Intervention de Franck Montaugé

Réunion du 21 novembre 2018 à 14h30
La ruralité une chance pour la france — Débat organisé à la demande du groupe du rdse

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans cette chambre haute qui représente au Parlement les territoires, le thème de ce débat sonne à la fois comme une espérance, une nécessité et une ambition politique.

Disons-le sans ambages : la Nation se délitera, le pays se balkanisera, si nous continuons tous à tout miser sur les métropoles de notre pays pour répondre aux attentes de nos concitoyens vivant en zone rurale. Étant entendu qu’il nous faut aussi des métropoles dynamiques à taille européenne pour être présents dans la compétition internationale.

Quelle place entendons-nous donner aux ruralités françaises pour la création de richesses économiques, sociales, environnementales et culturelles et pour un développement durable dont le bien-être de chacun et l’intérêt général national doivent être les motifs premiers ?

Il y a deux semaines, dans le cadre d’une procédure un peu surprenante, le Gouvernement a soumis à notre examen la proposition de loi portant création d’une agence nationale de la cohésion des territoires, laissant entendre qu’il défend une ambition politique en matière de cohésion des territoires. Or, sur le fond, ce texte technique a davantage traité du « comment » que du « quoi » ou du « pourquoi ».

Nous avons été nombreux dans cet hémicycle à regretter que le remarquable travail du commissaire général à l’égalité des territoires, M. Morvan, ne soit pas exploité ou ne constitue pas le point d’entrée d’un vaste débat national sur la place et le rôle des ruralités en France.

Pour l’avoir appréciée en tant que responsable d’exécutifs locaux hier, de sénateur aujourd’hui, je tiens à souligner la qualité du travail mené par le Commissariat général à l’égalité des territoires pour les contrats de ville, par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine en matière de renouvellement urbain. Nous jugerons dans la longue durée les effets de ces politiques, mais je pense que les principes structurants retenus sont adaptés aux enjeux.

Dans la ruralité comme ailleurs, c’est l’économie qui fait la vitalité, le dynamisme du territoire.

Or, tout au long des décennies passées, la productivité agricole a fait son œuvre. Si l’objectif d’autosuffisance alimentaire à coût abordable pour le consommateur a été atteint, c’est au prix d’un double sacrifice : celui du revenu pour les agriculteurs, celui de la démographie pour les territoires.

Dans notre République, où l’attachement des Français à l’égalité et à la justice se manifeste en ce moment de manière préoccupante, le darwinisme territorial et social n’est pas une option. Le sentiment d’abandon est une réalité dans de nombreuses campagnes.

Que disait le Président de la République en juillet dernier devant le Congrès de Versailles ? Il en appelait à « une réorganisation de l’État à travers plus de présence sur les territoires », ajoutant : « Surtout, il faut enrayer un mode d’action publique qui a toujours procédé aux économies en réduisant sa présence sur les territoires. » Il nous disait croire à « l’installation de nouveaux projets », à un « rééquilibrage des territoires, par l’installation d’activités économiques, accompagnées, aménagées avec l’ensemble des élus locaux par le Gouvernement » et « un accompagnement des services de l’État dans le cadre de ce projet ».

Sur le terrain, en réalité, nous constatons trop souvent l’inverse… Tout, ou presque, reste à faire !

Dans quelque temps, nous examinerons le projet de loi sur les mobilités. Il faut que des réponses concrètes soient apportées aux Français des territoires ruraux qui sont et resteront captifs de la voiture pour vivre au quotidien.

Je mesure tous les jours, au contact des entreprises installées dans le Gers ou qui voudraient s’y installer, combien les voies rapides et le rail restent des infrastructures majeures pour le développement économique et social. En particulier, il faut que l’État termine le plus vite possible les routes nationales, par lesquelles l’influence métropolitaine vitalise les territoires ruraux.

Dès lors, monsieur le ministre, quelle est votre conception de la justice spatiale, un concept de plus en plus employé ? Quelle est votre définition de la cohésion des territoires, et sur quels critères la fondez-vous ?

Comment, concrètement, doit se manifester la solidarité réciproque entre des territoires aux dynamiques très dissemblables, par exemple entre les métropoles et leurs zones rurales d’influence directe ou plus lointaine ?

Quel rôle l’État doit-il jouer, dans le respect des principes de la décentralisation ? Souscrivez-vous à tout ou partie des propositions du rapport Morvan ?

Bref, quels sont vos objectifs quantifiés pour gagner en cohésion territoriale ? Quelle est votre stratégie pour y parvenir, et suivant quel calendrier ? Quel processus au fil de l’eau prévoyez-vous pour évaluer l’efficacité de cette politique de cohésion des territoires ? Avec quelle implication – c’est une question importante – des élus et des citoyens ?

Les élus locaux, tout particulièrement ceux des campagnes, désespèrent de pouvoir mener une action publique efficace et reconnue par leurs administrés. Ils ont besoin de respect, de visibilité, de stabilité, de moyens financiers propres et d’accompagnements divers, celui de l’État n’étant pas le moindre.

Monsieur le ministre, pour que la ruralité soit une chance pour la France, je vous invite à nous soumettre sans tarder un projet de loi de programmation visant – tous les mots ont leur importance – à la reconnaissance et au développement des ruralités françaises !

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