Nous changeons totalement de sujet ; nous passons des déchets à un amendement directement issu des travaux de la commission des finances et, à titre accessoire, de notre groupe de travail sur la lutte contre la fraude.
Un article du journal Le Monde a fait des révélations concernant une fraude aux dividendes. Nous avons entendu un certain nombre d’acteurs, notamment la Direction générale des finances publiques, la DGFiP, l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR. Ces différentes auditions ont mis en évidence un phénomène relativement massif de fraude, qui pouvait représenter, selon les diverses estimations, un montant très important, allant d’un à trois milliards d’euros. La fraude consiste à profiter de failles dans certaines dispositions, soit internes soit liées à des conventions internationales, permettant d’éviter l’impôt, notamment au moment où le dividende d’une action doit être touché.
Ce phénomène est massif et ce dispositif peut être mis en œuvre au travers de non-résidents. Pour cela, il faut s’appuyer sur un certain nombre de conventions fiscales ; des pays prévoient, en vertu de ces conventions – elles sont citées précisément dans l’amendement –, un taux d’imposition nul. En ayant recours à ces non-résidents, on peut éventuellement bénéficier, en prêtant une action de manière peut-être un peu abusive, d’une absence d’imposition.
Comment cette fraude a-t-elle été chiffrée ? À partir des volumes extrêmement importants de transactions ; lors de son audition, l’AMF a indiqué que l’on pouvait constater des volumes pouvant aller jusqu’à huit fois le volume normal, lorsque le titre donnait lieu au versement d’un dividende. Sur le fondement d’un rendement moyen des actions de 4 % et d’un taux normal d’imposition de 15 %, on peut aboutir au chiffrage que je citais à l’instant.
Nous avons donc cherché, comme l’ont fait d’autres pays – l’Allemagne, les États-Unis –, à éviter ce phénomène de fraude aux dividendes. C’est la raison de l’amendement n° I-536 rectifié, qui a été très largement cosigné par des collègues. Il a été proposé à la signature des autres membres du groupe de travail, et je remarque que cinq amendements lui sont identiques.
Vu l’heure tardive, il serait un peu fastidieux de vous détailler de manière très précise, mes chers collègues, le dispositif, qui comporte tant un montage interne qu’un volet externe. Je vous signale simplement que le mécanisme interne est assez directement issu de ce qu’ont fait les États-Unis, qui ont également eu affaire à ce phénomène, et qui ont pu lutter, grâce à un dispositif de ce type, contre la fraude aux dividendes. Donc cela fonctionne aux États-Unis, et ce dispositif ne devrait pas empêcher la vie normale des affaires. En effet, un prêt de titre peut être tout à fait légitime et se faire pour des raisons autres que l’évitement de l’impôt – on peut par exemple avoir besoin de trésorerie –, et il est tout à fait possible d’échapper au prélèvement à la source créé par le dispositif en apportant la preuve que l’on ne poursuit pas un but fiscal.
Comment le dispositif fonctionne-t-il ? En instaurant, tout simplement, un prélèvement forfaitaire libératoire de 30 %, perçu par l’établissement financier. On peut échapper à ce prélèvement, je le répète, en apportant la preuve que le but du mouvement n’est pas fiscal.
C’est un dispositif assez complet, qui devrait permettre d’éviter ces fraudes à l’avenir. C’est un amendement important, grâce auquel on devrait récupérer une somme importante, puisque, je le répète, cette fraude a été évaluée entre un et trois milliards d’euros au minimum, d’après les auditions de l’AMF.
C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d’ailleurs très nombreux sur toutes les travées, de voter ces amendements identiques. Peut-être le Gouvernement – je le reconnais volontiers, s’agissant d’un sujet très technique – proposera-t-il des améliorations, voire un autre dispositif ; nous y sommes ouverts. Ce que, très majoritairement – en tout cas, ceux qui ont participé à ces travaux –, nous ne souhaitons pas, c’est de laisser les choses en l’état.
Pour être tout à fait complet, et j’en aurai terminé, l’Assemblée nationale a proposé la constitution d’un groupe de travail ; cela ne nous paraît pas être à la hauteur des enjeux ; nous préférons un dispositif qui soit opérationnel dès le 1er janvier 2019.