Intervention de Claude Raynal

Réunion du 22 novembre 2018 à 15h00
Loi de finances pour 2019 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, cette année, l’examen du projet de loi de finances intervient dans un contexte particulièrement lourd, la confiance des collectivités locales comme celle des citoyens à l’égard de la parole et de l’action du Gouvernement paraissant particulièrement et durablement atteintes.

Au moment de l’élection présidentielle, la confiance des ménages était mesurée à un niveau de 108 ; elle s’effondre aujourd’hui à 94 !

Cette situation, couplée aux aléas pesant toujours plus sur l’environnement international, amène à s’interroger sur le scénario de croissance retenu, certes crédible, mais sans doute optimiste.

Durant le débat sur l’orientation des finances publiques du 20 juillet 2017, on nous annonçait que le choc de confiance lié à l’élection présidentielle devrait nous permettre d’envisager 1, 9 % de croissance en 2019. Je crains, malheureusement, que le taux de 1, 7 % retenu dans ce projet de loi de finances ne soit un maximum.

En 2017, ce même jour, le ministre Darmanin promettait une stabilité de la dépense publique – une première, selon lui. Je le cite : « Notre stratégie est donc de dépenser beaucoup moins et de cesser de faire de l’impôt le refuge de notre lâcheté, en réduisant au contraire les prélèvements obligatoires pour stimuler l’économie et le pouvoir d’achat ». Il y aurait donc une baisse très importante de la dépense publique, dont l’augmentation serait nulle l’année suivante.

Ce fut effectivement le cas en 2018. Mais, après les affirmations d’hier, ce projet de loi de finances fait apparaître une nouvelle augmentation des dépenses, de 0, 6 % en 2019. Il y a loin de la coupe aux lèvres !

Les seules économies réalisées le sont par des mesures de sous-revalorisation de certaines prestations, notamment des retraites, pour un montant de 3, 5 milliards d’euros tout de même. Une nouvelle fois, les retraités et les familles sont mis à contribution. Ce n’est pas glorieux !

On ne s’étonnera pas, dès lors, que, même en isolant les mesures temporaires et de périmètre, le déficit annoncé pour 2019 reste supérieur à ceux de 2017 et – incroyable – de 2016, et ce, monsieur le secrétaire d’État, malgré les effets de manche de vos premiers mois d’activité.

Sans surprise, l’État continuera de porter la totalité du besoin en financement des administrations publiques, au détriment des administrations locales et de sécurité sociale, qui présentent, elles, des soldes positifs attendus à des niveaux respectifs de 0, 1 % et 0, 8 % du PIB.

En 2017, le ministre Darmanin annonçait que l’État prendrait sa part dans la baisse des dépenses, pour plus de 40 %. Là aussi, on en est loin !

En matière de pouvoir d’achat, malgré une communication du Gouvernement portant sur 6 milliards d’euros de baisse des prélèvements en faveur des ménages en 2019, l’Institut des politiques publiques et l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, considèrent tous deux que, après une année blanche en 2018, les ménages bénéficieront d’un gain de pouvoir d’achat très limité en 2019.

Le gain maximum sera de 1 % pour les plus riches, quand la légère augmentation pour les classes moyennes se fera au détriment des plus modestes.

La réalité, monsieur le secrétaire d’État, c’est que votre orientation économique et budgétaire ne porte pas les fruits que vous en attendiez. Pour le dire de manière très triviale, la théorie du ruissellement ne fonctionne pas ! Cela creuse les inégalités, sans offrir de compensations réelles à celles et ceux qui ont le plus besoin de l’État.

Ces éléments de contexte étant rappelés, je souhaite évoquer le volet recettes du projet de loi de finances pour 2019.

Comme vous le savez, les parlementaires socialistes des deux chambres ont travaillé sur une proposition alternative de budget pour la France et pour les Français.

Nous le disons ici avec force, nous pouvions dégager davantage de recettes !

Nous sommes opposés à l’allégement de la contribution au budget de la Nation des plus aisés.

Nous sommes – nous l’avons toujours été – contre la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, contre le prélèvement forfaitaire unique, le PFU, et l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, lesquels nous privent, chaque année, de 5 milliards d’euros de recettes.

Nous sommes contre la suppression de l’exit tax, que vous envisagez.

Nous sommes contre l’élargissement de la « niche Copé », que vous nous soumettez.

Nous sommes contre la transformation du CICE en baisse de charges, opération que même le monde patronal ne nous demandait pas et qui nous coûtera, sur l’exercice 2019, près de 20 milliards d’euros.

Nous estimons que ces 20 milliards d’euros, correspondant, certes, à une ressource ponctuelle, auraient pu être utilisés plus efficacement, par exemple, en abondant le fonds pour l’innovation de rupture que vous souhaitez mettre en place dans le cadre du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit projet de loi PACTE. Vous auriez pu ainsi éviter la vente d’actions, notamment celles d’Aéroports de Paris, proposée dans le même projet de loi.

Quand ces mesures se doublent d’un accroissement de la CSG des retraités, d’une diminution des aides personnalisées au logement, les APL, de coupes opérées au détriment de nos territoires périphériques – je pense en particulier aux outre-mer, qui subissent un traitement très dur dans ce projet de loi de finances – ou encore d’une désindexation de différentes prestations par rapport à l’inflation, votre politique nous apparaît comme à la fois inefficace et injuste.

Nous tirons un deuxième enseignement de notre travail d’élaboration d’un autre budget, plus juste pour les Français : il existe aujourd’hui, dans notre pays, des urgences auxquelles vous ne répondez pas, monsieur le secrétaire d’État.

C’est pourquoi nous estimons urgent de soutenir le pouvoir d’achat des Français.

Nous avons proposé, dans le cadre de l’examen du PLFSS, d’appliquer la revalorisation initialement prévue des pensions du régime général, de corriger la hausse de la CSG en ne l’appliquant qu’aux pensions les plus élevées ou encore de mettre en place un minimum vieillesse de 85 % du SMIC pour les retraités agricoles.

C’est pourquoi, aussi, nous souhaitons accélérer la transition énergétique de l’économie française, vos actions n’étant pas suffisantes à nos yeux, comme en attestent, à la fois, le projet de loi de finances rectificative pour 2018, que nous venons d’examiner, et le projet de loi de finances pour 2019.

Notre collègue Rémi Féraud interviendra plus précisément sur ce point majeur, sur lequel l’attention est particulièrement focalisée aujourd’hui.

Parce que vous ne faites pas assez en faveur de la cohésion sociale, il convient de mettre de toute urgence en place des actions en ce sens.

Notre pays doit absolument s’engager dans une nouvelle manière de penser la prise en charge de nos aînés. Au-delà de la problématique du maintien à domicile, il faut, en particulier, lancer en urgence un grand plan concernant les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.

De plus, il est nécessaire de revaloriser les aides personnalisées au logement au regard de l’inflation, contrairement à ce qui est proposé dans le présent texte.

Certes, cette orientation n’est pas compatible avec la « start-up nation » prônée par le Président de la République, mais notre pays n’est pas une entreprise. C’est une communauté de destin, en droit d’attendre davantage de considération de leurs responsables politiques.

Durant l’examen de ce texte, nous formulerons plusieurs propositions par voie d’amendements.

Comme je l’ai déjà précisé, ces dernières visent, notamment, à revenir sur l’ensemble des mesures très pénalisantes proposées par le Gouvernement pour l’outre-mer. Notre collègue Victorin Lurel les évoquera tout à l’heure.

Elles tendent à revenir, également, sur un ensemble de mesures très orientées, relatives à la fiscalité du capital, voire du grand capital. Je pense à la « niche Copé » à l’article 12, au « pacte Dutreil » à l’article 16, au rétablissement de l’ISF en remplacement de l’IFI et du PFU, ou encore à une proposition de taxation accrue des golden parachutes.

Il s’agit aussi de revenir sur l’aspect punitif de la fiscalité environnementale mise en œuvre, non pas de s’opposer à la montée en puissance de cette fiscalité, que nous soutenons au travers de certains amendements, mais de veiller à ce qu’elle ne se traduise pas par une paupérisation accrue des classes populaires et que les ressources supplémentaires servent réellement à financer la transition écologique et énergétique.

Concrètement, cela se traduit par un élargissement de l’assiette de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la TEOM, par un renforcement de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, notamment avec la proposition d’instauration d’une taxe amont, mais également par la remise en cause de la suppression du tarif réduit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, pour le gazole non routier, qui n’entraînera d’ailleurs aucun changement comportemental, ou par la proposition de mise en œuvre d’une TICPE flottante.

En seconde partie, nous évoquerons également la question du chèque énergie, à la lumière des dernières annonces du Gouvernement.

En matière environnementale, nous allons proposer la suppression de la fiscalité réduite pour les produits à base d’huile de palme. Il s’agit vraiment d’une anomalie, qu’il convient de corriger.

Je ne m’attarderai pas sur les autres amendements que nous présenterons en séance ; ils sont assez nombreux. Nous évoquerons, en particulier, les chambres de commerce et d’industrie et les sociétés coopératives d’intérêt collectif.

Telles sont brièvement décrites, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les principales orientations que nous défendrons durant ce débat.

Le groupe socialiste et républicain, dans une démarche constructive, s’emploiera à améliorer le projet gouvernemental et tirera, bien sûr, les conclusions qui s’imposent au moment du vote. Mais nous ne doutons pas que le Gouvernement reprenne nombre de nos propositions !

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