rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du CAS Développement agricole et rural ». - Je suis moi aussi très heureux de retrouver mon ami et complice Yannick Botrel.
La plupart des crédits du programme 149 sont consacrés au financement national du deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC), qui soutient certaines composantes qualitatives de la politique agricole. Or les crédits chutent de 16,8 %. Cette évolution reflète deux modifications majeures, qui, pour l'une, pose un problème rédhibitoire et, pour l'autre, suscite une réelle perplexité. Pour le reste, les crédits du programme 149 sont à peu près inertes, la loi de programmation des finances publiques ayant placé la mission sous une contrainte budgétaire forte. Ce choix, s'agissant d'une branche d'activité économique majeure, confrontée à des difficultés structurelles considérables et affectée par des à-coups conjoncturels de forte amplitude, me semble inapproprié. Car sans les subventions publiques, 60 % des exploitations auraient eu en 2016, selon les données de l'Insee, un résultat courant avant impôt négatif. En pareille conjoncture, le gel des soutiens est un mauvais signal, qui contredit les ambitions d'une agriculture forte, compétitive, contribuant à l'aménagement du territoire et installée sur une trajectoire de transition agro-écologique.
L'indemnité de compensation des handicaps naturels (ICHN) connaît certes une augmentation de 20 millions d'euros : mais cela est seulement dû à la réforme du zonage, qui fait entrer de nouvelles exploitations dans le dispositif, mais en fait sortir 3 800 - avec un impact à évaluer au plus vite. Le surcroît de crédits n'est pas un supplément net : comme trop souvent, on pioche dans les dotations du premier pilier de la PAC pour combler les impasses du financement du second pilier. Les concours nets moyens à l'agriculture sont au mieux stabilisés.
Les dotations réservées au verdissement de la politique agricole baissent fortement : les retards de paiement des aides avaient justifié des dotations inhabituellement élevées l'an dernier, certes, mais le niveau des soutiens reste sans élan. Le Président de la République a annoncé un objectif de conversion de 15 % des sols agricoles vers une production bio, alors que nous sommes à 8 % aujourd'hui. Cette ambition n'est pas dotée.
Les aides agricoles ont subi des retards de paiement considérables ces dernières années. Un rattrapage très hésitant a eu lieu. Il faut s'en féliciter, mais les interventions les plus significatives pour le verdissement sont celles qui ont été régularisées avec le plus de retard. Il faudra rester vigilant sur le calendrier des versements demeurant à normaliser. Je signale aussi que certains services fiscaux négligent le fait que les sommes finalement reçues se rattachent à plusieurs exercices ! Les facteurs de dysfonctionnement de la chaîne des paiements ne sont pas tous surmontés. Les défaillances informatiques de l'agence de services et de paiement et les insuffisances des capacités de contrôle demeurent. Aucun moyen n'est inscrit pour corriger ces déficits de capacité. Structurellement, la gestion des paiements agricoles pourrait être significativement améliorée : hélas on attend toujours le choc de simplification. La mauvaise exécution des paiements nous vaut année après année des corrections financières parmi les plus élevées que la Commission européenne prononce contre les États...
L'une des mesures du projet de budget suscite tout particulièrement la perplexité : l'an dernier, 300 millions d'euros avaient été inscrits pour imprévus. La dotation est réduite d'un tiers pour 2019, la consommation des crédits en 2018 ayant été de l'ordre de 190 millions d'euros. Cela a été la divine surprise de l'année puisqu'au moment de la construction du budget, on pouvait craindre plus d'un milliard d'euros de corrections financières. Le Gouvernement, manifestement, escompte encore cette fois une issue heureuse... Et aucune marge n'est laissée pour le soutien aux exploitations elles-mêmes. À ce propos, il est regrettable que la ligne ouverte en 2018 n'ait pas été mobilisée à ce jour pour accompagner les agriculteurs, éleveurs en particulier, qui subissent la sécheresse. Sur ce déficit de précaution, le Gouvernement répond que la dotation en cas de besoin serait abondée par une loi de finances rectificative, mais les collectifs n'ont pas vocation à couvrir des impasses budgétaires parfaitement identifiables au moment de la loi de finances initiale ! Le budget ne comporte pas non plus les moyens de doter les mécanismes par lesquels transitent les interventions d'urgence de soutien aux revenus agricoles. Et malgré son intérêt, la nouvelle déduction pour épargne de précaution n'aura aucune valeur pour les 50 % d'agriculteurs dont le revenu est inférieur à 14 000 euros par an.
Il existe encore un point de désaccord majeur entre le Sénat et le Gouvernement, qui porte sur les réductions d'allègements du coût du travail saisonnier. Le Gouvernement refuse de rétablir un dispositif qui concerne 73 000 exploitations soumises à une concurrence très forte de la part de pays à faible coût du travail. Certes, par rapport au budget initial qui prévoyait tout simplement la suppression du dispositif TO-DE (travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi), un début de solution a été apporté. Toutefois, il reste une perte sèche de l'ordre de 30 à 40 millions d'euros - et de 30 millions d'euros sur les autres lignes du programme 149 puisque le petit geste sur les TO-DE serait financé par un redéploiement de crédits...
Ce blocage et plus largement le défaut de cohérence du budget par rapport à notre ambition agricole constituent une raison impérieuse de rejeter les crédits de la mission, comme l'an dernier. Je vous avais alors, en revanche, recommandé l'adoption des crédits du CAS-DAR. Je n'en ferai pas de même cette année. D'une part, le compte a accumulé des capacités de dépense qui vont bien au-delà de sa capacité effective à dépenser : la taxe qui l'alimente et qui pèse sur les exploitations agricoles mériterait d'être allégée, sinon elle ira alimenter d'autres politiques publiques. D'autre part, les interventions du CAS ne sont pas évaluées avec suffisamment de rigueur.