Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 22 novembre 2018 à 8h40
Recherche et propriété intellectuelle — Programme de recherche et d'innovation horizon europe : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mm. andré gattolin et jean-françois rapin

Photo de André GattolinAndré Gattolin, co-rapporteur :

Je présentais, il y a six ans, devant notre commission un rapport sur le programme-cadre de recherche et d'innovation Horizon 2020. Je remercie à cette occasion Simon Sutour, alors président, et Jean Bizet pour la confiance qu'ils m'ont successivement accordée. Horizon 2020 constitue le huitième programme-cadre de recherche de l'Union européenne. Il a marqué un tournant par son association renforcée de la recherche et de l'innovation. Son budget de 80 milliards d'euros en a fait le premier programme mondial de soutien public à la recherche.

Les propositions de la Commission européenne pour le prochain programme-cadre de recherche et d'innovation s'inscrivent dans la même logique. Pour la période 2021-2027, la durée du prochain cadre financier pluriannuel, elle propose une évolution et non une révolution : Horizon 2020 devient Horizon Europe.

Comme pour Horizon 2020, Horizon Europe comprendra trois piliers et une action transversale. Le premier pilier restera consacré à la recherche fondamentale. Le Conseil européen de la recherche attribue des bourses aux projets individuels sur un critère d'excellence ; marqueur mondial de l'excellence scientifique européenne, cet outil précieux doit être conservé. Seront réunies au sein du deuxième pilier la question de la primauté industrielle de l'Europe et la réponse aux défis sociétaux. Il s'agit de financer des missions interdisciplinaires qui apporteront une réponse globale aux grands problèmes mondiaux. Cette approche semble faire l'unanimité : les projets de recherche collaborative seraient mis au service des objectifs politiques de l'Union. Le troisième pilier sera enfin tourné vers l'innovation, notamment de rupture. L'Europe s'interroge depuis plusieurs années sur les raisons de son retard en ce domaine. Le modèle de l'agence américaine pour la recherche dans la défense, la Darpa, interroge. Elle a apporté un soutien décisif aux développeurs de moteur de recherche comme Google ou de géolocalisation avec le GPS, en suivant un processus à trois étapes : une présentation large du problème à résoudre de façon à attirer des candidatures nombreuses, venues d'horizons et de disciplines variés ; puis le subventionnement d'un grand nombre de projets, ce qui nécessite d'accepter une importante prise de risque ; enfin, la conservation des projets les plus prometteurs sur lesquels on va concentrer les moyens, ce qui impliquera de couper les subventions aux projets qui ne seront pas accompagnés jusqu'au bout. Le directeur de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) a estimé, lors de son audition, que le soutien à l'innovation de rupture nécessitait une rupture de la politique de l'innovation. La méthode apparaît certes coûteuse, mais, comme aux États-Unis, de la quantité naîtra la qualité, d'autant que nos chercheurs sont excellents. Nous soutenons donc la création du Conseil européen de l'innovation.

L'éducation à la science nous semble, en revanche, insuffisamment apparente dans le futur programme-cadre. Elle est pourtant essentielle à la diffusion de la connaissance et au renforcement du lien entre la science et la société. Le budget dédié dans Horizon 2020 ne serait hélas pas reconduit. Nous demandons donc qu'un tel programme soit réintroduit dans la partie transversale d'Horizon Europe. À l'heure des fausses informations et de la mise en cause des travaux sur le dérèglement climatique, il est indispensable que soit diffusée la connaissance scientifique.

Je souhaite enfin attirer votre attention sur les conséquences du Brexit. La Commission européenne propose d'ouvrir davantage le programme de recherche aux pays tiers. Or, si le Royaume-Uni devait sortir de l'Union européenne, les conséquences pour la recherche seraient majeures, car il est un des premiers bénéficiaires du programme : il y participe à hauteur de 11,5 % environ et bénéficie de 14,7 % des financements. Il pourrait alors bénéficier du statut d'État associé ; il est prévu, dans ce cas, un mécanisme de correction afin de s'assurer que le pays contribue autant qu'il reçoit : les pays partenaires sont invités à participer à des projets d'excellence scientifique, mais l'Europe ne subventionne pas leurs recherches. Dès lors, une part de financement conséquente fera défaut au Royaume-Uni, estimée à 70 millions d'euros par an dans les sciences humaines et sociales où il excelle. Il n'est pas certain que le budget national compense cette perte ; un appauvrissement de la recherche au Royaume-Uni se profile. Mais la France sera également perdante, compte tenu de l'excellence des travaux britanniques et de l'importance de la collaboration entre les deux pays. Elle peut néanmoins espérer récupérer une part de l'enveloppe budgétaire versée à la recherche outre-Manche.

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