Intervention de Jean-Louis Carrère

Réunion du 3 mai 2011 à 22h30
Traité avec la grande-bretagne et l'irlande du nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques — Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère :

Je me contenterai de quelques exemples : les recettes exceptionnelles qui manquent au rendez-vous budgétaire, le trou de plusieurs milliards d’euros – 10 ou 15 milliards ? – dans la programmation militaire précédente, le coût du nouvel immeuble du Pentagone français toujours mal calibré, les bases de défense au nombre et au financement si élastiques, sans parler des derniers budgets, qui sont, selon moi, peu fiables en raison de leur manque de sincérité.

Par conséquent, monsieur le ministre, quand vous affirmez aujourd’hui que cela permettra de réaliser des économies et que ces dernières reviendront à la défense, permettez-moi d’être pour le moins sceptique, voire quelque peu méfiant !

Laissons ces économies virtuelles de côté, tout en espérant qu’elles seront au rendez-vous de nos finances dans quelques années. De mon point de vue, elles ne représentent pas un argument déterminant en faveur du projet.

Pour moi, l’argument important et concluant est qu’il s’agit, avec la mise en place du programme EPURE, de garantir la subsistance de notre dissuasion nucléaire au niveau de stricte suffisance définie naguère par le président François Mitterrand. En lisant le projet de loi et l’étude d’impact qui l’accompagne, j’en conclus que, manifestement, il ne nous était plus possible, à l’horizon 2030, de parvenir seuls à garantir son maintien, d’où la nécessité de cette alliance.

C’est en quelque sorte un constat de faiblesse, un pari sur l’avenir et une réorientation stratégique.

C’est d’abord un constat de faiblesse : ce que nous faisions seuls hier, vous concédez que nous ne pourrons plus, seuls, le faire demain ou après-demain.

C’est ensuite un pari sur l’avenir, parce que cela présuppose que nos amis Britanniques resteront encore longtemps attachés au développement plus au moins autonome de leur force nucléaire. On peut s’interroger. Mais, monsieur le ministre, les Britanniques vous ont peut-être déjà rassuré à ce sujet et vous allez pouvoir nous apporter des réponses sur ce point. C’est du moins ce que j’ai cru comprendre en écoutant les propos du rapporteur.

C’est enfin une réorientation stratégique qui donne la priorité aux alliances bilatérales plutôt qu’à une défense européenne commune et qui s’ajoute à la nouvelle orientation traduite par le retour dans le commandement intégré de l’OTAN : voilà qui me semble quelque peu préoccupant !

Par ailleurs, nous savons tous que la Grande-Bretagne est très dépendante des États-Unis pour le nucléaire militaire. Cela n’aura-t-il pas des conséquences sur notre propre autonomie en la matière ? Allons-nous vers un partenariat nucléaire élargi ? Monsieur le ministre, vous avez certainement des assurances. Pour notre part, nous nous posons vraiment des questions.

Sur le plan technique, le traité sur l’installation commune EPURE nous semble un bon projet. Au regard de l’état de nos finances, nous pouvons dire que, si nous souhaitons le maintien d’une force nucléaire de dissuasion efficace et crédible, nous n’avons pas véritablement le choix. Nous voterons donc ce texte.

En effet, la France et le Royaume-Uni doivent également garantir ces armes sans essais nucléaires, car nos deux pays ont signé le traité d’interdiction complète des essais nucléaires, ce dont nous nous félicitons.

Ce traité, qui interdit tous les essais nucléaires quels que soient leur puissance et le milieu dans lequel ils sont réalisés, offre la possibilité de procéder à des méthodes expérimentales. Les installations comprises dans le traité dont le projet de loi autorise la ratification s’inscrivent dans ce cadre.

Ainsi, cet accord qui rend viable le programme EPURE apparaît comme vital pour le maintien de notre dissuasion nucléaire. Nous ne voulons pas perdre des capacités militaires significatives, nécessaires à notre défense et à celle de l’Europe.

Cet aspect l’emporte aujourd’hui, à l’heure du vote du projet de loi. En revanche, nous ne pouvons pas vous donner quitus sur tous les aspects politiques et stratégiques d’un accord avec les Britanniques, dont les conséquences à long terme sur notre autonomie n’ont pas encore été clairement explicitées par le Gouvernement.

Selon moi, le débat doit se poursuivre. À vrai dire, il ne fait que commencer !

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