Je remercie tout particulièrement le groupe du RDSE et son président, Jean-Claude Requier, de cette initiative bienvenue sur la ruralité. Je vous demande de bien vouloir excuser Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu, qui sont retenus par un rendez-vous avec le Président de la République, le Premier ministre et le bureau de l’Association des maires de France puisque se tient actuellement le Congrès des maires. Vous connaissez leur engagement et leur attachement à ces territoires. Cet attachement est aussi le mien, car j’ai été maire pendant près de dix ans d’un territoire rural, comme Jean-Claude Requier a eu la gentillesse de le rappeler. C’est la raison pour laquelle, pour y avoir été confronté comme vous, je suis assez conscient des défis de ces territoires.
En réalité, le débat que nous avons ce jour ne porte pas sur la ruralité. Un certain nombre d’entre vous l’ont souligné, notamment Daniel Chasseing, il porte sur les ruralités, car, nous le savons tous ici, les territoires ruraux ne forment pas un bloc uniforme.
Si plus de 20 millions de Français vivent dans ces territoires, soit un tiers de la population française, si le nombre d’habitants dans les territoires ruraux augmente plus vite que dans les centres urbains, si le solde migratoire y reste encore positif, c’est bien parce que les Français aiment ces territoires, veulent y vivre, y travailler, y élever leurs enfants, car ils trouvent dans cette France rurale une qualité de vie incomparable, et ce malgré les promesses que les métropoles peuvent représenter.
Au fond, ces quelques chiffres illustrent tout le paradoxe de la ruralité. Nos concitoyens plébiscitent la campagne, les ruralités, ils veulent majoritairement y vivre, et, dans le même temps, la représentation des ruralités dans le débat public reste connotée négativement : c’est la France périphérique, celle de territoires qui se sentent oubliés et qui seraient nécessairement les victimes de la globalisation et de la métropolisation.
Le Gouvernement, comme chacun ici, veut sortir de cette vision manichéenne, parfois défaitiste, lorsqu’il est question de ces territoires. Ce discours, nous devons le refuser collectivement, car il nourrit une image qui n’est en rien fidèle aux richesses des territoires ruraux, au dynamisme et au potentiel de leurs habitants, à leur capacité d’innovation et aux valeurs qui les animent.
Mais en même temps nous devons regarder en face les difficultés qui existent et persistent. Nous ne devons pas éluder le fait que certains territoires ont perdu ces dernières années parfois plus d’un quart de leurs emplois et finalement une part significative de leur population, et que, lorsque la démographie chute, ce sont les commerces et dans le même temps les services publics qui disparaissent.
Oui, il existe, dans certains territoires ruraux un vrai sentiment d’abandon, comme l’a souligné Franck Montaugé. Oui, il existe une idée selon laquelle la République aurait décidé de regarder ailleurs, privilégiant les grandes villes. C’est bien cela, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement ne compte plus accepter. C’est pourquoi depuis dix-huit mois le Gouvernement s’est pleinement mobilisé en faveur des territoires ruraux en faisant appel aux moyens propres de l’État. Cette mobilisation n’est pas une simple incantation. C’est un objectif qui se traduit en actes. J’en donnerai quelques exemples.
Sur le plan financier d’abord, nous maintenons au plus haut niveau les dotations de soutien à l’investissement en faveur des territoires ruraux. La DETR a ainsi augmenté de 400 millions d’euros par rapport à 2014 pour atteindre plus de 1 milliard d’euros en 2019. De même pour la DSIL, qui reste au niveau des années précédentes alors qu’elle était au départ exceptionnelle pour compenser la baisse des dotations.
Pour ce qui concerne les dotations de fonctionnement, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit de renforcer les mécanismes de péréquation en faveur des territoires les plus fragiles. La dotation de solidarité rurale des communes augmentera ainsi de 90 millions d’euros l’année prochaine.
L’accompagnement financier, s’il est indispensable, ne suffit pas. C’est pourquoi le Gouvernement est allé plus loin. En effet, faire plus pour ceux qui ont moins, cela signifie, s’agissant des territoires ruraux les plus vulnérables – ceux qui cumulent les plus fortes difficultés économiques, sociales, démographiques –, qu’il faut prévoir un accompagnement spécifique actionnant tous les leviers de l’action publique.
Je dirai également quelques mots de notre action pour les petites villes et les villes moyennes, ces « cités rurales » évoquées par Charles Guené. Les études le montrent : la présence d’une ville dynamique, même de petite taille, a toujours un effet d’entraînement sur les territoires avoisinants. Aussi, quand le Gouvernement engage le programme Action cœur de ville – je salue Jacques Mézard, qui en est à l’initiative – en mobilisant 5 milliards d’euros sur cinq ans au profit de deux cent vingt-deux villes pour réhabiliter des logements, réimplanter des commerces et rénover les espaces publics, il agit aussi pour les territoires ruraux qui vivent en symbiose avec la ville voisine.
Soutenir les territoires ruraux, c’est également garantir la présence des services au public dans ces territoires. C’est tout le sens des 1 300 maisons de service au public qui ont été lancées par le précédent gouvernement et que nous continuons de déployer.
Pour ce qui concerne la réforme de l’État territorial, le Premier ministre détaillera prochainement son contenu. Mais les principes qui guident cette réforme sont ceux de l’État de proximité, car l’État ne peut se vivre au seul niveau régional et doit s’incarner au plus près des habitants.
Parmi les services essentiels, la question de la démographie médicale a été abordée par plusieurs d’entre vous, dont Jacques Genest. Le Gouvernement s’y attaque avec la plus grande détermination au travers de plusieurs mesures, dans la continuité, même si certaines d’entre elles sont en rupture. Qu’il me soit permis d’en citer quelques-unes : fin du numerus clausus ; création d’une prime pour encourager la réalisation de stages de médecine dans les zones qui rencontrent des problèmes de démographie ; déploiement de 400 médecins salariés dans les déserts médicaux ; accélération des maisons de santé pluridisciplinaires ; renforcement des hôpitaux de proximité ; remboursement pour tous de la télémédecine grâce à un accord avec l’assurance maladie ; déploiement, d’ici à 2022, de 1 000 communautés professionnelles territoriales de santé.
Le service public, c’est aussi l’éducation nationale, comme l’a rappelé Cécile Cukierman. C’est pourquoi 400 postes supplémentaires seront créés en deux ans dans les quarante-cinq départements les moins denses, qui viendront s’additionner aux mesures déjà déployées et qui ont permis d’accroître le taux d’encadrement des élèves sur l’ensemble du territoire, notamment dans les départements les plus ruraux.
Cela étant, disons les choses avec lucidité, cette question n’est pas indissociable de la question démographique, comme Jean-Claude Luche l’a parfaitement souligné.
La politique des liens est physique, mais je ne reviendrai pas sur les mesures prises et sur celles annoncées en direction des infrastructures routières par la ministre Élisabeth Borne.
Évelyne Perrot, Noëlle Rauscent et Jean-Claude Requier ont abordé la question du numérique. Le Gouvernement n’accepte pas que des pans entiers de nos territoires soient coupés du monde, dans des « zones blanches », qui interdisent l’accès à une part significative de l’information disponible et qui freinent le développement des entreprises…