Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 28 novembre 2018 à 21h30
Loi de finances pour 2019 — Articles additionnels après l'article 18

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Le Sénat a voté à trois reprises un amendement visant à permettre la taxation raisonnable des GAFA. Nous avions présenté des propositions fondées sur la notion d’ « établissement stable », afin de faire en sorte que les géants du numérique, Google, Amazon et les autres, soient imposables en France. Il ne s’agissait même pas de fixer pour eux une imposition différenciée, mais de permettre tout simplement qu’ils soient imposés dans notre pays, pour les activités qu’ils y exercent.

Nous avons voté ces dispositions à diverses reprises. À chaque fois, le Gouvernement a trouvé un argument pour nous dire que le moment ou la méthode n’était pas les bons, et qu’il fallait attendre.

Premier argument : Bercy savait mieux que tout le monde comment on allait faire payer Google. Or, comme nous l’avions prévu, hélas, au tribunal Google a gagné – au regard du droit français actuel, cette victoire était certaine, faute de définition d’un statut d’établissement stable approprié à de tels cas de figure.

Le deuxième argument a consisté à dire qu’il fallait que l’Europe bouge. Or l’Europe vient de bouger – la Commission européenne a fait une proposition comportant deux volets : le premier consiste en une définition des établissements stables, selon la même logique présidant à la disposition que nous avions votée ; une autre proposition de directive, dite « temporaire », passe, elle, par la taxation des chiffres d’affaires.

Je m’en tiens, au point où nous en sommes, à la définition de la notion d’établissements stables, c’est-à-dire à la directive telle qu’elle doit être mise en œuvre de façon définitive.

Le texte du présent amendement retranscrit stricto sensu en droit français le projet de directive actuellement en débat dans l’Union européenne. Notre proposition est donc conforme au droit communautaire. Et, nous le savons, si cette directive ne passe pas, ce sera parce que son adoption requiert l’unanimité des vingt-sept États membres, et qu’il existe, en la matière, des blocages politiques.

Nous avons donc la possibilité – le droit européen nous le permet – de prendre une telle décision. Je vous rappelle, en outre, que nos collègues britanniques ont voté un dispositif comparable, qui s’applique dès cette année.

Par ailleurs – je vous renvoie à l’argumentaire de M. Karoutchi en ce domaine –, on nous avait répondu que l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, construisait des critères dans le cadre du projet de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, le fameux projet « BEPS », pour Base Erosion and Profit Shifting ; il fallait donc attendre que, les principes étant fixés, ces critères soient définis.

M. Karoutchi, qui a siégé dans cette instance, nous avait expliqué que les pays qui mettraient les premiers en œuvre de tels dispositifs finiraient par faire jurisprudence, si je puis dire, et seraient bien placés pour inciter les autres pays à adopter leurs pratiques. Il considérait donc comme important que la France montre l’exemple et que, si possible, l’Europe se mette d’accord sur les dispositifs, qui, une fois mis en œuvre, pourraient faire école au sein de l’OCDE.

C’est exactement ce que je vous propose de faire : réitérer le vote qui a déjà été celui du Sénat en le dotant de garanties techniques beaucoup plus fortes, puisqu’il s’agit de transcrire en droit français un projet de directive qui, hélas, risque de s’enliser à cause du réquisit d’unanimité des Vingt-Sept – nous savons que certains pays le bloqueront.

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