Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 22 février 2007 à 9h30
Diffusion audiovisuelle et télévision du futur — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

... qui stagne à cent seize euros depuis 2002 et qui a même été révisée à la baisse, en 2005, au demi-euro inférieur.

D'autres dispositions introduites au fil de la navette améliorent à la marge le dispositif initial : par exemple, l'assurance d'une numérotation non discriminatoire des chaînes TNT sur les autres réseaux, ou encore l'obligation pour les distributeurs de télévision mobile personnelle, ou TMP, de se conformer aux obligations de protection des contenus auxquelles sont soumis les éditeurs.

Sur un sujet connexe, je regrette qu'une occasion ait été manquée lors de la lecture à l'Assemblé nationale : nos collègues députés socialistes avaient déposé un amendement concernant les cartes d'abonnement illimitées, qui visait à prévoir une concertation dans la fixation de la part des entrées cinéma revenant aux ayants-droit.

Cela aurait renforcé un dispositif que nous avions mis en place en 2000 pour éviter que ces cartes ne tuent les petites salles. Certes, cette disposition n'avait qu'un rapport assez lointain avec le projet de loi dont nous discutons, mais elle était attendue par les professionnels du cinéma avant la fin de la législature, au lendemain d'une décision unilatérale prise par le groupe UGC. Malheureusement, vous avez rejeté cette possibilité sans explication.

Au total, si le travail parlementaire a été utile, en particulier au Sénat, à l'évidence, les avancées obtenues ne permettent pas de contrebalancer les dispositions néfastes de la loi.

Aux termes de ce projet de loi, les gains des trois opérateurs historiques sont importants : nouvelle chaîne « bonus » pour un préjudice virtuel de quelques mois ; prorogation d'autorisations sous conditions anecdotiques ; droit de tirage prioritaire pour la télévision en haute définition octroyé à tous les opérateurs de la TNT, y compris les opérateurs historiques, au mépris de la législation anti-concentration ; possibilité de cumul des sept autorisations TNT accordées par la loi avec la détention d'un cinquième du marché de la télévision mobile personnelle...

Je ne souhaite pas revenir en détail sur des dispositions dont nous avons déjà amplement débattu en première lecture. Néanmoins, je persiste à penser qu'elles constituent une entrave au pluralisme et à la diversité de l'offre et qu'elles accentuent la concentration dans le secteur audiovisuel.

En outre, les « cadeaux » octroyés aux opérateurs déjà dominants ne répondent à aucun impératif de service universel ou de neutralité des supports qui, depuis la transcription en droit interne par la loi de 2004, de la directive « Paquet télécom », doivent guider le législateur dans ses choix, et ce dans l'intérêt des téléspectateurs.

Cela a été rappelé, le CSA comme l'ARCEP, dans leurs avis sur le projet de loi, ont été plus que réservés sur ces « cadeaux ». Il est irrationnel et préoccupant que quelques groupes qui ont bénéficié d'une ressource publique rare pour se développer, le hertzien de terre, prétendent désormais ériger leur position dominante en droit acquis de manière irréversible.

Vous le voyez, monsieur le ministre, le calendrier fait des facéties. C'est aujourd'hui même que TF1 a choisi d'annoncer sa nouvelle stratégie d'expansion qui ne nous laisse aucun doute sur la volonté d'hégémonie de cette chaîne. Selon son président, Patrick Le Lay, « nous devons renforcer la part de voix de TF1 sur tous les supports et toutes les cibles ». Vous les y avez bien aidés !

Vous allez me rétorquer que les créateurs attendent que la position des opérateurs historiques soit confortée, car eux seuls, à leurs yeux, sont réellement capables aujourd'hui d'investir des sommes importantes dans la création audiovisuelle. Mais vous savez bien que les producteurs et créateurs ne sont nullement à armes égales avec les diffuseurs et qu'ils ne peuvent pas avoir aujourd'hui une autre position tant que tout est fait pour empêcher l'émergence de nouveaux venus viables.

C'est justement l'intérêt général, et c'est le rôle des pouvoirs publics, que de contribuer à ce que plusieurs acteurs puissent concourir, plutôt que de conforter sans cesse la concentration du paysage. C'est le sens, et la condition, de la bataille pour la diversité, tant de fois vantée à l'UNESCO. Nous avions choisi, en décidant le lancement de la TNT, la diversification du paysage. Vous avez choisi, à l'évidence, la concentration.

Je déplore donc que les propositions d'amendements des sénateurs socialistes visant plus particulièrement à contrecarrer ces aspects d'hyper-concentration du texte n'aient pas reçu, dans votre majorité, une réponse plus favorable. Ces dispositions auraient permis d'introduire une plus grande diversité dans les offres et de donner une réelle chance de développement à des acteurs du paysage audiovisuel qui sont peu présents, ou même absents, dans la diffusion par voie hertzienne.

Dans ces conditions, les sénateurs du groupe socialiste voteront, comme en première lecture, contre ce texte et, s'il était adopté, déposeraient un recours devant le Conseil constitutionnel.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion