Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 26 novembre 2018 à 14h30
Loi de finances pour 2019 — Articles additionnels après l'article 18 duodecies priorité

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Je ne suis pas intervenu longuement, eu égard au nombre d’amendements en discussion commune. Je regrette ce long tunnel de 26 amendements, qui ne permet pas de donner – j’en suis désolé, mes chers collègues – un avis détaillé sur tous.

Je remercie ceux qui, malgré leurs regrets très légitimes que je comprends, ont accepté de se rallier à l’amendement de la commission des finances. De nombreux autres sujets, comme la fiscalité des carburants écologiques, mériteraient d’être traités.

Pour revenir sur ce que vient de dire à l’instant Roger Karoutchi, notre amendement, que nous nous apprêtons à voter dans un contexte quelque peu surréaliste puisque cette disposition risque demain d’être en contradiction avec d’autres annonces, a d’abord le mérite de la clarté et de la cohérence avec la position que nous avons exprimée l’année dernière.

De la clarté, car nous ne pouvons pas encore une fois entériner une hausse de la fiscalité sur les carburants et sur le fioul domestique sans avoir de visibilité. Qu’est-ce qui est contestable, finalement ? Ce n’est pas la trajectoire carbone. Vous l’avez les uns et les autres dit, nous l’avons tous votée, nous avons tous accepté ce débat, et le Sénat a même été favorable très en amont sur la nécessité de changer de mode de comportement.

Ce qui est inacceptable aujourd’hui figure à la page 500 de notre rapport écrit. Vous y trouverez un schéma particulièrement éclairant : où va le surcroît de fiscalité prévu chaque année ? Va-t-il à la transition énergétique ? Non ! Le produit de la TICPE s’élevait à 30, 4 milliards d’euros en 2017, à 33, 8 milliards en 2018 et s’élèvera à 37, 7 milliards en 2019, en augmentation forte donc. La part supplémentaire va exclusivement au budget de l’État, et donc évidemment pas au compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », qui est stable.

Le Gouvernement nous répond : « Peut-être, mais dans le budget de l’État on fait beaucoup de choses pour la transition énergétique ». C’est vrai que, pour faire une analyse tout à fait honnête et je le reconnais volontiers, la transition énergétique n’est pas financée par le seul compte d’affectation spéciale.

Mais il faut examiner les autres postes de dépenses de près : la TVA au taux de 5, 5 % représente 1, 1 milliard d’euros par an, un montant stable ; le crédit d’impôt transition énergétique a été diminué quasiment par deux – vous le savez bien, les fenêtres ont été retirées du dispositif –, passant de 1, 7 milliard d’euros à 879 millions d’euros ; le chèque énergie représente 666 millions d’euros. L’ensemble des autres dépenses non seulement ne sont pas en augmentation, mais sont en diminution…

Voici la première chose qui choque : la fiscalité écologique est vue d’abord comme une fiscalité de rendement destinée à équilibrer les comptes de l’État.

Deuxième élément, il n’y a évidemment pas d’accompagnement de nos concitoyens, comme nous l’avons dit les uns et les autres, particulièrement dans les zones rurales bien sûr, mais aussi pour les logements individuels.

Je pense que la bonne solution, c’est tout simplement – et nous aurions aimé avoir ce débat – de regarder quels moyens nous nous donnons pour accélérer et accompagner cette transition énergétique, et ensuite d’essayer de rendre ces taxes supportables. Mais on met la charrue devant les bœufs : on augmente d’abord – le signal prix est violent, particulièrement pour ceux qui n’ont pas les moyens de changer leur mode de comportement – et on évoque ensuite l’éventualité d’une compensation, pour redonner un peu d’une main ce qu’on a pris de l’autre. C’est évidemment ce qui est contestable et qui explique la situation actuelle.

Je dirai un mot de la question évoquée par nos collègues Gremillet et Primas sur l’article suivant relatif au GNR. Il est vrai que, dans l’état actuel, si vous deviez adopter l’amendement de la commission des finances, cela reviendrait à la position de l’année dernière, c’est-à-dire le maintien du tarif de TICPE de 2018, nonobstant évidemment la question du gazole non routier qui ne figurait pas dans la loi de finances de l’année dernière puisqu’il fait l’objet de l’article 19, lequel tend à tripler la fiscalité qui lui est applicable.

Ce carburant bénéficiait d’un avantage : était-il justifié ou non ? En tout cas, ce qui n’est pas acceptable, c’est la brutalité, nous en convenons tous. On ne peut pas dire à des entreprises qui bénéficiaient d’un tarif très inférieur d’abandonner du jour au lendemain leurs tractopelles, alors que l’on sait très bien qu’il n’y a pas de solution alternative. Je le redis, cette brutalité est inacceptable.

Pour ce qui concerne l’article 19, sur lequel le Gouvernement commence à ouvrir quelque peu sa position, la commission des finances proposera, à la fois, un amendement permettant de répercuter le coût de l’augmentation – c’est l’amendement « pied de facture » – applicable notamment aux grandes et moyennes entreprises et, pour les PME, dont les contrats ne permettent pas d’appliquer une telle mesure – je pense aux entreprises du bâtiment pour lesquelles le devis constitue le contrat –, un amendement qui tend à différer l’impact de l’augmentation du gazole non routier.

Nous voulons très clairement en rester à la position que nous avions adoptée l’année dernière, c’est-à-dire le gel de la trajectoire, non pas parce que nous refusons la transition énergétique, mais parce qu’il faut des mesures d’accompagnement. Nous gardons donc le tarif de TICPE de 2018.

Quant au gazole non routier, il fera l’objet de propositions de la commission des finances à l’article 19, qui gêne manifestement le Gouvernement lui-même, puisqu’il est amené à nous proposer des amendements pour exonérer certains secteurs ou retarder l’application de la mesure – nous en avons encore reçu ce matin.

Par rapport à des annonces qui risquent de se faire dans la confusion demain et d’être très variables, la position de clarté du Sénat, c’est d’en rester à notre position de l’année dernière : nous ne pouvons pas accepter cette hausse brutale sans accompagnement des Français.

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