Intervention de Nelly Tocqueville

Réunion du 21 novembre 2018 à 14h30
La ruralité une chance pour la france — Débat organisé à la demande du groupe du rdse

Photo de Nelly TocquevilleNelly Tocqueville :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe du RDSE d’avoir proposé au Sénat ce débat. Cette approche originale attire notre attention sur une spécificité française.

En effet, poser la question de la ruralité, c’est s’intéresser à une somme de problématiques qui vont bien au-delà du portrait qu’on en faisait, il n’y a pas si longtemps encore, en désignant par ce vocable des territoires à l’activité majoritairement agricole.

Aujourd’hui, ces territoires dits « ruraux » ne peuvent plus faire l’objet d’une lecture aussi simpliste, car leur évolution démographique, économique ou territoriale renvoie à des caractérisations nouvelles.

Cependant, au-delà des mutations qu’il a connues, le monde rural reste une marque majeure de l’identité et de l’organisation du territoire national : il représente 80 % de la superficie de la France, une part importante de sa population y réside encore et de nombreux emplois s’y concentrent.

Non, la ruralité ne peut pas faire seulement l’objet de discours condescendants ponctuels ou de quelques mesures destinées à compenser les carences dont elle souffre depuis plusieurs années et qui ne font que s’amplifier, alors qu’elle est riche de tant de potentiel, de talents, de créativité et d’énergies.

Ces territoires sont d’abord des laboratoires de démocratie locale où la relation de proximité qui s’établit entre habitants et élus leur permet de débattre directement des choix et des projets.

Élue pendant vingt-trois ans, dont dix-sept ans comme maire, d’une commune comptant 900 habitants, j’ai apprécié d’échanger au quotidien directement avec les habitants, le milieu associatif, les entreprises, les parents d’élèves, les enseignants, toutes les forces vives qui garantissent une cohésion sociale rassurante et équilibrée. Personne ne reste sur le bord de la route dans ces espaces privilégiés de l’exercice de la démocratie.

Ainsi, la création des services d’aide à la personne en milieu rural et leur développement témoignent de la capacité de ce système participatif à répondre aux besoins de tous ses membres.

Ce n’est sans doute pas non plus par hasard que ces territoires sont également des laboratoires d’innovation qui génèrent des emplois dans des secteurs industriels nouveaux. Les visites d’entreprises que j’ai effectuées dans mon département, la Seine-Maritime, m’ont permis de découvrir, dans des communes d’où l’activité agricole a parfois presque entièrement disparu, des acteurs économiques travaillant dans des domaines très pointus et dont le rayonnement s’étend dans certains cas bien au-delà de nos frontières.

L’espace rural devient alors un lieu de production de nouvelles richesses, tourné vers les énergies renouvelables en développant la filière bois ou la fabrication de plastiques ménagers à partir de matières recyclées ; un lieu de production énergétique, en investissant dans les biocarburants ; un lieu de croissance de l’économie sociale et solidaire, en développant des conciergeries de service. Toutes ces activités sont à coup sûr créatrices d’emplois. Ces atouts intéressent nombre de nouveaux habitants, souvent jeunes, qui recherchent une meilleure qualité de vie, dans un environnement qui bénéficie d’un patrimoine naturel et de nombreux facteurs d’attractivité.

C’est précisément parce que notre territoire national dispose de ces richesses, qui lui confèrent son originalité, que nous devons leur permettre de s’exprimer et de prospérer, sans oublier d’aider ceux qui consacrent leur énergie à les valoriser, en particulier les élus locaux.

Or il faut bien constater que ces territoires ruraux – une partie de notre territoire national – se trouvent confrontés à une accumulation de handicaps : retrait de l’État et de ses services, tel que les bureaux de poste ou les trésoreries, mais aussi fermeture de maternités, inégalités de desserte ferroviaire, désertification médicale, difficultés financières, disparition des petits commerces de proximité, distances toujours plus importantes à parcourir pour accéder aux services minimums.

Alors que se tient le Congrès des maires, c’est l’écho de la désillusion des élus ruraux, pourtant si ambitieux pour leurs territoires, qui nous parvient. Comme leurs concitoyens, ils se sentent délaissés. Ils veulent bien croire aux discours qui leur promettent des lendemains meilleurs, grâce au développement de la télémédecine, par exemple, mais comment l’envisager quand, pour une trop grande majorité d’entre eux, l’accès au numérique et au haut débit s’inscrit encore dans un avenir indéterminé ?

Notre ruralité est belle, certes, et le nombre de touristes qui la parcourent chaque année confirme l’attrait qu’elle exerce et l’intérêt qu’elle suscite, mais elle ne saurait se contenter de devenir un musée à ciel ouvert !

Pour conclure, monsieur le ministre, nous ne cherchons pas à opposer le rural et l’urbain, mais nous rappelons que l’égalité des territoires est indispensable à l’équilibre du territoire national et qu’il ne peut y avoir de sous-territoire comme il ne peut y avoir de sous-citoyen. La richesse est présente partout dans l’Hexagone, c’est une chance qu’il ne faut pas laisser passer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion