Intervention de Catherine Troendle

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 28 novembre 2018 à 9h05
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « sécurités » - programme « sécurité civile » - examen du rapport pour avis

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle, rapporteur pour avis :

Olivier Cigolotti et moi sommes à l'origine d'une motion cosignée par 254 sénateurs contre l'application de cette directive, ce qui m'a permis de rencontrer à plusieurs reprises Mme Marianne Thyssen, commissaire européen en charge de l'emploi.

Le budget alloué au programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités » en 2019 ne comporte aucune surprise, ni bonne ni mauvaise. Les crédits destinés à assurer le fonctionnement des moyens relevant la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur sont satisfaisants dans leur globalité.

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoyait initialement une légère augmentation, de 1,2 %, des crédits de paiement alloués au programme « Sécurité civile » : ils s'élevaient à 538,8 millions, contre 532,3 millions en 2018. Les autorisations d'engagement subissaient quant à elles un net recul de 46 % : leur montant était de 459,4 millions en 2019, contre 853,8 millions en 2018.

La forte diminution des autorisations d'engagement par rapport à 2018 s'explique par la passation, l'année dernière, d'un marché public d'envergure portant sur l'acquisition échelonnée de six appareils de type « Dash 8 » qui avait nécessité l'ouverture de crédits en conséquence. Il s'agit d'avions très polyvalents. Au sein du budget 2018, ce marché correspondait à 404,1 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 61,4 millions d'euros de crédits de paiement.

En première lecture, l'Assemblée nationale a diminué ces montants de 1,7 million d'euros, tant en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement, lors d'une seconde délibération.

Les moyens dédiés au programme « Sécurité civile » sont mis au service de priorités identifiées les années précédentes : le renouvellement, la rénovation et le maintien en condition opérationnelle de la flotte aérienne, le renforcement des capacités de déminage et le développement de différents systèmes de communication nécessaires au bon fonctionnement de la sécurité civile.

Ce budget ouvre toutefois dangereusement la voie d'une sécurité civile à deux vitesses avec, d'un côté, des crédits importants alloués à juste titre aux moyens de la sécurité civile d'État et, de l'autre, une sécurité civile territoriale laissée complètement en marge.

Ce budget ne retrace évidemment pas les moyens à la disposition des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), qui sont financés par les collectivités territoriales, départements en tête.

Pour autant, la loi de finances devrait prévoir les adaptations fiscales et les concours ciblés nécessaires à leurs investissements, en baisse depuis plusieurs années. L'explication de cette baisse est simple : la contraction des moyens budgétaires des départements se conjugue avec une augmentation des dépenses de fonctionnement des SDIS, en lien direct avec l'augmentation de leur activité. Il en résulte une baisse des dépenses d'investissement des SDIS, malgré un léger rebond en 2017.

Les marges de manoeuvre dont nous disposons pour prévoir des concours ciblés sont faibles en raison des règles de recevabilité financière des amendements parlementaires, d'une part, de la grande rigidité du budget de la mission « Sécurités » et du caractère très sensible des quatre programmes qui la composent (Police nationale, Gendarmerie nationale, Sécurité et éducation routières et Sécurité civile), d'autre part.

Nous sommes donc souvent contraints de nous en remettre à l'initiative du Gouvernement. Or, force est de constater que ses efforts ne sont pas à la hauteur des attentes et des besoins des SDIS, à plusieurs titres. Ainsi, les économies réalisées par l'État lors de la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance versée aux sapeurs-pompiers volontaires et qu'il avait été décidé de sanctuariser pour financer des investissements des SDIS seront détournées cette année encore. Fixé à 25 millions dans la loi de finances pour 2017, le montant de la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS a été réduit à 10 millions dans la loi de finances pour 2018. Le schéma retenu pour 2019 reste le même puisque seulement 10 millions seront consacrés à cette dotation, alors que le coût de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance versée aux sapeurs-pompiers volontaires est estimé à 4,6 millions, soit 27,4 millions de moins que ce que l'ancien système coûtait annuellement à l'État jusqu'en 2015. Il manque donc 17,4 millions qui auraient dû logiquement abonder la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS. C'est inadmissible !

En outre, la gratuité des péages autoroutiers pour les véhicules de secours en intervention, prévue par la loi de finances pour 2018, n'est toujours pas en vigueur, faute de décret d'application. Cette situation est difficilement compréhensible près d'un an après l'entrée en vigueur de la loi, alors que le Gouvernement se donne six mois pour prendre les mesures d'application des lois.

Pour soutenir les SDIS, j'ai déposé, à titre individuel, un amendement en première partie du projet de loi de finances pour 2019 tendant à prévoir qu'on leur rembourse une partie de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qu'ils versent : il n'est pas normal que cet avantage qui bénéficie déjà à d'autres activités telles que les taxis ne bénéficie pas non plus aux SDIS. Je remercie les sénateurs d'avoir voté à l'unanimité cet amendement, alors que le Gouvernement y était opposé.

Les rapports entre la sécurité civile française et l'Union européenne témoignent de ce hiatus entre la place donnée aux moyens nationaux et le manque de considération pour les moyens locaux de la sécurité civile. Alors que les premiers contribuent pleinement au mécanisme européen de protection civile (MEPC), la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne remet dangereusement en cause les seconds, qui assurent pourtant au quotidien la protection de nos concitoyens. Du fait de l'application de la directive de 2003 sur le temps de travail aux sapeurs-pompiers volontaires par la CJUE, il est nécessaire de modifier ce texte. Dans la mesure où il s'agit d'un enjeu fondamental pour notre modèle de sécurité civile, je souhaite que la forte implication des forces françaises de sécurité civile au sein du mécanisme européen de protection civile soit présentée comme un argument clé dans les négociations et que toutes les conséquences soient tirées d'un éventuel échec. D'un côté, nos voisins se réjouissent de notre réactivité lorsque des catastrophes les frappent mais, de l'autre, l'Union nous demande de respecter la directive de 2003 ce qui mettrait à mal notre système de sécurité civile.

En conclusion, tout en reconnaissant les efforts fournis au service de la sécurité civile d'État, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Sécurité civile » inscrit au projet de loi de finances pour 2019, en raison du sort réservé à la sécurité civile de nos territoires.

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