Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, 92 % des Français plébiscitent aujourd’hui la carte bancaire pour leurs achats quotidiens. Le déclin du nombre de retraits par carte aux distributeurs depuis dix ans en est la conséquence directe. Pour les banques, maintenir un automate en activité n’est rentable que si celui-ci est utilisé.
La proposition de loi que nous examinons entend pérenniser la présence de distributeurs automatiques de billets dans les communes victimes de désertification bancaire.
Il s’agit d’une désertification qui se traduit souvent, comme l’explique d’ailleurs le texte de nos collègues, par une baisse du chiffre d’affaires des commerces locaux, voire une fermeture de ces commerces au profit des grandes surfaces en périphérie et du commerce sur internet.
Si nous partageons ce constat, nous divergeons sur les moyens à mettre en œuvre pour répondre à cette question.
Il aurait été opportun, me semble-t-il, que cette proposition de loi soit plus précise sur les différentes causes à l’origine de la diminution du nombre de DAB dans l’Hexagone ainsi, d’ailleurs, que dans le reste de la zone euro. J’ai déjà évoqué la diminution du nombre des retraits bancaires. Je pourrais aussi parler de la digitalisation de l’activité bancaire sur internet et via des applications mobiles.
L’usage croissant de la carte bancaire rend également les pièces et les billets plus rares dans les porte-monnaie, surtout depuis l’arrivée du paiement sans contact et de l’abaissement progressif du seuil d’acceptation de la carte bancaire par les commerçants, qui est désormais de 1 euro.
En outre, les banques proposent ou expérimentent désormais des partenariats avec des magasins pour permettre à leurs clients d’avoir accès au cash sans avoir besoin d’un automate.
Je citerai en exemple le Compte-Nickel, proposé par 3 800 buralistes, ou encore le cashback, service de retrait d’argent liquide à la caisse des magasins, légalisé en France depuis la loi du 3 août dernier.
En définitive, il ressort de ces observations que les moyens de paiement sont plus diversifiés que par le passé et ne reposent plus uniquement sur le réseau bancaire.
Il n’en demeure pas moins que l’utilisation des espèces demeure essentielle, en particulier pour certaines transactions quotidiennes et de proximité. Ajoutons que les nouveaux usages ne concernent pas l’ensemble de la population : pour certains de nos concitoyens peu familiers des usages digitaux, le recours aux espèces reste vital.
Quelles solutions peut-on dès lors envisager pour garantir la délivrance d’espèces sur tout le territoire ?
Plutôt que de subventionner les communes pour qu’elles conservent ou créent leurs DAB, comme le suggèrent les auteurs de cette proposition de loi, nous soutenons la proposition de la rapporteur Sylvie Vermeillet visant à financer par le FISAC, dont le Sénat propose le rétablissement des crédits, l’installation de DAB dans les commerces de proximité situés dans les communes non couvertes par un réseau de radiocommunication mobile.
Dans ces communes, les terminaux de paiement par carte bancaire ne peuvent pas fonctionner correctement, ce qui exclut le recours au cashback, d’où l’importance de prévoir un accès aux espèces pour les habitants qui y vivent.
L’instauration d’un critère de distance minimale des bureaux de La Poste comportant un DAB, prévue à l’article 2, nous semble compliquée à mettre en œuvre, car elle soulève d’importantes difficultés techniques, pratiques, juridiques, voire des difficultés en termes de sécurité.
D’abord, La Poste assure déjà un service de mise à disposition d’espèces dans ses différents points de contact, qui suffisent à couvrir les besoins quotidiens.
Ensuite, une extension de la mission d’aménagement du territoire assurée par La Poste nécessiterait de prévoir une compensation complémentaire, soumise au cadre européen relatif aux aides d’État, dont le principe actuel a été validé en avril dernier par la Commission européenne, et ce jusqu’en 2022. Compléter cette mission reviendrait donc à ouvrir la boîte de Pandore et à remettre en cause la sécurisation juridique de cette compensation.
Enfin, cette compensation consiste en un allégement de fiscalité locale, non compensé par l’État. Le dispositif proposé serait donc supporté par les collectivités territoriales, alors que celles-ci ont déjà du mal à faire face à leurs obligations en raison du désengagement financier de l’État.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera cette proposition de loi telle qu’elle a été modifiée par Mme la rapporteur.