L'ordre du jour appelle, dans un premier temps, la présentation, par nos collègues Philippe Paul et Yannick Vaugrenard, des crédits du programme 152, consacrés à la Gendarmerie nationale, de la mission « Sécurités ».
Avant de vous présenter notre appréciation sur les crédits de la gendarmerie nationale prévus au projet de loi de finances pour 2019, il convient de saluer la qualité du travail globalement accompli par les gendarmes au cours de l'année passée. Ce qu'il importe avant tout de souligner, c'est que la gendarmerie nationale cherche constamment à s'adapter pour améliorer le service rendu à la population.
Ainsi, dans le domaine de la lutte contre la délinquance, la gendarmerie a obtenu des résultats particulièrement positifs en matière d'atteintes aux biens. Le général Lizurey a évoqué devant nous, le 24 octobre dernier, une baisse de 6,6% des cambriolages au niveau national. Or, cette diminution est en partie due à une adaptation efficace de la gendarmerie au changement de nature de cette criminalité ; celle-ci relevant depuis quelques années de groupes organisés transnationaux.
Par ailleurs, la gendarmerie a su affronter des crises de grande ampleur, qui ont mis à l'épreuve son organisation ainsi que ses performances en matière de maintien de l'ordre. Ces crises ont montré que l'institution était en mesure de s'adapter à des situations particulièrement difficiles. L'évacuation maîtrisée de Notre-Dame-des-Landes, par exemple, témoigne de cette capacité de la gendarmerie à offrir au ministère de l'intérieur, en étroite coordination avec les autres forces de sécurité mais aussi avec les élus locaux, une réponse adéquate aux défis qu'elle est chargée d'affronter. La gendarmerie a ainsi adapté en permanence son dispositif, avec vingt-six escadrons de gendarmerie mobile (EGM) engagés sur l'opération en janvier et février 2018, puis un maintien de huit EGM, avant une remontée en puissance à vingt-cinq EGM pour l'opération d'évacuation d'avril 2018.
Il faut également saluer la contribution essentielle des membres de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, que ce soit Outre-mer où leur apport a été précieux après le passage de l'ouragan Irma, ou sur le territoire métropolitain où ils apportent souvent une aide précieuse aux collectivités locales pour le bon déroulement de certains événements. À cet égard, nous regrettons le fait que la régulation budgétaire de 2018 ait conduit à une réduction de 900 emplois de réservistes jusqu'en septembre dernier. Ceci a en effet constitué un handicap très sérieux pour le bon accomplissement des missions de la gendarmerie nationale.
Il est d'autant plus nécessaire de souligner le travail accompli que, comme l'ont montré les excellents travaux de la Commission d'enquête du Sénat sur l'état des forces de sécurité intérieure, les conditions d'exercice du métier sont difficiles. Les causes en sont multiples. La lutte contre le terrorisme a énormément mobilisé la gendarmerie et l'a obligée à revoir son organisation, notamment en matière de renseignement et d'interventions spéciales. Les relations avec la population sont souvent tendues, y compris au cours des interventions les plus quotidiennes, comme lors des contrôles routiers. Les tâches administratives sont de plus en plus lourdes et la procédure judiciaire est devenue trop complexe. Enfin, nous y reviendrons, les moyens matériels sont très contraints.
Il est vrai que la situation n'est pas aussi préoccupante qu'au sein de la police nationale, en partie grâce à l'existence de mécanismes relativement efficaces d'expression et de traitement des difficultés rencontrées par les gendarmes. Je pense en premier lieu au Conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG) et à son groupe de contact. Il est vrai aussi que les agents ont bénéficié d'améliorations indéniables, comme le programme NéoGend, qui semble unanimement apprécié par les troupes pour sa facilité d'utilisation et pour la simplification des taches qu'il a permise.
Toutefois, ne croyons pas la gendarmerie protégée par son statut militaire. Si ce sont plutôt les policiers qui ont récemment manifesté leur mécontentement avec le mouvement de la fin 2016, la gendarmerie nationale a également connu des crises importantes par le passé, notamment à l'été 1989 et en décembre 2001. Par conséquent, il convient d'observer la plus grande vigilance sur les mesures prises par le Gouvernement pour éviter une dégradation supplémentaire de l'état moral des personnels.
Le présent rapport est l'occasion d'exercer cette vigilance sur les moyens budgétaires qui seront mis à disposition de la gendarmerie nationale en 2019 pour l'accomplissement de ses missions.
Je ne reviendrai pas en détail sur les chiffres que le général Lizurey nous a déjà présentés le 24 octobre dernier. Les crédits de paiement du programme 152 augmentent d'environ 2%. Mais, comme 85% de ces crédits sont des rémunérations et pensions et que celles-ci augmentent de 2,3%, la presque totalité de la hausse prévue est absorbée par le titre II.
Rappelons que le président de la République a annoncé la création de 10 000 emplois sur la période 2018-2022 pour renforcer les forces de sécurité intérieure ; la gendarmerie nationale devant bénéficier sur cette période d'un total de 2 500 emplois, dont 625 au titre de 2019. Pour mémoire, 500 emplois avaient été créés au titre de 2018. Par ailleurs, une enveloppe de 50,03 millions d'euros est prévue en 2019 pour financer des mesures catégorielles statutaires et indemnitaires, dont la suite de l'application du plan de 2016.
En revanche, ni les crédits de fonctionnement, ni les crédits d'investissement ne nous semblent traités de manière satisfaisante en 2019.
Tout d'abord, la légère hausse des dépenses de fonctionnement prévue ne correspondra pas à une amélioration des conditions de travail des gendarmes. Cette hausse s'explique en effet essentiellement par l'ajustement des enveloppes de la gendarmerie mobile et du carburant, par la couverture des coûts de fonctionnement et d'équipement des réservistes et des personnels dont le recrutement est prévu en 2019, ainsi que par l'inflation des loyers. Ainsi, au total, le budget de titre 3 prévu au PLF 2019 permet seulement de reconduire, à périmètre constant, les dotations de fonctionnement courant des unités, les loyers de droit commun, le maintien en condition opérationnelle des systèmes d'information et des hélicoptères, ainsi que l'équipement des unités.
Le vieillissement des matériels est également toujours une source de préoccupation. En 2019, le budget consacré au renouvellement automobile devrait ainsi se monter à 61 millions d'euros en crédits de paiement. Ceci devrait permettre en théorie d'acheter 2 800 véhicules, ce qui est insuffisant pour assurer un renouvellement correct de la flotte. En outre, pour le moment, en raison du gel budgétaire, seuls 1 700 véhicules ont pu être acquis sur les 3 000 prévus pour l'année 2018. Cette restriction n'est pas anodine : les véhicules sont la vitrine des forces de l'ordre, et l'état dégradé des voitures de la gendarmerie porte atteinte à la dignité de la fonction. Enfin, il n'y aura en 2019, une fois encore, aucun investissement nouveau matière de véhicules blindés ou de moyens aériens.
Au total, l'ensemble de ces éléments, ainsi que l'absence de perspective à long terme sur le rattrapage des moyens pourtant nécessaire, me conduit à préconiser une abstention sur les crédits du programme 152. Afin de dépasser ces interrogations que exprimons chaque année sur le budget de la gendarmerie, il me paraît nécessaire que l'ensemble des forces de sécurité intérieure puissent bénéficier d'une nouvelle loi de programmation pluriannuelle, sur le modèle de la loi de programmation militaire.
Je voudrais débuter cette intervention en constatant que nos forces de sécurité sont très éloignées des élans d'affectation constatés après les attentats terroristes que nous avons subis. Or, la gendarmerie en particulier doit fait face très fréquemment à de lâches et violentes agressions, de la part de personnes ou de groupes extrémistes organisés.
La versatilité de l'opinion ne saurait nous atteindre. C'est pourquoi je veux affirmer mon soutien et ma reconnaissance aux services que nos gendarmes rendent à la Nation, avec courage et sang-froid. Mais ce soutien doit aussi être matériel et financier.
À l'issue de notre analyse des crédits de la gendarmerie pour 2019, il me faut malheureusement constater que « le compte n'y est pas ». Qu'il s'agisse des moyens de fonctionnement courant, des véhicules ou encore de l'immobilier, les crédits prévus ne sont pas à la hauteur des enjeux. Plus encore que les montants prévus, c'est la stratégie d'ensemble qui semble faire défaut. En effet, si l'on veut préserver l'ensemble des capacités opérationnelles de la gendarmerie, il faut aujourd'hui d'élaborer un plan global de remise à niveau, en mettant clairement en regard les missions et les moyens correspondants, sur une base pluriannuelle. Je partage donc tout-à-fait l'idée, évoquée par mon collègue Philippe Paul et proposée par une commission d'enquête sénatoriale, d'une nouvelle loi de programmation pluriannuelle des forces de sécurité.
Outre les éléments déjà indiqués, je voudrais souligner les points suivants.
D'abord, les dépenses d'investissement seront en recul en 2019. Certes, un montant de 108,9 millions d'euros en crédits de paiement permettra de financer la cinquième annuité du plan de réhabilitation de l'immobilier domanial de la gendarmerie nationale pour la période 2015-2020. Parallèlement, le plan de renforcement de la sécurité des casernes, deuxième année du plan, se verra attribuer 15 millions d'euros.
Si les crédits prévus par ces deux plans semblent importants, ils doivent toutefois être comparés aux véritables besoins. Les études entreprises par la gendarmerie nationale permettent ainsi d'évaluer les besoins budgétaires en matière immobilière à environ 300 millions d'euros par an, soit 100 millions pour la maintenance et 200 millions pour les opérations de reconstruction ou de renouvellement. Ainsi, au total, les crédits prévus pour 2018-2020 sont inférieurs de plusieurs centaines de millions d'euros aux crédits réellement nécessaires. Sur invitation du directeur général de la gendarmerie nationale, j'ai bénéficié d'une immersion de vingt-quatre heures au sein de l'antenne du GIGN de Nantes, dont les membres servent la Nation avec un dévouement sans limite. À cette occasion, j'ai également mesuré les conditions déplorables de leur hébergement avec leurs familles, qui ne se plaignent pourtant pas.
S'agissant par ailleurs des équipements, comme l'a indiqué Philippe Paul, le renouvellement des véhicules est insuffisant. L'âge moyen des véhicules a certes un peu diminué, passant à 7,4 ans et 120 000 km. Ces chiffres cachent toutefois de grandes disparités, le rythme de mise en réforme des véhicules ayant beaucoup ralenti cette année à cause du gel des crédits déjà évoqué.
Deuxième élément, il convient de constater que, malgré les assurances exprimées l'an passé par le Président de la République, la gendarmerie nationale ne reviendra pas en arrière sur l'application de la directive européenne temps de travail, pour son volet relatif au repos journalier. La perte correspondante en équivalents temps pleins a été définitivement chiffrée par l'inspection générale de l'administration à 4 000 ETP. Ce sont donc des emplois définitivement perdus, qui sont loin d'être compensés par le plan de croissance des effectifs. Le Général Lizurey affirme que cette perte a désormais été absorbée par l'institution sans que le service public en soit affecté. C'est donc l'ensemble des gendarmes, dont la situation est déjà souvent difficile, qui ont donc dû pallier ce déficit en travaillant davantage.
Troisième élément, la question des « tâches indues » n'est toujours pas entièrement traitée malgré certains progrès. Ces tâches indues recouvrent des missions historiquement affectées aux forces de sécurité intérieure, pour des raisons tenant notamment à leur très grande disponibilité, et désormais accomplies par simple habitude. Sont par exemple concernés les convocations et les notifications de décisions judiciaires, les fonctions de gardes statiques devant les bâtiments officiels, l'enregistrement des procurations électorales ou encore le traitement des scellés judiciaires pour destruction.
Plusieurs étapes ont certes déjà été franchies afin de réduire le périmètre de ces missions. Ainsi en est-il par exemple de l'enregistrement de la perte de documents officiels, qui a été restreinte aux seuls cas de pertes sans renouvellement de documents, des gardes statiques, qui ont été fortement réduites, et de la notification des mesures de suspension administrative du permis de conduire.
De l'avis des personnels, ces évolutions sont loin d'être suffisantes. Au moment où se met en oeuvre la police de sécurité du quotidien, il importe plus que jamais de dégager les personnels actifs de la gendarmerie de missions périphériques pour véritablement augmenter leur présence sur le terrain.
Je souhaiterais enfin faire le point sur une réforme en cours au ministère de l'intérieur, que nous devons suivre avec attention car elle peut avoir des conséquences importantes pour le fonctionnement des forces de sécurité intérieure, en particulier la gendarmerie.
Dans le cadre de la transformation numérique de l'État menée sous l'égide de la direction interministérielle du numérique, le ministère des armées s'est déjà doté d'une direction générale du numérique, dite « DNUM ». Un décret et trois arrêtés ont été pris cet été pour mettre en place cette direction générale. Ces textes définissent davantage une direction générale de gouvernance et de coordination qu'une direction qui mènerait elle-même les projets numériques. Ceci permet de préserver un équilibre entre un niveau central d'impulsion qui veille au caractère harmonieux de la transformation numérique de l'ensemble du ministère, et des niveaux plus proches du terrain qui peuvent continuer à innover de manière souple et efficace.
Or le ministère de l'intérieur est en cours de réflexion pour créer sa propre direction générale du numérique. Celle-ci sera placée auprès du secrétariat général du ministère et devrait regrouper plusieurs services préexistants. Je rappelle que les forces de sécurité disposent aujourd'hui d'outils efficaces comme le service des technologies et des systèmes d'information de la Sécurité intérieure (le ST(SI)2), placé auprès de la gendarmerie mais bénéficiant également à la police, et qui est à l'origine de NéoGend et NéoPol, ou encore du système de gestion des soldes « AGORH@ », loués pour leur efficacité et leur coût maîtrisé.
Il nous paraît essentiel que le nouveau dispositif, à propos duquel nous avons entendu le secrétaire général du ministère de l'Intérieur, permette de capitaliser sur ces réussites reconnues. Il s'agit de générer de nouvelles économies tout en préservant les spécificités des systèmes d'information de la sécurité intérieure, dont les exigences en termes de disponibilité et d'efficacité sont très élevées. Il faut également préserver les capacités d'innovation, la souplesse et l'agilité des services existants, qui associent étroitement compétences numériques et de terrain. N'oublions pas non plus que, dans ce domaine des applications informatiques, un accident est vite arrivé, comme en témoigne le précédent de LOUVOIS. Il convient de noter que la création d'une direction générale des achats est également en cours ; nous aurons à suivre ce dossier dans les prochains mois.
En conclusion, je crois qu'il faut prendre très au sérieux les difficultés exprimées par l'ensemble des forces de sécurité intérieure, notamment devant la commission d'enquête qui avait été présidée par Michel Boutant. Dans ce contexte, les crédits du programme 152 pour 2019 ne me paraissent pas, que ce soit par leur volume global ou par leur répartition, de nature à éloigner le risque d'une crise au sein de la gendarmerie nationale.
En conséquence, je préconise d'émettre un avis défavorable aux crédits qui nous sont proposés.
Je remercie nos rapporteurs de leur évaluation objective des crédits de nos forces de sécurité. Dans nos départements, les commandants de groupement gèrent la pénurie budgétaire. Les lauréats du concours de la gendarmerie doivent également reporter leur incorporation parfois même au-delà d'un an, faute des crédits de formation suffisants. Ces jeunes peuvent se retrouver dans une situation professionnelle difficile, suite à un tel différé. La situation de nos réservistes de gendarmerie doit également être soulignée : suite à la déflation de 900 emplois, les commandements de groupement font appel à ces réservistes par demi-journée seulement, faute de pouvoir honorer financièrement le coût des repas ! En outre, de nombreux réservistes mobilisés lors de la crise des gilets jaunes en novembre ne seront rémunérés qu'en mars 2019 ! Cette situation est dramatique ! Je m'abstiendrai donc sur les crédits de ce programme.
Le règlement des vingt-deux millions d'heures supplémentaires police n'est toujours pas assuré ! Le mal est profond, au sein de nos forces de l'ordre, comme l'ont récemment illustré deux suicides dans la police nationale. Les événements actuels mettent à mal la capacité de résistance de nos forces de sécurité qui sont extrêmement sollicitées. Ce budget, notamment en termes d'investissement, est problématique : plutôt que de mettre en oeuvre ces diminutions budgétaires, il faudrait accorder de nouveaux moyens à ces forces qui protègent la République !
Comment s'exerce le mécénat au profit de la gendarmerie ? Le Groupe Hermès aurait donné un million d'euros à la Garde Républicaine !
Il existe en effet des opérations de mécénat, dont l'une, qui implique deux entreprises et s'élève à deux millions d'euros, a bénéficié au manège Battesti de la caserne des Célestins : il s'agit d'un soutien à l'entretien du patrimoine historique de la Garde républicaine. Dans le cadre de la commission d'enquête sénatoriale, la question des aides extérieures à la police nationale et à la gendarmerie a été abordée. On en vient à demander l'achat, par les collectivités locales, de véhicules pour la police nationale ! Cette situation est ubuesque ! Il y a quelques années, le maire de Pointe à Pitre payait déjà le carburant des véhicules de police ! Les gendarmes ne relèvent pas de la loi de programmation militaire et la mission Sécurités leur accorde une place ténue. La tentation est forte de voter contre le budget. La gendarmerie a reçu l'autorisation du ministère des finances d'acquérir de nouveaux véhicules l'année prochaine ou d'intégrer des personnels sur des reliquats de l'exercice de 2018 ! Il faut inscrire notre réflexion sur la gendarmerie en cohérence avec notre position sur le budget des armées. Le Général Richard Lizurey, qui vient d'être prolongé dans ses fonctions, est un grand professionnel très apprécié de ses troupes. Voter contre le budget conduirait, d'une certaine manière, à le fragiliser ; c'est pourquoi j'ai prôné l'abstention.
Je tiens à manifester mon soutien total et absolu au général Lizurey, qui a besoin de moyens conséquents. C'est pourquoi, précisément, je voterai contre ce budget. La Région Ile-de-France et la Ville de Paris, quelle qu'en soit la majorité politique, ont proposé d'acheter des véhicules pour les mettre au service de la police, sans exercer aucun droit de regard pour leur utilisation. Elles ont essuyé un refus de principe. Une telle démarche constituerait certes un précédent. Le mal est profond au sein des forces de sécurité. Il nous faut alerter le Gouvernement ! Pourquoi avoir créé une commission d'enquête sénatoriale, dont les conclusions et les préconisations ont été adoptées à l'unanimité, et ne pas en tirer les conséquences lors de ce vote du budget ? Il est aberrant que les forces de sécurité de la sixième puissance mondiale doivent attendre le mécénat pour défendre la population ! A l'instar de notre démarche lors de l'examen de la loi de programmation militaire, nous pourrions veiller à ce qu'un engagement soit pris en faveur du renouvellement des équipements de nos forces de sécurité. Des moyens interministériels, déjà sollicités lors des opérations extérieurs, pourraient également être déployés au profit de la gendarmerie et la police nationale. Notre soutien doit être important et un vote négatif d'alerte est aujourd'hui nécessaire.
Le Groupe socialiste suivra la position de notre collègue Yannick Vaugrenard. Nous sommes tous conscients des conditions de vie et d'exercice des gendarmes en nette dégradation depuis des années. Nous entendons soutenir le général Richard Lizurey avec ce vote négatif.
Le ministre en charge des comptes et de l'action publics nous a expliqué qu'aucun besoin immédiat n'était pourtant à relever !
La commission donne un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 152 de la mission « Sécurités », avec 4 voix pour (groupe LREM), 10 voix contre (Groupe socialiste et républicain) et l'abstention des autres commissaires présents (26 abstentions).
Je cède maintenant la parole, pour la présentation des crédits de l'audiovisuel extérieur, à nos collègues Joëlle Garriaud-Maylam et Raymond Vall respectivement sur les programmes 844 - France Medias Monde - et 847 - TV5 Monde - de la mission « Avances à l'audiovisuel public ».
En 2019, les dotations allouées aux entreprises de l'audiovisuel public, à hauteur de 3,78 milliards d'euros, diminueront de 1% par rapport à 2018. Cette baisse est la conséquence des décisions du Gouvernement : d'une part, la fin de l'affectation à France Télévisions d'une part du produit la taxe sur les opérateurs de communications électroniques entraînant une perte de recettes de 85,5 millions d'euros, et, d'autre part, la dérogation à l'augmentation mécanique du taux de la contribution à l'audiovisuel public au rythme de l'inflation, de l'ordre de 1%, soit un manque à gagner estimé pour un euro par foyer assujetti, à un montant total de 27,9 millions d'euros et, enfin, le fait de sursoir à toute décision concernant la réforme de l'assiette de cette contribution.
Dans notre avis sur les crédits de l'audiovisuel extérieur dans le PLF 2018, nous avions déploré la progression limitée des crédits de France Médias Monde, inférieurs de 2 millions d'euros à la prévision attendue figurant dans son contrat d'objectifs et de moyens et la diminution de la contribution française à TV5 Monde, de l'ordre d'un million d'euros, très en-deçà des besoins exprimés par son plan stratégique.
Cette situation inquiétante s'assombrit dans le PLF 2019 : France Médias Monde voit ses crédits diminuer de 1,2% pour atteindre 256,2 millions d'euros, soit une baisse de 1,6 million d'euros, et les crédits de TV5 Monde enregistrent une baisse de 1,6%, pour atteindre 76,2 millions d'euros, soit une baisse de 1,2 million d'euros. Force est donc de constater le décalage croissant entre les recettes affectées et les prévisions du contrat d'objectifs et de moyens et du plan stratégique, qui s'élève jusqu'à sept millions d'euros pour France Médias Monde, signé ou approuvé en 2017 et devant courir jusqu'en 2020.
Si l'on peut comprendre le souhait d'une réduction de l'empreinte du secteur public et la recherche d'économies dans la perspective d'une réforme de l'audiovisuel public, cette situation est d'autant plus étrange que ces entreprises ne semblaient guère jusqu'à présent, impactées par la réforme du secteur audiovisuel en préparation si l'on en croît les documents de réflexion publié mis à notre disposition.
A contrario - je tiens à votre disposition la réponse du ministre au questionnaire budgétaire-, leur contribution à l'influence de la France et de la langue française dans le monde semblait reconnue et leur développement attendu au plus haut niveau de l'État, au moment où s'engage dans le monde, sur les ondes et dans l'espace numérique, une lutte d'influence très active en mesure de conduire à des actions de désinformation et de déstabilisation.
Les États puissances réalisent un effort considérable de développement de leurs médias afin de renforcer leur influence. Nombre d'États à tendance autoritaire contrôlent ou limitent la liberté d'information sur leur territoire. Les groupes terroristes eux-mêmes développent une propagande efficace sur l'internet et les réseaux sociaux.
Il est essentiel que la France puisse être présente avec des médias porteurs de ses valeurs démocratiques et d'une éthique de l'information honnête, respectueuse de la vérité des faits et de la liberté d'expression des opinions et qu'elle consacre des moyens importants à la politique audiovisuelle extérieure. La France ne doit pas laisser pas en jachère des territoires où elle s'engage par ailleurs, parfois même au prix de la vie de ses soldats. Or, paradoxalement, les moyens de la politique audiovisuelle extérieure diminuent.
Nous allons maintenant vous donner quelques éléments d'informations sur les deux opérateurs FMM et TV5 Monde étant entendu que désormais dépourvus des ressources attendues, et obligés de réduire leurs ambitions, ils sont actuellement dans une situation de réflexion sur la manière de réaliser des économies en altérant le moins possible le contenu de leurs programmes et leurs capacités de diffusion.
La couverture de France Médias Monde atteint 356 millions de foyers. L'audience de ces différents médias - France 24, RFI et MCD - atteint 107,7 millions de personnes par semaine, pour plus de la moitié en Afrique francophone et pour un peu plus du quart en Afrique du Nord-Moyen-Orient. S'agissant des environnements numériques, ils enregistrent 42,7 millions de visites mensuelles.
France Médias Monde a conclu avec l'État un contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020 dont les principaux axes sont l'enrichissement des grilles de programme avec l'ouverture d'un service en espagnol en septembre 2017 qui connaît un vif succès et représente un coût en année pleine de 7,3 millions d'euros, l'adaptation aux évolutions des modes de diffusion, comme la TNT en Afrique, HD et numérique. Pour financer ces priorités dans un cadre financier durablement équilibré, la société devait bénéficier d'une augmentation de sa dotation publique de 3,3 millions d'euros en 2019 et elle s'est engagée à maîtriser l'évolution de ses charges. En 2017, l'État a tenu ses engagements et FMM a pu consolider son offre éditoriale et lancer France 24 en espagnol.
En revanche, en 2018, l'allocation d'une dotation de 2 millions d'euros inférieure au montant prévu, a obligé l'entreprise à opérer des licenciements dès la fin de 2017, au prix d'un déficit de 1,5 million d'euros et à réaliser de nouvelles économies en gestion, y compris en allégeant ses programmes et en renonçant à certaines diffusions notamment aux États-Unis, à New York et à Los Angeles.
L'exercice 2019 est, dès lors, une équation insolvable. L'impasse budgétaire est de 4,9 millions d'euros. Avec des possibilités d'économies de gestion épuisées et des ressources propres faibles et peu élastiques, c'est bien le coeur de métier, les programmes et la diffusion, qui seront mis à contribution avec des conséquences importantes pour l'emploi - 70% des coûts de la grille sont des coûts de personnel -, pour l'audience et la notoriété. Rendons hommage au travail de ces personnels qui ne comptent pas leurs heures et assument leurs missions avec un zèle extraordinaire. La société évalue actuellement les différentes hypothèses de repli thématiques et géographiques, attendant des orientations des ministères concernés qui ont engagés une concertation, après avoir décidé la diminution des moyens.
La logique comptable est devenue l'axe principal de la stratégie audiovisuelle extérieure de la France et nous le déplorons.
TV5 Monde est confrontée à la même réalité avec 1,2 million d'euros de moins qu'en 2018, année qui avait déjà connu une diminution d'un million d'euros. À travers ses neuf déclinaisons généralistes régionalisées, sous titrées dans quatorze langues, et deux programmes thématiques, TV5 Monde est le principal outil télévisuel de rayonnement de la France et de la francophonie. Les programmes sont disponibles dans 370 millions de foyers, soit une progression de 4%, avec une audience de 41,9 millions de personnes chaque semaine et 45,6 millions de visites mensuelles pour ses activités numériques.
Son plan stratégique pour 2017-2020 est ambitieux. Il prévoit la transformation numérique de l'entreprise. Cette mutation doit par ailleurs soutenir ses priorités géostratégiques en première ligne desquelles se trouve l'Afrique, premier territoire de développement de la francophonie, où la concurrence se renforce chaque jour davantage. Pour ce faire, TV5 Monde doit obtenir d'être largement diffusée en TNT, et pour cela jouer son rôle de chaîne panafricaine, par des investissements accrus en programmes, en marketing, et potentiellement en sous-titrage dans les langues locales.
TV5 Monde doit aussi respecter ses missions de distribution la plus large possible y compris en HD. Afin d'accroître son accessibilité en dehors des seuls publics francophones, le renforcement de sa politique de sous-titrage est également un impératif. Le besoin de financement sur quatre ans était évalué à quarante millions d'euros mais les États membres - France, Canada, Belgique et Suisse - ont adopté une position ambiguë d'approbation du plan, sans s'engager sur son financement.
La position française de réduction de sa participation financière pour la deuxième année consécutive oblige la société tout en maintenant les priorités affichées et en s'efforçant d'absorber les glissements inéluctables par des économies sur le fonctionnement courant, à réduire les charges de programmes et de diffusion. La prévision de budget intègre, outre une diminution des coûts techniques dans le numérique, une baisse de 0,8 millions d'euros de la contribution de TV5 Monde au Centre international des radio-télévision d'expression francophone (CIRTEF), qui soutient la production de programmes en Afrique, et le retrait de sa diffusion traditionnelle câble et satellite au Royaume-Uni - 13 millions de foyers - et en Irlande - 800.000 foyers - avec le lancement d'une expérimentation de distribution exclusive en télévision connectée (OTT).
Compte tenu de l'absence de marges de manoeuvre suffisantes sur le fonctionnement courant des entreprises, trois démarches sont possibles : soit la navigation à vue en coupant dans l'éditorial et la diffusion en fonction des échéances des contrats et en attendant des jours meilleurs ; situation inextricable à laquelle sont contraints les dirigeants des opérateurs auxquels on demande de réaliser des objectifs dont on connaît les coûts financiers d'un côté, en les privant des ressources nécessaires de l'autre. C'est l'échouage garanti.
Soit la révision de la stratégie définie en 2017, qui représente le choix amorcé mais non encore pleinement assumé. Ainsi, une réflexion associant les ministères concernés afin d'identifier ses enjeux et priorités stratégiques est engagée. « Au regard des objectifs de la politique d'influence française et du contexte d'effort de consolidation budgétaire, l'activité des opérateurs de l'audiovisuel extérieur doit ainsi faire l'objet d'une réflexion quant à ses priorités géographiques et thématiques ». Cette démarche est effectivement nécessaire, mais nous estimons que la réflexion menée il y a deux ans lors de la négociation des documents stratégiques conserve toute sa pertinence. Si le contexte international a évolué, cela devrait mettre en relief l'exacerbation de la concurrence d'autres puissances et le besoin d'un renforcement de notre présence. Il ne s'agit pas d'une question de stratégie mais de volonté politique et de priorité qui engage l'intérêt national et notre politique étrangère. Au moment où la France fixe dans la LPM 2019-2025 comme priorité la prévention des conflits et où elle s'apprête à faire un effort considérable en matière d'aide publique au développement, l'action audiovisuelle extérieure reste plus qu'un utile complément, un outil au service de ces politiques qu'il conviendrait, à l'instar des Britanniques et d'autres États, de reconnaître et de conforter. Nous craignons que la révision stratégique ne soit que l'utile paravent d'un repli selon la seule logique budgétaire.
Troisième démarche, raisonnable, enfin : maintenir les engagements de l'État. Pour ce faire, deux voies sont envisageables : une première solution consisterait - à l'instar de ce que nous avions proposé en 2017, avec le rapporteur de la Commission des finances - à modifier la répartition des dotations entre les différents affectataires du compte de concours financiers « avances à l'audiovisuel public », afin d'affirmer la priorité qu'attache votre Commission à l'action audiovisuelle extérieure. Le montant des transferts entre programmes serait limité au rétablissement des crédits nécessaires de FMM. La diminution des crédits pour la ou les sociétés nationales de programmes serait ainsi modeste par rapport au montant de leurs dotations dans un contexte de réforme de l'audiovisuel public et de paysage audiovisuel domestique déjà bien pourvu. Nous vous proposerons un amendement en ce sens qui reprend pour partie de l'amendement proposé par la commission des finances concernant FMM. Le rapporteur de la commission de la culture a déposé un amendement dans le même sens.
Une seconde solution serait, comme le font les Britanniques et d'autres États - nous le faisions par le passé - d'affecter des ressources budgétaires aux opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure considérant qu'ils assurent une mission de service public sur la prévention des conflits, l'influence et l'aide au développement susceptible de les rendre éligibles à des crédits relevant du ministère des affaires étrangères. Une voie adjacente et indirecte consisterait à rendre éligible FMM aux crédits affectés aux dons projets distribués par l'Agence française de développement. Cela suppose toutefois la mise en place d'un protocole particulier et sans doute des modalités spécifiques d'examens. Si le directeur général de l'AFD, lors de son audition devant votre Commission, ne s'est pas montré fermé à cette perspective, cela supposera nécessairement un arbitrage politique et des délais de mise en oeuvre qui risquent d'être longs et de ne pas répondre au besoin urgent de financement de FMM en 2019. Dès lors, à titre personnel, puisque nous avons déjà examiné en commission les crédits de la mission « Aide publique au développement », nous proposons un amendement créant une ligne spécifique permettant d'aider France Médias Monde à financer des programmes qui portent sur des domaines prioritaires définis par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et qu'ils diffusent ou distribuent dans les pays éligibles.
Dès lors, et à titre personnel, sous réserve de l'adoption de ces amendements nous vous proposerions de donner un avis favorable à l'adoption du compte de concours financiers « avances à l'audiovisuel public », à défaut et donc dans l'état actuel, nous proposons un avis défavorable.
Je partage tout à fait le point de vue des rapporteurs. France Médias Monde et de TV5 participent à la présence de la France dans le monde, au-delà de la francophonie et sur l'ensemble des continents. France Télévisions et l'Agence Française de Développement pourraient en effet abonder, à hauteur de quelques millions d'euros, le budget de ces opérateurs internationaux.
Cet amendement n'est pas le seul en ce sens ! Prenons toutefois garde à ne pas dépouiller France Télévisions dont les dotations ont déjà subi des érosions répétées ! Encore faudrait-il que les rapporteurs de la commission de la culture en soient également informés ! Pour cette raison, le groupe socialiste s'abstiendra, tout en partageant ce qui a été dit sur l'importance de France Médias monde pour le rayonnement de la France.
Réaliser notre ambition pour l'audiovisuel extérieur dans le contexte de la révolution numérique implique le déploiement de nouveaux moyens. Il faut aller au-delà des belles déclarations et de l'affichage politique ! Ces baisses nous renvoient à un débat plus global sur les modalités de notre influence, qui ne saurait uniquement reposer sur notre présence militaire. Nous ne sommes pas au rendez-vous ! Toutefois, ce n'est pas en dépouillant France Télévisions et en ignorant la réalité du paysage audiovisuel international que nous y parviendrons ! Notre groupe s'abstiendra sur l'amendement mais considère que le budget proposé n'est pas suffisant.
Je m'inscris totalement dans les propos de notre collègue Ladislas Poniatowski. 2019 sera marqué par notre examen approfondi de l'aide au développement. Sans doute, un travail collégial avec les commissions des finances et de la culture sur le lien entre notre présence audiovisuelle extérieure et le développement permettrait d'avancer sur cette question.
Je voterai cet amendement. Je me demande cependant si les médias extérieurs constituent réellement un « outil de prévention des conflits » comme l'objet de l'amendement le mentionne !
Le groupe Union centriste votera cet amendement. L'action extérieure de l'État implique également l'influence médiatique à laquelle contribue France Medias Monde.
Les commissions des finances et de la culture présentent, pour la première fois, des amendements similaires. C'est un combat de longue haleine : les années précédentes j'avais, en vain, proposé un amendement prévoyant le transfert d'un million d'euros du budget de France Télévisions vers France Médias Monde. Ce nouvel amendement représente un signal fort, même si les montants demandés sont moindre que ceux proposés par la commission des finances. Il faut être cohérent ! On ne peut exiger à chaque fois le renforcement de l'image de la France et rogner le budget de l'audiovisuel extérieur qui contribue, me semble-t-il, à désamorcer les conflits. Les jeunes dans les zones en crise sont très influencés par ce qu'ils voient et entendent et nombre de chaînes étrangères qui ne partagent pas nos valeurs sont présentes notamment en Afrique. L'audiovisuel permet également de réduire le ressentiment vis-à-vis de notre pays et de refonder l'avenir après les conflits en diffusant nos valeurs !
La progression du budget de l'Aide publique au développement laisse de côté un éventuel soutien à l'audiovisuel extérieur qui participe également à l'information de l'ensemble de nos compatriotes expatriés. La situation de TV5 est particulièrement fragile et les sacrifices qui sont actuellement les siens ne sont pas tenables dans la durée. Nous devons obtenir de l'AFD une écoute à notre demande cohérente.
Dans le cadre de l'examen du futur contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD, nous pourrons faire valoir notre proposition. L'aide française au développement, qui bénéficie d'un montant total de neuf milliards d'euros, est supervisée par un haut-fonctionnaire. Il faut à présent utiliser à bon escient l'argent qui lui a été confié ! Je souhaite qu'au titre des moyens audiovisuels, vous puissiez participer à ce débat. Pour revenir sur les propos de notre collègue Robert del Picchia, il est vrai que le contenu de certaines émissions diffusées à l'international, comme celles de RFI, a pu parfois susciter de vives oppositions par le passé.
Nous présenterons également à titre personnel en séance un second amendement sur l'aide publique au développement.
Nous examinons à présent l'amendement présenté par les deux rapporteurs Cet amendement consiste à prélever trois millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement sur le budget de France-Télévisions afin d'abonder celui de France Médias Monde. Je mets aux voix cet amendement.
La commission donne un avis favorable à l'adoption de l'amendement présenté, les sénateurs des groupes socialiste, CRCE et LaRem s'abstenant.
La commission donne ensuite un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 844 et 847 de la mission « Avances à l'audiovisuel public », les sénateurs des groupes socialiste et CRCE s'abstenant.
La réunion est close à 10 h 50.