Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 29 novembre 2018 à 10h30
Financement de la sécurité sociale pour 2019 — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sans surprise, l’Assemblée nationale a rétabli l’essentiel du texte qu’elle avait adopté en première lecture, même si, monsieur le rapporteur général, vous avez pu considérer que la navette parlementaire avait été « utile et, dans une certaine mesure, fructueuse sur quelques mesures concrètes. »

Il convient de souligner ce point, au moment où l’utilité du Sénat est de nouveau mise en cause et où certains de nos concitoyens demandent, dans des émissions de télévision, la « destitution » de notre institution.

Sans surprise, également, l’examen de ce texte par notre assemblée sera interrompu. C’est désormais une habitude. Sans doute faut-il regretter que le fonctionnement du bicamérisme n’épuise pas toutes ses possibilités et que des convergences ne puissent apparaître sur un sujet aussi central que la santé.

Mais nos débats ont aussi permis de présenter des visions très différentes de l’avenir de notre protection sociale. C’est ainsi que la démocratie se nourrit de la confrontation d’opinions distinctes et opposées.

Je voudrais insister sur deux points.

Tout d’abord, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur général, il n’y a plus d’excédent, ou plus vraiment. Le solde consolidé des régimes obligatoires de base de sécurité sociale fait apparaître, pour 2019, un déficit de 200 millions d’euros, au lieu de l’excédent de 400 millions d’euros prévu initialement. Certes, l’impact est symbolique. Il renforce néanmoins l’incertitude sur l’avenir et conforte le jugement de fragilité que peut susciter un équilibre qui ne concerne plus désormais que le régime général. En effet, nous le savons, les comptes seront à l’avenir très dépendants de la conjoncture nationale et internationale et de la situation économique.

Ensuite, je veux insister, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessité de l’écoute et du dialogue à tous les niveaux de notre société, et donc bien sûr au sein du Parlement. Votre gouvernement a trop souvent négligé, pour ne pas dire plus, ceux que l’on nomme habituellement les « corps intermédiaires ». Ce n’est pas ainsi que doit fonctionner une démocratie moderne, efficace, équilibrée et apaisée !

Tout au long des débats, les membres du groupe socialiste et républicain se sont exprimés sur deux sujets fondamentaux.

Tout d’abord, nous nous sommes résolument opposés à ce que le rapporteur général de l’Assemblée nationale a pudiquement appelé la « revalorisation différenciée » des prestations sociales. En réalité, il s’agit d’un quasi-gel des pensions de retraite et d’invalidité et des allocations familiales.

Nous le disons et le redisons, une telle mesure est incompréhensible et inacceptable. En miroir de la suppression de l’impôt sur la fortune, dans le contexte de mouvements de gronde et de révolte sociale sur le thème du pouvoir d’achat, alors que les inégalités continuent de se creuser dans le monde et qu’elles ne se réduisent pas dans notre pays, cette mesure induit l’appauvrissement des personnes âgées et des familles et contient les germes d’une rupture durable de notre cohésion sociale et des menaces pour notre démocratie.

Nous nous sommes également interrogés sur la « bercysation » de la sécurité sociale, pour reprendre le mot de M. le président de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’une sorte de dilution des différentes branches dans ce qui serait un grand ensemble de la protection sociale incluant les retraites complémentaires et l’assurance chômage.

La règle d’or de la compensation des exonérations par le budget de l’État est mise à mal. La CSG et la TVA se substituent de manière significative aux cotisations. Les excédents futurs, hypothétiques, sont préemptés par le budget de l’État.

Ainsi, la loi de financement pour 2019, qui aurait pu s’inscrire dans l’histoire comme celle du retour à l’équilibre, pourrait être celle de l’amorce d’un virage vers un modèle anglo-saxon, qui limite la protection sociale publique à un filet de sécurité pour les plus démunis.

Ce débat est essentiel, il doit être mené. Le caractère universel des prestations, historique pour la branche famille, maintenant atteint pour la santé et envisagé par la prochaine réforme des retraites, ne peut être synonyme de nivellement des prestations par le bas. Sinon, le « nouvel État-providence du XXIe siècle » annoncé par le Président de la République ne serait que le « chant du cygne » de la sécurité sociale de 1945.

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