Intervention de Jean-François Rapin

Commission des affaires européennes — Réunion du 22 novembre 2018 à 8h40
Recherche et propriété intellectuelle — Programme de recherche et d'innovation horizon europe : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mm. andré gattolin et jean-françois rapin

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin, co-rapporteur :

Une évaluation de la participation française à Horizon 2020, réalisée après trois ans d'exercice, laisse apparaître un bilan en demi-teinte et une certaine déception. En effet, tandis que notre pays pèse pour 16,3 % de la dépense intérieure totale de l'Union européenne, il n'obtient que 10,5 % des financements européens. La qualité de notre recherche n'est pas en cause - elle est excellente et figure en première place des projets acceptés avec 14,2 % d'accords pour un taux moyen de 11,2 % dans l'Union - mais le nombre de candidatures françaises demeure insuffisant ; elles ne représentent que 8,4 % des dossiers. En outre, les crédits européens bénéficient à une minorité de chercheurs puisque le premier bénéficiaire du programme est le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le troisième, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA).

Les explications à ce constat sont multiples : les programmes européens ne sont pas toujours connus, la conception des dossiers est lourde et complexe, surtout pour une petite structure, les guichets sont nombreux et le porteur de projet ne sait pas toujours vers lequel s'orienter. En outre, il existe, en France, plusieurs financements plus faciles d'accès, à l'image de ceux de l'ANR, dont la commission des finances a décidé d'augmenter le budget et, parfois, une concurrence entre les appels d'offre européens et nationaux. Enfin, il manque ce réflexe initial, qui existe chez certains de nos voisins, de penser d'abord à l'Europe. Peut-être devons-nous être plus incitatifs en demandant aux porteurs de projet de se tourner d'abord vers l'Union européenne. Il faut sûrement améliorer le pilotage, détecter les projets devant être portés au niveau européen et mieux former nos chercheurs à l'Europe. Nous devons créer un réflexe européen et travailler sur la complémentarité des financements, car tous les projets ne sont évidemment pas d'envergure européenne. Nous appelons le Gouvernement, qui a conscience du problème, à adopter un plan d'action pour y remédier.

Les régions ultrapériphériques sont enfin associées au programme-cadre. Pour la France et ses départements d'outre-mer, il s'agit d'une victoire.

Si le budget du programme-cadre est adopté, celui-ci deviendra le premier programme mondial de soutien public à la recherche et le troisième budget de l'Union européenne après la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion. Il s'inscrit dans un ensemble de dépenses consacrées à la recherche et à l'innovation qui donnent corps à la priorité de la Commission Juncker d'un budget pour l'avenir. Je pense notamment au programme Euratom pour le nucléaire, au projet ITER, au programme pour une Europe numérique, aux fonds de cohésion et à lnvestEU.

Pour la recherche et l'innovation, la Commission européenne propose une enveloppe de 100 milliards d'euros, incluant le financement d'Euratom. À proprement parler, Horizon Europe bénéficierait de 97,6 milliards d'euros, dont 3,5 milliards proviendraient d'InvestEU sous la forme de prêts garantis, soit 94 milliards d'euros de subventions pour la recherche et l'innovation. L'effort est réel ; il correspond, en tenant compte la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, à une augmentation de près de 40 % par rapport à l'actuel cadre financier pluriannuel. Pourrait ainsi être financée l'innovation de rupture en conservant un soutien solide à la recherche fondamentale, à la compétitivité industrielle et à la réponse aux défis mondiaux. Pourtant, au regard des sommes allouées par ses concurrents - Chine, États-Unis, Corée du sud, Japon - l'Europe perd en compétitivité dans un domaine au coeur de la croissance économique. L'objectif de 3 % du PIB consacrés à la recherche, que s'était fixé l'Union européenne au début des années 2000, ne sera pas atteint. Ce n'est pas faute d'excellents projets ! Le Conseil européen de la recherche estime à 500 par an le nombre de projets qu'il pourrait financer, parce qu'ils répondent au critère d'excellence, mais qu'il ne peut soutenir par manque de crédits. La Commission européenne estime que plus de 62 milliards d'euros supplémentaires seraient nécessaires pour Horizon 2020.

Le Parlement européen s'est prononcé en faveur d'un budget de 120 milliards d'euros pour Horizon Europe. Mais il s'inscrit dans une perspective d'augmentation générale du budget européen loin encore d'être acquise. Le chiffre de 160 milliards d'euros, soit un doublement du budget actuel, a également circulé. Nous estimons que le budget proposé par la Commission européenne représente un plancher qui ne doit pas être franchi. Certes, les autres programmes européens doivent aussi être financés, mais il faut se demander où la plus-value est la plus importante.

Enfin, il existera désormais une meilleure synergie entre l'utilisation des crédits du programme Horizon Europe et la mobilisation d'autres fonds pour des projets de recherche. Ainsi, une aide européenne au titre des fonds de cohésion reçue par un État membre pourra être considérée comme un apport national à un projet de recherche d'Horizon Europe. La mobilisation d'InvestEU, par son effet de levier, pourra générer plusieurs dizaines de milliards d'euros venus du secteur privé, pour permettre aux laboratoires et aux entreprises les plus prometteurs de grandir et de rester en Europe.

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