Intervention de Philippe Paul

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 28 novembre 2018 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « sécurités » - programme 152 « gendarmerie nationale » - examen du rapport pour avis

Photo de Philippe PaulPhilippe Paul, co-rapporteur des crédits du programme 152 de la mission « Sécurités » :

Avant de vous présenter notre appréciation sur les crédits de la gendarmerie nationale prévus au projet de loi de finances pour 2019, il convient de saluer la qualité du travail globalement accompli par les gendarmes au cours de l'année passée. Ce qu'il importe avant tout de souligner, c'est que la gendarmerie nationale cherche constamment à s'adapter pour améliorer le service rendu à la population.

Ainsi, dans le domaine de la lutte contre la délinquance, la gendarmerie a obtenu des résultats particulièrement positifs en matière d'atteintes aux biens. Le général Lizurey a évoqué devant nous, le 24 octobre dernier, une baisse de 6,6% des cambriolages au niveau national. Or, cette diminution est en partie due à une adaptation efficace de la gendarmerie au changement de nature de cette criminalité ; celle-ci relevant depuis quelques années de groupes organisés transnationaux.

Par ailleurs, la gendarmerie a su affronter des crises de grande ampleur, qui ont mis à l'épreuve son organisation ainsi que ses performances en matière de maintien de l'ordre. Ces crises ont montré que l'institution était en mesure de s'adapter à des situations particulièrement difficiles. L'évacuation maîtrisée de Notre-Dame-des-Landes, par exemple, témoigne de cette capacité de la gendarmerie à offrir au ministère de l'intérieur, en étroite coordination avec les autres forces de sécurité mais aussi avec les élus locaux, une réponse adéquate aux défis qu'elle est chargée d'affronter. La gendarmerie a ainsi adapté en permanence son dispositif, avec vingt-six escadrons de gendarmerie mobile (EGM) engagés sur l'opération en janvier et février 2018, puis un maintien de huit EGM, avant une remontée en puissance à vingt-cinq EGM pour l'opération d'évacuation d'avril 2018.

Il faut également saluer la contribution essentielle des membres de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, que ce soit Outre-mer où leur apport a été précieux après le passage de l'ouragan Irma, ou sur le territoire métropolitain où ils apportent souvent une aide précieuse aux collectivités locales pour le bon déroulement de certains événements. À cet égard, nous regrettons le fait que la régulation budgétaire de 2018 ait conduit à une réduction de 900 emplois de réservistes jusqu'en septembre dernier. Ceci a en effet constitué un handicap très sérieux pour le bon accomplissement des missions de la gendarmerie nationale.

Il est d'autant plus nécessaire de souligner le travail accompli que, comme l'ont montré les excellents travaux de la Commission d'enquête du Sénat sur l'état des forces de sécurité intérieure, les conditions d'exercice du métier sont difficiles. Les causes en sont multiples. La lutte contre le terrorisme a énormément mobilisé la gendarmerie et l'a obligée à revoir son organisation, notamment en matière de renseignement et d'interventions spéciales. Les relations avec la population sont souvent tendues, y compris au cours des interventions les plus quotidiennes, comme lors des contrôles routiers. Les tâches administratives sont de plus en plus lourdes et la procédure judiciaire est devenue trop complexe. Enfin, nous y reviendrons, les moyens matériels sont très contraints.

Il est vrai que la situation n'est pas aussi préoccupante qu'au sein de la police nationale, en partie grâce à l'existence de mécanismes relativement efficaces d'expression et de traitement des difficultés rencontrées par les gendarmes. Je pense en premier lieu au Conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG) et à son groupe de contact. Il est vrai aussi que les agents ont bénéficié d'améliorations indéniables, comme le programme NéoGend, qui semble unanimement apprécié par les troupes pour sa facilité d'utilisation et pour la simplification des taches qu'il a permise.

Toutefois, ne croyons pas la gendarmerie protégée par son statut militaire. Si ce sont plutôt les policiers qui ont récemment manifesté leur mécontentement avec le mouvement de la fin 2016, la gendarmerie nationale a également connu des crises importantes par le passé, notamment à l'été 1989 et en décembre 2001. Par conséquent, il convient d'observer la plus grande vigilance sur les mesures prises par le Gouvernement pour éviter une dégradation supplémentaire de l'état moral des personnels.

Le présent rapport est l'occasion d'exercer cette vigilance sur les moyens budgétaires qui seront mis à disposition de la gendarmerie nationale en 2019 pour l'accomplissement de ses missions.

Je ne reviendrai pas en détail sur les chiffres que le général Lizurey nous a déjà présentés le 24 octobre dernier. Les crédits de paiement du programme 152 augmentent d'environ 2%. Mais, comme 85% de ces crédits sont des rémunérations et pensions et que celles-ci augmentent de 2,3%, la presque totalité de la hausse prévue est absorbée par le titre II.

Rappelons que le président de la République a annoncé la création de 10 000 emplois sur la période 2018-2022 pour renforcer les forces de sécurité intérieure ; la gendarmerie nationale devant bénéficier sur cette période d'un total de 2 500 emplois, dont 625 au titre de 2019. Pour mémoire, 500 emplois avaient été créés au titre de 2018. Par ailleurs, une enveloppe de 50,03 millions d'euros est prévue en 2019 pour financer des mesures catégorielles statutaires et indemnitaires, dont la suite de l'application du plan de 2016.

En revanche, ni les crédits de fonctionnement, ni les crédits d'investissement ne nous semblent traités de manière satisfaisante en 2019.

Tout d'abord, la légère hausse des dépenses de fonctionnement prévue ne correspondra pas à une amélioration des conditions de travail des gendarmes. Cette hausse s'explique en effet essentiellement par l'ajustement des enveloppes de la gendarmerie mobile et du carburant, par la couverture des coûts de fonctionnement et d'équipement des réservistes et des personnels dont le recrutement est prévu en 2019, ainsi que par l'inflation des loyers. Ainsi, au total, le budget de titre 3 prévu au PLF 2019 permet seulement de reconduire, à périmètre constant, les dotations de fonctionnement courant des unités, les loyers de droit commun, le maintien en condition opérationnelle des systèmes d'information et des hélicoptères, ainsi que l'équipement des unités.

Le vieillissement des matériels est également toujours une source de préoccupation. En 2019, le budget consacré au renouvellement automobile devrait ainsi se monter à 61 millions d'euros en crédits de paiement. Ceci devrait permettre en théorie d'acheter 2 800 véhicules, ce qui est insuffisant pour assurer un renouvellement correct de la flotte. En outre, pour le moment, en raison du gel budgétaire, seuls 1 700 véhicules ont pu être acquis sur les 3 000 prévus pour l'année 2018. Cette restriction n'est pas anodine : les véhicules sont la vitrine des forces de l'ordre, et l'état dégradé des voitures de la gendarmerie porte atteinte à la dignité de la fonction. Enfin, il n'y aura en 2019, une fois encore, aucun investissement nouveau matière de véhicules blindés ou de moyens aériens.

Au total, l'ensemble de ces éléments, ainsi que l'absence de perspective à long terme sur le rattrapage des moyens pourtant nécessaire, me conduit à préconiser une abstention sur les crédits du programme 152. Afin de dépasser ces interrogations que exprimons chaque année sur le budget de la gendarmerie, il me paraît nécessaire que l'ensemble des forces de sécurité intérieure puissent bénéficier d'une nouvelle loi de programmation pluriannuelle, sur le modèle de la loi de programmation militaire.

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