Intervention de Pierre-Yves Collombat

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 novembre 2018 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « administration générale et territoriale de l'état » - examen du rapport pour avis

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis :

La mission « Administration générale et territoriale de l'État » rassemble les crédits de trois programmes portés par le ministère de l'intérieur. Le programme 307 « Administration territoriale » concerne les moyens des préfectures, sous-préfectures, et représentations de l'État dans les collectivités d'outre-mer. À périmètre constant, les crédits de ce programme baissent de 1,5 % en autorisations d'engagement et de 1,2 % en crédits de paiement. Le schéma d'emplois prévoit pour 2019 la suppression de 200 équivalents temps plein.

Le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » finance l'exercice des droits des citoyens dans le domaine des élections, de la vie associative et de la liberté religieuse. Après une année 2018 sans scrutin général, les crédits de ce programme connaissent une hausse importante liée à la tenue des élections européennes en mai 2019.

Enfin, le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », auquel sont rattachés les moyens du pilotage des fonctions support, de la gestion des affaires juridiques et contentieuses du ministère. Les crédits augmentent, à périmètre constant, de 3,8 % en autorisations d'engagements et de 2,7 % en crédits de paiement.

Pour l'administration territoriale, les années et les réformes « ambitieuses » se suivent, accompagnées du même refrain : faire plus et répondre à l'attente de proximité des citoyens usagers avec des moyens en personnels de plus en plus réduits par la magie de la numérisation, de la mutualisation et de l'externalisation des tâches. À se demander si la meilleure administration n'est pas celle qui se passe de fonctionnaires et d'agents publics !

Le plan « Préfectures nouvelle génération » devait moderniser la délivrance des titres, tout en supprimant 1 300 emplois. Le manque de préparation de la réforme a engendré de très grandes difficultés dans la délivrance des certificats d'immatriculation et, dans une moindre mesure, des permis de conduire. Pendant plusieurs mois, les démarches des usagers ont été fortement perturbées en raison de dysfonctionnements techniques des systèmes informatiques dédiés à ces titres. À ces dysfonctionnements techniques sont venus s'ajouter les effets d'un manque de clairvoyance quant à la réception par les usagers des procédures de dématérialisation des démarches administratives. Si celle-ci a des avantages, force est de constater que le numérique n'est pas immédiatement à la portée de tout le monde. À noter que la réduction de fonctionnaires attendue de la réforme a dû être compensée, en catastrophe, par le recrutement de plusieurs centaines de contractuels. On nous a parlé de 700, mais cela reste à confirmer par le ministère de l'intérieur.

Cet épisode, où le lien entre les dysfonctionnements et la fermeture des guichets des préfectures était visible, a conforté un peu plus dans le public l'impression d'éloignement des services de l'État. Encore une fois, c'est l'engagement, la réactivité des responsables et des agents de l'administration territoriale comme de l'Agence nationale des titres sécurisés qui ont permis d'assurer la continuité de la présence de l'État et de ses missions, et, accessoirement, limité le désarroi des citoyens-usagers, lesquels se sont souvent adressés au Défenseur des droits, dont ce n'est pas la mission principale.

Le prochain programme de transformation auquel l'administration territoriale va être confrontée a été baptisé « Administration publique 2022 ». Il doit, notamment, modifier l'organisation territoriale des services publics. Une nouvelle fois, l'administration déconcentrée va devoir clarifier ses missions, fusionner ses services, rationaliser ses moyens de fonctionnement ou encore « réinventer le service public de proximité ».

Avec l'objectif annoncé de supprimer 50 000 postes de fonctionnaires d'ici à 2022, nous n'avons aucune illusion ni sur la suite que les services seront bien obligés de lui donner sur le terrain ni sur les résultats à en attendre.

Dans la circulaire du 24 juillet 2018, qui esquisse les contours de la réforme, le Gouvernement, comme en 2016 dans sa directive nationale d'orientation, réaffirme une fois encore le rôle de l'État dans le domaine de l'ingénierie territoriale, dont les résultats, en deux ans, se sont soldés par l'affectation à cette mission dite « prioritaire » de 25 postes et par un inventaire inachevé des moyens en matière d'ingénierie dont disposent actuellement les préfets. Force est de constater que, lorsqu'ils existent, ceux-ci se limitent à l'art de fabriquer des dossiers de demandes de financement et à l'accompagnement de grandes opérations d'aménagement, dont la quasi-totalité des communes et des intercommunalités n'ont que faire. Gageons que la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, dont on ignore comment l'action s'articulera avec celle des préfectures ou des organismes de soutien heureusement mis en place par les départements - régies, SEM, SPL, etc. -, est d'abord un leurre à usage des élus locaux.

Par ailleurs, la réforme de l'établissement des listes électorales se poursuit selon le calendrier prévu et le Répertoire électoral unique devrait être opérationnel pour les élections européennes de mai 2019. Quand on laisse aux réformes le temps de se mettre en place, cela se passe bien.

Enfin, j'aurai un mot sur l'activité de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Nous devons nous efforcer de comprendre pourquoi cette autorité administrative indépendante destinée à garantir l'égalité des candidats devant les électeurs suscite autant de polémiques. C'est un vaste champ de réflexion qu'il faudra bien un jour ouvrir.

En fonction de cette analyse du programme principal de la mission, le programme 307, je propose un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

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