Intervention de Sylvie Robert

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 28 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « culture » - crédits « patrimoines » et « création transmission et démocratisation des savoirs » - examen du rapport pour avis

Photo de Sylvie RobertSylvie Robert, rapporteure pour avis :

Les points de vigilance que j'avais évoqués l'année dernière dans mon rapport n'ont globalement pas été levés : le Pass culture, le Fonpeps (Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle), les conservatoires et les écoles d'art. Les différents chantiers n'ont pas beaucoup progressé.

Toutefois, ce budget est un budget consolidé, stabilisé, avec une baisse des autorisations d'engagement, mais qui s'explique principalement par l'évolution d'un certain nombre d'échéanciers de travaux. Je pense à la relocalisation du Centre national des arts plastiques (CNAP) à Pantin et d'un certain nombre d'établissements de l'enseignement supérieur culture. En revanche, les crédits de paiement sont à peu près stables, avec certaines évolutions positives.

Le niveau de crédits de chacune des actions a été ajusté au plus près de la consommation des années précédentes. Je pense notamment aux bourses de l'enseignement supérieur, au Fonpeps. Le gouvernement le justifie par une volonté de sincérité budgétaire. Mais, le risque - et on le verra l'année prochaine - est qu'il n'y ait plus aucune marge de manoeuvre, alors qu'un certain nombre de chantiers, que j'évoquais précédemment, doivent être relancés l'année prochaine. Dans le même temps, et cela a été flagrant lors de l'audition du ministre, on nous parle des crédits de gestion. Lorsqu'on l'interroge sur l'origine des cinq millions d'euros qu'il a promis pour le Centre national de la musique (CNM) et qu'il nous répond qu'ils seront dégagés en gestion - il en est de même pour les 800 000 euros pour les écoles d'art -, il nous indique clairement disposer de marges de manoeuvre. Au final, la lisibilité du bleu budgétaire, mais aussi du budget de ces deux programmes va nous demander beaucoup plus de vigilance et de contrôle sur la mise en place des différentes actions car, traditionnellement, les crédits de gestion échappent au contrôle du Parlement.

Les collectivités territoriales sont mises à contribution, et ceci de plus en plus. Je pense notamment à l'éducation artistique et culturelle. Nous avons, cette année, auditionné les grandes associations d'élus. Elles nous ont indiqué que le capage à 1,2 % des dépenses de fonctionnement est une situation ubuesque. Le ministère leur demande d'intervenir avec lui dans le cadre d'un partenariat sur un certain nombre d'actions. Le plafonnement des dépenses à 1,2 % va les empêcher de le faire.

Les augmentations de crédits répondent à trois priorités. D'abord, le renforcement de l'équité territoriale qui se traduit par une augmentation des crédits déconcentrés. C'est un aspect intéressant. Je vous conseille d'interroger les DRAC de votre région afin de s'assurer qu'elles disposent bien de budgets en hausse. En matière d'arts visuels, les nouveaux crédits sont destinés à faciliter l'adoption des schémas d'orientation pour le développement des arts visuels (SODAVI) et à accompagner les Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) et les centres d'art en régions. Je veux simplement, comme je l'ai fait l'année dernière, souligner que les crédits destinés aux arts visuels restent faibles. C'est le parent pauvre du budget de la culture. Il y a peu d'efforts en direction des collectifs d'artistes et des lieux intermédiaires. Or ces lieux sont en plein développement et structurants pour nos territoires. La création du conseil national des professions des arts visuels, dont nous appelons à la création depuis plusieurs années pour permettre au secteur de se structurer, notamment sur son volet social, est annoncée pour la fin de l'année. J'espère que cela va se faire.

En matière d'accès de la jeunesse à la culture, les crédits sont en augmentation et de manière assez importante. L'implication des deux ministères - de la culture et de l'éducation nationale - est assez forte. Mais je remarque que l'engagement du ministère de l'éducation nationale en termes de crédits n'est pas encore à la hauteur de ce que l'on pourrait espérer. Beaucoup des actions d'éducation artistique et culturelle reposent sur l'investissement des collectivités territoriales.

J'attire votre vigilance sur plusieurs crédits : ceux destinés à réduire les inégalités territoriales dans l'accès à la culture et ceux destinés au développement des pratiques amateurs sont en baisse. On nous explique que l'accompagnement de ces projets sera fait par l'éducation artistique et culturelle. Je n'en suis pas certaine. C'est une question qu'il nous faudra suivre avec attention.

En ce qui concerne la promotion de la diversité culturelle, le Gouvernement met en exergue le rôle joué par le Centre national de la musique et le Fonpeps. Le projet du CNM est ancien. Il a désormais près de dix ans. L'idée est de retrouver au sein d'un même centre l'ensemble des esthétiques musicales, avoir un centre de ressources, un observatoire de la filière,... Il est vrai que les députés Pascal Bois et Emilie Cariou ont rendu leur rapport pour permettre le lancement du CNM. Mais comme je l'avais évoqué lors de l'audition du ministre, aucun crédit pour sa mise en place n'est inscrit au budget, alors qu'elle est attendue et que le Gouvernement a fait une promesse en ce sens. Le ministre rétorque que cinq millions d'euros seront consacrés sur la base de crédits de gestion. Je vous proposerai d'abonder ces crédits à hauteur de cinq millions d'euros supplémentaires et de demander au ministre de commencer à le mettre effectivement en place.

Je souhaite revenir sur les crédits d'impôt. Vous n'êtes pas sans savoir qu'à l'Assemblée nationale le crédit d'impôt spectacle vivant a été repérimétré par le Gouvernement via un amendement qui le fragilise considérablement. Nous devons prendre des décisions qui permettraient à la fois de revenir à un crédit d'impôt moins strict, tout en fixant de nouveaux critères pour qu'il joue mieux son rôle de soutien à l'émergence.

Le Fonpeps a été prorogé au-delà de 2018, mais les crédits sont en baisse en 2019. Je trouve qu'il était prématuré de réduire tout de suite les crédits avant même d'avoir véritablement expérimenté les effets de cette réforme. Si l'année prochaine, il faut les augmenter en raison de l'apparition de nouveaux besoins, l'État aura-t-il la capacité de le faire ?

La compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les artistes-auteurs, pour un montant de 18 millions d'euros, est inscrite au programme 224. Le problème, c'est que le décret du 15 mai 2018 n'a pas prévu un mécanisme de compensation, mais simplement de soutien du pouvoir d'achat. Il n'existe aujourd'hui aucune proposition négociée et validée par les artistes et le Gouvernement sur la question des artistes-auteurs pour assurer la pérennité de la compensation. Par ailleurs, à ma connaissance, aucun versement n'a été effectué au titre de 2018, alors que nous sommes fin novembre.

Enfin, comme le sport, la culture a été impactée par la baisse des emplois aidés. Les associations sur nos territoires ont pour certaines disparu. Cela contribue à la fragilisation du secteur artistique. Au total, si le budget est stable, le secteur est touché par de nombreux facteurs exogènes et connexes qui le fragilisent.

C'est pourquoi nous allons devoir suivre, au sein de cette commission, plusieurs sujets préoccupants. Je commencerai par le Pass culture. Nous avons, hier, avec notre collègue Jean-Raymond Hugonet, président du groupe de travail dédié, et Sonia de la Provôté, auditionné assez longuement la start-up d'État sur le Pass culture - notamment Éric Garandeau et ses collaborateurs. J'ai l'impression qu'il y a eu une reprise en main politique par le ministère de ce dossier, soucieux d'éviter les différents écueils que nous avions identifiés. Très clairement, le projet allait jusque-là dans le mur, avec un manque de clarté sur ses objectifs. Il y a désormais une volonté de bien faire, ce qui ne doit pas nous empêcher d'être extrêmement vigilants. Je vous propose que le groupe de travail présidé par M. Hugonet soit l'instance de suivi de très près de la mise en oeuvre de ce pass. L'expérimentation qui devait commencer à l'automne dernier n'a toujours pas débuté. Elle n'aura lieu qu'au début de l'année 2019. Ce retard n'est pas dû à une question financière, mais de cadrage de l'expérimentation. Ils doivent trouver un panel de 10 000 jeunes. Or, les profils des candidats sont trop homogènes : il n'y a presque que des étudiants dans le Finistère. De la même façon, un travail doit être fait envers les offreurs. Dans un certain nombre de départements, trop peu d'offreurs se sont déclarés intéressés pour participer à ce pass. 34 millions d'euros sont inscrits en 2019 pour mettre en place l'expérimentation. Mais il n'y a aucune ventilation précise des crédits. L'estimation a été faite, si vous me permettez l'expression, « au doigt mouillé ».

Un autre point de vigilance concerne les écoles d'art dans nos territoires ; un alignement du statut des enseignants des écoles d'art territoriales sur celui des écoles d'art nationales est nécessaire. J'avais évoqué ce sujet l'année dernière. Une négociation devait être lancée à ce sujet, mais le chantier n'a guère progressé. Seuls 800 000 euros ont été annoncés pour revaloriser la grille indiciaire de ces enseignants, ce qui ne constitue qu'une partie de la question du statut. Ils ne sont, une nouvelle fois, pas inscrits dans le bleu budgétaire. On ne sait d'ailleurs pas bien comment ils vont être ventilés entre les différentes écoles d'art. Ces enseignants ont besoin de voir leur statut consolidé. Il en va de l'avenir de nos écoles d'art territoriales. En outre, l'année prochaine, les écoles d'art territoriales vont entrer dans la plateforme « Parcoursup ». Il faudra être vigilant pour que leurs spécificités soient préservées.

Enfin, je terminerai par la sécurité. Cela concerne tous nos événements. Le fonds d'urgence a octroyé plus de 18 millions d'euros d'aide depuis sa création en 2015. Il va disparaître en fin d'année, pour être remplacé par un fonds doté, en 2019, de 2 millions d'euros, au bénéfice de l'ensemble des opérateurs culturels hors opérateurs nationaux. Le ministère de la culture indique que les entreprises de spectacle doivent désormais internaliser les coûts de sécurité. Notre vigilance doit s'exercer particulièrement en ce qui concerne les festivals. Les préfets ont pour consigne de regarder avec discernement si certains festivals peuvent ou non internaliser ces coûts de « sécurité ». Ces derniers vont augmenter en raison de la circulaire dite « Collomb » sur l'indemnisation des services d'ordre. Cela va avoir des impacts très forts sur le modèle économique des structures, mais aussi l'événementiel. Je ne souhaiterais pas que ce soit in fine les collectivités territoriales qui doivent compenser ces coûts. Il y a un vrai danger en la matière.

En conclusion, vous avez compris que les points de vigilance sont les mêmes que l'année dernière. Par rapport à un budget que je considère peu lisible car il noie des transferts de crédits, notre suivi et notre contrôle doivent être renforcés. C'est à ce moment-là que l'on pourra vérifier si les bons choix ont été faits. Mais, globalement le budget est stabilisé. C'est la raison pour laquelle je vous demanderai de donner un avis favorable aux crédits de ces deux programmes.

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