Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 21 novembre 2018 à 14h30
Lutte contre la désertification bancaire dans les territoires ruraux — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

… alors même que les maires sont particulièrement sensibles aux questions qui intéressent le Sénat cet après-midi.

Évidemment, le débat qui nous occupe aujourd’hui présente un lien assez étroit avec les préoccupations exprimées par nombre de nos collègues élus locaux à l’occasion de ce congrès.

Le sujet qui nous intéresse est pour le moins important. Une partie de la France doit-elle, dans les faits, être privée d’entrer dans le XXIe siècle ? Les établissements de crédit agréés n’ont-ils pas quelques missions de service public et d’aménagement du territoire à accomplir ? L’accessibilité bancaire est-elle un mythe et un rêve quasi inaccessible ?

Ces questions sont au cœur de la proposition de loi déposée par notre collègue Éric Gold, que nous ne pouvons évidemment que soutenir par principe, et qui mérite analyse.

Ce que soulignent les auteurs de ce texte, et qui dépasse largement la question de la présence physique des distributeurs automatiques de billets de banque, c’est qu’une large partie du territoire national n’est, encore une fois, pas placée dans les meilleures conditions pour participer à la vie sociale et économique du pays.

Cette France rurale, « périphérique » dit-on aujourd’hui, de moins en moins tournée vers l’agriculture et de plus en plus transformée en villégiature pour ménages de salariés des grandes agglomérations, nous la connaissons tous très bien.

Je suis moi-même élu d’une petite commune du Nord, dont la population a pourtant crû de près d’un tiers en vingt ans. J’ai été confronté, comme beaucoup d’entre vous, au refus obstiné des établissements financiers, à commencer par La Poste, d’améliorer leur qualité de service dans ma commune. Celle-ci se situe pourtant dans le périmètre de la métropole européenne de Lille.

Notre collègue Éric Gold, dans sa communauté de communes proche de Clermont-Ferrand, sait très bien lui aussi ce que signifie cette lente et sûre progression de sa population. Cela veut dire que l’étalement urbain progresse et que, de manière diffuse, émergent des territoires de plus en plus liés à l’agglomération principale la plus proche, sans pour autant que ceux-ci puissent disposer des réponses en termes de service public que réclame cette évolution.

Nous ne pouvons accepter une telle situation dans notre République, car elle met en cause l’égalité entre les territoires, lesquels sont les victimes d’une version abrupte de la concurrence libre et non faussée qui exclut ainsi, peu à peu, les lieux et les habitants de la périphérie pour ne s’intéresser qu’aux positions centrales.

Le mode de résolution du problème qui est prévu par la proposition de loi est-il le plus efficient ? Nous allons en débattre, mais nous pouvons cependant en douter.

Le rapport l’évoque d’ailleurs clairement, puisqu’il souligne le caractère systémique de l’inégalité bancaire. Il rappelle également la position de la Cour des comptes selon laquelle « la question de la disponibilité des services bancaires sur le territoire et de l’inégal accès à ces services doit être examinée au regard de la diminution des services de guichet. […] Seule La Banque postale, en raison des contraintes de présence territoriale imposées à La Poste, fait figure d’exception ».

La Banque postale, justement : cela fait quelque temps que La Poste est, de manière historique, l’opérateur de référence pour l’accessibilité bancaire, tenu de permettre à toute personne qui le souhaite d’ouvrir un compte d’épargne ou un compte chèque. En foi de quoi, sur présentation du compte retraçant ces obligations de service public, La Poste se trouve ainsi rémunérée.

Mais les banques ordinaires dans tout cela ? N’ont-elles aucune obligation ? Ne sont-elles pas obligées de participer aux missions de service public, de prendre en compte l’aménagement du territoire ?

Au fond, mes chers collègues, la question est la suivante : faut-il vraiment laisser au seul marché le soin d’aménager le territoire ?

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