Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 29 novembre 2018 à 10h30
Financement de la sécurité sociale pour 2019 — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Olivier Dussopt :

L’on peut se féliciter que des points de convergence soient apparus sur certaines dispositions essentielles, ayant trait à la stratégie de transformation du système de santé ou encore à la reconnaissance de nouveaux droits pour nos concitoyens, mais ces progrès sont indissociables d’une politique d’ensemble cohérente permettant d’inscrire ces droits nouveaux dans le cadre d’une sécurité sociale durablement équilibrée.

Or le texte que vous aviez adopté mettait doublement en cause l’équilibre du projet initial. En effet, il dégradait le solde prévisionnel de plus de 700 millions d’euros et portait des options incompatibles avec les engagements que le Président de la République et la majorité de l’Assemblée nationale ont pris devant les Français.

J’illustrerai mon propos en trois points.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est l’un des premiers vecteurs du plan « Ma santé 2022 ». Il ne sera pas le seul puisque, comme je l’ai déjà indiqué, le Gouvernement soumettra au Parlement un projet de loi Santé dans le courant du premier semestre 2022. Mais il traduit d’ores et déjà un certain nombre de dispositions qui ont vocation à figurer dans une loi financière : la diversification des modes de financement, pour prendre mieux en compte la prévention et la qualité – nous commençons par l’hôpital, mais la même logique a vocation à s’appliquer aux soins de ville – ; l’extension du champ des expérimentations ouvertes par l’article 51 de la loi de financement pour 2018, pour susciter des innovations organisationnelles ; enfin, le renforcement des dispositifs qui incitent professionnels et établissements à améliorer la pertinence de leurs actes.

Ces mesures font largement consensus entre les deux chambres ; plusieurs d’entre elles ont d’ailleurs été adoptées conformes, ce dont le Gouvernement se félicite.

Ce projet de loi traduit notre volonté politique d’une mise en œuvre rapide des orientations du plan « Ma santé 2022 ». L’article 29 quater prévoit ainsi le lancement, dès le mois de janvier prochain, de deux négociations, l’une, interprofessionnelle, relative aux communautés professionnelles territoriales de santé, l’autre, avec les médecins, portant sur la création de 4 000 postes d’assistants médicaux.

Dès 2019, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, avec le projet de loi Santé, nous disposerons donc des outils et des financements pour mettre en œuvre une transformation en profondeur de l’organisation des soins de proximité dans notre pays.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est également, vous le savez, celui des droits nouveaux pour nos concitoyens, ces droits du quotidien qui sont l’essence même de la sécurité sociale.

Pour les familles, d’abord. Nous considérons en effet qu’une politique familiale efficace et attentive est celle qui adapte ses prestations à l’évolution des besoins et de la société.

Les familles avec un enfant en situation de handicap seront davantage aidées pour faire garder leur enfant. De même, l’aide à la garde sera maintenue à taux plein lorsque l’enfant atteint ses 3 ans, et ce jusqu’à sa scolarisation, car les besoins de garde restent les mêmes tant que l’enfant n’est pas entré à l’école.

Les droits des futures mères travailleuses indépendantes ou agricultrices seront alignés sur ceux des salariées, tout en restant adaptés à leur spécificité professionnelle. Le Gouvernement a soutenu à cet égard le rétablissement des dispositions conformes au rapport de la députée Marie-Pierre Rixain.

Enfin, également sur proposition des députés, les pères d’enfants prématurés bénéficieront d’un congé indemnisé pour faciliter l’organisation de la cellule familiale dans ces circonstances très particulières.

Le Parlement s’apprête également à consacrer dans ce projet de loi deux avancées sociales très importantes, particulièrement pour les personnes âgées.

Dès le 1er janvier prochain, le 100 % santé commencera à devenir réalité dans la vie quotidienne de tous les Français. À compter de cette date, les tarifs de remboursement des prothèses auditives seront revalorisés de 100 euros et le tarif des prothèses entrant dans le panier de soins sera plafonné, avec un gain moyen de 100 euros également.

À compter du 1er avril, les tarifs de certaines prothèses dentaires seront également limités, en même temps que les soins conservateurs seront revalorisés. Cette réforme est emblématique de l’orientation que nous voulons imprimer au système de santé, avec le primat donné, toujours et partout, à la prévention et à la diminution des barrières financières pour réduire les inégalités sociales de santé.

Dès l’année prochaine, l’aide à la complémentaire santé fusionnera avec la CMU complémentaire. C’est un progrès social immédiat pour 1, 2 million de nos concitoyens, et un progrès potentiel pour 3 millions d’entre eux, qui pourront faire valoir leur droit à une couverture intégrale de qualité.

Ces deux réformes ont été menées en concertation avec les professionnels et les assureurs complémentaires. Ce que nous avons recherché, c’est l’établissement d’un partenariat de confiance qui permette de conjuguer les efforts de tous, pour garantir aux Français une couverture de qualité et un accès effectif aux soins.

Cette démarche, qui privilégie la négociation et la concertation, nous la revendiquons comme un cadre permanent de méthode, qu’il s’agisse de la santé, de la retraite ou de l’autonomie dans le grand âge.

Elle est à rebours, vous en conviendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, des dispositions que vous avez introduites en première lecture et qui témoignent de divergences politiques essentielles.

La majorité sénatoriale a contesté le choix que nous avons fait d’une revalorisation différenciée des prestations. Mais quelle est l’alternative que vous proposez ? Un déficit accru et une vraie remise en cause des droits de nos concitoyens.

Votre proposition alternative, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une augmentation massive, de près de 5 points, de la taxe sur les contrats d’assurance complémentaire, soit 1, 5milliard d’euros de plus prélevés sur les Français, à l’encontre des ambitions portées par ce projet de loi de financement de la sécurité sociale en matière d’accès aux soins.

Votre proposition alternative, c’est un relèvement brutal de l’âge minimum légal de départ à la retraite, de 62 ans à 62 ans et 6 mois dès le 1er juillet prochain, et à 63 ans dès 2020, contraire à la fois aux engagements qui ont été pris et aux principes de bonne gouvernance, qui requièrent de garantir aux assurés une visibilité sur les évolutions à venir de leur système de retraite.

Telle est l’alternative que vous offrez. Aux yeux du Gouvernement, elle n’est ni équilibrée ni juste. C’est pourquoi le Gouvernement vous proposera, pour l’essentiel des dispositions de financement, le retour au texte adopté par l’Assemblée nationale.

La sécurité sociale est le reflet de notre société, elle accompagne son évolution. Elle doit être un cadre protecteur, équitable, stable, indépendant pour l’essentiel des statuts professionnels, au sein duquel chacun organise son parcours de vie.

Nous voulons assurer son équilibre et la désendetter, pour mieux la préparer aux défis démographiques de demain. Nous voulons élargir son champ, en réinvestissant massivement des domaines du soin jusqu’à présent délaissés et en créant de nouveaux droits pour les familles. Nous voulons la rendre plus universelle et plus équitable : grâce à la fusion du RSI dans le régime général, que vous avez adoptée en 2018, les travailleurs indépendants bénéficient de droits accrus et d’une qualité de service améliorée. Ils verront, à compter de l’an prochain, leur assurance maladie gérée dans les mêmes conditions que celles qui s’appliquent pour les salariés, avec les mêmes services.

Par les réformes engagées dans les domaines de la santé, de la retraite ou de l’autonomie, nous entendons construire l’État-providence du XXIe siècle.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale affermit le socle sur lequel ces projets peuvent être bâtis. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement propose de soutenir résolument un projet de loi de financement de la sécurité sociale de responsabilité et de progrès social. C’est peut-être aussi la raison pour laquelle nous constatons, à l’issue de la navette parlementaire, un certain nombre de divergences.

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