coût de ce dispositif était disproportionné par rapport aux effets attendus! Comme nous entendons dans deux semaines le général Ménaouine sur ce sujet, je ne vais pas en parler longtemps. Je vous rappelle juste que le SNU devrait comporter deux phases : la phase I, obligatoire, interviendrait après la classe de la troisième, entre 15 et 18 ans et comprendrait un temps de cohésion - 15 jours en hébergement, centrés sur les valeurs, les savoir-faire et les savoir-être - et un temps de projet collectif - 15 jours également, mais sans hébergement -, et la phase II, non obligatoire, reposerait sur l'engagement volontaire, pour une durée de trois à six mois, avant 25 ans.

La seconde caractéristique de ce budget est la stricte reconduction des crédits en faveur de la vie associative et de la jeunesse portées par les actions 1 et 2 du programme 163, à l'exception de l'augmentation de deux millions d'euros des crédits accordés à l'Office franco-allemand pour la jeunesse et de la diminution de 2,8 millions d'euros des crédits finançant le compte d'engagement citoyen, afin d'ajuster la dotation à la consommation réelle de crédits.

Cette stagnation des crédits correspond de facto à une baisse si on tient compte de l'inflation. Certes, elle n'est pas nouvelle : ainsi, les crédits du fonds de développement pour la vie associative (FDVA) destinés à former les bénévoles n'ont pas été réévalués depuis 2001 ! Moins de 29 % des demandes de formation sont satisfaites, et ce pour seulement la moitié du montant des demandes, permettant la formation de 1,2 % des bénévoles uniquement ! Par rapport aux législatures précédentes, cette baisse des crédits a été accentuée par la suppression de la réserve parlementaire intervenue l'année dernière, soit 52 millions d'euros en moins pour les associations, qui n'a été compensée que partiellement à travers l'octroi de 25 millions d'euros au FDVA. Les exemples suivants illustrent le manque à gagner pour le monde associatif.

Dans le Val d'Oise, département qui compte plus d'un million et demi d'habitants, sur 248 dossiers de demandes de subvention déposés, 43 ont été retenus. Dans le Val de Marne, 340 402 euros ont été attribués en 2018, contre 2,9 millions d'euros par les parlementaires en 2016. Dans l'Oise enfin, 234 900 euros ont été attribués en 2018, contre plus d'un million d'euros par les parlementaires les années précédentes.

Je regrette donc que le gouvernement n'ait pas augmenté cette année la contribution au FDVA. À défaut de pouvoir profiter de crédits budgétaires supplémentaires, le FDVA pourrait néanmoins voir son budget augmenter s'il pouvait bénéficier des fonds et avoirs issus des comptes inactifs des associations en déshérence, estimés à 80 millions d'euros. Je vous proposerai donc un amendement qui reprend une disposition qui avait été adoptée par le Parlement à l'occasion de l'examen du projet de loi « égalité et citoyenneté » mais qui avait été malheureusement sanctionnée par le conseil constitutionnel pour des raisons de procédure. Elle vise à obliger les établissements de crédits à distinguer les comptes des personnes physiques des comptes des personnes morales et, parmi ces derniers, ceux des associations. L'objectif, à l'issue de la prescription légale qui est de trente ans, est de verser les sommes qui figurent sur les comptes inactifs des associations sur un compte d'affectation spéciale destiné à financer le fonds de développement de la vie associative.Malheureusement, proposer la création de ce compte d'affectation spéciale est irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, car le fléchage de recettes vers un fonds est interprété comme une incitation à la dépense supplémentaire. C'est la raison pour laquelle la seconde partie de mon amendement demande au gouvernement d'étudier cette question et de remettre à la représentation nationale un rapport sur l'opportunité d'affecter les dépôts et avoirs des comptes inactifs des associations sur un compte d'affectation spéciale au bénéfice du fonds pour le développement de la vie associative. Il s'agit de sensibiliser le gouvernement à cette question afin qu'il prenne rapidement les mesures qui s'imposent. D'ailleurs, la secrétaire d'État ne semble guère hostile à l'examen de cette proposition.

La politique du gouvernement en direction de la vie associative et de la jeunesse ne se réduit pas aux crédits du programme 163. Comme aime le faire remarquer chaque gouvernement, près de 90 milliards d'euros sont consacrés à cette politique, notamment si on inclut les dépenses de l'Éducation nationale ! Plus sérieusement, les dépenses fiscales, à travers les réductions d'impôt accordées sur les dons aux organismes à but non lucratif, représentent plus de 2,4 milliards d'euros. De même, la transformation du crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) en baisse des cotisations devrait représenter une économie de 900 millions d'euros pour les associations au volume d'emplois important.

Toutefois, ces avantages fiscaux et sociaux doivent être mis en regard de la forte baisse des crédits finançant les contrats aidés : entre 2016 et 2019, ils seront passés en crédits de paiement de 4,2 milliards à 600 millions d'euros. Cela constitue pour les associations, qui emploient 38 % des emplois aidés, une perte d'1,6 milliard d'euros de subventions indirectes !

Certes, la politique de l'emploi n'a pas à financer les missions d'intérêt général. Mais, et c'était l'une des conclusions à laquelle Alain Dufaut et moi-même étions parvenus dans notre rapport d'information sur les contrats aidés, il est regrettable qu'aucune initiative ne soit prise afin d'introduire un soutien direct aux emplois associatifs au regard de leur utilité sociale, ce qui met en péril de nombreuses associations, notamment dans le domaine du sport et de la culture, et entraîne de graves répercussions en matière de cohésion sociale et de réponse à des besoins non couverts par les pouvoirs publics.

Plusieurs pistes sont envisageables : créer un fonds qui s'inspirerait du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) et qui permettrait de financer du personnel associatif auprès des associations ou encore créer une ligne budgétaire spécifique dans le fonds d'inclusion dans l'emploi permettant le financement de 38 000 emplois utiles socialement afin de soutenir la professionnalisation des projets associatifs, tout particulièrement dans les petites et moyennes associations.

Si le Gouvernement ne souhaite pas aggraver le déficit pour financer cette politique, nous avions proposé, avec notre collègue Alain Dufaut, de financer ces emplois socialement utiles via un transfert d'une partie des exonérations générales des cotisations patronales et des dépenses fiscales qui relèvent de la politique des « services à la personne ».

Je rappelle que la fragilisation du monde associatif par la réforme des contrats aidés est accentuée par l'impact négatif des dispositions fiscales mises en oeuvre par la loi de finances pour 2018 que le rapport sur le mécénat culturel présenté par notre collègue Alain Schmitz avait déjà soulevé. Ainsi, le remplacement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) se traduit par une baisse moyenne d'au moins 50 % des dons par rapport à 2017. Cela représenterait pour l'année 2018 une perte de l'ordre de 130 à 150 millions d'euros.

Cette baisse de la collecte auprès des particuliers fortunés doit être replacée dans le contexte d'une baisse générale de la collecte grand public en raison de la réévaluation du taux de contribution sociale généralisée (CSG) - qui touche également les retraités, donateurs traditionnels - et les inquiétudes soulevées par la mise en oeuvre du prélèvement à la source à partir de 2019. Pourtant, qu'il s'agisse de la mise en place du service national universel, de la lutte contre la pauvreté, ou encore du développement du sport pour tous pour ne prendre que ces trois exemples, les associations sont censées être au coeur du dispositif gouvernemental. On demande beaucoup au secteur associatif qui reçoit peu en échange.

Il est donc urgent que le gouvernement donne un signal positif en direction des associations et les soutienne dans le financement des missions d'intérêt général qu'elles remplissent. Pour ces raisons, et en dépit d'une hausse des crédits du programme 163 liée toutefois essentiellement à la poursuite de la politique initiée sous le quinquennat précédent en matière de service civique, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la jeunesse et de la vie associative.

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