Séance en hémicycle du 3 mai 2011 à 22h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à vingt heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

L’ordre du jour appelle la discussion en procédure accélérée du projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes (projet n° 322, texte de la commission n° 387, rapport n° 386).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis porte sur le traité signé entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes. Derrière ce titre technique, il renvoie à l’une des évolutions majeures de notre politique extérieure.

Nous en sommes tous convaincus : le Royaume-Uni et la France sont des partenaires naturels en matière de sécurité et de défense. Ils possèdent les principaux budgets de défense et de recherche-développement de l’Union européenne et sont engagés côte à côte dans les plus importantes opérations extérieures.

La signature par le Président de la République française et le Premier ministre britannique, lors du sommet de Londres du 2 novembre dernier, de deux traités essentiels en matière de défense est venue renforcer encore cette coopération. Celle-ci avait connu une première impulsion en 2007, quand le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale avait mis l’accent sur le développement de la capacité militaire européenne.

Le traité de défense et de sécurité nous permettra d’approfondir sur le long terme notre coopération bilatérale dans ces domaines.

Le traité relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, qui fait l’objet du projet de loi soumis à l’approbation du Sénat, constitue, quant à lui, une première illustration concrète de cette coopération renforcée.

En effet, il ouvre la voie à un partenariat sans précédent dans le domaine particulièrement sensible des technologies liées aux arsenaux nucléaires, partenariat qui témoigne de l’exceptionnel degré de confiance atteint entre les deux pays.

Ce traité vise un certain nombre de points précis. Il prévoit la construction et l’exploitation conjointes d’une installation de physique expérimentale dénommée EPURE, pour Expérimentations de physique utilisant la radiographie éclair, et située à Valduc en Bourgogne. Cet équipement sera l’un des éléments du programme français de simulation, qui comprend la simulation numérique et le Laser Mégajoule. Il vise à mettre en œuvre des expériences de laboratoire, lesquelles s’appuieront en outre sur un centre de développement technologique commun qui sera construit à Aldermaston au Royaume-Uni.

L’objectif, ici, est tout simplement de garantir l’efficacité et la pérennité de notre dissuasion atomique sans réaliser d’essais nucléaires, conformément aux engagements pris à la fois par la France et par le Royaume-Uni. Cette mise en commun d’un outil scientifique de pointe constitue également –une importante source d’économies pour nos deux pays, un aspect qui retiendra, j’en suis certain, l’attention du Sénat.

Les coûts de construction, d’exploitation puis, à terme, de démantèlement de l’installation seront partagés équitablement. Les scientifiques et les experts des deux parties mettront en commun leur expérience, ce qui fera réaliser à nos deux États des gains financiers.

Par ailleurs, le partage de l’installation EPURE se fera dans le strict respect de l’indépendance de nos dissuasions respectives. Chaque pays conservera – je sais que vous y êtes attentif, mesdames, messieurs les sénateurs – la propriété et la responsabilité des produits testés et des sous-produits générés.

Il s'agit donc ici d’une première déclinaison concrète opérationnelle de ce que le rapprochement entre la France et le Royaume-Uni en matière de défense peut produire de meilleur.

Enfin, ce traité illustre notre capacité à créer des synergies et à approfondir notre politique européenne de défense. Dans la période actuelle, il constitue véritablement un message d’espoir : il est possible de faire avancer la coopération européenne sur ces questions.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle ce traité.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la signature du traité relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, que nous examinons aujourd’hui, figure parmi les décisions essentielles prises lors du sommet franco-britannique de Londres, le 2 novembre 2010.

La construction par la France et le Royaume-Uni, sur notre territoire, d’un outil d’expérimentation commun voué à la simulation pour les armes nucléaires constitue, en effet, un projet remarquable à la fois par sa dimension scientifique et par le montant des économies qu’il permettra de réaliser.

Toutefois, ce projet est surtout important par sa dimension stratégique. Il touche à la dissuasion nucléaire et engage une coopération européenne dans un domaine où le Royaume-Uni entretenait jusqu’ici une relation pratiquement exclusive avec les États-Unis.

Je formulerai trois observations.

Premièrement, ce traité s’inscrit, bien entendu, dans le cadre de la relance de notre coopération bilatérale de défense et de sécurité avec le Royaume-Uni.

Le sommet de Londres a assigné une feuille de route ambitieuse à cette coopération. Celle-ci s’appuiera d’ailleurs sur une autre convention, à vocation plus générale, un traité-cadre de coopération qui, en application de nos règles constitutionnelles, ne nécessite pas d’approbation parlementaire avant sa ratification.

La France et le Royaume-Uni visent le même objectif : il s’agit de préserver des capacités militaires essentielles ainsi qu’une base industrielle et technologique de premier plan, malgré un contexte budgétaire difficile.

Je rappelle que le Royaume-Uni a prévu de réduire de 8 % son budget de défense d’ici à 2015, avec des conséquences telles que le retrait de son porte-avions et un « trou capacitaire » sur l’aviation embarquée jusqu’en 2020, la renonciation à l’aviation de patrouille maritime, la réduction de format de la flotte de surface, de l’aviation et des forces terrestres.

Certes, on peut estimer que, si les Britanniques s’orientent vers des coopérations accrues avec la France, c’est sans doute moins par choix que par nécessité.

Par ailleurs, il ne faut pas méconnaître les obstacles potentiels à la mise en œuvre de ce partenariat, par exemple les contraintes liées aux arbitrages financiers propres à chaque pays ou les inévitables différences d’appréciation portant sur les besoins opérationnels et les priorités industrielles.

Il me semble, toutefois, que les décisions annoncées à Londres concilient l’ambition et le pragmatisme. Les objectifs qui ont été identifiés portent sur un nombre limité de domaines, présentant un intérêt majeur pour l’un et l’autre pays.

Je pense, bien entendu, à la dissuasion nucléaire, mais également aux systèmes de combat sous-marins, aux satellites de télécommunications, aux drones d’observation et de combat et aux missiles, avec le projet « One MBDA » visant à constituer un secteur franco-britannique des armes complexes.

Cette relance de la coopération supposait une impulsion politique forte, qui devra être maintenue dans la durée. C’est pourquoi il faut se féliciter que le traité-cadre de coopération ait prévu une structure de pilotage située au plus haut niveau, c’est-à-dire celui du Président de la République française et du Premier ministre britannique. À l’échelon immédiatement inférieur, deux autres organes, relevant respectivement des chefs d’état-major interarmées et des directeurs nationaux de l’armement, permettront de superviser la mise en œuvre des projets communs.

C’est également pour soutenir cette dynamique de coopération que le président de notre commission, Josselin de Rohan, s’est fortement investi dans la mise en place d’un suivi parlementaire franco-britannique. La première réunion associant les commissions de la défense des deux chambres du Royaume-Uni et de la France a eu lieu au Sénat quelques jours après le sommet de Londres. La prochaine se tiendra au mois de juillet 2011.

Je voudrais à présent revenir sur le débat dans lequel on a cherché à opposer le renforcement de notre coopération bilatérale avec le Royaume-Uni et l’avenir de l’Europe de la défense.

Je ne conteste pas que, dans un premier temps, notre démarche ait pu susciter des interrogations chez certains de nos partenaires, voire froisser quelques susceptibilités. Néanmoins, je suis certain que, au final, elle ne peut avoir qu’un effet stimulant.

D’ailleurs, cette méthode de coopération réaliste, fondée sur de véritables besoins et calendriers communs, a été montrée en exemple par plusieurs responsables étrangers. Elle témoigne que des partages de capacités ou des dépendances mutuelles sont envisageables.

Il est souhaitable que d’autres groupes de pays engagent, sur le même modèle, des coopérations de nature à permettre une meilleure utilisation de leurs ressources.

Au demeurant, la coopération franco-britannique n’est pas exclusive de la participation d’autres partenaires européens aux projets décidés en commun, dès lors, bien sûr, que ces États visent les mêmes objectifs. Elle ne s’oppose pas non plus à d’autres formats d’association, car elle ne couvre pas, loin de là, tout le champ potentiel des coopérations. À titre d’exemple, nous travaillons avec le Royaume-Uni sur les satellites de télécommunications et avec d’autres pays sur les satellites d’observation.

Enfin, il faut rappeler que la France et le Royaume-Uni sont les deux seuls pays européens à disposer de toute la gamme des capacités militaires, ce qui se reflète dans le niveau de leurs budgets de défense. Leur statut international et l’étendue des relations qu’ils entretiennent sur tous les continents les amènent objectivement à jouer un rôle de premier plan en matière de sécurité internationale.

Il est évident qu’un effritement des capacités militaires françaises et britanniques nuirait à la défense européenne dans son ensemble. En cherchant à optimiser leurs moyens et à préserver leurs capacités, les deux pays non seulement obéissent à leurs intérêts nationaux, mais aussi contribuent à maintenir une participation européenne significative dans l’OTAN et une base solide pour les opérations de la politique de sécurité et de défense commune.

On a trop souvent regretté que le Royaume-Uni ne se tourne pas suffisamment vers l’Europe en matière de défense pour reprocher aujourd’hui à ce pays une coopération renforcée avec l’autre acteur militaire majeur qu’est la France.

Pour toutes ces raisons, cette coopération, bien qu’elle soit bilatérale, me paraît incontestablement utile pour l’Europe dans son ensemble.

Deuxièmement, j’évoquerai le traité qui nous est soumis aujourd’hui. Celui-ci touche au domaine de la dissuasion nucléaire et constitue un volet marquant des décisions prises à Londres.

Il faut le rappeler d’emblée, ce traité porte sur un aspect bien délimité et précis des programmes nucléaires militaires des deux pays : les techniques de simulation permettant de garantir la fiabilité et la sûreté des armes nucléaires sans essais en grandeur réelle.

Il faut le souligner également, cette coopération ne porte pas sur la mise au point des armes elle-même. Il s’agit de partager l’utilisation d’une installation construite en commun, où chacun pourra effectuer séparément ses propres expérimentations, en pleine souveraineté.

Comme la France, le Royaume-Uni a signé en 1996 le traité d’interdiction complète des essais nucléaires, le TICE. Nos deux pays ont d’ailleurs déposé le même jour, le 6 avril 1998, leur instrument de ratification.

Comme la France, le Royaume-Uni recourt à la simulation pour valider le fonctionnement de ses armes. Pour mettre en œuvre cette capacité, les deux pays font appel à des ressources similaires : des moyens de calcul, des travaux de physique théorique, enfin la validation expérimentale de ces derniers grâce à deux grands types d’outils, à savoir, d'une part, des lasers extrêmement puissants et, d'autre part, des installations radiographiques pour étudier l’étape initiale du fonctionnement de l’arme, ce que l’on appelle la « phase froide ». C’est sur ces installations radiographiques que porte le traité du 2 novembre dernier.

La direction des applications militaires – la DAM – du CEA, le Commissariat à l’énergie atomique, et son homologue britannique, l’Atomic Weapons Establishment, ou AWE, préparaient séparément des projets comparables de perfectionnement de leurs installations.

Constatant une grande convergence de besoins et de calendriers, ils sont arrivés à la conclusion qu’une installation commune permettrait de satisfaire les besoins de chaque pays. Il restait, sur ce domaine hautement sensible, à obtenir le dernier accord, l’accord politique, et à définir des modalités pratiques apportant à chaque pays les mêmes garanties que s’ils disposaient d’une installation strictement nationale.

Le traité que nous examinons aujourd’hui constitue l’aboutissement de ces discussions. Mon rapport écrit comporte tous les détails sur cette installation commune qui sera réalisée au centre du CEA situé à Valduc, en Côte-d’Or, et qui se dénommera EPURE, pour Expérimentations de physique utilisant la radiographie éclair.

Le traité du 2 novembre 2010 formalise le contenu, le déroulement et le calendrier du programme. Il pose le principe du partage des coûts pour la construction et le fonctionnement de l’installation. Les dispositions relatives aux garanties et modalités d’accès sont particulièrement importantes.

La France – je le rappelle – s’engage à garantir l’accès du Royaume-Uni à EPURE durant cinquante ans. Le Royaume-Uni prend l’engagement réciproque pour le centre de recherches commun qui sera créé à Aldermaston.

Le traité prévoit le statut des zones dédiées à une utilisation exclusivement nationale, dont l’accès est régi par les autorités de chaque pays. Il comporte également une série de dispositions très précises sur les règles applicables en matière de sûreté, de gestion des déchets ou de responsabilité.

Troisièmement, enfin, le traité que vous examinez aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, et la coopération qu’il permet d’engager m’apparaissent comme des résultats marquants du sommet de Londres.

D’abord, cette coopération permettre de réaliser, grâce au partage des investissements, une économie appréciable pour la France : 200 millions d’euros entre 2015 et 2020, 200 millions à 250 millions d’euros après 2020, soit, au total, entre 400 millions et 450 millions d’euros sur la durée de vie de l’installation.

Ensuite, chaque pays conservera l’entière responsabilité de ses expériences et la propriété des résultats, mais le regroupement sur un même site sera propice aux échanges scientifiques et à l’émulation qui s’ensuit. Il s’agit d’un élément non négligeable dans la perspective du maintien, sur le long terme, de la qualité et de la motivation des scientifiques en charge de la garantie de nos armes.

Enfin, cette coopération en matière nucléaire militaire comporte une dimension politique majeure. Elle s’effectuera dans le plein respect de la souveraineté de chaque État. Mais, monsieur le ministre, mes chers collègues, elle témoigne de leur très haut degré de confiance, dans un domaine où le Royaume-Uni entretenait historiquement une relation privilégiée avec les États-Unis.

Elle marque aussi très clairement la volonté de la France et du Royaume-Uni de garantir la crédibilité de leur dissuasion. Nos deux pays présentent, en matière de dissuasion nucléaire, une grande proximité de doctrine et de postures. C’est pourquoi ils ont soutenu des positions similaires lors du débat nucléaire qui a marqué l’année 2010, à la conférence d’examen du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP, et à l’OTAN, au moment de la rédaction du nouveau concept stratégique.

Dans le préambule du traité du 2 novembre 2010, la France et le Royaume-Uni soulignent « l’importance de la dissuasion nucléaire, qui est un élément-clé de leurs stratégies de défense nationales et alliées », et se disent déterminés à maintenir « une capacité nucléaire minimale crédible ».

Cette crédibilité est essentielle au regard de la défense de chacun des deux pays, mais elle joue également un rôle plus large, à l’échelle européenne.

Comme ils le rappellent également dans le préambule du traité, la France et le Royaume-Uni considèrent que leurs forces nucléaires « contribuent à la sécurité de l’Europe dans son ensemble ».

Il me semble que ce traité conforte le maintien d’une capacité de dissuasion nucléaire en Europe. La possession d’une telle capacité par des pays européens reste nécessaire dans un monde marqué par la subsistance d’arsenaux importants et le risque de prolifération nucléaire, notamment au Moyen-Orient.

En conclusion, je voudrais saluer la qualité du travail préparatoire réalisé par la direction des applications militaires du CEA et par son équivalent britannique. Ils ont rendu possible ce projet, qui présente un intérêt financier évident pour notre défense et donne une nouvelle dimension tout à fait stratégique à notre coopération avec le Royaume-Uni.

Au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je vous demande d’adopter ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi autorisant la ratification du traité signé en novembre 2010 avec le Royaume-Uni, relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, nous donne l’occasion d’évoquer la politique de défense de notre pays à l’échelon européen.

En effet, derrière cet intitulé anodin, c’est de la coopération franco-britannique dans le domaine nucléaire militaire qu’il s’agit.

Une telle coopération a évidemment une portée politique et stratégique majeure qui ne peut être comprise et expliquée que dans le contexte plus large de notre posture vis-à-vis de la politique européenne de sécurité et de défense.

L’autre traité de coopération, signé en même temps et portant sur ces questions, ne nécessite pas, à proprement parler, de ratification parlementaire, mais je l’intégrerai dans le même ensemble.

Ces sujets auraient mérité d’être débattus devant le Parlement préalablement à la signature de ces accords bilatéraux, car ils marquent une évolution stratégique qui sonnera vraisemblablement le glas de la défense européenne.

Monsieur le ministre, avec ces accords, votre gouvernement fait le constat de l’incapacité des nouveaux instruments institutionnels du traité de Lisbonne à poursuivre la mise sur pied d’une défense européenne.

Souvenons-nous, par ailleurs, que le sommet de Londres est chronologiquement antérieur au sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Lisbonne. Au cours de celui-ci, le Président de la République avait de nouveau procédé à une évolution de ses orientations stratégiques concernant la défense antimissile et le nouveau concept de l’Alliance.

Nous n’avions pu avoir un débat parlementaire qu’une fois les décisions prises. C’est même à l’occasion d’une conférence de presse à Londres que ces accords bilatéraux de partenariat stratégique ont été présentés de façon abrupte et cavalière, tant à l’égard de la représentation nationale que de nos alliés européens.

En effet, ils ont été annoncés sans avoir été prévus dans la loi de programmation militaire, sans que soit précisée une doctrine d’emploi, sans information préalable ni consultation du Parlement et de l’Allemagne, notre partenaire jusqu’ici privilégié.

Cette subite relance de la coopération avec le Royaume-Uni avait, à l’évidence, été motivée par le pragmatisme et le souci de mutualiser des équipements coûteux afin de faire face aux réductions budgétaires militaires imposées par la crise.

C’est certainement une condition nécessaire si nous voulons prétendre garder notre rang parmi les puissances militaires.

Mais, à la différence du sommet de Saint-Malo de 1998, qui marquait une adhésion, certes toute relative, de nos alliés britanniques à l’Europe de la défense, et qui pouvait avoir un effet d’entraînement sur nos partenaires européens, les traités de Londres sont très étroitement bilatéraux.

De fait, ils ne faciliteront pas d’autres coopérations européennes à plus long terme. En outre, leur caractère souvent plus intentionnel que concret les fragilise en les mettant à la merci d’éventuels changements de situations politiques et économiques dans nos deux pays.

Les conséquences de ces accords vont également bien au-delà d’une simple mutualisation. Il ne s’agit pas uniquement de mettre en commun des capacités, des matériels et de créer une force militaire conjointe de 5 000 hommes pour des opérations extérieures. Il s’agit également d’envisager le rapprochement de nos deux industries de défense et la fusion, à terme, des moyens de recherche et de développement sur certains programmes. Vous voulez surtout, monsieur le ministre, mettre en œuvre une coopération sur les ogives nucléaires, en partageant ces technologies dans des laboratoires communs de simulation et de modélisation.

Quand on connaît dans ce domaine la dépendance des Britanniques envers les Américains, on peut craindre une perte d’autonomie de la dissuasion nucléaire française, notion à laquelle le Président de la République prétend pourtant être toujours très attaché. Cet accord repose aussi sur le pari hasardeux d’un relâchement des liens entre la Grande- Bretagne et les États-Unis.

Mais ma critique la plus vigoureuse de ces recherches communes porte sur leur motivation. Je considère qu’elles ont davantage pour objectif de moderniser et de renforcer notre arsenal nucléaire que de strictement garantir sa crédibilité.

En cela, vous interprétez très largement le principe de stricte suffisance, l’un des fondements de la doctrine militaire française.

Et vous ne vous conformez pas non plus à l’un des engagements fondamentaux du traité de non-prolifération nucléaire de ne pas procéder à la recherche de nouveaux systèmes d’armes.

Après notre réintégration complète dans le commandement militaire de l’OTAN, qui nous a fait perdre l’autonomie stratégique que nous conférait notre spécificité au sein de l’Alliance, et qui nous avait été présentée comme devant permettre le développement d’une défense européenne autonome, ces accords franco-britanniques se situent dans la continuité des revirements et des contradictions du Président de la République en matière de défense.

Où est la cohérence entre la réintégration totale dans l’OTAN, la recherche d’une défense européenne commune et cette coopération bilatérale renforcée avec le Royaume-Uni ?

Il y a là des postures contradictoires, mises en œuvre par une stratégie à géométrie variable.

Cette relance d’une coopération strictement bilatérale ainsi que la crise récente en Lybie marquent désormais la fin de toute possibilité de défense européenne. Vous en avez fait le constat, et contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre, je doute fort que ces accords aient un effet d’entraînement sur nos partenaires européens.

La gestion de la crise en Lybie a illustré de façon malheureuse cette incapacité de l’Union européenne à exister réellement comme puissance, à définir et à mettre en œuvre une politique de défense et de sécurité commune et autonome.

Notre pleine réintégration dans l’OTAN n’aura donc pas atteint l’objectif affiché par le Président de la République. Monsieur le ministre, l’Union européenne restera, en réalité, cantonnée à l’humanitaire, à n’être qu’une « grosse ONG », selon votre pertinente expression.

Dans cette affaire, c’est l’OTAN qui est devenu le bras armé de l’Union européenne.

Par mon intervention, je pense avoir démontré que l’autorisation de ratification de ce projet de loi soulève de nombreuses questions révélatrices des profonds désaccords du groupe CRC-SPG avec la politique que vous menez. Nous ne voterons donc pas ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes nous offre l’occasion de nous exprimer sur la coopération franco-britannique en matière de défense. Ce traité représente une petite partie d’une coopération qui serait plus vaste et plus stratégique.

Comme l’a déjà dit le rapporteur, le sommet qui s’est tenu à Londres le 2 novembre 2010 a produit un traité de défense et de sécurité, destiné à approfondir dans le long terme la coopération bilatérale entre les forces armées des deux États.

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui en fait partie, certes, mais en votant ce texte, on ne peut pas laisser croire…. §

Monsieur le ministre, si je vous dérange dans votre conversation, je peux m’arrêter. Vous avez, me semble-t-il, d’autres occasions de vous entretenir avec les membres de l’UMP. Votre attitude est inconvenante et manque de courtoisie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je disais donc qu’on ne peut laisser croire que l’on vote et que l’on approuve l’ensemble de l’association militaire entre la France et le Royaume-Uni, d’autant qu’une telle association mérite encore d’être précisée.

Cela m’inspire une première question, monsieur le ministre : quels sont les différents aspects de cette coopération bilatérale ?

Je voudrais évoquer le traité de Londres de novembre 2010.

N’oublions pas qu’il y a eu, entre Français et Britanniques, l’accord de Saint-Malo en 1998. Toutefois, une différence existe entre ces deux moments de l’entente franco-britannique et, comme l’a souligné Michelle Demessine, elle est de taille !

L’accord de Saint-Malo, dont les signataires français étaient MM. Chirac et Jospin, était destiné à développer et à consolider la défense européenne et à donner un nouvel élan aux industries et technologies de la défense. Ainsi, il permettait à la Grande-Bretagne de s’insérer utilement dans la construction de la politique européenne de sécurité et de défense. Sur le plan industriel, les avancées ont été importantes ; sur le plan politique européen, en revanche, les espoirs d’alors n’ont pas tous été concrétisés.

Rien de tel aujourd’hui dans l’accord de Londres. Celui-ci confirme bien une démarche, utile certes, peut-être même d’avenir, mais qui reste exclusivement bilatérale.

Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur : outre-Rhin, certains commentateurs ont cru voir dans le nouveau traité de Londres l’amorce d’une politique antiallemande et se sont interrogés sur les raisons d’une telle entente bilatérale excluant les autres pays européens.

Je vous pose donc une deuxième question, monsieur le ministre : envisagez-vous d’ouvrir cette coopération à des pays européens qui manifesteraient leur intérêt ?

Sans doute ce traité marque-t-il un tournant majeur dans notre coopération avec les Britanniques. Mais « l’horizon OTAN » ne peut pas être l’alpha et l’oméga de notre politique européenne. Nous aimerions donc savoir si une vision commune se dégage pour faire progresser l’Europe de la défense, aujourd’hui en panne.

L’entente franco-britannique peut aisément se comprendre quand il s’agit du domaine nucléaire militaire.

Le maintien du principe de dissuasion au sein du concept stratégique de l’OTAN, qui était pourtant, semble-t-il, contesté par l’Allemagne, est une preuve de l’utilité de la coopération franco-britannique. Mais le nucléaire militaire n’est que l’un des aspects du problème.

Monsieur le ministre, si ce traité est l’expression de la volonté de créer une alliance forte entre les deux principales puissances militaires européennes, quel est le but politique de cette alliance et quels sont ses objectifs stratégiques ?

Pour ma part, je reste persuadé que l’ensemble de la politique de défense de la France doit s’inscrire dans une coopération approfondie avec ses partenaires de l’Union européenne, si possible avec l’ensemble de ces pays.

Venons-en au contenu même du projet de loi qui concerne en particulier le domaine des technologies liées aux arsenaux nucléaires, dont les aspects techniques ont déjà été très bien explicités par le rapporteur.

La construction et l’exploitation conjointes d’une installation de physique expérimentale, dénommée EPURE, à Valduc, en Bourgogne, apparaît comme une application concrète de l’alliance franco-britannique.

D’autres coopérations devraient suivre, mais, pour l’instant, seul le projet EPURE est véritablement finalisé. La feuille de route établie au sommet de Londres est fort ambitieuse. Il ne faudrait pas qu’elle suive le même chemin que tant d’autres projets présidentiels…

L’installation EPURE permettra de réaliser une économie importante. C’est une promesse, un vœu pieux, presque un acte de foi ! Mais peut-on croire cela aujourd’hui ? Nous voudrions que cela soit vrai. Hélas ! monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, votre gouvernement, et les précédents depuis 2002, ne nous ont pas habitués à la sincérité budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je me contenterai de quelques exemples : les recettes exceptionnelles qui manquent au rendez-vous budgétaire, le trou de plusieurs milliards d’euros – 10 ou 15 milliards ? – dans la programmation militaire précédente, le coût du nouvel immeuble du Pentagone français toujours mal calibré, les bases de défense au nombre et au financement si élastiques, sans parler des derniers budgets, qui sont, selon moi, peu fiables en raison de leur manque de sincérité.

Par conséquent, monsieur le ministre, quand vous affirmez aujourd’hui que cela permettra de réaliser des économies et que ces dernières reviendront à la défense, permettez-moi d’être pour le moins sceptique, voire quelque peu méfiant !

Laissons ces économies virtuelles de côté, tout en espérant qu’elles seront au rendez-vous de nos finances dans quelques années. De mon point de vue, elles ne représentent pas un argument déterminant en faveur du projet.

Pour moi, l’argument important et concluant est qu’il s’agit, avec la mise en place du programme EPURE, de garantir la subsistance de notre dissuasion nucléaire au niveau de stricte suffisance définie naguère par le président François Mitterrand. En lisant le projet de loi et l’étude d’impact qui l’accompagne, j’en conclus que, manifestement, il ne nous était plus possible, à l’horizon 2030, de parvenir seuls à garantir son maintien, d’où la nécessité de cette alliance.

C’est en quelque sorte un constat de faiblesse, un pari sur l’avenir et une réorientation stratégique.

C’est d’abord un constat de faiblesse : ce que nous faisions seuls hier, vous concédez que nous ne pourrons plus, seuls, le faire demain ou après-demain.

C’est ensuite un pari sur l’avenir, parce que cela présuppose que nos amis Britanniques resteront encore longtemps attachés au développement plus au moins autonome de leur force nucléaire. On peut s’interroger. Mais, monsieur le ministre, les Britanniques vous ont peut-être déjà rassuré à ce sujet et vous allez pouvoir nous apporter des réponses sur ce point. C’est du moins ce que j’ai cru comprendre en écoutant les propos du rapporteur.

C’est enfin une réorientation stratégique qui donne la priorité aux alliances bilatérales plutôt qu’à une défense européenne commune et qui s’ajoute à la nouvelle orientation traduite par le retour dans le commandement intégré de l’OTAN : voilà qui me semble quelque peu préoccupant !

Par ailleurs, nous savons tous que la Grande-Bretagne est très dépendante des États-Unis pour le nucléaire militaire. Cela n’aura-t-il pas des conséquences sur notre propre autonomie en la matière ? Allons-nous vers un partenariat nucléaire élargi ? Monsieur le ministre, vous avez certainement des assurances. Pour notre part, nous nous posons vraiment des questions.

Sur le plan technique, le traité sur l’installation commune EPURE nous semble un bon projet. Au regard de l’état de nos finances, nous pouvons dire que, si nous souhaitons le maintien d’une force nucléaire de dissuasion efficace et crédible, nous n’avons pas véritablement le choix. Nous voterons donc ce texte.

En effet, la France et le Royaume-Uni doivent également garantir ces armes sans essais nucléaires, car nos deux pays ont signé le traité d’interdiction complète des essais nucléaires, ce dont nous nous félicitons.

Ce traité, qui interdit tous les essais nucléaires quels que soient leur puissance et le milieu dans lequel ils sont réalisés, offre la possibilité de procéder à des méthodes expérimentales. Les installations comprises dans le traité dont le projet de loi autorise la ratification s’inscrivent dans ce cadre.

Ainsi, cet accord qui rend viable le programme EPURE apparaît comme vital pour le maintien de notre dissuasion nucléaire. Nous ne voulons pas perdre des capacités militaires significatives, nécessaires à notre défense et à celle de l’Europe.

Cet aspect l’emporte aujourd’hui, à l’heure du vote du projet de loi. En revanche, nous ne pouvons pas vous donner quitus sur tous les aspects politiques et stratégiques d’un accord avec les Britanniques, dont les conséquences à long terme sur notre autonomie n’ont pas encore été clairement explicitées par le Gouvernement.

Selon moi, le débat doit se poursuivre. À vrai dire, il ne fait que commencer !

Applaudissements sur les travées du RDSE et sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Milhau

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors d’une intervention à l’université de Zurich, le 19 septembre 1946, Winston Churchill clôtura son discours en proclamant : « En avant l’Europe ! »

En ce qui me concerne, mes chers collègues, je crois en une Europe ambitieuse, forte de ses valeurs et unie dans la diversité. Je crois en une Europe cohérente et respectueuse des droits et libertés fondamentales. Enfin, je crois en une Europe innovante, qui favorise le progrès économique et la justice sociale.

Cet ambitieux projet ne peut toutefois se soustraire à la construction d’une politique européenne de sécurité et de défense plus sûre et plus fiable. Il en va aussi de la crédibilité de cette Europe que nous souhaitons. À cet effet, nous sommes aujourd’hui tous conscients de l’importance que revêt la coopération franco-britannique dans le domaine militaire, avec pour objectif la consolidation de la paix.

L’entente cordiale entre la France et la Grande-Bretagne est ainsi devenue, selon l’ancien Premier ministre britannique Gordon Brown, une « entente formidable » à l’origine d’un véritable élan pour l’Europe.

De la première rencontre entre Churchill et le général de Gaulle le 17 juin 1940 au sommet franco-britannique de Saint-Malo des 3 et 4 décembre 1998, en passant par la naissance de l’OTAN en 1949, les deux États ont toujours su démontrer leur efficacité politique et sont ainsi devenus des partenaires privilégiés.

Le 31e sommet franco-britannique du 2 novembre 2010 s’inscrit par conséquent dans la volonté naturelle des deux États de prolonger et concrétiser leur coopération. La conclusion du traité de défense et de sécurité est destinée à approfondir, dans le long terme, la collaboration bilatérale entre les forces armées de nos deux pays en renouvelant la confiance mutuelle qui nous anime. Il a notamment été prévu un déploiement conjoint, un partage et une mutualisation de matériels et d’équipements, une construction d’installations communes ainsi qu’une coopération industrielle et technologique.

Une première illustration concrète dans le domaine des technologies liées aux arsenaux nucléaires a vu le jour avec la signature du traité relatif aux installations radiographiques et hydrodynamiques communes dont nous discutons aujourd’hui.

Mes chers collègues, le traité a pour assise principale le domaine de la dissuasion nucléaire. Il permet, à terme, une coopération franco-britannique diversifiée dans un nombre de domaines présentant un intérêt majeur pour l’un et l’autre pays.

Tout d’abord, les techniques de simulation permettant de garantir la fiabilité et la sûreté des armes nucléaires vont être perfectionnées. L’objectif est de construire et d’exploiter conjointement une installation de physique expérimentale. L’installation commune, EPURE, sera réalisée au centre du CEA de Valduc, en Côte-d’Or.

La construction d’EPURE sera achevée en 2022. La France s’engage à garantir l’accès du Royaume-Uni au site pendant une durée de cinquante ans. Dans un souci d’économie permanent que le budget de la défense éprouve quotidiennement, les deux pays ont décidé de partager équitablement les coûts de construction et d’exploitation.

Il convient, par ailleurs, de souligner qu’aucune arme ne sera mise au point. Sur cet élément, le traité comporte une série de dispositions très précises sur les règles applicables en matière de sûreté, de gestion des déchets ou de mise en œuvre de la responsabilité.

Ces stipulations préventives sont particulièrement importantes dans le contexte mondial actuel. En effet, nous avons tous assisté avec effroi à la catastrophe naturelle survenue au Japon le 11 mars dernier. Le séisme puis le tsunami ont provoqué un accident nucléaire qui a soulevé une vive inquiétude chez nos concitoyens quant à la place de cette énergie sur le territoire national. Je tiens à rappeler que les deux États ont signé, en 1996, le traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

Cette coopération se déroulera donc en toute transparence, dans le respect de la souveraineté nucléaire des deux pays. Ainsi, toute explosion expérimentale d’armes nucléaires ou toute autre explosion nucléaire est interdite. Aucun dégagement d’énergie nucléaire ne doit être produit dans le cadre des expériences menées.

En outre, l’exploitation du site créera un climat de confiance entre les équipes de scientifiques et les experts, lequel sera propice à l’émulation. Nous ne pouvons que nous réjouir de l’exceptionnel degré de confiance obtenu entre les deux pays dans un domaine aussi sensible et symbolique que le nucléaire militaire.

Enfin, cette coopération en matière de défense comporte une dimension politique majeure. Elle s’effectuera dans le plein respect de la souveraineté de chaque État, dans un domaine où le Royaume-Uni entretenait historiquement une relation privilégiée avec les États-Unis.

Elle démontre également la volonté de nos deux pays de garantir la crédibilité de leur dissuasion. Les deux États présentent en effet en la matière une grande proximité de postures et de doctrine, qui a justifié leurs positions similaires, en mai 2010, lors du débat de la conférence d’examen du traité sur la non-prolifération.

Mes chers collègues, l’objectif de désarmement nucléaire ne peut être dissocié d’une lutte plus efficace contre la prolifération, d’une part, et de progrès tangibles permettant d’instaurer un environnement international plus sûr, d’autre part. Malheureusement, l’actualité nous rappelle que le chemin est encore long !

C’est pourquoi les membres du groupe du RDSE approuveront ce projet de loi, dont l’adoption permettra la ratification de cet important traité franco-britannique.

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez tout d’abord de féliciter notre collègue Xavier Pintat de son rapport sur ce sujet qui est non seulement technique, mais également politique. Ce projet de loi s’inscrit en effet dans la logique politique de Saint-Malo, renforcée en novembre dernier par les accords de Londres.

Je souhaite également remercier M. le président de la commission des affaires étrangères, Josselin de Rohan, tant pour son action que son engagement personnel lors du 31e sommet franco-britannique, qui a abouti à deux traités de coopération en matière de défense et de sécurité entre nos pays.

M. Robert del Picchia applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Dernière oratrice de la discussion générale sur ce projet de loi, « last but not least », pour reprendre une expression de nos amis anglais, je ne reviendrai pas sur le fond du volet technologique relatif aux installations radiographiques et hydrodynamiques. Mon excellent collègue et rapporteur Xavier Pintat s’est brillamment livré à cet exercice. Afin d’éviter toute redite, je concentrerai mon propos sur quelques points qui me tiennent particulièrement à cœur.

Douze ans après le sommet de Saint-Malo, malgré les idées reçues, malgré un environnement fortement marqué par l’euroscepticisme, y compris en matière de défense, ce sommet a démontré que l’Europe de la défense avançait et qu’elle devenait une réalité.

Ces accords interviennent dans un contexte de grave crise économique. Or nous le savons, dans un tel contexte, ce sont souvent les programmes d’armement et d’équipement qui sont les premières victimes des rabots budgétaires. À l’occasion de la dernière réunion de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN à La Haye, j’ai pu prendre la pleine mesure de ces réductions budgétaires, qui sont drastiques chez certains de nos partenaires. Nos hôtes néerlandais nous ont annoncé un milliard d’euros d’économies d’ici à 2014, dans le cadre d’une réduction considérable de leur flotte de F 16 AMBM et d’hélicoptères Cougar, ainsi que du retrait de quatre-vingts chars de combat Leopard.

Pour une fois, nous pouvons nous féliciter : ces accords de défense démontrent que la crise économique peut être un catalyseur permettant aux Européens non seulement de travailler ensemble, mais aussi de rebondir et de faire avancer la défense européenne.

D’ailleurs, il est heureux de constater la reprise par le nouveau gouvernement conservateur de David Cameron d’une feuille de route initiée par le Livre vert adopté précédemment par le gouvernement travailliste. Cette constance est exemplaire et responsable.

Une telle cohérence ne peut qu’être bénéfique aux industries de la défense, qui constituent, on le sait, de véritables leviers pour la société civile, grâce aux retombées économiques, mais aussi pour le monde de la recherche.

La stabilité en matière de loi de programmation militaire est un véritable garant face au risque de décrochage technologique et capacitaire. À l’heure où la France est engagée avec le Royaume-Uni dans bon nombre de processus de résolution de crises, cette remarque est d’autant plus vraie. Je pense non seulement à l’Afghanistan et à la Libye, mais aussi à la lutte contre la piraterie en mer, avec l’opération Atalante.

Le 3le sommet franco-britannique a aussi impulsé une dynamique de coopération parlementaire entre nos deux pays ; il se traduit par la ratification de deux traités.

À l’invitation du Président de la République, les présidents des commissions des affaires étrangères de nos deux assemblées se sont rendus à Londres, où ils ont pu échanger avec leurs homologues de la Chambre des Communes et de la Chambre des Lords et jeter les bases d’une véritable collaboration.

Sachons en convenir, c’est aussi la démonstration d’un renforcement du rôle des parlementaires, qui va au-delà du seul contrôle. Les parlementaires ont été associés en amont, il me paraît important de le souligner. En tant qu’élue des Français établis hors de France, membre du Conseil franco-britannique et secrétaire national de l’UMP aux relations franco-britanniques, je ne peux que me réjouir du renouveau de ce partenariat « bicaméral » entre nos deux pays.

Le traité qui nous occupe ce soir a pour objectif d’instaurer une coopération en matière de technologies relatives à la gestion des arsenaux nucléaires, afin de garantir nos capacités respectives de dissuasion nucléaire. Comme l’a très bien rappelé le président Josselin de Rohan en commission, ces accords sont aujourd’hui possibles grâce au retour de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN.

Rappelons-le, à elles seules, la Grande-Bretagne et la France prennent en charge 50 % des dépenses de défense des vingt-sept pays de l’Union et les deux tiers des dépenses en recherche et développement. Les deux puissances militaires européennes sont animées par la même volonté de réformer les structures de l’OTAN.

Ces accords mettent fin à l’idée selon laquelle l’Europe et l’OTAN seraient d’immuables concurrents. En d’autres termes, ils sont des porte-voix d’une Europe ambitieuse, efficace et active au sein de l’OTAN.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Plus encore qu’un leadership, la France et la Grande Bretagne créent une émulation. Les traités bilatéraux qui découlent du sommet de Londres ne sont pas « fermés ». L’Italie et l’Allemagne peuvent rejoindre cette coopération, dans la mesure où le choix de leur politique nationale leur en laisse la liberté.

Nous savons que le sujet des armes nucléaires ne présente pas, en Allemagne, les mêmes enjeux. Mais l’Union européenne est également riche de ses différences, l’essentiel étant de parvenir à les articuler sans qu’elles deviennent une entrave pour certains partenaires européens. Certes, l’Allemagne privilégie une défense antimissile, mais le dialogue reste ouvert.

Pour la France et le Royaume-Uni, qui sont deux puissances nucléaires, cette coopération instaure une interdépendance qui respecte la souveraineté de chacun. Il s’agit là d’une mutualisation des technologies qui n’altère pas nos capacités de dissuasion nucléaire respectives. La France et le Royaume-Uni sont en adéquation avec le nouveau concept stratégique de l’OTAN. Nos forces nucléaires participent pleinement à une dissuasion globale qui fonde le socle de défense collective.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Vous parlez au présent, mais tout cela, c’est du futur !

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Cette convergence de politique est, à mon sens, primordiale et très encourageante pour l’essor d’une véritable défense européenne.

Concrètement, outre la relance des relations entre nos deux pays, cette coopération permettra à la fois l’utilisation conjointe des installations communes de Valduc, où devra être modélisée la performance de nos têtes nucléaires et des équipements associés, et l’installation du futur centre de développement technologique d’Aldermaston au Royaume-Uni.

Pour moi, ce partage des savoirs et l’utilisation commune des moyens durant cinquante ans sont aussi un gage concret et à long terme, pour cinquante ans, d’une plus grande sécurité et sûreté. Par ailleurs, en ces temps difficiles, ne négligeons pas l’économie, pour la France, de 500 millions d’euros, qui résultera de la répartition des coûts.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera en faveur de la ratification de ce texte, lequel apporte un nouveau souffle à la politique européenne de sécurité et de défense qui se construit chaque jour.

Enfin, en tant que parlementaire, je me réjouis tout particulièrement de la mise en place d’un groupe de travail, afin de suivre les évolutions de ce traité, notamment en termes financiers.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Monsieur le président, mes chers collèges, dans la mesure où les précédents orateurs ont dit des choses infiniment justes, je souhaite simplement répondre à ceux de nos collègues qui considèrent que cet accord marque, au fond, la fin de la politique européenne de sécurité et de défense.

Tout d’abord, une telle politique doit être voulue par tout le monde. Or, Joëlle Garriaud-Maylam l’a très bien dit, lorsqu’on considère la part de la France et de la Grande-Bretagne dans les dépenses militaires des pays de l’OTAN, on s’aperçoit qu’ils sont les deux contributeurs les plus importants, après les États-Unis. Si les choses continuent ainsi, nos deux pays assureront d’ici à moins de dix ans près de 65 % des dépenses de défense au sein de l’Union européenne.

Que faut-il en conclure, cher Jean-Louis Carrère ? Que l’un des principaux pays de l’Union européenne, celui qui possède l’économie la plus puissante et souhaite se doter d’une industrie de défense, ne consacre pas une part suffisante de son PIB à ce secteur pour se situer au même niveau que la France et la Grande-Bretagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Pour tout vous dire, c’est l’un des obstacles à la création d’une politique européenne de sécurité et de défense. Si l’Allemagne avait la volonté d’y participer, cela changerait complètement la donne : nous disposerions d’une base industrielle beaucoup plus puissante, compte tenu de ce que l’Allemagne peut mettre dans la corbeille. Cela montrerait également que ce pays a réellement la volonté de se défendre.

Or quelle est la conséquence de l’attitude allemande ? Au sein de l’OTAN, ce sont les États-Unis, si la France et la Grande-Bretagne ne mutualisent pas leurs efforts, qui donneront en permanence le ton. Nous souhaitons participer à la défense antimissile balistique. Mais si on avait écouté les Allemands, les États-Unis auraient, seuls, mis en place cette défense au sein de l’OTAN : on imagine la vulnérabilité qui serait la nôtre, puisque nous dépendrions totalement, en la matière, des États-Unis.

Une telle situation serait particulièrement dangereuse, car nous ne savons pas si l’Europe continuera de constituer, aux yeux des États-Unis, un enjeu ou une zone considérée comme prioritaire en matière de défense. Regardez en effet dans quelle direction ce pays s’engage aujourd’hui : il se tourne vers l’Asie.

Je dois le dire, l’attitude allemande en la matière est très décevante, d’autant que ce pays n’est guère favorable à la dissuasion. Le fait que la Grande-Bretagne et la France partagent la même vision en matière nucléaire a incité l’OTAN à considérer que la dissuasion continuait à faire partie de son concept stratégique. Notre alliance, sur ce plan, est extrêmement positive.

Vous vous interrogiez, monsieur Carrère, sur notre stratégie : c’est bien celle que je viens de décrire. Si nous voulons maintenir notre crédibilité et notre autonomie au sein de l’OTAN, il faut que nous puissions nous appuyer sur une puissance qui possède la même volonté que nous. Tel est le cas de la Grande-Bretagne, qui possède une défense atomique crédible.

À mes yeux, la question qui se pose est celle de savoir s’il existera un jour une politique européenne de sécurité et de défense commune. Ce traité n’empêche pas l’émergence d’une telle politique : du jour au lendemain, les pays de l’Union européenne peuvent décider de rejoindre, non pas le dispositif nucléaire – la France et le Royaume-Uni sont les deux seules nations nucléaires –, mais l’ensemble de la coopération initiée par le traité de Londres. Cette coopération est ouverte à qui le veut ; encore faudrait-il que nos partenaires manifestent leur volonté en ce sens !

Pour ma part, je ne crois pas qu’il y ait, sur le plan des principes, une opposition fondamentale entre le traité franco-britannique et la politique européenne de sécurité et de défense commune.

Je le répète, la porte est ouverte à qui veut bien entrer, mais, pour appartenir au club, il faut avoir la volonté de se défendre. §

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, ministre

Monsieur le président, je crois que notre débat, très nourri, a permis de bien mettre en perspective les enjeux de ce texte.

Je tiens d’abord à remercier M. le rapporteur d’avoir bien exposé l’enjeu stratégique, qui découle du changement d’approche auquel a procédé le Royaume-Uni en signant ce traité : il consiste à revenir vers une alliance européenne avec la France, alors qu’ils sont, traditionnellement, des alliés des États-Unis.

Il s’agit là, pour nous, du point d’aboutissement de notre changement de politique à l’égard de l’OTAN. Nous sommes partis du principe que ce nouveau cadre permettrait de développer la coopération bilatérale, notamment avec le Royaume-Uni. Ce traité en est la première illustration.

Au sujet des inquiétudes que vous avez soulevées, madame Demessine, je veux souligner que le projet EPURE permet de maintenir une stricte indépendance des dissuasions française et britannique.

Sur ce point, la différence d’approche entre votre intervention et celle de M. Carrère était perceptible : croire à la possibilité de mettre en place une politique européenne de défense, c’est croire à la possibilité de mettre en place des coopérations qui préservent notre indépendance. Telle est, me semble-t-il, la voie que montre ce traité.

Si l’on adopte une conception purement nationaliste, restrictive, en considérant que tout partenariat entraîne nécessairement l’affaiblissement de notre indépendance et de notre autonomie, il n’y a pas de place pour une coopération en matière de défense. Ce n’est évidemment pas, vous l’avez compris, le choix que nous privilégions.

Monsieur Carrère, je tiens à vous assurer que je vous ai écouté avec toute l’attention que vous méritez, notamment lorsque vous avez soulevé trois interrogations auxquelles le président de Rohan a en partie répondu.

Tout d’abord, je vous confirme que la démarche que nous adoptons est pragmatique. Par rapport aux accords précédents, notre but est que cette dernière se traduise par des réalisations concrètes et rapides. Vous avez vous-même reconnu, en faisant preuve d’une objectivité dont je vous remercie, que ce traité en représentait une première illustration et que, de ce point de vue, il était satisfaisant.

Ensuite, nous concevons la coopération avec le Royaume-Uni comme devant créer une force d’entraînement nous permettant d’aboutir progressivement à une logique européenne. C’est bien à cela que nous croyons. Si nous voulions basculer d’un seul coup dans une politique européenne de défense, cela ne marcherait pas ! Nous avons donc besoin d’une force d’entraînement : cela passe par une première étape, la coopération avec le Royaume-Uni.

Dans le même temps, nous travaillons, comme le président Josselin de Rohan l’a très bien souligné, dans le cadre du triangle de Weimar, à la relance d’une approche coordonnée entre l’Allemagne, la Pologne et la France.

Enfin, vous l’avez vous-même souligné, il s’agit non pas d’un aveu de faiblesse, mais d’une volonté de préserver une véritable ambition en matière de politique de défense, tout en tenant compte des impératifs d’économie – même si j’ai entendu les avertissements que vous m’avez adressés.

Je me réjouis du vote favorable de votre groupe.

Je vous remercie, monsieur Milhaud, d’avoir resitué notre débat dans une dimension historique. Lorsque Winston Churchill évoquait la défense européenne, il entendait surtout que le Royaume-Uni lui reste bien extérieur…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, ministre

Vous avez souligné, avec une grande justesse, le partage équitable des coûts, qui constitue effectivement l’une des clés d’une coopération juste et équilibrée entre nos deux pays.

Je vous remercie, madame Garriaud-Maylam, d’avoir souligné notre volonté constante, qui répond au souhait du Président de la République, de mieux associer les parlementaires à la politique étrangère. La révision de nos accords de défense sur le continent africain en avait déjà fourni une illustration.

Je ne peux que m’associer aux félicitations nourries que vous avez adressées au rapporteur, ainsi qu’au président de Rohan, qui pourrait presque trouver là un billet d’entrée pour la Chambre des Lords…

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, ministre

Au total, cet accord est, me semble-t-il, pragmatique ; il constitue une première illustration importante de ce que peut apporter une coopération en matière de défense. Il est vrai que cette dernière repose sur un pari : celui de parvenir à créer une force d’entraînement et à la transposer à l’échelle plus globale d’une politique européenne de défense.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique.

Est autorisée la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, signé à Londres le 2 novembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Monsieur le ministre, vous allez un peu vite lorsque vous interprétez l’attitude des Anglais comme le signe d’une modification de leur stratégie de défense, en quelque sorte d’un basculement de l’Alliance atlantique vers l’Europe. Il faut faire preuve de prudence. (M. le ministre acquiesce.)

Pour ma part, je souscris à cette alliance bilatérale avec le Royaume-Uni. Malgré tout, je ne partage pas complètement l’enthousiasme du président de Rohan. La constitution d’une telle alliance ne me semble pas être la meilleure voie pour préparer l’Europe de la défense et de la sécurité.

Mais si l’on m’apporte la preuve que d’autres pays peuvent nous rejoindre en cours de route, j’en serai bien évidemment satisfait. Mes inquiétudes auront alors simplement été excessives.

Je ne nourris pas non plus l’optimisme quelque peu excessif de Mme Garriaud-Maylam et de quelques autres orateurs, y compris parfois de M. le rapporteur, sur les économies qui pourraient résulter de cet accord.

Que n’ai-je entendu, depuis quelques années ? J’ai entendu que les bases de défense, l’externalisation, allaient entraîner des économies exceptionnelles. Or, rendez-vous compte, mes chers collègues, nous en sommes à demander un audit de la Cour des comptes !

Pardonnez-moi de vous conseiller, madame Garriaud-Maylam – peut-être parce que j’ai été trop longtemps instituteur ! – d’employer le futur plutôt que le présent lorsque vous évoquez ce qui va se passer dans les années à venir. Le temps n’est pas venu de la réalisation de cet accord, qui n’a pas encore été ratifié, même si je comprends que vous votiez ce texte avec beaucoup d’enthousiasme.

Pour ma part, parce que la raison me dicte de le faire, je voterai ce projet de loi, mais avec un moindre engouement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est l’assemblée des territoires. Nous avons évoqué les économies à réaliser, mais en tant que sénateur de la Côte-d’Or, je suis préoccupé par l’impact économique du site du CEA de Valduc, implanté sur un hameau de ma commune.

Alors que nous examinons le projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, je crois opportun de vous demander, monsieur le ministre, quel sera l’impact des investissements ainsi réalisés sur le territoire national.

Vous n’ignorez pas que, plus que jamais, le nucléaire fait aujourd’hui l’objet de nombreuses contestations citoyennes, souvent excessives, mais globalement respectables. Aussi est-ce en prenant toutes les précautions nécessaires que de tels projets doivent être poursuivis.

Comme le démontre le rapport de notre collègue Xavier Pintat, l’État met tout en œuvre pour limiter les risques inhérents à ces investissements sur le territoire national. Il en va ainsi des questions liées à la sécurité, au traitement des déchets et à la responsabilité en cas de dommages.

Cependant, toutes ces précautions ne sauraient suffire, si les territoires et les populations voient seulement des inconvénients à l’accueil de tels investissements. Je pense en particulier à la commune que je connais le mieux, la mienne, qui accueille le centre du CEA de Valduc.

Voilà plusieurs dizaines d’années que les peurs se cristallisent autour d’un complexe industriel du secteur de la défense, bénéficiant du statut d’établissement industriel et commercial, qui use et abuse du territoire sans contribuer au développement local et qui se refuse à s’acquitter de ses obligations en matière de fiscalité locale, au détriment des populations vivant sur le territoire.

Pour faciliter l’acceptabilité de tels investissements, il faut que le CEA s’acquitte loyalement de toutes ses obligations fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Qu’il le fasse avec les économies de Mme Garriaud-Maylam !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Je vous parle non pas d’économies, mais de solidarité humaine et territoriale.

Si, à l’inverse, le CEA refuse de s’acquitter loyalement de ses obligations fiscales, il s’inscrit dans une relation de défiance avec le territoire et de désintérêt pour l’avenir de ce dernier et compromet la pérennité de ses propres activités.

Je prendrai un seul exemple : 90 % des employés du CEA de Valduc habitent à plus de 30 kilomètres du site. De tels chiffres illustrent la défiance qui s’installe entre le CEA et le territoire, ainsi que le manque d’empathie de celui-là pour celui-ci.

Je crois donc nécessaire, monsieur le ministre, que vous affirmiez avec force, avant que nous ne passions au vote, que le CEA, afin de ne compromettre ni son avenir ni celui du territoire sur lequel est implanté son centre, doit d’acquitter loyalement de ses obligations fiscales, s’agissant en particulier de la contribution économique territoriale et de la taxe foncière – taxations au sujet desquelles le CEA a d’ailleurs fait l’objet d’une condamnation par le tribunal administratif en 1999, puis par la cour administrative d’appel de Lyon, et, enfin, par le Conseil d’État.

Je forme le vœu que le CEA devienne un établissement pleinement citoyen et qu’il se mette en conformité avec ses obligations citoyennes françaises et européennes.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, ministre

Ce n’est pas l’élu local que je suis qui désapprouvera l’engagement de M. Houpert pour la défense de son territoire. Il a tout à fait raison de porter ce flambeau.

Il s’agit de faire en sorte que le CEA, qui est d’abord une chance potentielle pour le territoire de la Côte-d’Or, ait la volonté de créer des liens avec les communes alentour, afin d’être un véritable vecteur de développement.

Ce traité de coopération, qui conduit à un renforcement du rôle du CEA, doit s’accompagner d’une réflexion sur la manière de faire bénéficier l’environnement des retombées positives : le CEA ne doit pas être un centre « hors-sol ».

Je crois pouvoir assurer M. Houpert que le ministre d’État Alain Juppé, ainsi que les services du Quai d’Orsay, sont très attentifs à cette question. Nous pourrons donc travailler avec lui pour développer les liens qu’il a évoqués et assurer à l’ensemble de ses administrés des retombées visibles et concrètes : le CEA doit être perçu non plus comme une entité extérieure, mais comme un atout.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne tendant à obtenir compensation des effets, sur l’agriculture des départements d’outre-mer, des accords commerciaux conclus par l’Union européenne, présentée, en application de l’article 73 quinquies du règlement, par MM. Serge Larcher et Éric Doligé (proposition n° 226, rapport n° 310).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Serge Larcher, co-auteur de la proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 24 septembre 2010, la Commission européenne a transmis au Parlement européen et au Conseil une proposition de règlement portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union européenne, les RUP.

Il s’agit en fait d’une refonte du régime existant appelé POSEI – programmes d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité. Ce programme a été mis en place voilà plusieurs années déjà pour tenir compte de la situation économique et sociale des RUP.

Il répond à deux objectifs : garantir l’approvisionnement des régions ultrapériphériques en produits agricoles, en exonérant de droits de douane certains produits importés ; soutenir l’activité agricole par le biais de mesures en faveur des produits agricoles locaux.

Ce régime a fait la preuve de son efficacité, notamment depuis qu’il a été rendu plus flexible en 2006. Dans un rapport publié en octobre 2010, la Cour des comptes européenne a elle-même reconnu l’importance du programme POSEI pour l’agriculture des RUP.

Pour l’outre-mer français, ce programme a représenté 278 millions d’euros l’an dernier.

La proposition de règlement que soumet la Commission ne modifie pas fondamentalement le soutien communautaire à l’agriculture des RUP. Tant mieux, me direz-vous ! En réalité, il faut s’en alarmer.

En effet, le règlement du 19 décembre 2006, qui a étendu le règlement POSEI au secteur de la banane, a admis que, s’il était constaté un changement significatif dans les conditions économiques affectant les sources de revenus dans les régions ultrapériphériques, la Commission européenne devait en tenir compte.

Et c’est bien là que le bât blesse, car la situation a considérablement changé pour l’agriculture ultramarine ces derniers mois.

Ainsi, le 15 décembre 2009, a été conclu l’accord multilatéral de Genève sur le commerce de la banane et, au printemps 2010, l’Union européenne a conclu des accords commerciaux avec l’Amérique centrale, d’une part, et avec la Colombie et le Pérou, d’autre part.

Or, la proposition de la Commission feint d’ignorer les conséquences désastreuses que risquent d’avoir ces accords commerciaux pour l’agriculture en outre-mer.

En nos qualités respectives de rapporteur et de président de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, qui s’est réunie en 2009, Éric Doligé et moi-même avons jugé nécessaire d’intervenir.

C’est au nom du comité de suivi des orientations de cette mission, comité créé en octobre 2009, que nous avons donc déposé le 18 janvier 2011 une proposition de résolution européenne pour dénoncer l’indifférence ou le désintérêt de la Commission européenne à l’égard des effets de ces divers accords commerciaux sur l’agriculture des départements d’outre-mer.

En quoi consistent ces accords ?

Les textes viennent seulement d’être paraphés et n’ont pas encore été transmis au Parlement au titre de l’article 88-4 de la Constitution, bien que leur conclusion remonte à plus d’un an.

Néanmoins, selon les informations disponibles, nous savons quelles avancées l’Union européenne a obtenues : il s’agit, essentiellement, de la fin des barrières douanières pour ses industries – surtout l’automobile – et d’un meilleur accès aux marchés péruvien et colombien des vins et spiritueux et des produits laitiers.

En contrepartie, les deux États andins ont obtenu une amélioration du potentiel d’exportation de bananes, de sucre, de rhum et d’autres produits agricoles, affectant le cœur de nos économies ultramarines.

Plus précisément, concernant la banane, production emblématique de nos îles, l’Union européenne va abaisser ses droits de douane à 75 euros par tonne au 1er janvier 2020.

Déjà, l’accord multilatéral de Genève sur le commerce de la banane, signé en décembre 2009, s’était conclu par un abaissement progressif des droits de douane de 176 euros à 114 euros la tonne d’ici à 2017.

C’est donc une baisse supplémentaire de 40 euros par tonne qui est consentie sur la taxation des bananes importées des pays andins.

Pour la banane, il est certes prévu une sauvegarde spéciale déclenchant une suspension du traitement préférentiel en cas de forte augmentation des importations en provenance de ces pays, mais celle-ci cessera de s’appliquer lorsque le droit préférentiel aura atteint 75 euros par tonne en 2020.

Pour ce qui est du sucre et des produits à teneur élevée en sucre, des contingents à droit nul, assortis d’un taux de croissance annuel, sont consentis à la Colombie et au Pérou.

Pour le rhum, des contingents à droit nul s’appliqueront là aussi pour la Colombie et le Pérou et augmenteront chaque année.

Les lignes tarifaires sur le rhum en bouteille seront, pour leur part, démantelées en trois ans.

Enfin, il faut souligner que le commerce des produits de la pêche sera lui aussi très largement libéralisé, avec les conséquences que l’on sait sur ce secteur déjà en difficulté.

De facto, la France et, disons-le sans détour, ses départements d’outre-mer sont incontestablement les premiers contributeurs à ces accords.

C’est pour notre pays que le déséquilibre entre les concessions opérées sur les produits sensibles et les résultats obtenus sur le plan offensif apparaît le plus frappant.

En effet, mes chers collègues, l’économie agricole des RUP françaises est extrêmement dépendante de ces productions. Ainsi, en 2007, la banane représentait 57 % de la production agricole en Martinique et 18 % en Guadeloupe. La canne à sucre, quant à elle, représentait 20 % de la production agricole en Guadeloupe et 7 % en Martinique.

Notre commerce extérieur est lui aussi étroitement lié à ces produits. Pour la Guadeloupe, par exemple, le sucre représente près de 30 % des exportations en valeur, la banane plus de 14 % et le rhum près de 12 % ; à La Réunion, le sucre représente 38, 5 % des exportations en valeur.

Il nous faut sauvegarder l’essentiel, à savoir les dizaines de milliers d’emplois qui sont en jeu derrière ces pourcentages.

Si nous laissons nos marchés locaux – je dis bien « locaux » – être envahis de produits d’Amérique latine, que deviendra notre agriculture ? Et nos agriculteurs ?

Les concessions commerciales accordées par l’Union européenne ne peuvent s’entendre sans compensation pour préserver la fragile production agricole locale.

Il n’est pas pensable d’exposer, sans garde-fous, nos agriculteurs à la concurrence des pays d’Amérique latine, dont les producteurs ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.

En effet, faut-il que je rappelle ici que c’est la législation sociale française qui s’applique, bien heureusement, pour les ouvriers agricoles des départements d’outre-mer ? Inutile de vous dire que les conditions de travail, les conditions salariales, les conditions sociales dans les pays tiers que nous évoquons sont d’un autre siècle, faussant totalement le jeu normal de la concurrence.

Faut-il également que je rappelle que, dans un monde où le développement durable est devenu une préoccupation majeure, la banane antillaise est désormais la plus propre au monde ?

Quand les producteurs colombiens pratiquent soixante traitements phytosanitaires par an, nous en réalisons moins de dix ! Mais tout cela a un coût, bien sûr. Il convient donc d’être attentif à ne pas ruiner ces efforts.

Ces compensations pourraient prendre la forme de mesures de protection du marché des RUP, par exemple, s’agissant de la banane, la mise en place d’un mécanisme de sauvegarde plus protecteur, pérenne et susceptible d’être automatiquement activé.

Pour le sucre et le rhum, ne pourrait-on pas envisager une limitation dans le temps des augmentations annuelles des contingents ?

La compensation devra aussi être financière, en dédommagement des pertes de recettes commerciales induites.

Le Parlement européen lui-même a appelé à la mise en place de compensations en faveur des producteurs des RUP lors de la ratification de l’accord de Genève sur la banane en février dernier.

Le Parlement relève que, d’ores et déjà, l’Union européenne a décidé de consacrer 200 millions d’euros sur la période 2010–2013 aux pays ACP producteurs de bananes pour les accompagner dans le processus d’ajustement nécessaire.

Symétriquement, les députés européens appellent à modifier les modalités de l’aide prévue dans le budget POSEI à l’attention des producteurs de l’Union pour que ces derniers soient en mesure de rester sur le marché et de poursuivre leurs activités traditionnelles.

Aux dernières nouvelles, et au terme de longues discussions, la Commission proposerait une compensation de 10 millions d’euros par an pour les trois États membres concernés – Espagne, France et Portugal –, soit seulement 4 millions d’euros pour la France !

Cette proposition est inacceptable pour notre pays, qui a estimé à 40 millions d’euros par an, soit dix fois plus, le besoin de compensation de pertes de revenus et de restructuration pour la filière.

Nous devons donc maintenir la pression sur la Commission européenne. Pour cela, nous avons besoin que vous souteniez notre démarche, mes chers collègues.

Je remercie d’ores et déjà les rapporteurs, Christian Cointat et Daniel Marsin, qui ont témoigné de leur soutien en enrichissant notre texte lors de son examen par la commission des affaires européennes et par celle de l’économie.

Une résolution européenne du Sénat permettra d’exprimer au Gouvernement notre attente sur le sujet. Celui-ci pourra ensuite l’invoquer utilement pour tenter d’obtenir gain de cause à Bruxelles dans la négociation en cours.

Mes chers collègues, je suis sûr que vous aurez à cœur, en adoptant cette proposition de résolution, de tout faire pour assurer l’avenir de l’agriculture des départements d’outre-mer, car elle est une composante majeure de leur santé économique et sociale.

Le démantèlement de l’agriculture réduirait à néant les perspectives de développement endogène préconisées par le Gouvernement.

Je suis également convaincu que chacun de vous a conscience que le problème qui est posé ici n’a pas un caractère marginal ou périphérique. Ce que pose au fond cette résolution, c’est le nécessaire rappel à nos partenaires européens et internationaux que, dans une économie qui se veut mondialisée et dont nous acceptons les règles, la France n’entend pour autant renoncer ni à son agriculture ni à son modèle social.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. Éric Doligé, co-auteur de la proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

M. Éric Doligé, co-auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me demande si ce débat n’a pas été programmé à cette heure tardive afin de permettre, grâce au décalage horaire, à nos concitoyens de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane d’assister à sa retransmission !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

L’Union européenne a conclu, au cours des deux dernières années, plusieurs accords commerciaux qui représentent un danger pour l’agriculture de nos départements d’outre-mer : en décembre 2009, a été signé à Genève un accord sur le commerce des bananes avec les pays sud-américains, accord qui devait mettre un terme à la « guerre de la banane » ; lors du sommet de Madrid de mai 2010, deux accords commerciaux ont été officialisés avec la Colombie et le Pérou, d’une part, et avec l’Amérique centrale, d’autre part.

L’impact de ces accords sur l’agriculture des outre-mer est potentiellement dévastateur. En échange de la levée des barrières commerciales sur les produits industriels européens, les accords avec les pays andins et d’Amérique centrale prévoient en effet une ouverture du marché européen en matière agricole, notamment pour les productions de banane, de sucre et de rhum.

La Commission européenne reconnaît elle-même le danger de ces accords pour les économies ultramarines. Elle affirme, dans son rapport d’évaluation de la réforme du régime POSEI, qu’ils pourraient « avoir un effet sur la capacité concurrentielle des producteurs des régions ultrapériphériques sur le marché de l’Union européenne ».

Le Parlement européen a estimé, quant à lui, dans une résolution adoptée le 3 février dernier, que l’accord de Genève « met en danger les petits et moyens producteurs des ACP, de l’Union et de ses régions ultrapériphériques » qui « pourraient être significativement affectés ».

Les intérêts des agriculteurs ultramarins semblent donc avoir été sacrifiés par la Commission européenne au profit des intérêts de l’industrie européenne.

Face au danger représenté par ces accords, la proposition de résolution que nous avons déposée avec Serge Larcher, et dont je remercie les présidents Emorine et Bizet d’avoir demandé l’examen en séance publique, formule deux demandes essentielles.

La première est la compensation des effets de ces accords commerciaux sur les régions ultrapériphériques, la proposition de règlement opérant la refonte du régime POSEI paraissant le véhicule adapté pour déterminer les modalités de cette compensation.

La seconde est la prise en compte des spécificités des régions ultrapériphériques dans la politique commerciale de l’Union, via l’évaluation systématique de l’impact sur ces régions des accords commerciaux négociés par la Commission européenne.

Notre collègue Serge Larcher a évoqué l’indispensable compensation des effets de ces accords sur les régions ultrapériphériques, je ne reviendrai donc pas sur cet aspect de la proposition de résolution.

Je souhaite, en revanche, m’attarder sur la prise en compte des spécificités des régions ultrapériphériques sur le plan européen : il s’agit en effet, à mes yeux, d’un sujet essentiel, qui dépasse le simple cadre de la politique commerciale. La mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, l’avait souligné et la proposition de résolution se situe donc, de ce point de vue, dans la droite ligne de ses conclusions.

La proposition n° 62 de la mission commune d’information appelait ainsi à « renforcer la prise en compte des spécificités des régions ultrapériphériques par l’Union européenne », tandis que la proposition n° 35 indiquait qu’il était nécessaire de « défendre une meilleure prise en compte des spécificités de l’agriculture et de la pêche ultramarines dans la réglementation européenne ».

La Commission européenne est peu sensible aux spécificités des régions ultrapériphériques. La proposition de refonte du règlement POSEI sur laquelle s’appuie la proposition de résolution en est une nouvelle illustration.

Ce texte repose, pour l’heure, sur les articles 42 et 43 du traité sur l’Union européenne, articles qui portent sur la politique agricole commune, la PAC, et non pas sur l’article 349 du traité, qui autorise des dérogations aux règles communautaires pour les régions ultrapériphériques. Il est pourtant indispensable que l’article 349 figure parmi les bases juridiques du règlement POSEI, d’un point de vue symbolique bien entendu, mais aussi et surtout parce que cela permettrait les exonérations de droits de douane prévues par le régime spécifique d’approvisionnement.

Monsieur le ministre, je tiens à saluer la mobilisation du gouvernement français sur cette question : son intervention a porté ses fruits. Il semble en effet que la Commission ait fait machine arrière et accepté de faire figurer l’article 349 parmi les bases juridiques du règlement.

La proposition de résolution demande donc que les spécificités des régions ultrapériphériques soient prises en compte par la Commission européenne dans les accords commerciaux qu’elle négocie, et ce notamment par des études d’impact préalables, semblables à l’étude d’impact de l’accord commercial envisagé avec le MERCOSUR, qui a été effectuée par la Commission européenne, à la demande des ministres de l’agriculture, pour l’ensemble de l’Union.

Cette demande est essentielle : la proposition de résolution constitue sur ce point un soutien à la position du Gouvernement.

Au cours des dernières années, les régions ultrapériphériques, la France, l’Espagne et le Portugal ont en effet demandé de façon récurrente la mise en place d’études d’impacts spécifiques aux régions ultrapériphériques : dans le mémorandum conjoint des RUP de 2009, était évoquée l’institution d’une « étude d’impact actualisée sur les effets sur l’économie des RUP de la libéralisation commerciale », tandis que le mémorandum de l’Espagne, de la France, du Portugal et des RUP de 2010 va plus loin en estimant indispensable « d’évaluer systématiquement les effets attendus des politiques de l’Union dans les RUP ».

Enfin, le 14 juin 2010, le Conseil de l’Union européenne a invité la Commission à « continuer à élaborer […] des mesures spécifiques pour les régions ultrapériphériques, à renforcer le partenariat et à évaluer systématiquement les effets des politiques de l’Union européenne sur les régions ultrapériphériques, notamment lors de la réalisation d’analyses d’impact ».

Ces études d’impact seront très utiles. Elles permettront au Gouvernement français d’influer sur la conclusion de tels accords et pourront, le cas échéant, justifier la mise en place de compensations.

Je remercie la commission de l’économie d’avoir complété utilement la proposition de résolution sur ce point : l’évaluation des effets de ces accords doit s’effectuer non seulement a priori, mais également au cours de la mise en œuvre des accords.

En conclusion, je souhaite saluer l’excellent travail effectué tant par la commission des affaires européennes et son rapporteur, Christian Cointat, que par la commission de l’économie et son rapporteur, Daniel Marsin.

J’espère que notre Haute Assemblée s’exprimera de façon unanime sur ce texte, démontrant ainsi, une fois encore, son attachement profond aux intérêts de nos outre-mer.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est rare que notre Haute Assemblée examine en séance publique une proposition de résolution européenne.

Depuis 1999, seules treize propositions de résolution ont ainsi été discutées dans cet hémicycle, et dix d’entre elles ont été adoptées. La dernière proposition de résolution adoptée en séance date de mars 2009, et portait sur le respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes.

Notre discussion d’aujourd’hui illustre une nouvelle fois l’attention portée par notre Haute Assemblée à nos outre-mer. Je tiens d’ailleurs à remercier les présidents Jean-Paul Emorine et Jean Bizet qui ont demandé que nous débattions en séance publique de cette proposition de résolution.

Je rappelle au préalable que la proposition de résolution a été déposée le 18 janvier 2011 par nos collègues Serge Larcher et Éric Doligé, respectivement président et rapporteur du comité de suivi de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer. Je tiens à saluer leur initiative qui se situe dans la droite ligne des conclusions de la mission d’information, dont ils ont été les excellents président et rapporteur.

La commission des affaires européennes a examiné la proposition de résolution le 2 février 2011. Elle a voté six amendements présentés par son rapporteur, Christian Cointat, avant d’adopter le texte à l’unanimité.

La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est alors saisie du texte. Elle m’a fait l’honneur de me désigner rapporteur. Le 15 février dernier, elle l’a adopté, également à l’unanimité, après avoir accepté deux amendements que je lui avais proposés.

Avant d’en venir au contenu de la proposition de résolution, je souhaite « planter le décor ».

À cette fin, monsieur le ministre, je voudrais citer un court passage de votre excellente intervention lors du débat organisé dans ce même hémicycle le 11 janvier dernier, sur l’initiative des commissions de l’économie et des affaires européennes sur l’avenir de la politique agricole commune : « il ne sert à rien de se battre pour la PAC si on ne se bat pas non plus dans le cadre des négociations commerciales et du G 20. Il faut aborder les négociations commerciales internationales, notamment avec le MERCOSUR et dans le cadre de l’OMC, sans aucune naïveté et sans aucun complexe. C’est sans complexes que nous devons défendre notre agriculture, refuser les accords qui se feraient au détriment de l’agriculture et ne pas accepter que l’agriculture soit une nouvelle fois la monnaie d’échange dans un marché de dupes entre les pays sud-américains et l’Union européenne ».

Comment ne pas partager vos propos, monsieur le ministre ? Vous connaissez en effet tous, mes chers collègues, le risque que ferait peser un accord commercial entre l’Union européenne et le MERCOSUR sur l’agriculture européenne, notamment sur nos éleveurs. Une étude d’impact réalisée par la Commission européenne, à la demande des ministres de l’agriculture, a d’ailleurs montré qu’un tel accord pourrait conduire à une baisse du revenu agricole en France allant jusqu’à 3 %.

S’agissant des départements d’outre-mer, les DOM, il ne me semble pas exagéré de dire que des accords emportant des conséquences similaires pour les DOM à celles que pourrait avoir pour notre pays un accord avec le MERCOSUR ont été conclus par l’Union européenne au cours des derniers mois. C’est la raison pour laquelle cette proposition de résolution a été déposée.

Pourquoi les problématiques agricoles sont-elles vitales pour nos outre-mer ? Parce que, comme dans bien d’autres domaines, la situation des outre-mer est très spécifique en matière agricole. Je ne vous livrerai que quelques illustrations.

Tout d’abord, le poids économique de l’agriculture est essentiel dans les DOM : entre 1, 7 % et plus de 4 % du PIB, contre 2, 2 % pour la France hexagonale, et entre 2 % et 7, 2 % de l’emploi, contre 2, 3 % pour le territoire métropolitain. Les produits agricoles et agroalimentaires représentent 53 % des exportations de la Guadeloupe et 65 % de celles de la Réunion !

Par ailleurs, le législateur a fait de l’agriculture l’un des secteurs clés du développement endogène de ces territoires, dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer.

Enfin, l’agriculture des départements d’outre-mer reste dominée par deux filières traditionnelles d’exportation : la banane et la filière canne-sucre-rhum. Ces deux filières structurent l’économie des DOM : la filière banane représente près de 10 000 emplois dans les Antilles, ce qui en fait le premier employeur privé. La filière canne-sucre-rhum occupe près de 30 % de la surface agricole utile.

L’Union européenne prend d’ailleurs en compte ces spécificités. Sur le fondement de l’ancien article 299, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, qui autorisait, au vu de leurs handicaps, la prise de mesures spécifiques aux régions ultrapériphériques, c’est-à-dire les DOM, les Açores, les Canaries et Madère, l’Union européenne a mis en place, au début des années quatre-vingt-dix, un dispositif spécifique de soutien, le programme POSEI.

Ce programme comprend deux volets : un régime spécifique d’approvisionnement, dont l’objet est d’alléger les coûts relatifs à l’approvisionnement, et des mesures d’aide à la production locale. Son bilan positif est reconnu par tous, y compris par la Commission européenne.

Ce programme n’est d’ailleurs pas en danger : la proposition de règlement sur laquelle s’appuie la proposition de résolution ne comporte que des ajustements formels et des modifications de fonds mineures.

Quels sont donc les faits à l’origine du dépôt de la proposition de résolution ?

Plusieurs accords signés par l’Union européenne mettent aujourd’hui en danger l’agriculture ultramarine et ont conduit les élus ultramarins à protester énergiquement.

D’une part, en décembre 2009, l’Union européenne a conclu à Genève avec certains pays sud-américains, un accord sur le commerce des bananes. Cet accord est censé, mais seulement censé, mettre fin à la « guerre de la banane » qui dure depuis le début des années quatre-vingt-dix. Il prévoit ainsi, en contrepartie de l’arrêt des procédures lancées contre l’Union européenne par les pays producteurs de banane latino-américains devant l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, une baisse importante des droits de douane européens, de 176 euros en 2009 à 114 euros en 2017, soit une diminution de 35 % en six ans.

D’autre part, en mai 2010, lors du sommet de Madrid, l’Union européenne a conclu deux nouveaux accords : le premier avec la Colombie et le Pérou, le second avec l’Amérique centrale.

Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens à souligner qu’il m’a été impossible d’obtenir le texte consolidé et traduit de ces accords avant l’examen de mon rapport en commission, soit près de dix mois après leur conclusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

Le président Emorine a pris l’initiative, et je l’en remercie, d’interpeller à ce sujet le commissaire européen au commerce : seule la version en anglais du texte de l’accord avec l’Amérique centrale lui a été adressée en retour...

Je sais, monsieur le ministre, que vos services ne sont pas mieux lotis, pas plus que le secrétariat général aux affaires européennes. Cette situation est stupéfiante, scandaleuse comme vient de le dire notre collègue Jean-Paul Virapoullé : comment expliquer que, près d’un an après le sommet de Madrid, aucune version consolidée et traduite de ces deux accords ne soit disponible ? Je m’interroge sur l’attitude de la direction générale du commerce de la Commission européenne envers les États membres...

Quoi qu’il en soit, l’objectif de ces accords est de réduire les barrières commerciales concernant les produits industriels européens. En échange, ils vont plus loin que l’accord de Genève en prévoyant une nouvelle baisse des tarifs douaniers en matière de banane, qui devrait atteindre 75 euros d’ici à 2020 – ce qui montre que la « guerre de la banane » est loin d’être terminée –, mais aussi en mettant en place des contingents d’exportation à droits nuls pour le sucre et le rhum.

Les intérêts des régions ultrapériphériques ne semblent pas peser bien lourd face à ceux de l’industrie continentale. Le risque pour nos départements d’outre-mer est en effet évident : un afflux massif de produits agricoles de ces pays aux coûts de production très bas, à savoir les mêmes produits que ceux de nos DOM, sur le territoire européen, c’est-à-dire dans les DOM et sur le territoire continental, qui constitue le principal débouché pour les productions ultramarines. L’enjeu est donc essentiel.

En réaction à ces accords, la proposition de résolution formulait initialement, comme l’ont indiqué tout à l’heure Serge Larcher et Éric Doligé, deux demandes majeures.

Tout d’abord, elle demandait au Gouvernement français d’intervenir auprès de la Commission européenne afin que des compensations soient mises en place au profit des régions ultrapériphériques.

Ensuite, elle invitait la Commission européenne à prendre en compte les spécificités des régions ultrapériphériques dans la conduite de sa politique commerciale, et ce notamment par l’analyse préalable systématique de l’impact sur ces régions des accords commerciaux qu’elle négocie.

La commission de l’économie considère que ces demandes sont essentielles et que la proposition de résolution est une initiative bienvenue. Elle nous paraît constituer un appui important aux initiatives prises par le Gouvernement, dont je salue d’ailleurs l’entière mobilisation sur cette question auprès de la Commission européenne au cours des derniers mois.

Des négociations ont en effet lieu sur le montant des compensations. S’il semble que la Commission européenne ait admis le principe de la compensation, ses premières propositions sont inacceptables. Il est indispensable que la Commission assure une véritable compensation des effets de ces accords.

La commission de l’économie a enrichi le texte en adoptant, sur mon initiative, deux amendements.

Le premier porte sur la question de la cohérence des politiques européennes. Les accords commerciaux que j’ai évoqués sont en effet l’illustration de l’incohérence entre la politique commerciale et les autres politiques sectorielles de l’Union européenne. Pour parler clairement, la politique commerciale m’apparaît totalement déconnectée des autres politiques sectorielles.

Les accords commerciaux avec les pays andins et l’Amérique centrale risquent ainsi d’affaiblir des régions dont la politique de cohésion de l’Union européenne a pour objet de soutenir le rattrapage économique et un secteur économique que la politique agricole commune, via le programme POSEI, soutient fortement. Quelle est la cohérence de tout cela ?

De même, vous savez tous, mes chers collègues, qu’est évoqué actuellement le renforcement des contraintes environnementales dans le cadre de la réforme de la PAC. Les agriculteurs ultramarins sont déjà en pointe sur cette question, puisque, à la suite du scandale du chlordécone, un plan « banane durable » a été lancé en 2008 aux Antilles, qui a conduit à une réduction de près de 70 % de l’utilisation des produits phytosanitaires.

Or à quoi vont aboutir les accords commerciaux que j’ai évoqués ? Ils faciliteront l’entrée sur le territoire européen de produits en provenance de pays ayant des exigences environnementales bien inférieures. Je citerai un seul exemple, que Serge Larcher a rappelé : dans les Antilles, entre deux et dix traitements sont effectués sur la banane ; en Colombie, on atteint 60 traitements par an !

La commission de l’économie a donc complété la proposition de résolution en invitant la Commission européenne à mieux articuler sa politique commerciale avec les autres politiques sectorielles de l’Union.

Le second amendement a introduit notamment la problématique des mécanismes de sauvegarde.

À côté de l’aspect curatif – les compensations –, il y a en effet un aspect préventif : les mécanismes de sauvegarde, qui doivent permettre, en cas de perturbations sur un marché, de restaurer des droits de douane. Nombre d’accords commerciaux prévoient ce type de clauses. Il semblerait – nous ne disposons pas des textes – que les accords conclus avec les pays andins et l’Amérique centrale en comprennent également.

Or ces clauses sont particulièrement complexes à mettre en œuvre : leurs conditions sont restrictives, la procédure est particulièrement longue et, bien souvent, elles ne peuvent être mises en œuvre qu’une fois les difficultés devenues insurmontables.

La commission de l’économie a donc invité la Commission européenne à veiller à ce que des mécanismes de sauvegarde opérationnels soient inclus, en faveur des régions ultrapériphériques, dans les accords commerciaux qu’elle négocie.

Après avoir adopté ces deux amendements, la commission de l’économie a voté le texte à l’unanimité.

Enfin, certains parmi vous estimeront peut-être que cette proposition de résolution reflète une vision trop franco-française, voire « franco-domienne ». Je souhaite les rassurer à ce propos.

Le 8 mars 2011, le Parlement européen a en effet adopté une résolution portant sur l’agriculture de l’Union européenne et le commerce international, dont les orientations sont très proches du texte que nous examinons aujourd’hui.

Quelques extraits de cette résolution l’illustrent : « le Parlement condamne l’approche adoptée par la Commission, qui accorde trop souvent des concessions sur l’agriculture en vue d’obtenir pour les produits industriels et les services un meilleur accès au marché dans les pays tiers ; [il] demande à la commission de ne plus faire passer les intérêts de l’agriculture après ceux de l’industrie et du secteur des services ».

Il « souligne que, dans le secteur agricole, la Commission doit mener des évaluations d’impact qui doivent être rendues publiques avant l’entame des négociations et des propositions de mises à jour de manière à tenir compte des nouvelles positions apparaissant au cours des négociations ».

Enfin, il « appelle [...] la Commission à tenir compte de la situation spécifique des RUP dans le cadre des négociations afin que leur développement ne soit pas mis à mal ».

En conclusion, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui est, aux yeux de la commission de l’économie, un texte très utile qui viendra conforter les initiatives du Gouvernement au niveau européen et constituera un nouvel aiguillon pour la Commission européenne.

J’espère que notre Haute Assemblée pourra s’exprimer unanimement sur ce texte, démontrant ainsi une fois encore son attachement aux intérêts de nos outre-mer.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’agriculture est stratégique pour toutes les outre-mer. Cela a été rappelé par les intervenants précédents, elle fait partie des priorités que le Président de la République a rappelées lors de son déplacement aux Antilles en janvier dernier.

En l’accompagnant durant ce voyage officiel, j’ai pu apprécier les premiers résultats du plan que nous avons engagé en 2009 pour développer l’agriculture et la pêche ultramarines, notamment en visitant deux entreprises de maraîchage et de transformation engagées dans le processus de diversification des agricultures d’outre-mer.

C’est bien la preuve, à mon sens, que nous sommes sur la bonne voie et que l’agriculture outre-mer a de belles perspectives devant elle !

Évidemment, il reste un chemin considérable à faire, et je connais les difficultés auxquelles doivent faire face les agriculteurs des départements antillais : une pression foncière, déjà considérable, de plus en plus forte ; un marché local limité qui impose de développer d’autres perspectives ; un climat peu propice à l’agriculture ; et un isolement géographique qui se traduit par des coûts de transport très élevés, rendant les coûts de production peu compétitifs par rapport à ceux du continent.

Toutes ces contraintes ont été reconnues à l’échelle européenne ; elles justifient un soutien renforcé aussi bien de l’Union européenne que du Gouvernement.

De ce point de vue, la proposition de résolution m’apparaît particulièrement opportune, puisqu’elle intervient au moment où le Gouvernement veut renforcer son aide pour l’agriculture outre-mer et où l’Union européenne a pris un certain nombre de décisions qui appellent soit une réflexion, soit une décision de notre part.

D’abord, l’Union européenne a signé en décembre 2009 un accord multilatéral sur la banane qui entraîne une réduction drastique des droits de douane applicables aux importations. Le Parlement européen vient de ratifier cet accord en février dernier.

Ensuite, cet accord a été complété par d’autres accords signés en mai 2010 avec les pays andins et d’Amérique centrale qui auront un impact sur la banane, le sucre et le rhum, c’est-à-dire sur les principales productions agricoles des outre-mer.

Enfin, comme vous le savez – j’ai eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises avec le Président de la République –, l’Union européenne s’apprête à faire une nouvelle offre tarifaire au MERCOSUR qui risque d’avoir des conséquences dramatiques pour l’agriculture européenne, en particulier celle des régions ultrapériphériques.

Le débat sur cette proposition de résolution arrive donc au bon moment.

Avant d’en venir plus spécifiquement à vos propositions, je voudrais insister sur la nécessité, pour la France et l’Europe, d’assumer toutes les conséquences des choix effectués en faveur d’une agriculture durable et responsable. Nous ne pouvons pas, d’un côté, défendre une agriculture durable et responsable et déclarer que cet objectif s’applique aussi aux régions ultrapériphériques et, de l’autre, engager des négociations commerciales qui mettent précisément à bas les fondements d’une telle politique.

Nous nous imposons des normes sociales, sanitaires et environnementales qui sont sans équivalent dans le reste du monde. Nous pouvons en être fiers, car elles correspondent aux attentes de nos concitoyens et fondent la légitimité même de la politique agricole commune. Mais encore faut-il que nous permettions à nos agriculteurs d’assumer ces choix d’un point de vue économique et commercial. Comme vient de le rappeler M. Marsin lors de son intervention, quand une banane antillaise subit de deux à six traitements sanitaires, une banane colombienne en subit soixante. Pouvons-nous laisser grands ouverts nos régions et nos départements à ces bananes qui subissent des traitements beaucoup plus lourds ?

L’Europe doit être cohérente dans ses choix politiques. Or, nous avons déclaré que l’agriculture devait totalement obéir au principe d’une sécurité sanitaire totale, qu’elle devait tendre vers un « verdissement » de plus en plus important et respecter des normes environnementales et de bien-être animal qui n’existent nulle part ailleurs au monde.

Je vous citerai juste un exemple à ce propos.

Nous avons décidé, au titre du bien-être animal, que toutes les truies allaitantes en Europe, au lieu d’être élevées dans des cages, devraient bénéficier chacune d’un espace de 2, 5 mètres carrés. Cela impose la reconstruction de tous nos élevages porcins en France, pour un coût de 370 millions d’euros. Nous pouvons assumer ce coût si nous estimons qu’il est légitime de bien traiter les animaux, mais nous ne devons pas, dans le même temps, laisser nos frontières ouvertes à des produits pour lesquels les producteurs n’ont pas respecté les mêmes règles de bien-être animal, avec les coûts supplémentaires qu’elles engendrent.

Nos décisions concernant l’agriculture valent aussi pour la pêche, puisque nous avons choisi une gestion raisonnée des stocks de poissons. Encore faut-il que les autres pays respectent eux aussi les ressources halieutiques et se dotent, en la matière, de la même gestion prévisionnelle que nous, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Notre action vise aussi la cohésion territoriale, avec le rattrapage du PIB des régions ultrapériphériques classées en zone de convergence. Là aussi, il faut que nous tenions les engagements politiques qui ont été pris par l’Union européenne et les États membres.

La mise en cohérence de ces politiques sectorielles de l’Union doit donc se traduire, dans les négociations commerciales, par l’affirmation du principe de réciprocité. Lors du Conseil européen de septembre 2010, le Président de la République avait d’ailleurs obtenu, de la part des vingt-sept États membres, que ce principe de réciprocité s’applique à l’ensemble des négociations commerciales de l’Union européenne. Il faut maintenant s’assurer de sa concrétisation pour chacun des accords bilatéraux et multilatéraux.

La première bataille que nous aurons à livrer tous ensemble, ce sont les négociations avec le MERCOSUR. Je rentre tout juste du Brésil, et je me rendrai dans quelques jours en Argentine pour parler du G 20 et évoquer ces négociations. Ce qui m’a frappé lorsque j’ai discuté avec nos interlocuteurs brésiliens, c’est qu’ils m’ont eux-mêmes signalé les difficultés posées par cet accord, notamment pour les produits industriels et les services qu’ils veulent développer, alors même que leurs coûts de production augmentent et que leur monnaie s’apprécie.

Autrement dit, je n’ai pas trouvé les Brésiliens spécialement pressés de conclure un accord avec l’Union européenne sur la base qui a été choisie pour l’accord avec le MERCOSUR. Or c’est précisément le moment que choisit la Commission européenne pour formuler de nouvelles concessions agricoles ! Je dois dire que tout cela me laisse sans voix, d’autant que la première ébauche de l’étude d’impact de cet accord avec le MERCOSUR est connue et que ses conclusions sont alarmantes.

Ainsi, la signature de l’accord se traduirait par une baisse du revenu agricole de l’ordre de 1 milliard à 7 milliards d’euros suivant les différentes offres, que les pertes pourraient atteindre 3 milliards d’euros en 2020 pour la seule filière bovine, soit une baisse de 25 % du revenu des producteurs bovins en Europe, qui, je le rappelle, est pourtant le plus faible de tous les revenus agricoles français !

Personne ne peut accepter qu’un éleveur bovin, qui perçoit aujourd’hui, dans cette situation de crise, entre 700 et 900 euros par mois, voie son revenu diminuer du quart parce que nous aurions fait un mauvais choix commercial. Cela reviendrait, pour des milliers d’exploitations en France comme dans d’autres pays européens, et en particulier dans les régions ultrapériphériques, à mettre la clef sous la porte…

Par ailleurs, je constate que, dans son étude d’impact, la Commission n’a pas jugé bon d’aborder la situation spécifique des DOM.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je lui ai donc demandé de compléter son travail afin de disposer d’une étude définitive qui nous permettrait de mesurer l’impact de la conclusion éventuelle de ces accords sur les départements d’outre-mer.

Si la Commission défendait ces offres, cela reviendrait, à mon sens, à tirer un trait sur l’agriculture d’outre-mer au moment même où nous avons pris les dispositions nécessaires pour la renforcer et la développer.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je peux vous assurer que le Président de la République est tout à fait déterminé à ne pas sacrifier notre agriculture, d’outre-mer comme de métropole, à des accords commerciaux, quels qu’ils soient.

Au-delà du MERCOSUR, je reste évidemment très vigilant sur l’ensemble des négociations commerciales, comme cela a déjà été le cas s’agissant des accords sur le lait et de la relance d’une régulation européenne des marchés. J’ai mis en place une coalition d’une douzaine d’États membres qui font actuellement pression auprès de la Commission sur ces sujets.

En ce qui concerne le cycle de Doha, les négociations sont difficiles, et j’ai eu l’occasion de rappeler à de multiples reprises, à Genève comme à Bruxelles, que l’Union européenne était allée au maximum des concessions agricoles raisonnables.

S’agissant des accords « banane », la cohérence fait là aussi défaut, et si nous voulons préserver notre modèle d’agriculture outre-mer, une compensation est indispensable.

Je rappelle que, récemment encore, la Commission refusait le principe même d’une telle compensation, qui s’avère pourtant juste et nécessaire.

Grâce à l’implication personnelle du Président de la République, qui a envoyé un courrier sur le sujet au Président Barroso, ainsi qu’aux multiples démarches que nous avons entreprises, les choses commencent à évoluer.

Nous évaluons actuellement l’impact de ces accords sur le marché de la banane et la juste compensation qui pourrait en résulter. Je vous tiendrai bien entendu directement informés des résultats de ces négociations, mais il est déjà positif que le principe même de la compensation ait été accepté.

Au-delà de cette vigilance indispensable, de ces négociations nécessaires avec la Commission, et de ces signaux d’alerte que nous ne cessons d’envoyer sur la conclusion d’accords qui se feraient sur le dos de l’agriculture et des paysans en métropole et outre-mer, je pense qu’il est indispensable de continuer à soutenir le développement de l’agriculture ultramarine.

Ainsi, en Guadeloupe, j’ai été frappé de constater que la production locale ne couvrait que 60 % des besoins en produits alimentaires, alors que ce département, comme les autres DOM, a les moyens de développer son autosuffisance alimentaire.

Il n’y aura pas de développement économique de l’outre-mer sans développement de l’agriculture : c’est un point stratégique en termes d’emplois, et donc de richesse, pour ces départements. Nous devons donc impérativement passer la vitesse supérieure.

Je crois profondément aux ressources de ces territoires, de même qu’aux capacités des agriculteurs ultramarins, lesquels ont tous les atouts pour réussir le développement d’une agriculture endogène.

Il ne s’agit pas de renoncer aux cultures traditionnelles de ces départements, comme la banane ou la canne à sucre, qui font la richesse, l’identité et la force économique de ces départements. Il s’agit simplement, sur cette base solide, de poursuivre une diversification qui doit assurer les besoins alimentaires de la population locale.

Les fonds mis en place dans le cadre du Comité interministériel de l’outre-mer de 2009 visent précisément à encourager le développement endogène de l’agriculture et les productions tournées vers le marché local. Les départements d’outre-mer ont besoin d’une agriculture de proximité.

Ainsi, 40 millions d’euros ont été débloqués pour les filières végétales et animales.

Au-delà de l’autosuffisance alimentaire, nécessaire pour les départements ultramarins, cette diversification est aussi une chance pour l’emploi, pour les entreprises, pour le développement touristique et pour l’environnement, notamment la biodiversité.

Dans le même état d’esprit, et comme le Gouvernement s’y était engagé lors des débats sur le texte qui est devenu la loi relative à la modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous allons soutenir le développement des circuits courts en outre-mer.

Une circulaire du Premier ministre adressée aux préfets est actuellement en cours de signature. Elle permettra de favoriser l’approvisionnement en produits locaux dans la restauration collective et l’utilisation du bois dans la commande publique. Il me semble en effet opportun que les établissements publics donnent l’exemple en la matière, et permettent ainsi de soutenir le développement d’une agriculture endogène.

Vous pouvez donc compter sur ma détermination totale pour soutenir le développement durable de l’agriculture des départements d’outre-mer, pour défendre les intérêts de ces départements dans les négociations commerciales qui s’engagent et pour que la politique de cohésion continue de tenir compte des spécificités et des fragilités des régions ultrapériphériques.

Naturellement, nous veillerons également à ce que, au sein de la PAC 2013, qui fait actuellement l’objet de négociations très ardues, le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, ou POSEI, demeure un instrument financier spécifique et que nos territoires ultramarins restent un atout pour l’agriculture de notre nation et de l’Europe tout entière.

Le Gouvernement soutiendra donc sans réserve cette proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – M. Serge Larcher applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Soibahadine Ibrahim Ramadani

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce soir la proposition de résolution européenne tendant à obtenir compensation des effets, sur l’agriculture des départements d’outre-mer, des accords commerciaux conclus par l’Union européenne, compte tenu de la spécificité du secteur agricole dans les DOM, lequel est dominé par une production traditionnelle souvent orientée vers l’exportation – banane, sucre de canne, rhum, etc.

Cette proposition de résolution intervient du fait que l’Union européenne a conclu au cours de ces derniers mois, ou est sur le point de signer, avec des pays concurrents, des accords commerciaux relatifs à des productions agricoles des DOM, lesquels ont un impact direct sur ce secteur économique en outre-mer.

Du fait de la spécificité des régions ultrapériphériques, les RUP, l’Union européenne dispose d’un programme, le POSEI, ou programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, inscrit dans l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Ce programme comprend deux volets principaux : d’une part, des régimes spécifiques d’approvisionnement, qui visent à alléger les coûts relatifs à l’approvisionnement en produits utilisés dans la consommation courante ou pour la fabrication de certaines denrées alimentaires de base ; d’autre part, des mesures d’aide à la production locale – aides à la production, à la transformation et/ou à la commercialisation de productions locales.

Institué au début des années 1990, le programme POSEI a été modifié à deux reprises : en 2001 et 2006. À la suite de la réforme de 2006, la France a élaboré un programme spécifique afin de promouvoir une agriculture durable dans les départements d’outre-mer, ce qui a permis à ces derniers de bénéficier de 273 millions d’euros du POSEI en 2009, sur les 628, 6 millions d’euros alloués à l’ensemble des neuf RUP.

Les accords de Genève du 15 décembre 2009, conclus, notamment, avec le Pérou et la Colombie au sommet de Madrid en mai 2010, représentent un danger énorme pour l’agriculture domienne, du fait que les coûts de production dans ces pays latino-américains sont très inférieurs à ceux qui sont pratiqués dans les DOM. Ces conséquences négatives ont été largement soulignées, successivement par l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, la Commission européenne elle-même, la Conférence des RUP, le Sénat – notamment à l’occasion des questions cribles thématiques du 18 janvier 2011 –, ou encore le Parlement européen.

Pour faire face à ces risques, que propose la présente proposition de résolution européenne ?

Nous savons qu’elle s’appuie sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union européenne du 24 septembre 2010. Cette proposition de règlement européen vise à refondre le régime du POSEI, en réaffirmant que « l’Union devrait continuer à soutenir les productions agricoles des RUP, élément fondamental de l’équilibre environnemental, social et économique des régions ultrapériphériques ».

De ce fait, les auteurs de la présente proposition de résolution suggèrent notamment d’analyser et de compenser les effets de ces accords sur les productions agricoles des RUP, de faire en sorte que la France négocie avec l’Union européenne afin d’obtenir des compensations destinées à préserver l’agriculture ultramarine des effets négatifs de ces accords, et de conduire une étude d’impact systématique visant à évaluer les effets sur les RUP des accords commerciaux que l’Union européenne sera amenée à conclure dans l’avenir.

Mayotte, cent unième département de France, est doublement intéressé par la problématique de la proposition de résolution : en tant que pays et territoire d’outre-mer, ou PTOM, d’une part, en tant que future RUP d’autre part, il est exposé aux risques des accords de partenariat économique conclus entre l’Union européenne et les pays Afrique, Caraïbes, Pacifique, ou ACP, notamment ceux de la zone de l’Afrique centrale et de l’océan Indien.

Que dire, en quelques mots, de la situation de l’agriculture mahoraise aujourd’hui ?

On compte 15 500 ménages agricoles à Mayotte, pratiquant pour la plupart une agriculture traditionnelle de subsistance, sur de petites surfaces de moins de un hectare par exploitation, essentiellement destinées à des cultures vivrières, avec très peu de variétés de production – banane, manioc, ambrevade…

De la même manière, la pêche demeure une activité traditionnelle, avec une flotte de 1 000 pirogues à balancier, 300 barques motorisées et seulement 3 palangriers équipés pour une pêche au large.

De son côté, la filière aquacole mahoraise se développe. Aujourd’hui, l’on trouve plusieurs variétés d’espèces de poissons en élevage, et davantage d’acteurs, dont Aquamay, Mayotte Aquaculture, Subagri ou encore le GSMA, avec des capacités de production et d’exportation de plus en plus importantes. Depuis l’essor de la filière aquacole mahoraise au début des années 2000, devenue d’ailleurs la première production piscicole de l’outre-mer français, des mesures d’aide et de soutien à l’investissement ont été apportées par l’État et l’Europe afin de pérenniser la filière.

À titre d’exemple, la loi du 27 mai 2009 dite « LODEOM » prévoit une aide au fret exceptionnelle – aide aux intrants et extrants – pour encourager la production du poisson élevé à Mayotte, et donc aussi son exportation, notamment vers l’espace européen. Cette production bénéficiera également du soutien de l’IFREMER, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, avec l’ouverture prochaine d’un centre de recherche et de développement pour l’aquaculture.

De manière globale, l’agriculture mahoraise doit faire face à plusieurs défis : alimentaires, du fait de l’augmentation de la population et de l’élévation du niveau de vie ; environnementaux, liés aux défrichements engendrés par le caractère extensif de l’agriculture traditionnelle ; économiques, liés notamment à la rentabilité économique des exploitations agricoles ; sociaux, liés à l’accompagnement de la transition agricole et aux mutations professionnelles dans la filière.

Ces défis méritent un accompagnement soutenu de la part de l’État et de l’Union européenne, du fait de l’évolution institutionnelle du département, actuellement PTOM, et future RUP à l’horizon 2014.

Si les accords commerciaux conclus par l’Union européenne et des pays d’Amérique latine représentent, comme cela a été souligné à plusieurs reprises, un danger pour la filière agricole des RUP françaises d’Amérique et des Antilles, les accords de partenariat économique, ou APE, conclus par l’Union européenne et des pays ACP, notamment des pays d’Afrique orientale et australe, ont aussi des conséquences sur l’économie des départements français de l’océan Indien que sont la Réunion et Mayotte.

Pour Mayotte, du fait que l’économie mahoraise est encore fortement tributaire des importations, essentiellement de l’Europe, ces accords APE présentent un grand risque de déstabilisation de l’économie locale, d’autant que l’île ne bénéficie d’aucune mesure de compensation à ce jour.

Si, d’un côté, les APE ont en effet pour principe de renforcer l’intégration régionale « Sud-Sud » en facilitant les échanges économiques et commerciaux, ils présentent, de l’autre, un facteur important de risque pour les économies insulaires, tant des RUP que des PTOM, en raison des coûts de production élevés.

Il est donc important d’inciter l’Europe à mener une étude d’impact systématique des conséquences, sur l’économie des PTOM, de ses accords de partenariat économique conclus avec les pays ACP, prévoyant notamment un allégement, voire une suppression des droits de douane.

Pour Mayotte, deux facteurs contextuels représentent un danger pour l’économie du jeune département : d’une part, son intégration dans la région océan Indien, ce qui conduit à réfléchir sur les limites et les risques de la coopération décentralisée ; d’autre part, sa transformation en RUP qui, avec l’absorption des règles communautaires en matière commerciale, encouragera en particulier la libéralisation des échanges et, de ce fait, l’exposition des entreprises mahoraises à une forte concurrence.

Sous le bénéfice de ces quelques observations, je soutiendrai bien évidemment cette proposition de résolution de nos collègues Serge Larcher et Éric Doligé. §

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de résolution européenne analyse la proposition de règlement européen portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques. Le texte européen élabore une refonte du régime POSEI, dont l’objectif est d’améliorer la compétitivité de l’agriculture et des industries agroalimentaires et de consolider une agriculture de proximité dans nos départements ultramarins.

En fait, cette proposition de règlement européen s’attarde peu sur les modifications proposées par la Commission européenne sur le fonctionnement du POSEI, mais se polarise surtout sur les risques importants pour l’agriculture des DOM posés, notamment, par la signature de l’accord multilatéral de Genève sur les bananes le 15 décembre 2009 et les accords commerciaux passés entre l’Union européenne et l’Amérique centrale, le Pérou et la Colombie en particulier.

Elle se polarise également sur les éventuelles mesures de compensation ainsi que sur les études d’impact systématiques des effets commerciaux sur les RUP à proposer préalablement à leur conclusion.

Le POSEI, à travers le régime spécifique d’approvisionnement, ou RSA, et les mesures en faveur des produits agricoles locaux, a montré son efficacité, soulignée par la Cour des comptes européenne, qui a d’ailleurs mis en avant la nécessité de maintenir cette aide pour l’agriculture des régions concernées.

Aussi, cette proposition de règlement devait constituer une réelle opportunité pour dénoncer les effets néfastes de la politique commerciale européenne sur l’agriculture ultramarine. Or il semble bien que l’Union fait actuellement le choix de gommer peu à peu les différences de traitement et les avantages dont bénéficieraient ces territoires, sous couvert de libéralisation des échanges, de restrictions budgétaires et de changement de priorités vers d’autres zones régionales dans le monde.

Les récentes négociations sur la banane avec les pays non ACP ou encore l’accord de libre-échange avec le Pérou ou la Colombie sont là pour le prouver. Les analyses d’impact de ces accords sur les RUP ont fait défaut et la Commission européenne n’a pas proposé de compensation réglementaire. En tout état de cause, on peut douter de la détermination de la Commission européenne et des États de mettre en danger de tels accords pour protéger « quelques petits territoires d’outre-mer ».

Il importe donc que l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne soit le socle juridique principal sur lequel les dispositions financières en faveur des RUP peuvent s’appuyer, aux côtés des articles concernant directement la politique agricole. Dès lors, toute compensation financière accordée aux RUP françaises du fait de leurs réalités devra être réalisée en prenant en compte les conséquences négatives d’une politique commerciale de l’Union sur des économies agricoles ultramarines fragiles, d’autant que les pays andins ou d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud ne sont pas soumis aux mêmes normes sociales et environnementales.

Il importe également que soit systématisée la réalisation d’études d’impact par la Commission européenne lors de la négociation d’accords commerciaux susceptibles d’affecter l’économie des RUP. Ces études permettraient de mettre en avant préalablement à chaque signature d’accord les risques potentiels pour les économies locales. De même, l’abaissement des droits de douane devrait être conditionné à un meilleur respect d’un certain nombre de normes sociales et environnementales. Là, je pense particulièrement à la filière rizicole en Guyane, ce riz produit dans la commune dont je suis le maire, qui souffre notamment de l’application inappropriée de certifications européennes, alors que le riz produit dans les pays voisins, issu de semences non homologuées « Europe » – interdites en Guyane française – est vendu en Europe !

Il faudrait, enfin, que les mesures de compensation financière, même si elles ne peuvent neutraliser les effets négatifs de l’arrêt de certaines productions agricoles car l’agriculture assure un rôle multifonctionnel majeur, soient calculées à la hauteur du préjudice, compte tenu de l’absence encore trop marquée d’une réelle prise en compte des difficultés structurelles des RUP lors de la signature des accords de partenariat économique.

Le Gouvernement, dans ses négociations avec la Commission européenne, doit être particulièrement vigilant sur ce point ainsi que sur la mise en œuvre des autres mesures de protection du marché des RUP.

Aussi, je partage totalement les objectifs de la présente proposition de résolution européenne dont les deux axes essentiels sont la nécessaire compensation des effets des accords commerciaux et l’évaluation systématique de l’impact de ces accords sur les RUP. Il appartient maintenant aux gouvernements français, espagnol et portugais de trouver de nouvelles alliances dans une Europe à vingt-sept et de conditionner leur accord sur les grandes réformes européennes à venir dans un respect des dispositions des traités en faveur de l’outre-mer comme du principe de solidarité qui fonde le projet européen.

Par ailleurs, si à court et moyen termes l’aide financière aux filières principales – banane, sucre, rhum notamment – doit être maintenue compte tenu de leur poids économique et social, la trop forte dépendance des territoires ultramarins à quelques produits qui subiraient inévitablement une baisse très importante des droits de douane d’ici à 2020 peut être un frein à moyen et long termes au développement d’une économie agricole performante et compétitive. Les financements agricoles au titre du POSEI doivent davantage permettre à moyen terme de mettre en œuvre une diversification des produits et des circuits de transformation. Les filières canne-sucre-rhum et bananes, culture d’exportation, prédominent largement, alors que les filières animales et végétales de diversification – fruits et légumes, riz, fleurs, plantes à parfum, aromatiques et médicinales – sont en plein développement. Le partage de l’enveloppe française mériterait à ce titre d’être revu. En 2005, lors de la dernière répartition, 56 % étaient consacrés à la Réunion, 37 % à la Martinique, 17 % à la Guadeloupe et seulement 2 % à la Guyane, sous le prétexte de la faible organisation des filières. Or la Guyane est la seule région de France qui connaît une augmentation du nombre d’exploitations, de 20 % en dix ans. Cette activité concerne 20 000 personnes, soit près de 10 % de la population, plus de 80 % des exploitants s’adonnant à l’agriculture traditionnelle ! N’est-ce pas une réalité qui mérite d’être prise en considération quand on veut bâtir le développement de nos territoires à partir du concept de développement endogène ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – MM. Denis Detcheverry et Soibahadine Ibrahim Ramadani applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’axe majeur de la politique de l’Union européenne, c’est sa stratégie de cohésion. Dans ce cadre, le Marché commun, puis la CEE et, ensuite, l’Union européenne se sont efforcés de donner aux pays et aux régions les plus en retard les moyens financiers ou réglementaires – et parfois les deux – leur permettant de rattraper leur retard.

Parmi les régions les plus en retard, il y a eu lors du traité de Rome les départements français d’outre-mer auxquels se sont ajoutées ensuite les îles espagnoles et portugaises qui, avec les DOM, forment ce que l’on appelle aujourd’hui les « régions ultrapériphériques de l’Europe ».

Les moyens juridiques mis en œuvre par l’Union européenne pour permettre aux RUP de déroger au droit commun furent respectivement l’article 292-2 du traité d’Amsterdam, puis l’article 349 du traité de Lisbonne. Aussi est-il important que cet article soit la base juridique de tout règlement spécifique relatif aux RUP.

Le premier programme de reconnaissance des spécificités des RUP fut le POSEI, le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, mis en œuvre en 1981.

Ce programme s’applique principalement à l’agriculture et permet à l’Union européenne et aux États membres, contrairement au droit communautaire, de venir en aide aux filières agricoles et aux agriculteurs des RUP.

L’objectif du POSEI est triple : d’abord, le soutien des filières traditionnelles – banane, canne à sucre, rhum ; ensuite, la diversification agricole, afin d’accroître le degré d’autosuffisance alimentaire ; enfin, le régime spécifique d’approvisionnement, ou RSA, palliant les surcoûts liés à l’approvisionnement pour les intrants agricoles et les produits de première nécessité comme le riz à la Réunion. Il est bien entendu que la diversification ne doit pas se faire au détriment des filières traditionnelles et inversement. Comme on le dit chez nous, « la diversification se porte bien quand l’agriculture traditionnelle se porte bien ».

Soulignons que le soutien aux filières traditionnelles s’impose d’autant plus qu’il permet de maintenir leur compétitivité face à la concurrence ; c’est le cas notamment pour la banane.

Nous sommes là au cœur du problème qui nous amène à la proposition de résolution.

En effet, les cultures traditionnelles des RUP bénéficient d’une organisation de marché propre à l’Union européenne, c’est l’Organisation communautaire du marché du sucre et l’Organisation communautaire du marché de la banane. Avec les aides POSEI, ces marchés avantageux pour les productions des RUP peuvent se maintenir face à la concurrence mondiale.

Mais ces marchés européens sont contraires aux règles de l’Organisation mondiale du commerce à laquelle adhère l’Union européenne. Aussi, l’Organisation mondiale du commerce ne cesse de demander à l’Europe d’ouvrir son marché à la production mondiale sous peine de sanction.

C’est ce que l’Union européenne a commencé à faire pour la banane. Elle protégeait sa production de bananes et aussi celle des ACP avec lesquels elle avait des accords privilégiés, en appliquant des droits de douane sur la banane importée des pays tiers. Ces droits s’élevaient à 176 euros par tonne métrique. Tel était le contenu de l’OCM bananes.

Sous la pression de l’OMC, une première brèche a été faite par l’Union européenne à son marché de la banane, en signant en décembre 2009, à Genève, un accord multilatéral avec les pays d’Amérique latine abaissant ces droits de douanes de 176 euros à 114 euros d’ici à 2017. C’était déjà une première atteinte à la production de bananes ACP et RUP.

Cet accord de 2009 a été passé par l’Union européenne avec les pays d’Amérique latine, sans concertation avec les producteurs des ACP et des RUP. C’était une grave atteinte à leur économie. Aussi, dès cet instant, ils ont réclamé des compensations. Le point de départ des difficultés des producteurs de bananes des RUP et des ACP est donc décembre 2009, d’où le premier amendement que j’ai déposé sur la proposition de la résolution.

En 2010, le Parlement européen a, en effet, voté, pour les ACP, un budget de compensation de 200 millions d’euros alors qu’ils demandaient 500 millions d’euros. Notons que ce budget vient en supplément des crédits d’aide au développement accordés aux ACP par l’Union européenne.

Mais la pression de l’OMC sur l’Union européenne ne s’est pas arrêtée là. C’est ainsi que, en mars 2010, elle a passé de nouveaux accords avec la Colombie et le Pérou, abaissant encore les droits de douane pour la banane à 75 euros.

Autant dire que la production de la banane, notamment des RUP, est désormais sérieusement compromise. D’autant que les conditions de production dans ces pays ne sont pas les mêmes. De ce fait, la compensation devient une impérieuse nécessité. Cette compensation incombe totalement à l’Union européenne.

Le débat actuellement en cours au Parlement européen est, en effet, l’occasion de poser avec force ces questions.

Rappelons cependant que cette discussion porte sur le projet de règlement POSEI pour le mettre en conformité avec le traité de Lisbonne.

Le présent règlement réaffirme pour les RUP le soutien de leur agriculture pour la diversification et pour les cultures traditionnelles. Dans ce but, des lignes budgétaires sont arrêtées.

La question de la compensation doit donc venir en plus. L’Union européenne doit assumer ses responsabilités et voter en plus de crédits POSEI déjà définis un crédit supplémentaire pour la compensation des conséquences des accords commerciaux. D’où le second amendement que j’ai déposé et que je vous demande, mes chers collègues, de soutenir.

Sans cela, nous risquons de voir l’Union européenne prendre, pour la compensation, sur les crédits POSEI déjà votés, et ce au détriment des actions de POSEI en faveur du soutien des filières de diversification, ce qui est tout aussi inacceptable.

Je rappelle que la dotation financière prévue pour les RUP au titre du POSEI est annuellement de 771 millions d’euros. Cela a permis de développer nos agricultures. En témoignent d’ailleurs le rapport de la Cour des comptes européenne et le rapport commandé par la Commission européenne, publiés en 2010.

Ce bilan étant qualifié de positif dans ces deux rapports, il est hors de question de ponctionner sur le POSEI les crédits pour la compensation dont nous parlons, car cela aurait pour conséquence d’amoindrir les actions engagées dans le cadre de ce programme.

Il est évident que le débat actuel au Parlement européen est l’occasion d’affirmer avec force la nécessité de compenser le manque à gagner dont pâtissent aujourd’hui nos planteurs de banane du fait des accords passés par l’Union européenne avec les pays d’Amérique latine, et dont pâtiront aussi demain nos planteurs de canne. Je le dis car, dans le Bulletin Quotidien Europe de l’Agence Europe publié vendredi dernier, a été révélée l’étude de la Commission européenne relative aux conséquences de l’accord UE/MERCOSUR sur l’agriculture européenne : une baisse de 3 % des prix et de 16 % des volumes de production est prévue si ce nouvel accord en négociation vient à être signé.

À la suite de cette étude, – je tiens à insister sur ce point – la Commission européenne s’est empressée de répondre ce lundi que « les gains dans les secteurs de l’industrie et des services dépassent largement les pertes dans l’agriculture ». À nous de comprendre que l’agriculture européenne sera sacrifiée !

C’est pourquoi je félicite mes collègues d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de résolution européenne. En effet, c’est tout un pan de l’activité économique des RUP qui en dépend.

Ce débat nous donne l’occasion de dire à l’Union européenne les conséquences, chez nous, des accords qu’elle passe. La résolution invite à juste titre et avec force la Commission européenne à procéder à une étude d’impact dans les RUP pour tout accord commercial avec des pays tiers et elle demande au gouvernement français de soutenir les parlementaires nationaux et européens auprès des instances européennes qui réclament une telle étude d’impact. J’ai bien noté, monsieur le ministre, votre volonté de nous soutenir.

La proposition de résolution européenne qui nous est présentée doit être adoptée, et j’espère qu’elle le sera à l’unanimité. Cependant, je le répète, la compensation doit s’ajouter aux crédits accordés au titre du POSEI et non se faire au détriment de celui-ci.

Applaudissements.

M. Yvon Collin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Detcheverry

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons ce soir, au travers de cette proposition de résolution européenne, la question cruciale de l’impact des accords de libre-échange négociés par l’Union européenne avec les pays tiers sur les économies ultramarines.

Au cours des deux dernières années, l’Union européenne a conclu plusieurs accords commerciaux portant sur des productions traditionnelles des départements d’outre-mer, la banane, le rhum, le sucre, avec des pays dont les coûts de production sont très inférieurs. Chacun peut aisément mesurer les effets potentiellement dévastateurs de ces accords sur l’agriculture des régions ultrapériphériques. Les producteurs des départements d’outre-mer n’auront évidemment pas la capacité concurrentielle pour résister à un afflux de produits à bas prix sur le marché européen.

Les élus d’outre-mer n’ont cessé depuis des mois, ici comme à Bruxelles, de tirer la sonnette d’alarme et de réclamer des compensations. En vain, semble-t-il ! Certes, la Commission européenne en a accepté le principe, mais ses premières propositions étaient purement inacceptables.

Quant aux clauses de sauvegarde prévues dans ces accords, on sait bien qu’elles sont particulièrement complexes à mettre en œuvre. Les conditions sont très restrictives, la procédure longue. Ce n’est pas quand les difficultés sont devenues insurmontables qu’il faut déclencher ce mécanisme !

Quoi qu’il en soit, ces accords, qui ouvrent un boulevard aux négociations reprises avec les pays du MERCOSUR, ne sont pas les seuls à susciter une inquiétude. En effet, l’Union européenne négocie depuis 2009 un accord économique et commercial global avec le Canada, qui devrait se concrétiser à la fin de cette année. Ma collègue députée de Saint-Pierre-et-Miquelon, Annick Girardin, a présenté, en mars dernier, un rapport d’information devant la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale sur les conséquences d’un tel accord, qui a donné lieu à l’adoption par cette commission d’une proposition de résolution. J’indique que je partage tout à fait ses inquiétudes.

Le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon a largement fondé son développement économique sur son positionnement de porte d’entrée de l’Europe sur le continent américain et vice versa. De plus, l’archipel a une structure économique fragile, dépendant largement des quotas de pêche qui lui sont accordés dans un cadre bilatéral. En tant que pays et territoire d’outre-mer, il bénéficie d’un régime commercial spécifique. Ainsi, grâce à des dérogations à la règle d’origine, Saint-Pierre-et-Miquelon peut transformer certains produits de la pêche canadienne, dans la limite de 1 290 tonnes par an, et les exporter vers l’Union européenne sans droits de douane.

Si l’accord entre l’Union européenne et le Canada lève les barrières douanières sur tous ces produits, le Canada n’aura plus aucun intérêt à les faire transiter par Saint-Pierre-et-Miquelon. C’est tout l’équilibre économique de ce territoire qui est menacé ! La pêche et l’aquaculture, principales filières de l’archipel, qui emploient 200 personnes sur 6 000 habitants, en seraient les premières victimes.

La France a certes adressé à la Commission européenne une liste des points problématiques, mais celle-ci n’est pas juridiquement tenue de les prendre en considération. Pourtant, directement en prise économique avec le Canada, Saint-Pierre et-Miquelon ne fait tout simplement pas partie du mandat de négociation de la Commission !

Cela étant, ce projet d’accord suscite moins de craintes et d’oppositions que celui qui concerne, par exemple, les pays du MERCOSUR, sans doute en raison de l’ancienneté des liens commerciaux, politiques et culturels avec un pays ayant des structures économiques comparables. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer les conséquences qu’il peut avoir.

En effet, ce n’est pas par hasard si les négociations, qui ont connu, dans un premier temps, un rythme assez rapide, butent sur des questions sensibles. Restons vigilants, monsieur le ministre, car le Canada est très incisif, alors que l’Union européenne n’est pas toujours soudée et manque parfois de pugnacité.

Au-delà des problèmes posés par ces accords, on peut s’interroger sur la légitimité et la cohérence de la politique commerciale de la Commission européenne. Celle-ci dispose en effet d’une large marge de manœuvre, exerçant cette compétence sur la base d’un mandat formulé en termes généraux. Le traité de Lisbonne a certes introduit des dispositions visant à renforcer les prérogatives du Parlement européen en matière de contrôle sur les négociations, mais leur application est loin d’être effective, comme le démontrent les fortes réticences de la Commission pour transmettre des informations sur la tenue des différents rounds de négociations, ainsi que le déficit criant d’études d’impact.

À cet égard, le projet d’accord de libre-échange avec le Canada est particulièrement symbolique. Seule a été réalisée une étude conjointe de la Commission européenne et du gouvernement canadien, qui avait, en fait, pour objet principal de déterminer le champ des négociations. De plus, les incidences n’y ont été appréciées qu’en termes économiques globaux.

Par ailleurs, cette politique commerciale n’est pas toujours très cohérente avec les politiques européennes structurantes en matière sociale, sanitaire et environnementale. On facilite, par exemple, l’importation de bananes d’Amérique latine, alors que celles-ci ne respectent pas les mêmes règles phytosanitaires que celles qui sont imposées aux départements d’outre-mer. De même, nous importons de la viande sud-américaine produite dans des zones où sévissent encore des épizooties, qui nous auraient amenés en Europe à prendre des mesures d’interdiction de commercialisation. Comment comprendre et faire comprendre cela à nos agriculteurs et nos concitoyens ?

L’élimination de tous les obstacles à la libre circulation des marchandises, des services et des capitaux ne conduit pas forcément en elle-même à la croissance la plus forte, la plus durable et la plus équitable. Selon Emmanuel Todd, « maintenir le libre-échange, c’est maintenir la machine à accroître les inégalités socioéconomiques ». La notion de libre-échange ne devrait-elle pas céder la place à celle de « juste échange » ?

Je souscris donc tout à fait à l’analyse des coauteurs et du rapporteur de cette proposition de résolution européenne, dont l’objectif est d’appuyer la démarche du Gouvernement pour que nos régions ultrapériphériques ne soient pas des variables d’ajustement et que notre agriculture ultramarine ne soit pas sacrifiée sur l’autel des intérêts de l’industrie européenne. Cette démarche doit être volontariste. Il faut obtenir non pas un semblant de compensation, mais une véritable réparation. Il est également grand temps de faire en sorte que la politique commerciale de l’Union intègre d’emblée une meilleure reconnaissance des réalités économiques ultramarines. En clair, mieux vaut prévenir que tenter de réparer !

Évaluation systématique des effets sur les RUP des accords commerciaux, clauses de sauvegarde opérationnelles, meilleure cohérence entre la politique commerciale et les autres politiques sectorielles de l’Union, notamment par la prise en compte de la spécificité des RUP, tout cela va dans le bon sens.

Toutefois, permettez-moi, mes chers collègues, d’ajouter que l’outre-mer européen ne se résume pas aux RUP ; il y a aussi les PTOM.

Contrairement aux premières, ceux-ci ne sont pas des territoires européens, même s’ils sont rattachés à un État membre et si leurs ressortissants sont des citoyens européens. Ils sont liés à l’Union européenne par un accord d’association, qui doit être renouvelé en 2014. Dans cette perspective, j’appelle à une réflexion approfondie sur un rapprochement entre le régime des PTOM et celui des RUP, afin d’intégrer les PTOM dans le mandat de négociation des accords commerciaux, d’inclure une clause de sauvegarde spécifique dans ces accords et de prévoir des modalités de compensation. Tel est d’ailleurs l’objet des amendements que j’ai déposés sur cette proposition de résolution européenne.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. – Mme Gélita Hoarau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rassure : je n’épuiserai pas mon temps de parole, parce que je partage toutes les analyses qui viennent d’être développées à la tribune tant par les coauteurs de cette proposition de résolution européenne, par notre excellent rapporteur et par M. le ministre que par l’ensemble de mes collègues, sans exception.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de faire un rappel historique de la construction européenne, pour que nous nous mettions d’accord sur la méthode, avant de nous accorder sur les actions à conduire.

L’histoire de l’Europe montre que les territoires que l’on appelait « les confettis de l’Empire » sont les mal-aimés des autres partenaires de la France. Ainsi, en 1957, lors de la signature du traité de Rome – les départements d’outre-mer étaient mentionnés à l’article 227 dudit traité –, le général de Gaulle avait dû quitter la table des négociations parce que nos partenaires allemands refusaient d’attribuer un quota de bananes aux départements d’outre-mer. Ce fut la politique de la chaise vide. Autrement dit, il y a eu un rapport de force entre la France et l’Allemagne, pour que nous soyons intégrés par la grande porte de la préférence communautaire.

Aux termes du traité de Rome, la France disposait d’un délai, de dix ans, me semble-t-il, pour proposer des mesures d’adaptation aux départements d’outre-mer.

Je ne sais pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, si cela est dû au traumatisme qu’a constitué la perte du plus grand département français d’outre-mer, je veux parler de l’Algérie – mentionné lui aussi au 2. de l’article 227 –, mais la France n’a pris aucune mesure d’adaptation durant cette période. Ainsi, en 1978, la Cour de justice des Communautés européennes, saisie pour statuer sur un conflit privé, a rendu le fameux arrêt Hansen, aux termes duquel elle a estimé que l’ensemble des politiques communautaires s’appliquaient intégralement aux départements d’outre-mer, la France n’ayant pas pris les mesures d’adaptation nécessaires pendant la période impartie. Nous sommes donc entrés dans ce système non pas par la porte d’une décision politique, mais par celle d’une décision de justice.

À partir de cette date, tous les mécanismes européens se sont appliqués, jusqu’en 1989, date à laquelle nous nous sommes aperçus que, une fois certains crédits européens autorisés, il n’y avait pas de politique européenne pour l’outre-mer. C’est alors que le gouvernement de Jacques Chirac a élaboré des rapports pour demander la mise en place de programmes prioritaires pour l’outre-mer, les fameux POSEI.

En 1991, lors de la discussion du traité de Maastricht, nous avons créé un intergroupe parlementaire DOM-TOM. Avec l’ensemble de nos collègues, toutes opinions politiques confondues, à l’instar de ce qui se passe ce soir, nous avons plaidé auprès du Président de la République de l’époque, François Mitterrand, pour qu’une déclaration prévoyant des adaptations spécifiques aux économies des départements d’outre-mer soit annexée au traité de Maastricht.

Cette déclaration solennelle des Douze – nous étions douze à l’époque ! – a été adoptée et annexée au traité, et Jacques Chirac, devenu Président de la République, a fait adopter le traité d’Amsterdam, devenu aujourd'hui le traité de Lisbonne.

L’intégration de l’outre-mer, avec ses particularités et ses difficultés qui sont considérables par rapport à celles que connaissent les autres territoires européens, a été le fruit d’une volonté politique des élus d’outre-mer, conjuguée à une décision de justice et à la volonté politique des plus hautes autorités de l’État français, d’appartenance politique différente, à savoir François Mitterrand et Jacques Chirac.

Aujourd’hui, il appartient à ce gouvernement et au président de la République en exercice de mettre en place un plan capable de sauver l’économie d’outre-mer. Or, monsieur le ministre, je vois – nous voyons, puisque cela a été dit sur toutes les travées – arriver trois ouragans : les accords avec les pays andins, avec le MERCOSUR et les accords de partenariat économique.

Quelle riposte face à un ouragan ? On l’a vu aux États-Unis : il n’y en a pas ! Or, inutile de tourner autour du pot ! Si, nous, nous n’en trouvons pas, il n’y aura plus d’économie agroalimentaire, ni d’économie de la pêche dans les départements d’outre-mer.

Où est la marge de manœuvre quand vous représentez 800 000 habitants comme la Réunion, 200 000 comme la Guyane, 400 000 comme la Martinique et 400 000 également comme la Guadeloupe, soit à peine 2 millions d’habitants ? Pour des marchés qui comptent à coup de 300 millions, 400 millions, 500 millions d’habitants, avec des PIB énormes, monsieur le ministre, le rapport de force ne plaide pas en notre faveur et votre tâche est éminemment compliquée !

Voilà pourquoi nous sommes solidaires avec vous. Nous sommes vos alliés, vos partenaires, et nous jouons le même match sur le même terrain. Mais nous sommes des nains ! Or la libéralisation mondiale du commerce n’aime pas les nains ; elle les écrase même. Et quand on écrase les nains, on écrase des populations en difficulté.

Nous voyons apparaître une première incohérence au sein de la Commission. Celle-ci n’a pas que des défauts ; elle a bien utilisé les traités quand elle a accordé les crédits européens au nom de la cohésion, lorsqu’elle nous a autorisés, sur demande de l’État français, à bénéficier de taux de subvention élevés ou quand elle a autorisé une aide « au quintal » pour sauver l’économie sucrière.

Mais, en ouvrant grand les portes du marché européen, elle en fait un marché passoire sur le plan industriel. Mes chers collègues, aujourd’hui, des pans entiers de l’industrie française s’écroulent sous nos yeux. Comme le dit souvent le Président de la République, la France se vide de son sang industriel. La faute à qui ? Pas aux départements d’outre-mer, mais à une interprétation trop libérale des traités européens, sans qu’il y ait « réciprocité » ; vous avez dit le mot, monsieur le ministre. Il n’y a plus de réciprocité, cette règle de l’équilibre et de la prospérité commune !

Envoyez des produits en Chine, on y trouvera toujours un défaut et ils n’entreront pas dans le pays. Mais sans norme, sans respect des règles d’environnement, des règles sociales, ni de la personne humaine, on enverra n’importe quel produit en France. C’est ainsi que des meubles en provenance de Chine donnent de l’urticaire, que des semelles de chaussures se décollent. Mais on laisse entrer tous ces produits au nom du libre-échange !

Si l’on fait la même chose dans le domaine agricole, on va tuer l’identité culturelle de notre pays. En effet, une facette de l’identité et du patrimoine de la France, et avec elle des outre-mer bien sûr, c’est notre agriculture, laquelle, avec son industrie agroalimentaire, ses paysages, ses productions qui sont la fierté de nos paysans et nos tables bien garnies, notre gastronomie, fait la richesse de notre pays !

C’est tout cela qui est en jeu, monsieur le ministre, et c’est aussi l’image d’un pays qui donne en même temps au tourisme, première industrie du pays, sa chance d’exister.

Monsieur le ministre, je soutiens cette proposition de résolution. Mais, en quittant cette tribune, je n’aurai pas la conscience tranquille si je ne vous dis pas qu’elle est une condition nécessaire, mais largement insuffisante pour relever le défi !

Le défi, c’est vous et le chef de l’État qui, dans le groupe des Douze, comme vous l’avez indiqué, dit que l’on n’est pas pressé de libéraliser s’il n’y a pas réciprocité. On n’est pas pressé de faire entrer des produits de tous les pays et, ce faisant, de tuer les paysans qui nous ont élus si l’on n’est pas sûr de sauver notre agriculture. Nous n’avons pas été élus pour tuer notre agriculture ; il faut faire très attention !

Des technocrates surpayés et irresponsables devant le peuple nous obligent à avaler des couleuvres et, de fait, nous nous trouvons confrontés avec ceux qui, à un moment donné, par leur bulletin de vote, nous ont fait confiance !

Alors que nous combattons Kadhafi parce qu’il n’est pas un démocrate, ne nous comportons pas comme des dictateurs ! Moi, j’ai été élu et je rends compte de ce que je dis et fais ici. Nous avons été élus pour sauver notre agriculture, notre industrie, et pour que les gens qui veulent aujourd’hui vivre de leur travail puissent y parvenir !

Si nous n’apportons pas de réponse, mes électeurs me demanderont à quoi je sers quand je mets mon costume pour aller au Sénat ! Avant, je pouvais leur répondre que je défendais leurs intérêts, comme avec le traité Maastricht, les régions ultrapériphériques, la Constitution…

Mais que répondrai-je quand les accords de partenariat économique mettront notre sucre de canne ou les bananes antillaises en concurrence avec les pays d’Amérique du Sud ou quand tous les efforts que l’Europe pourra consentir en matière de crédits seront anéantis par les ouragans que j’ai cités ? Nous ne pouvons pas plaider pour l’incapacité de réagir en pareille situation !

Comme en 1957 – ô combien l’attitude du général de Gaulle était responsable ! –, comme au moment du traité de Maastricht et du traité d’Amsterdam, je demande au chef de l’État – car c’est à ce niveau-là que cela va se jouer, monsieur le ministre – d’adopter ce projet de résolution, mais surtout de le mettre en œuvre !

J’ai justement déposé un amendement destiné à compléter l’amendement du rapporteur et prévoyant que, concernant les accords commerciaux, outre les études d’impact prévues par le rapporteur et par la résolution, les mécanismes de compensation demandés sur toutes les travées, la clause de sauvegarde soit mise en œuvre par l’État membre dans les six mois où le danger est constaté, si toutefois la Commission ne l’a pas fait, bien sûr. Ce n’est pas la peine de voter cette résolution si c’est pour attendre trois ans les clauses de sauvegarde et finalement pleurer l’enterrement de secteurs entiers de notre agriculture !

Voilà, mes chers collègues, l’inquiétude qui est la mienne. Je suis content qu’un consensus se soit dégagé et, monsieur le ministre, que tout le monde se soit rassemblé autour de vous pour vous encourager. Nous savons que vous vous battez, que vous avez résisté au courant libre-échangiste irresponsable. Nous sommes les combattants de la liberté, mais pas de n’importe laquelle. Nous défendons celle qui donne de la dignité aux populations. Ce qui, au contraire, anéantit les populations est une contrainte, un asservissement, et non une liberté. Or nous avons été élus non pour asservir les gens, mais pour les servir !

Mes chers collègues, je compte sur vous pour soutenir mon amendement. Comme vous tous, je vais voter cette résolution. Monsieur le ministre, c’est un acte de foi et d’espérance. Mais je resterai vigilant, car, en bons démocrates, nous avons été élus pour construire, et non pour détruire ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gillot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos par une appréciation positive pour nos territoires.

En effet, nos produits agricoles se caractérisent par leur qualité, leur authenticité, leur production en toute saison, et disposent d’atouts qui, incontestablement, doivent en faire une production à valeur ajoutée.

Notre agriculture, organisée essentiellement autour de la canne à sucre et de la banane, représente un secteur important de l’économie guadeloupéenne ; environ un tiers de la surface totale de notre territoire lui est consacré. Elle emploie 12 % de la population active et contribue pour 6 % au produit intérieur brut régional.

En 2010, la banane représente 2 000 emplois directs, 1 000 emplois indirects ; c’est le premier secteur d’exportation en Guadeloupe et le premier employeur du secteur agricole.

La culture de la canne à sucre constitue la deuxième activité agricole, avec une production de 60 000 tonnes de sucre.

Ces quelques chiffres témoignent à eux seuls, s’il en était besoin, du poids économique et de l’importance sociale de ce secteur, véritable pilier déterminant pour l’équilibre socioéconomique de notre société.

L’activité souffre néanmoins de certains handicaps liés à son histoire et à sa géographie, en particulier à l’étroitesse du marché local, à l’insularité et à la dépendance à l’égard d’un petit nombre de produits.

Ainsi, l’ouverture des marchés, notamment celui de la banane, intervenue du fait des deux accords commerciaux conclus en 2010 entre l’Union européenne, le Pérou et la Colombie d’une part, et avec les autres pays de l’Amérique latine, d’autre part, fait peser de sérieuses menaces sur ce fragile équilibre économique, à l’horizon du premier semestre 2012, période d’entrée en vigueur de ces accords.

Une baisse de 35 % des droits de douane entre 2009 et 2017 est donc prévue, avec une nouvelle baisse des tarifs douaniers d’ici à 2020.

Les départements d’outre-mer vont donc devoir affronter la concurrence des pays d’Amérique latine, qui bénéficient de faibles coûts de production, largement inférieurs à ceux que connaissent les régions ultrapériphériques.

Ces accords sont d’autant plus inquiétants que de nouvelles négociations bilatérales avec l’Amérique centrale, voire le MERCOSUR, sont prochainement programmées et entraîneront vraisemblablement des concessions supplémentaires sur ces mêmes produits et par conséquent une accentuation de leurs effets sur nos régions.

Comment ne pas penser que notre agriculture est ainsi sacrifiée et bradée au profit du libre-échange, ce qui laisse apparaître in fine la véritable doctrine commerciale de l’Union européenne, celle de se garantir un succès commercial dans d’autres secteurs industriels – ouverture du marché automobile aux entreprises européennes –, en réalisant de fortes concessions sur les secteurs agricoles des régions ultrapériphériques ?

Par ailleurs, qu’en est-il de l’application des normes environnementales, sanitaires ou sociales chez ces nouveaux concurrents directs ?

En effet, les normes phytosanitaires imposées à nos producteurs sont nettement plus exigeantes que celles qui sont mises en œuvre dans ces pays. Le secteur agricole de nos territoires s’en trouvera donc d’autant plus affaibli, alors même qu’il ne doit déjà sa survie qu’aux aides publiques qui lui sont allouées.

De plus, quelles garanties sanitaires l’Union européenne peut-elle, dans ces conditions, apporter aux consommateurs de ces productions extracommunautaires ?

Toutes ces raisons nous conduisent à nous interroger sur la cohérence de la politique de l’Union européenne.

En effet, ces négociations commerciales, menées par l’Union, hors toute concertation avec les responsables régionaux, soulèvent des interrogations essentielles, notamment quant à la cohérence des politiques européennes entre elles et singulièrement entre la politique commerciale et la politique de cohésion qui visent des objectifs fondamentalement contradictoires.

Rappelons que l’Union européenne investit largement à travers les instruments que sont le Fonds européen agricole pour le développement rural et l’outil spécifique qu’est le POSEI pour favoriser le développement de ce secteur.

Mais parallèlement et de manière surprenante, elle compromet tous ces efforts en multipliant des accords de libre-échange commerciaux qui pénalisent le développement de nos régions d’outre-mer.

Vous comprendrez donc, sans difficulté, monsieur le ministre, que je souscrive à la proposition qui est faite d’obtenir de l’Union européenne des compensations qui pourraient prendre la forme d’une augmentation de l’enveloppe globale du POSEI en cours d’élaboration.

Une telle mesure permettrait de renforcer toutes les filières agricoles et ainsi de mieux les préparer à faire face à ces importations massives, tant sur le marché européen que sur leur propre marché régional.

En outre, la question de l’évaluation par la Commission européenne de l’impact sur les régions ultrapériphériques de nouveaux accords commerciaux qu’elle négocie est d’autant plus justifiée que d’autres accords sont envisagés, notamment avec le MERCOSUR.

De plus, la Commission devrait aussi envisager plus de flexibilité lors des discussions qu’elle engage notamment sur d’autres instruments tel l’octroi de mer, dont chacun s’accorde à dire qu’il constitue un instrument incitatif pour le développement de la production locale.

Il apparaît de surcroît utile et impératif que la Commission européenne, et singulièrement la DG commerce, intègre le fait que l’agriculture n’est pas un bien marchand comme les autres, car elle s’identifie à la vie même des êtres humains. Notre potentiel agricole est avant tout un potentiel humain.

Monsieur le ministre, face à ces enjeux majeurs pour les économies des régions ultrapériphériques, les RUP, il est indispensable que la France, au besoin en partenariat avec d’autres pays comme l’Espagne ou le Portugal, agisse plus directement et sur la durée, afin de promouvoir une action européenne plus forte et cohérente en faveur des RUP, conformément à la communication de la Commission européenne du 17 octobre 2008. Celle-ci qualifie les RUP d’avant-postes stratégiques de l’Union européenne dans diverses parties du monde, qui représentent à ce titre des atouts à valoriser et non des monnaies d’échange d’accords commerciaux.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’intérêt de cette proposition de résolution européenne a largement été démontré.

Alors que la Commission européenne programme une refonte des mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques, en particulier du régime des programmes d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, les POSEI, il est nécessaire de lui signaler que les conséquences des accords conclus par l’Union européenne sur l’économie agricole de ces régions doivent être pleinement mesurées et compensées.

C’est la logique même de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Toutefois, l’intérêt de cette proposition de résolution ne doit pas masquer un autre enjeu de la refonte des POSEI, celui de la prise en compte de la spécificité de chacun des territoires au sein des régions ultrapériphériques.

En effet, si certaines similitudes peuvent apparaître entre les Antilles et la Réunion, le cas de la Guyane est en revanche étrangement laissé à la marge de ces programmes d’aide au secteur agricole. Les accords de l’Union européenne qui motivent cette proposition de résolution restent effectivement assez indifférents à la spécificité guyanaise.

Ainsi, l’accord de Genève, comme ceux qui ont été conclus avec le Pérou et la Colombie, d’une part, et avec les pays d’Amérique centrale, d’autre part, prévoient principalement, dans leur volet agricole, des concessions sur les tarifs douaniers pour les productions de bananes et celles de cannes à sucre.

Si ces accords auront des conséquences socioéconomiques importantes pour les départements de Guadeloupe et de Martinique, la Guyane se trouve peu concernée.

À la différence des Antilles françaises, dont l’économie agricole repose fortement sur l’exportation des produits issus des grandes cultures héritées du système colonial – principalement la banane et le sucre –, l’agriculture guyanaise reste, pour sa part, tournée vers la culture vivrière.

En effet, l’agriculture traditionnelle manuelle – la pratique des abattis-brûlis - est largement répandue sur le territoire. Elle concerne le tiers de la surface agricole utilisée et 80 % des exploitants.

Cette production vivrière comprend principalement des légumes, des tubercules et des fruits, alors que l’agriculture mécanisée, à vocation marchande et essentiellement située sur le littoral, assure la production de céréales.

Si cette production agricole guyanaise est singulière, sa contribution au PIB du département est tout à fait comparable aux pourcentages relevés dans les autres départements d’outre-mer, soit entre 4 % et 6 %. Il est alors étonnant de comparer la part des fonds du POSEI consacrée aux DOM qui revient à la Guyane avec celle qui est allouée aux autres départements.

Concernant le régime spécifique d’approvisionnement, la Guyane reçoit moins de 7 % des fonds disponibles, et seulement 1 % de ceux qui sont prévus pour les mesures en faveur des productions agricoles locales, loin derrière la Guadeloupe, 23 %, la Réunion, 30 %, et la Martinique, 46 %.

Or, en Guyane, le secteur des fruits et légumes, peu aidé, fait face à de grandes difficultés.

Cette diversité des secteurs agricoles de même importance socioéconomique rend nécessaire la prise en compte des spécificités des territoires dans la programmation des mesures d’aides à l’agriculture dans nos régions ultrapériphériques.

Le rapporteur M. Daniel Marsinse félicite du bilan – unanime – du régime POSEI. La Commission européenne le qualifie même d’outil très efficace pour soutenir une production locale de qualité. Il constitue certes un instrument essentiel pour l’agriculture ultramarine.

Pourtant, je ne peux manquer de constater que la Cour des comptes européenne, dans son rapport spécial d’octobre 2010 sur les mesures spécifiques en faveur de l’agriculture des régions ultrapériphériques, relève certaines faiblesses dans la mise en œuvre de ces programmes. Depuis 2006, les États membres établissent et assurent la gestion des mesures de soutien avec l’accord de la Commission européenne. La responsabilité des POSEI est donc partagée.

La méthode d’identification des besoins des régions ultrapériphériques mise en place par la France semble particulièrement avantageuse pour les grands secteurs agricoles que sont la banane et la canne à sucre. Certes, les mesures destinées au soutien du secteur de la banane ont pour objectif de maintenir une stabilité économique et sociale essentielle, puisque 20 000 emplois sont concernés dans les Antilles et à la Réunion. Mais le programme établi par la France comporte également un objectif environnemental.

Or aucun critère d’éligibilité aux aides ne concerne cet objectif, puisque seule la production est en cause – les producteurs reçoivent une aide calculée sur un tonnage de référence historique –, alors qu’aucune contrainte sur les méthodes de production n’est imposée. À cet égard, je fais remarquer que l’abattis, pratiqué par les agriculteurs guyanais, est structurellement biologique et qu'une aide à cette activité agricole développerait des perspectives encourageantes, en particulier pour les productions endémiques comme l’igname indien.

En ce qui concerne le secteur du sucre, les mesures visent à compenser la baisse des prix sur le marché international. Or les aides européennes ne suffisent pas, malgré les quelque 80 millions d’euros consacrés sur les fonds de l’Union, pour garantir le prix de vente d’une production sujette aux aléas extérieurs. Les aides nationales sont toujours nécessaires pour maintenir cette activité.

Un autre point faible des mesures spécifiques prises pour soutenir le secteur agricole des RUP, mises en place par la France, a trait au contrôle des régimes spécifiques d’approvisionnement, les RSA.

Les États membres sont tenus de vérifier si l’avantage qui découle de l’aide à l’introduction ou de l’exonération des droits de douane a été effectivement répercuté jusqu’au bénéficiaire final. La Cour des comptes européenne constate que la méthode retenue par la France, en se fondant sur des données très anciennes, ne reflète plus la situation actuelle. Or l’objectif fixé par le comité interministériel de l’outre-mer, CIOM, de mettre en place un marché commun du plateau des Guyanes ne peut se réaliser sans une évaluation précise du RSA.

La spécificité du secteur agricole guyanais doit être prise en compte à la fois par la France et par l’Europe.

La Commission doit jouer son rôle d’appui technique et financier, ainsi que de contrôle, pour assurer la couverture intégrale du programme français pour le soutien de tous les départements de l’outre-mer.

À cet égard, il me semble qu’il serait possible d’atteindre l’autosuffisance, avec le même degré de sûreté sanitaire, sans interdire l’importation d’intrants ou de poussins d’un jour, par exemple en provenance du Brésil. Pourtant, dans la situation actuelle, la filière subit une concurrence importante des surgelés issus de la production brésilienne, mais en provenance de l’Union européenne.

De même, alors que la Guyane est le seul producteur ultramarin de riz, environ 9 000 tonnes en 2009, cette culture disparaît aujourd’hui car la seule entreprise exploitante cesse son activité en raison, d’une part, de l’interdiction par la Commission européenne des produits utilisés pour lutter contre les attaques phytosanitaires et, d’autre part, de la modification du régime d’aide à la production.

La France doit surtout tenir compte de la spécificité du secteur guyanais dans la conception et la gestion des POSEI. La détermination des éligibilités aux aides doit être réformée, puisque l’exclusion de nombre d’agriculteurs guyanais des aides des POSEI est essentiellement due au Gouvernement.

Enfin, je ne peux manquer de relever le lien entre l’insuffisance de structuration du secteur agricole, dont l’organisation est pourtant nécessaire à l’obtention des aides, et les difficultés d’accès au foncier.

Ces difficultés sont inscrites dans l’histoire, et malgré les nouvelles procédures permettant d’accélérer les concessions de périmètres, on estime encore entre 50 % et 70 % du total le nombre d’agriculteurs installés exerçant sans titre de propriété. Il n’est guère étonnant, dans ces conditions, que le secteur des fruits et légumes soit si peu organisé.

En conclusion, les objectifs du CIOM visant un développement endogène et durable des territoires ultramarins sont toujours d’une brûlante actualité, dans un contexte international de volatilité des prix des denrées alimentaires.

La proposition de résolution qui rappelle à l’Union européenne sa responsabilité ne doit pas masquer celle de la France, qui devrait apporter un soutien équivalent à la compétitivité des grandes industries agroalimentaires ultrapériphériques et au secteur agricole traditionnel et durable de proximité.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la proposition de résolution européenne, élaboré par la commission de l’économie, dont je donne lecture :

Le Sénat,

Vu l'article 88–4 de la Constitution,

Vus les articles 42, 43 et 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu le mémorandum de l'Espagne, de la France, du Portugal et des régions ultrapériphériques signé le 7 mai 2010 à Las Palmas de Gran Canaria,

Vu les conclusions du Conseil Affaires générales du 14 juin 2010,

Vu l'accord multilatéral signé à Genève le 15 décembre 2009 relatif au commerce des bananes,

Vu la conclusion des négociations relatives à la signature d'un accord d'association entre l'Union européenne et l'Amérique centrale,

Vu la conclusion des négociations relatives à la signature d'un accord commercial multipartite entre l'Union européenne, la Colombie et le Pérou,

Vu les conclusions du conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre 2009,

Vu le rapport du Sénat n° 519 (2008-2009) fait au nom de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer,

Vu le règlement (CE) n° 2013/2006 du Conseil du 19 décembre 2006 modifiant les règlements (CEE) n° 404/93, (CE) n° 1782/2003 et (CE) n° 247/2006 en ce qui concerne le secteur de la banane,

Vu la proposition de règlement du Parlement et du Conseil portant mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l'Union (E 5655),

Considérant que les accords de libre-échange conclus en mars 2010 par l'Union européenne avec la Colombie et le Pérou, d'une part, et avec les pays d'Amérique centrale, d'autre part, font courir un risque important à l'agriculture des régions ultrapériphériques françaises si des garde-fous suffisants ne sont pas mis en place,

Considérant qu'il est dans l'intérêt de l'Union européenne de ne pas mettre en péril le développement endogène des régions ultrapériphériques,

Considérant que la Commission envisage la conclusion d'autres accords commerciaux, notamment avec le Mercosur,

Estime urgent d'analyser et de compenser les effets des accords commerciaux déjà signés sur les productions agricoles des régions ultrapériphériques,

Souligne que de telles mesures de compensation trouvent leur fondement juridique dans l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Juge que la proposition de règlement portant mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l'Union constitue une opportunité à saisir pour arrêter les modalités de cette compensation,

Demande au Gouvernement d'intervenir afin que la Commission européenne veille à assurer toute forme de compensation efficace pour préserver l'agriculture ultramarine des effets négatifs des accords commerciaux signés avec la Colombie et le Pérou et avec l'Amérique centrale,

Invite la Commission européenne à mieux articuler sa politique commerciale avec les autres politiques sectorielles de l'Union, et donc à prendre en compte dans les négociations commerciales les objectifs spécifiques fixés par l'Union pour les régions ultrapériphériques,

Souhaite, dans ce cadre, que la Commission européenne évalue systématiquement les effets sur ces régions des accords commerciaux qu'elle négocie, en en étudiant l'impact préalablement à leur conclusion puis au cours de leur mise en œuvre, et qu'elle veille à l'inclusion dans ces accords de mécanismes de sauvegarde opérationnels en faveur de ces régions. »

L'amendement n° 3, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après la référence :

insérer la référence :

La parole est à M. Denis Detcheverry.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Detcheverry

Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps les sept amendements que M. Collin et moi-même avons déposés, l’objet étant identique.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Detcheverry

Ces amendements visent à étendre le champ de la proposition de résolution aux pays et territoires d’outre-mer, les PTOM, dont fait partie notamment Saint-Pierre-et-Miquelon.

Contrairement aux régions ultrapériphériques, ces pays et territoires, pour la plupart situés dans la zone des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ne font pas partie de l’Union européenne, bien que constitutionnellement rattachés à des États membres de celle-ci.

Malgré la diversité qui les caractérise, les PTOM ont de nombreux points communs : ils sont tous assez vulnérables aux chocs venant de l’extérieur et dépendent en général d’une base économique étroite, organisée le plus souvent autour des services.

Ils dépendent aussi fortement des importations de biens et d’énergie.

À ce titre, et compte tenu du lien particulier qui les unit à l’Union européenne, ils bénéficient actuellement d’un traitement privilégié dans le cadre de la coopération économique et commerciale. Alors que la décision d’association de 2001 doit faire l’objet d’une révision, il s’agit, par ces amendements, de rappeler l’indispensable solidarité de l’Union européenne à l’égard des habitants des PTOM qui, en leur qualité de ressortissants des États membres auxquels les PTOM sont liés, sont en principe citoyens européens.

Les PTOM méritent un traitement différencié et privilégié, car ils font partie de la « famille européenne ».

C’est pourquoi leurs intérêts doivent être pris en compte dans la définition de la politique commerciale de l’Union, notamment lors de la négociation des accords commerciaux avec leurs voisins.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

Je remercie notre collègue Denis Detcheverry d’avoir défendu ces sept amendements à la proposition de résolution en une seule intervention. Je donnerai l’avis de la commission dans les mêmes conditions.

L’objectif de ces amendements est d’étendre le champ de la résolution aux pays et territoires d’outre-mer.

À ce sujet, je tiens à rappeler que l’Union européenne distingue deux catégories de collectivités d’outre-mer : les régions ultrapériphériques, les RUP, et les pays et territoires d’outre-mer, PTOM.

Les RUP font partie intégrante de l’Union européenne, tandis que les PTOM ne sont pas considérés comme faisant partie du territoire de l’Union. Le droit communautaire ne leur est donc pas applicable.

Je comprends le souhait de notre collègue Denis Detcheverry d’attirer notre attention, ainsi que celle du Gouvernement, sur la situation des PTOM, dont Saint-Pierre-et-Miquelon fait partie.

J’espère d’ailleurs que M. le ministre pourra le rassurer sur l’attention portée par le Gouvernement aux problématiques propres aux PTOM, et notamment à Saint-Pierre-et-Miquelon.

La question de la prise en compte des intérêts des PTOM dans la politique commerciale de l’Union européenne est en effet importante : nos collègues députés ont d’ailleurs adopté, en mars 2010, une résolution portant sur l’avenir des relations entre l’Union européenne et les pays et territoires d’outre-mer, pour demander que « l’Union européenne tienne compte des intérêts des PTOM dans la définition et la conduite de sa politique commerciale ».

S’agissant plus spécifiquement du projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a également adopté une résolution, devenue résolution de l’Assemblée nationale le 25 avril dernier.

Par conséquent, tout en reconnaissant l’importance du sujet, la commission de l’économie du Sénat n’a pas jugé opportun d’inclure les PTOM dans le champ de la proposition de résolution, car cela aurait pour conséquence, en quelque sorte, de « brouiller le message » que nous voulons faire passer. À l’évidence, les problématiques des PTOM sont différentes de celles des RUP.

J’en veux pour preuve le fait que l’accord envisagé avec le Canada concerne non pas directement une production de Saint-Pierre-et-Miquelon, mais plutôt un genre de pratique commerciale qui permet la transformation de ces produits à Saint-Pierre-et-Miquelon et leur réexportation vers l’Union européenne.

Or, dans le cas qui nous intéresse, nous nous appuyons sur les dispositions de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et sur celles du POSEI en visant des produits bien précis, c’est-à-dire la banane, le sucre et le rhum, ce qui n’est pas le cas dans les PTOM, particulièrement à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Par conséquent, je souhaite que compte soit tenu des préoccupations exprimées par notre collègue Denis Detcheverry, mais qu’après les propos que j’espère rassurants de M. le ministre il accepte de retirer ses amendements.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je suggérerai volontiers à M. Detcheverry le retrait de ses amendements. Comme l’a très bien dit M. le rapporteur, leur adoption risquerait d’affaiblir la portée de la résolution en mélangeant les problématiques des PTOM et des RUP, qui sont très différentes.

En revanche, je tiens à lui assurer que nous suivons avec autant d’attention les négociations respectives menées par l’Union européenne en vue de la conclusion éventuelle d’un accord avec, d’un côté, le Canada et, de l’autre, le MERCOSUR.

Il n’est pas question, là encore, que l’Union européenne alloue une enveloppe de 21 millions d’euros pour le développement économique de Saint-Pierre-et-Miquelon et que, dans le même temps, elle signe un accord commercial qui remettrait précisément en cause le développement économique de ce territoire, notamment dans le domaine de la pêche et de l’agriculture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Monsieur Detcheverry, les amendements n° 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 sont-ils maintenus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Detcheverry

Si nous sommes réunis ici ce soir, c’est pour attirer l’attention, dans le cadre d’une proposition de résolution, sur les problèmes des RUP. Autrement dit, il s’agit en partie de guérir un mal qui existe déjà, mis à part les accords qui ont été signés entre l’Union européenne et l’Amérique du Sud.

Je considère, pour ma part, que les problèmes pesant aujourd’hui sur les économies des Caraïbes du fait des accords négociés par l’Union européenne vont sans doute toucher l’année prochaine, une fois signés les accords entre l’Union européenne et le Canada, l’économie de Saint-Pierre-et-Miquelon.

J’ai voulu, en déposant ces amendements, profiter de l'examen de cette proposition de résolution, que j’estime être le véhicule législatif approprié, dans un but de prévention, pour servir les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, mieux vaut selon moi prévenir que guérir !

Monsieur le ministre, j’espère vraiment que la situation de ce territoire, sur lequel nous ne sommes que 6 000 à vivre, sera prise en compte dans le cadre de l’évolution des accords entre l’Union européenne et le Canada. Alors que, aujourd'hui, on se mobilise autour d’un problème précis, parce qu’il concerne à peu près un million de personnes dans les Caraïbes, il n’est pas certain qu’on puisse faire de même, demain, pour un archipel aussi petit !

Je vous fais confiance, monsieur le ministre. J’accepte donc de retirer mes amendements, mais je le fais à contrecœur et après avoir beaucoup hésité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Les amendements n° 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 sont retirés.

L’amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Hoarau, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Rédiger ainsi cet alinéa :

Considérant que l’accord conclu en décembre 2009 à Genève par l’Union européenne avec les pays d’Amérique latine, et les accords de libre-échange conclus en mars 2010 par l’Union européenne avec la Colombie et le Pérou, d’une part, et avec les pays d’Amérique centrale, d’autre part, font courir un risque important à l’agriculture des régions ultrapériphériques françaises, si des garde-fous suffisants ne sont pas mis en place,

La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

Conclu en décembre 2009, l’accord de Genève, accord multilatéral de libre-échange entre l’Union européenne et les pays d’Amérique latine, prévoit une réduction de 35 % des droits de douane sur la banane latine entrant sur le marché européen. Cette baisse progressive fera passer ces droits de douane de 176 euros en décembre 2009 à 114 euros par tonne métrique au 1er janvier 2017.

La Commission a prévu un fonds de 200 millions d’euros pour soutenir les pays ACP, mais rien pour les régions ultrapériphériques.

Quant aux accords de mars 2010, ce sont des accords bilatéraux signés entre l’Union européenne et la Colombie et le Pérou. Ils visent à réduire davantage les droits de douane, sur la banane notamment, qui atteindront 75 euros en 2020.

Il convient donc de souligner que les préjudices occasionnés sur l’agriculture des RUP seront considérables et qu’ils résulteront, à la fois, de l’accord de 2009 et des accords de 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

Cet amendement vise à préciser, utilement selon nous, que l’accord de Genève fait courir, comme les autres accords auxquels nous avons fait allusion, un risque à l’agriculture des RUP.

Nous émettons donc un avis favorable.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L’amendement n° 4, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Considérant que les pays et territoires d’outre-mer français sont insuffisamment pris en compte et parfois oubliés lors de la négociation des accords commerciaux avec leurs pays riverains,

Cet amendement a été précédemment retiré.

L’amendement n° 5, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

et des pays et territoires d’outre-mer

Cet amendement a été précédemment retiré.

L’amendement n° 6, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par les mots :

et le Canada

Cet amendement a été précédemment retiré.

L’amendement n° 2, présenté par Mme Hoarau, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par les mots :

, en abondant en conséquence, par le budget de l’Union européenne, l’enveloppe du programme d’options spécifiques à l’éloignement et l’insularité (POSEI).

La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

La proposition de règlement de la Commission européenne portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des RUP, ou POSEI, fixe une dotation financière qui s’élève annuellement à quelque 771 millions d’euros.

Cette somme est affectée à des opérations déjà arrêtées. Toute compensation rendue nécessaire à la suite d’accords commerciaux conclus entre l’Union européenne et des pays tiers et portant atteinte aux productions des RUP ne peut être prise sur l’enveloppe initiale du POSEI, sauf à prévoir un abondement en conséquence à partir du budget de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

L’objet de cet amendement vient compléter le dispositif que nous avons déjà prévu. Par ailleurs, il est en cohérence avec la position du Gouvernement français, qui négocie aujourd’hui le montant des compensations avec la Commission européenne.

Nous émettons par conséquent un avis favorable.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L’amendement n° 7, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Souligne la nécessité de remédier à l’érosion des préférences commerciales dont bénéficient les pays et territoires d’outre-mer dans leurs relations avec l’Union européenne,

Cet amendement a été précédemment retiré.

L’amendement n° 8, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Compléter cet alinéa par les mots :

et les pays et territoires d’outre-mer

Cet amendement a été précédemment retiré.

L’amendement n° 9, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :

Alinéa 21

À deux reprises, après le mot :

régions

insérer les mots :

et ces pays et territoires

Cet amendement a été précédemment retiré.

L’amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Virapoullé, est ainsi libellé :

Compléter la proposition de résolution par un alinéa ainsi rédigé :

Souhaite que soit précisé par un règlement procédural spécifique, le dispositif de sauvegarde à mettre en œuvre lors de tout accord économique entre l’Union Européenne et un pays tiers, emportant des conséquences sur les économies des régions ultrapériphériques.

La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

La Commission, dans le cadre du règlement de décembre 2007, a proposé un mode opératoire pour la mise en place des clauses de sauvegarde. Elle a agi un peu comme un médecin qui vous prescrirait des médicaments sans vous indiquer la posologie ni le moment où il faut commencer le traitement !

Par mon amendement, je souhaite souligner la nécessité de rédiger un règlement procédural pour préciser les conditions et le timing relatifs à la mise en œuvre des clauses de sauvegarde, en ce qui concerne les accords signés tant avec les ACP qu’avec les autres pays habituellement partenaires de l’Europe.

Dans ce dossier épineux et difficile, le fait de disposer d’un tel règlement procédural sera un atout dans le jeu du Gouvernement, qui défend nos intérêts auprès des pays avec lesquels l’Europe traite.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

Cet amendement porte sur un sujet essentiel : les dispositifs de sauvegarde. Ces derniers, prévus dans nombre d’accords commerciaux, visent à permettre le rétablissement de droits de douane en cas de perturbation du marché.

De tels dispositifs sont difficiles à mettre en œuvre, comme l’avait constaté la délégation pour l’Union européenne du Sénat dans un rapport de mars 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

Mme la ministre de l’outre-mer l’avait aussi reconnu quand nous avions soulevé le problème lors de la séance des questions cribles thématiques du 18 janvier 2011 consacrées à l’outre-mer et l’Europe.

Sur mon initiative, la commission de l’économie a introduit la problématique des clauses de sauvegarde dans la proposition de résolution. Cette dernière appelle désormais, à son alinéa 21, la Commission européenne à inclure dans les accords commerciaux qu’elle négocie des mécanismes de sauvegarde opérationnels.

Par son amendement, notre collègue Jean-Paul Virapoullé va plus loin en demandant qu’un règlement procédural spécifique intervienne pour préciser les modalités de mise en œuvre des dispositifs de sauvegarde lors de tout accord économique conclu entre l’Union européenne et un pays tiers.

Cette proposition me semble aller dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je mets aux voix, modifiée, la proposition de résolution européenne.

La proposition de résolution européenne est adoptée à l’unanimité des présents. – Applaudissements sur l’ensemble des travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

En application de l’article 73 quinquies, alinéa 7, du règlement, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera transmise au Gouvernement et à l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pouvons nous féliciter de ce que l’outre-mer donne un bel exemple d’unité nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 4 mai 2011 :

De quatorze heures trente à seize heures trente :

1. Proposition de loi tendant à réprimer la contestation de l’existence du génocide arménien (607, 2009–2010).

Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois (429, 2010–2011).

De seize heures trente à dix-huit heures trente :

2. Proposition de loi relative aux expulsions locatives et à la garantie d’un droit au logement effectif (300, 2010–2011).

Rapport de Mme Isabelle Pasquet, fait au nom de la commission des affaires sociales (463, 2010-2011).

À dix-huit heures trente et le soir :

3. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer (267, 2010–2011).

Rapport de M. Georges Patient, fait au nom de la commission de l’économie (424, 2010–2011).

Texte de la commission (n° 425, 2010–2011).

Avis de M. Serge Larcher, fait au nom de la commission de l’économie (464, 2010–2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 4 mai 2011, à une heure cinquante-cinq.