Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « La ruralité : une chance pour la France », voilà un beau sujet pour le grand oral de l’ENA, qui aurait ainsi l’occasion, pour une fois, d’évoquer cette autre France !
Bien entendu, ces territoires, peuplés par des autochtones d’un autre siècle, qui « fument des clopes et roulent au diesel », ont des atouts dans leurs mains ; à condition, toutefois, que l’État ne joue pas au poker menteur. C’est en partant de nos handicaps que nous trouverons les voies de notre développement.
Cette volonté de partir des réalités pour imaginer l’avenir préside aux réflexions du groupe de travail consacré à la ruralité que j’anime avec mes collègues Daniel Laurent et Jean-Marc Boyer au sein du groupe Les Républicains du Sénat, qui s’articulent autour de trois axes incontournables : le développement économique, les services au public et l’organisation territoriale.
Elles s’inscrivent dans la continuité logique du précédent groupe de travail que j’avais eu l’honneur d’animer en 2016 et qui avait conduit à l’adoption de la proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural. Le Gouvernement n’a jamais jugé utile de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, mais le Sénat a obtenu des avancées en enrichissant la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, ou ÉLAN, des dispositions qu’il avait votées.
La répétition étant un outil pédagogique favorisant la mémorisation, je vais reprendre devant le Gouvernement – que vous représentez, monsieur le ministre – les propos que je tenais lors de l’examen de notre proposition de loi : « À quoi aspirent nos compatriotes qui vivent dans les bourgs et les villages ? À travailler au pays, à y disposer de services, notamment médicaux, et à habiter dans un logement qui corresponde à leurs besoins, leur culture et, surtout, leur façon de vivre. »
Avons-nous, depuis lors, beaucoup avancé sur ces attentes aussi légitimes qu’essentielles ? Comme beaucoup d’entre nous, j’en doute.
Pour renforcer l’attractivité de nos territoires, qui offrent un cadre et une qualité de vie incomparables, la priorité reste l’emploi et donc le développement économique, qui nécessite un désenclavement routier, ferroviaire et numérique. Les citoyens, les entrepreneurs, les élus ruraux réclament moins de contraintes et de normes, mais davantage de marges de manœuvre pour conduire des initiatives privées adaptées à leurs réalités.
La proposition de loi sénatoriale portant Pacte national pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs a été un premier pas important, mais il en faudra beaucoup d’autres pour réparer des décennies d’ouvertures d’hypermarchés aux conséquences ravageuses.
La relance du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, que propose le Sénat dans le cadre du budget pour 2019, est une excellente chose, à condition de l’utiliser conformément à sa vocation : au profit des artisans et commerces de proximité.
Pour créer ce nouveau souffle, il faut également une démographie plus dynamique, qui est indissociable du développement des services publics, évidemment, mais aussi des services à la personne, notamment dans le domaine médical.
Ce dernier aspect est crucial : qui pourrait souhaiter s’établir avec sa famille dans un désert médical ? Il faudra bien un jour poser sans tabou la question de l’installation des médecins, en renonçant aux solutions qui ont systématiquement échoué !
L’organisation de notre République – décentralisée, paraît-il ! – est un levier important dans le combat pour la ruralité. Adaptons-la aux réalités géographiques, plutôt que l’inverse ! Dans le nouveau jardin à la française des intercommunalités « XXXL », il faut redonner aux communes les capacités d’agir, car elles sont l’échelon de base de la démocratie et font battre le cœur de nos territoires.
Les premiers acteurs de cette vitalité que nous appelons de nos vœux sont les élus locaux. Monsieur le ministre, si, à l’occasion de la réforme des institutions, le nombre de sénateurs qui les représentent baisse jusqu’à devenir anecdotique, les régions rurales et leurs habitants, faute de défenseurs, sombreront définitivement dans l’oubli et dans le déni démocratique.
Pour conclure, je rappelle que, pour tirer la France rurale vers le haut, nous demandons le soutien de l’État et non un discours de compassion porté par ses représentants. En 2015, 21 % de la population habitait dans une commune rurale de moins de 3 500 âmes ; il ne s’agit donc pas d’une frange marginale, mais d’un Français sur cinq.
Les ruraux aiment et défendent les agriculteurs et l’environnement, mais ils veulent pouvoir tirer parti de leurs ressources sans vivre parqués dans des réserves à la population vieillissante et déclinante.
Alors, réveillons nos territoires ! Offrons à nos concitoyens la possibilité d’exprimer le dynamisme dont ils sont capables ! Faisons confiance à leur aptitude à penser leur futur qui, loin de l’image figée du passé, projettera un avenir qu’ils auront eux-mêmes imaginé.
Au nom des ruraux, je termine par un appel. Monsieur le Président de la République, mesdames, messieurs les ministres, cessez de nous ignorer et de nous mépriser, mais écoutez-nous, entendez-nous et tenez compte de la grogne qui monte des champs et des villages. C’est la cohésion et l’union de la France qui sont en jeu !